Le Roi Carotte/Acte III

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ACTE TROISIÈME.

NEUVIÈME TABLEAU.
UNE SALLE DU PALAIS DE CAROTTE.
LE CONSEIL DES MINISTRES.


Scène PREMIÈRE.

CAROTTE et sa Suite, KOFFRE, TRAC, SCHOPP, PIPERTRUNCK.

(Carotte entre suivi des radis, navets, etc., abattu, ridé, le panache flétri. — Sa suite emboîte le pas dans le même état. — Les ministres suivent en regardant le cortége avec désespoir. — Carotte tombe dans un fauteuil, dans un état de prostration complète.)

KOFFRE.

Affreux spectacle ! Voilà donc à quel état est réduit le plus glorieux des monarques !

TRAC.

Quel marasme !…

PIPERTRUNCK, à lui-même.

J’ai lâché l’autre un peu trop tôt !

SCHOPP.

Depuis que la sorcière a disparu…

TRAC.

Son prestige s’en va, s’en va, s’en va !

PIPERTRUNCK.

Et ces légumes !… décolorés, avachis !

KOFFRE.

Quel entourage !

PIPERTRUNCK.

Un potager dans la canicule !

SCHOPP.
Le peuple s’étonne !
TRAC.

Il murmure !

KOFFRE.

Réveillons-le à tout prix !

PIPERTRUNCH.

Secouons-le !

TRAC, à Carotte.

Sire, vos ministres dévoués !…

CAROTTE, miaulant un cri plaintif

Houé !

KOFFRE, redescendant.

Va te promener !… c’est tout ce qu’on en lire !… (La queue s’agite.)

PIPERTRUNCK, la recevant dans le nez.

Ah ! sapristi !… votre queue !…

KOFFRE.

Ne m’en parlez pas !… elle a dû être mordue c’est une agitation !… des soubresauts !… Elle a la fièvre.

SCHOPP.

Ça lui aura tourné les sens !

TRAC, inquiet.

Diable ! mais il faut soigner ça ! Il n’y a rien de mauvais comme une perruque malade !

KOFFRE.

Bon ! bon ! Je consulterai !… mais, en attendant, nous perdons notre temps ; et vous voyez l’état de la monarchie… Délibérons sur les mesures à prendre !

PIPERTRUNCK.

D’urgence !… Car les bruits les plus fàcheux circulent dans la ville… on va jusqu’à dire que nous avons fait de lui et sa cour un immense pot-au-feu.

SCHOPP.

Que faire ?

PIPERTRUNCK.

J’ai une idée !

TOUS, étonnée.

Ah !

PSITT, accourant.
La princesse !

Scène II.

Les Mêmes, CUNÉGONDE.
PIPERTRUNCK.

Ah !… c’est le ciel qui l’envoie !… ça rentre dans mon idée !… Sublime princesse !… Il n’y a que vous pour sauver la monarchie !

CUNÉGONDE.

Moi !

PIPERTRUNCK.

Vous !… Il faut absolument que vous décidiez Son Altesse à se montrer au peuple !

CUNÉGONDE.

Je venais justement pour ça !

TRAC.

Comme ça se trouve !

KOFFRE, mécontent.

Le montrer… abruti comme il est !

CUNÉGONDE, indignée, courant à Carotte.

Abruti !… Oser me dire que mon honoré prince est abruti !

KOFFRE.

Dame ! il me semble que…

CUNÉGONDE, entourant Carotte de ses bras.

Tu entends, mon chérubin !… Toi, mon héros, mon idole !

COUPLETS DU PANACHE
I.
––––––Mon gros chéri, mon petit roi,
––––––Montreras-tu du caractère,
––––––Ne feras-tu donc rien pour moi,
––––––N’as-tu plus souci de me plaire !
––––––Je t’ai bien aimé, mais pourtant
––––––Si je te voyais du courage,
––––––Je t’aimerais tant, tant, tant, tant,
––––––Qu’on ne peut aimer davantage.
––––––––Redresse ton panache,
––––––––Reprends ton air bravache,
––––––––Fût-ce à coups de cravache,
––––––––––––Détruis
–––––––––––Nos ennemis !
––––––––Ou si tu n’es qu’un lâche
––––––––A la fin je me fâche
––––––––Et morbleu ! je te lâche !
II.
––––––Que faut-il donc, mon gros pacha,
––––––Pour secouer ton indolence ?
––––––Faut-il danser la cachucha,
––––––Faut-il chanter une romance ?
––––––Faut-il un regard, un souris ?
––––––Faut-il un baiser ? viens le prendre.
––––––Et même avant qu’il ne soit pris,
––––––Tiens, je consens à te le rendre.
––––––––Redresse ton panache, etc.
CUNÉGONDE, lui redressant son panache.

