Le Repos du soir

La bibliothèque libre.
Alexandre Houssiaux (Tome IIIp. 117-119).


LE REPOS DU SOIR


 
Quand le soleil se couche horizontal,
De longs rayons noyant la plaine immense,
Comme un blé mûr, le ciel occidental
De pourpre vive et d’or pur se nuance ;
L’ombre est plus grande et la clarté s’éteint
Sur le versant des pentes opposées ;
Enfin, le ciel, par degrés, se déteint,
Le jour s’efface en des brumes rosées.

          Reposons-nous !
      Le repos est si doux :
      Que la peine sommeille
      Jusqu’à l’aube vermeille !

Dans le sillon, la charrue, au repos,
Attend l’aurore et la terre mouillée ;
Bergers, comptez et parquez les troupeaux,
L’oiseau s’endort dans l’épaisse feuillée.
Gaules en main, bergères, aux doux yeux,
À l’eau des gués mènent leurs bêtes boire ;
Les laboureurs vont délier les bœufs,
Et les chevaux soufflent dans la mangeoire.

          Reposons-nous !
      Le repos est si doux :
      Que la peine sommeille
      Jusqu’à l’aube vermeille !

Tous les fuseaux s’arrêtent dans les doigts,
La lampe brille, une blanche fumée
Dans l’air du soir monte de tous les toits ;
C’est du repas l’annonce accoutumée.
Les ouvriers, si las, quand vient la nuit,
Peuvent partir ; enfin, la cloche sonne,
Ils vont gagner leur modeste réduit,
Où, sur le feu, la marmite bouillonne.

          Reposons-nous !
      Le repos est si doux :
      Que la peine sommeille
      Jusqu’à l’aube vermeille !

La ménagère et les enfants sont là,
Du chef de l’âtre attendant la présence :
Dès qu’il paraît, un grand cri : « Le voilà ! »
S’élève au ciel, comme en réjouissance ;
De bons baisers, la soupe, un doigt de vin,
Rendent la joie à sa figure blême ;
Il peut dormir, ses enfants ont du pain,
Et n’a-t-il pas une femme qui l’aime ?

          Reposons-nous !
      Le repos est si doux :
      Que la peine sommeille
      Jusqu’à l’aube vermeille !


Tous les foyers s’éteignent lentement ;
Dans le lointain, une usine, qui fume,
Pousse de terre un sourd mugissement ;
Les lourds marteaux expirent sur l’enclume.
Ah ! détournons nos âmes du vain bruit,
Et nos regards du faux éclat des villes :
Endormons-nous sous l’aile de la nuit
Qui mène en rond ses étoiles tranquilles !

          Reposons-nous !
      Le repos est si doux :
      Que la peine sommeille
      Jusqu’à l’aube vermeille !