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Le Renard et les Poulets d’Inde

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Fables choisies, mises en versClaude BarbinLivre xii (p. 86-88).

XVIII.

Le Renard & les Poulets d’Inde

Contre les aſſauts d’un Renard
Un arbre à des Dindons ſervoit de citadelle.
Le perfide aïant fait tout le tour du rempart,
Et vû chacun en ſentinelle,

S’écria : Quoi ces gens ſe mocqueront de moi !
Eux ſeuls ſeront exemts de la commune loi !
Non, par tous les Dieux, non. Il accomplit ſon dire.
La Lune alors luiſant ſembloit contre le Sire
Vouloir favoriſer la Dindonniere gent.
Lui qui n’étoit novice au métier d’aſſiégeant
Eut recours à ſon ſac de ruſes ſcelerates :
Feignit vouloir gravir, ſe guinda ſur ſes pattes,
Puis contrefit le mort, puis le reſſuſcité.
Harlequin n’eût executé
Tant de differens perſonnages.
Il élevoit ſa queuë, il la faiſoit briller,
Et cent mille autres badinages.

Pendant quoi nul Dindon n’eût osé ſommeiller.
L’ennemi les laſſoit en leur tenant la vûë
Sur même objet toûjours tenduë.
Les pauvres gens étant à la longue éblouïs,
Toûjours il en tomboit quelqu’un ; autant de pris ;
Autant de mis à part : prés de moitié ſuccombe.
Le Compagnon les porte en ſon garde-manger.
Le trop d’attention qu’on a pour le danger
Fait le plus ſouvent qu’on y tombe.