Pauvre bijou, va ! Est-il beau !… Voyez comme il me reconnaît !… comme il retrouve sa Cunégonde avec joie !…

CAROTTE.

Oie !…

KOFFRE, ingénument.

C’est vrai !… Il vous reconnaît !

CUNÉGONDE, essayant de le mettre debout.

Allons ! debout !… mon bijou ! (Carotte retombe.)

KOFFRE.

Comme ça !…

CUNÉGONDE.

Pourquoi pas ?

KOFFRE.

Mais, princesse… mais regardez… cette touffe qui lui pend du crâne !

CAROTTE.

Ane !

PIPERTRUNCK.

Il a des moments lucides !… mais ça ne dure pas !

CUNÉGONDE, redressant la houppe.

Ce n’est rien… Nous lui planterons là dedans un fil de fer… et il marchera !… Allons, houp !…

KOFFRE.

Mais !…

CUNÉGONDE.

Je vous dis qu’il marchera ! cordiable ! ou j’y perdrai mon nom !

CAROTTE.

Non !

CUNÉGONDE.
Si ! (Elle le met debout.) Empoignez-lui le bras droit, baron !… Vous, le gauche, maréchal ! Là, maintenant, en route !…
KOFFRE, exaspéré.

Et s’il tombe !

CUNÉGONDE.

S’il tombe, ma foi… Alors comme alors !… Tenez ferme, conseiller !

KOFFRE, hors de lui.

Mais c’est insensé ! — Voilà comme on démolit une dynastie !…

PIPERTRUNCK.

Baron, calmez-vous !… Vous prenez feu !

KOFFRE.

C’est absurde !…

TRAC.

Votre queue s’agite !

KOFFRE.

Il y a de quoi ! (La queue s’agite, s’allonge et s’agite avec fureur.)

PIPERTRUNCK.

Mais voyez donc !… Grand Dieu !

KOFFRE.

Hein !

PIPERTRUNCK.

Elle est enragée !

TOUS.

Enragée !…

CUNÉGONDE.

Sauve qui peut !…

KOFFRE.

Enragée ! ma perruque !… Juste ciel !… mais oui !… Ils ont raison ! (La queue prend feu.) Au feu ! au feu !… (Il court effaré sur la scène, tout le monde fuyant devant lui, et finit par s’élancer dehors.)

PIPERTRUNCK, seul.

Vous comprenez le nouveau mouvement stratégique que j’opère, n’est-ce pas ? Oui !… Eh bien ! vous y êtes ! (Il se sauve par la gauche. — Le décor change.)


DIXIÈME TABLEAU.
LA RÉVOLTE.

Une place de Krokodyne. — Marché. — Grand escalier au fond. — Café à gauche. — À droite, au premier plan, tables, bancs et étalages de marchands. — Du monde partout au marché et aux tables du café.



Scène PREMIÈRE.

Bourgeois, Bourgeoises, Marchands, Marchandes, Étudiants, Étudiantes, dans le café, Enfants, puis FRIDOLIN, ROBIN, ROSÉE-DU-SOIR, TRUCK, en musiciens ambulants, avec un singe.
CHŒUR.
BOURGEOIS, BOURGEOISES, ACHETEURS, MARCHANDS ET MARCHANDES.
––––––Le marché s’anime et s’éveille
––––––Aux premiers rayons du matin !
––––––Fleurs et fruits : c’est une corbeille,
––––––Fleurs et fruits : c’est un vrai jardin !
DES ENFANTS, accourant avec des cris de joie.

Un singe !

FRIDOLIN, entrant avec Rosée-du-Soir, Robin, Truck, couvert d’un manteau.

Mon royaume !… ma capitale !… Enfin, mes amis ! nous y sommes !

ROSÉE-DU-SOIR, en femme.

Déguisés, inconnus !

FRIDOLIN.

Oh ! je me ferai connaître !

ROBIN, vivement.

Pas encore ! Donnez-vous patience, mon prince, et pour le moment, jouons du singe !

FRIDOLIN, surpris.

Du singe !

