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Le Rhin français/19

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Attinger Frères (p. 61-66).

XIX

Attaque brusque, pivôt solide, aile marchante.

Par une aberration sans nom, les Teutons ont tout réduit à la question stratégique : arts, sciences, doctrines, philosophies, religions. Enrégimentés dès l’école, sinon depuis leur naissance, et jusqu’à leur vieillesse, ils ont militarisé toute l’action comme toute la pensée.

En 1871, ils eurent l’occasion de monumenter par les faits leur fameuse devise : « Aussi loin que sonne la langue allemande et qu’elle chante des hymnes à Dieu dans le ciel…[1] et partout où la colère écrase le clinquant des Welches (des Français)[2], là est l’Allemagne. »

Cette devise est empruntée à un chant célèbre du parfait Franzosenfresser[3], qui s’appelait Arndt :


Où est la patrie allemande ? Est-ce la Prusse ? Est-ce la Bavière ? Est-ce là où la mouette vole sur le Belt ? Est-ce là où la vigne fleurit le long du Rhin ? Oh ! non, non, non ! La patrie des Allemands doit être plus grande que tout cela[4].


Suit la kyrielle des contrées allemandes ou considérées comme telles, parmi lesquelles l’Autriche, « riche en honneur et en victoires[5] ».

Arrive enfin le refrain, la conclusion : « Ainsi doit être, ainsi doit être l’Allemagne intégrale[6] ».

Par cette définition même, devenue un axiome pour tous les Teutons et Teutonomanes, les vainqueurs de 1870-1871 auraient dû nous laisser la Lorraine messine et les têtes des vallées d’Alsace penchées vers l’Ille, affluent du Rhin, y compris celle de la Bruche, qui mène droit à Strasbourg : en tout quelques centaines de milliers d’hectares et d’habitants.

Alors intervint la raison majeure, la raison suprême, l’unique raison, la raison militaire.

Pour les profiteurs de ce qu’on avait alors l’ingénuité de nommer la « grande guerre », il s’agissait de n’avoir plus à franchir les Vosges, au cas, déjà prévu sans doute, où l’on marcherait de nouveau sur Paris. Pour tourner ces monts pastoraux et sylvestre, il fallait Metz ; ils gardèrent Metz et son ample banlieue.

Ce faisant, ils ont sanctionné notre poussée jusqu’au Rhin. À notre tour, il nous convient fort de n’avoir pas à conquérir ces Vosges et leurs prolongements septentrionaux et le Hunsrück et l’Eifel et l’Ardenne. Grande épargne de sang, de tués, de mutilés, de prisonniers, de disparus, si, quelque jour, un nouvel halluciné de là-bas, qui ne verra que lui dans le monde, ouvre la porte du cimetière à des millions de jeunes hommes, de trentenaires et de quadragénaires.

Il importe grandement que Paris, but de leurs désirs fous, soit plus loin de leurs armées, et Berlin plus près des nôtres. De la frontière d’avant 1870-1871 à la capitale des Français on comptait bien près de 100 lieues ; à partir de la frontière nouvelle, les reîtres et lansquenets ont eu trente-cinq lieues de moins à trimer sur les « routes de la gloire ». En Alsace nous rétablirons l’ancienne distance, et plus au nord, sur le chemin des territoires neutres violés, nous ferons plus que la doubler : de 175 à 180 kilomètres à plus de 400. La tentation d’arriver à notre nœud vital par les vallées de la Meuse, de la Sambre et de l’Oise en sera deux fois moins forte, et la réalisation deux fois plus malaisée.

Donc, à côté de l’intérêt moral qu’a la punition du malfaiteur, qui est en même temps l’ennemi de tout le genre humain, l’intérêt stratégique nous invite à redevenir riverains du fleuve au flot glauque.

  1. So weit die Deutsche Zunge klingt
    Und Gott im Himmel Lieder singt.

  2. Wo Mann vertilgt den Welschen Tand.
  3. Mangeur de Français.
  4. Was ist das Deutschen Vaterland ?
    Ist’s Preussenland ? Ist’s Bayerland ?
    Ist’s wo am Belt die Möwe zieht ?
    Ist’s wo am Rhein die Rebe bluht ?
    O nein, o nein, o nein !
    Sein Vaterland muss grösser sein !

  5. Österreich — am Ehren und Siegen reich.
  6. Das soll es seyn, das soll es seyn,
    Das ganze Deutschland soll es seyn !