ROBIN.
Oui, oui ! c’est encore de la politique ! vous allez voir ! Attention !
LA RÉVOLTE.
UNE BOURGEOISE, marchandant.
––––––––––Combien ces œufs ?
LA MARCHANDE.
––––––––––Six sous les deux !
PREMIÈRE BOURGEOISE, se récriant.
––––––––––Six sous deux œufs !
DEUXIÈME BOURGEOISE, survenant avec son mari.
––––––––––C’est monstrueux !
PREMIER BOURGEOIS.
––––––Au temps jadis, en cette ville,
––––––On avait deux œufs pour trois sous !
DEUXIÈME BOURGEOIS.
––––––La vie autrefois si facile
––––––Nous coûte aujourd’hui des prix fous !
LES MARCHANDES, riant et se moquant.
––––––Vieux cornichons !
LES BOURGEOIS.
––––––Vieux cornichons ! Vieilles mégères !
LES MARCHANDS ET LES MARCHANDES, raillant.
–––––––Ça prétend nous faire la loi !
BOURGEOIS ET BOURGEOISES.
–––––––L’audace de ces fruitières
–––––––Depuis qu’un légume est roi !
TOUS.
––––––––Ah ! quel gouvernement !
––––––Ça ne peut pas durer vraiment !
SERGENTS DE VILLE, arrivant.
––––––––––Allons ! allons !
––––––––Circulons ! circulons !

(Ils bousculent les passante pour les faire circuler.)

PREMIÈRE BOURGEOISE, bousculée.
––––––Oh ! le butor !
PREMIER BOURGEOIS, son mari, rageur et menaçant le sergent de ville.
––––––Oh ! le butor ! Pincer madame !
LE BRIGADIER, le faisant pirouetter.
––––––Silence ou gare à la prison !
LA FEMME, terrible.
––––––Essayez donc !
LES ÉTUDIANTS, du café.
––––––Essayez donc ! Bravo ! la femme !
LES ÉTUDIANTES, debout sur les tables.
––––––Bravo ! la vieille !
TOUS.
––––––Bravo ! la vieille ! Elle a raison !

(Les sergents intimidés remontent. — Pipertrunck parait et se faufile dans la foule.)

PREMIER BOURGEOIS.
–––––––De tous nos droits on se moque !
DEUXIÈME BOURGEOIS.
–––––––La police est faite ainsi !
ROBIN.
–––––––Ah ! quel règne ! ah ! quelle époque !
PIPERTRUNCK.
–––––––Ah ! quel temps que celui-ci !
FRIDOLIN.
–––––––Les finances en déroute !
TRUCK ET PIPERTRUNCK.
–––––––Et les impôts les plus lourds !
LES MARCHANDES.
–––––––Plus d’argent ! la banqueroute !
ROBIN.
–––––––Et la rente au plus bas cours !
TOUS.
––––––––Ah ! quel gouvernement !
––––––Ça ne peut pas durer vraiment !
LADISLAS ET LES ÉTUDIANTS.
–––––––Le tabac n’est plus fumable !
LES BOURGEOISES.
–––––––Les loyers sont renchéris !
LES ÉTUDIANTES.
–––––––La bière n’est plus buvable !
FRIDOLIN, ROBIN, TRUCK, ROSÉE-DU-SOIR, PIPERTRUNCK.
–––––––Tout est mauvais, hors de prix !
VIEUX BOURGEOIS.
–––––––Plus de plaisirs, plus de fêtes !
VIEILLES BOURGEOISES.
–––––––Plus de joie et plus d’amour !
LES VIEUX, montrant leurs crânes chauves
–––––––Plus de cheveux sur la tête !
LES VIEILLES.
–––––––Et la grippe tous les jours !
TOUS.
––––––––Ah ! quel gouvernement !

(Une patrouille passe au fond. Ils baissent la voix.)

––––––Ça ne peut pas durer vraiment !

(Sons de trompette.)

TOUS.
––––––––––––Silence !
LE HÉRAUT.
––––––––––––Défense
––––Au nom du roi de former un seul groupe.
SERGENTS DE VILLE.
––––––––––Allons ! allons !
––––––––Circulons ! circulons !

(Ils rebousculent.)

FRIDOLIN, ROBIN, LADISLAS, LES ÉTUDIANTS
exaspérés.
–––––––––––On nous chasse
–––––––––––De la place !
LES SERGENTS.
–––––––––––Circulons !
LADISLAS.
–––––––––––Je proteste !
–––––––––––Et je reste !
TOUS.
–––––––––––Nous restons !
LE BRIGADIER.
–––––––––––Qu’on arrête
–––––––––––Ce braillard !
LADISLAS.
–––––––––––Vieille bête
–––––––––––De mouchard,
–––––––––––––Tiens !

(Il lui donne une bourrade.)

LE BRIGADIER.
––––––––––––Main-forte,
–––––––––––Tous mes gens !
TOUS.
–––––––––––A la porte
–––––––––––Les sergents !
LE BRIGADIER.
–––––––––––Ah ! canaille !
LES ÉTUDIANTS.
–––––––––––En bataille !
LES SERGENTS.
––––––––––––Coquins !
LES ÉTUDIANTS.
––––––––––––Faquins !
LES SERGENTS.
––––––––––––Chargeons !
LES ÉTUDIANTS.
––––––––––––Marchons !
(Au montent où ils vont s’élancer, des soldats garnissent l’escalier. La foule recule.)
TOUS.
–––––––––Des soldats partout !

Citoyens, debout !

ROBIN, FRIDOLIN, ROSÉE, TRUCK
à l’écart, à demi-voix.
–––––––––Ça court à la ronde,
–––––––––Ça grossit déjà !
–––––––––Ça ronfle, ça gronde,
–––––––––Ça chauffe, ça va !
REPRISE AVEC TOUT LE CHŒUR, à demi-voix.
–––––––––Ça court à la ronde, etc.
ROBIN, montrant les soldats, à demi-voix.
––––––Amis, souffrirons-nous cela ?
FRIDOLIN, de même.
––––––Un tyran nous écrasera !
PIPERTRUNCK.
––––––Une carotte régnera !
TOUS.
––––––Plutôt mourir que souffrir ça !…
PIPERTRUNCK.
I.
––––––––––Point de fracas,
––––––––––Et sans éclats,
––––––––––Sans cris, tout bas,
––––––––––––Tout bas !
––––––––––Bourgeois, soldats,
––––––––––Armons nos bras,
––––––––––––Nos bras
––––––––––Pour les combats.
––––––––Assez de ce despote !
––––––––Assez du roi Carotte !
––––––––Puisqu’il nous pousse à bout
––––––––––Amis ! debout !
––––––––––Amis ! debout !
––––––––––A bas le tyran !
––––––A bas, à bas le charlatan !
–––––––––Carottes, radis,
–––––––––Légumes maudits,
––––Réduisons tout en purée, en salmis.
TOUS.
–––––––––A bas le tyran ! etc.
II.
––––––––––Bourgeois, soldats,
––––––––––Pour les combats,
––––––––––Armons nos bras,
––––––––––––Nos bras !
––––––––––O liberté !
––––––––––Avec fierté
––––––––––––Nos pas
––––––––––Suivront tes pas !…
––––––––Assez de tyrannie !
––––––––Vengeons notre patrie
––––––––Des maux qu’elle a soufferts,
––––––––––Brisons ses fers !…
TOUS.
–––––––––À bas le tyran ! etc.

Scène II.

Les Mêmes, TRAC, SCHOPP, KOFFRE, CUNÉGONDE.
TRAC, KOFFRE, SCHOPP, CUNÉGONDE.

(Ils paraissent au sommet de l’escalier. Pipertrunck les rejoint, et Cunégonde au milieu, se donnant tous le bras, ils descendent majestueusement les marches, en chantant.)

––––Peuple éclairé ! clairvoyant ! infaillible !
––––Avec raison, tu démolis ton roi.
––––Peuple vaillant, tu seras invincible !
––––Le cabinet va marcher avec toi !
TOUS.
––––––––Vive le cabinet !
PIPERTRUNCK, aux sergents de ville.
––––––Gardiens de l’ordre et du bon droit,
––––––A vous l’honneur de les combattre !

(Les sergents passent du côté des étudiants et fraternisent.)

TRAC, aux soldats.
––––––Braves soldats ! par le flanc droit !
––––––Par le flanc gauche ! en avant quatre !

(Même jeu des soldats avec les bourgeois. — Tambours. — Une musique militaire et des soldats paraissent au fond. Pendant ce temps, des armes passent de mains en mains, et chacun a la sienne.)

TOUS.
––––––Vive l’armée !
ROBIN.
––––––Vive l’armée ! Et plus d’alarmes !
––––––Car la musique est avec nous !
FRIDOLIN.
––––––––––––Aux armes !
TOUS.
––––––––––––Aux armes !
FRIDOLIN, jetant son manteau.
––––––Amis, me reconnaissez-vous ?
TOUS.
–––––––––––Fridolin !
FRIDOLIN, tirent l’épée.
––––––De l’enfer conjurons les charmes,
––––––Et, le fer au poing, terrassons,
–––––––––––Écrasons
–––––––––––Ces démons
LES QUATRE MINISTRES.
–––––––––Vive le vrai roi !
TOUS, agitant leurs armes.
–––––––––Vive le vrai roi !
––––––––––––Aux armes !
REPRISE.
––––––––––Bourgeois, soldats,
––––––––––Pour les combats,
––––––––––Armons nos bras !
––––––––––O liberté,
––––––––––Avec fierté,
––––––––––––Nos pas
––––––––––Suivront tes pas !
––––––––Assez de tyrannie !
––––––––Vengeons notre patrie
––––––––Des maux qu’elle a soufferts.
––––––––––Brisons ses fers ! (bis)
–––––––––A bas le tyran !

(Tambour, tocsin. Fridolin s’élance sur l’escalier et sort, suivi des combattants. — Au même instant, Coloquinte sort de terre et Carotte parait fuyant avec ses légumes. — Le singe, effrayé, rompt sa chaîne. — Le canon et le tocsin continuent dans la coulisse jusqu’au tableau suivant.)


Scène III.

COLOQUINTE, CAROTTE, ROSÉE-DU-SOIR, restée à l’écart.
CAROTTE, épouvanté, tombant à plat ventre. — Tous les légumes l’imitent.

J’abdique !

COLOQUINTE.

Te voilà donc, gnome stupide !

CAROTTE.

Coloquinte !

COLOQUINTE.
Lâche avorton ! ne t’ai-je pas dit qu’aucune main humaine n’avait pouvoir sur ta vie !
CAROTTE, rassuré.

Oui.

COLOQUINTE.

Eh bien ! que crains-tu alors, et surtout moi présente ? (Le relevant.) Debout !… et tête à l’orage. (Elle étend sa baguette. Les panaches se redressent.)

CAROTTE, fièrement.

Debout ! (A la vue de ce beau panache, le singe saute sur Carotte et lui arrache la houppe verte. Détonation. Carotte pousse un cri et s’engloutit, tandis que le singe croque les feuilles. Tous les légumes se sauvent.)

COLOQUINTE.

Malédiction ! Tout est perdu !

ROBIN, apparaissant en costume de génie ; à Coloquinte.

Ce n’est pas une main humaine, ma chère, vous n’avez rien à dire ! (Coloquinte s’engloutit.) Bonsoir, Coloquinte !

ROSÉE-DU-SOIR, radieuse.

Oh ! bon génie ! merci !

ROBIN, montrant le singe.

Grâce à lui !… Princesse !

ROSÉE-DU-SOIR, dont le costume change.

Princesse ?

ROBIN.

Oui, oui, je vous conterai cela ! Victoire à nous. Toute la ville acclame Fridolin triomphant ! Allons, princesse, au-devant de votre royal époux ! — (Le décor change.)


ONZIÈME ET DERNIER TABLEAU.
LE TRIOMPHE DE FRIDOLIN.

Un palais magnifique, tout décoré de cariatides vivantes. — Fridolin en costume militaire, debout au sommet d’un grand escalier, reçoit les hommages de tout le peuple qui agite ses armes et des drapeaux.


FRIDOLIN, CUNÉGONDE, ROSÉE-DU-SOIR, ROBIN, TRUCK, PSITT, PIPERTRUNCK, KOFFRE, TRAC, SCHOPP, MESDAMES PIPERTRUNCK, KOFFRE, TRAC et SCHOPP.
CHŒUR.
–––––––Sonnez, cloches et clochettes !
–––––––Sonnez, carillons joyeux !
–––––––Sonnez, clairons et trompettes !
–––––––Le ciel a comblé nos vœux

(Robin conduit Rosée-du-Soir à Fridolin. L’enthousiasme des ministre est à son comble.)

FRIDOLIN, descendant avec Rosée-du-Soir, à Cunégonde.

Mes compliments à votre père, madame !

CUNÉGONDE, fièrement.

Mademoiselle, s’il vous plaît !

FRIDOLIN.

Ah ! bah !

ROBIN.

Franchement, elle a raison, ceci ne peut pas compter. (Il tire du sol le roi Carotte, ridé, fané, mort, avec de petits bras et de petites jambes en racines.)

CUNÉGONDE.

Horreur !… Et j’ai aimé ça !

ROBIN.
––––––––––––Voici (bis)
––––––––––Le roi Carotte.
–––––––––––Sapristi !
––––––Il a la mine un peu pâlotte.
TOUS.
––––––––––––Voici, etc.

(Robin laisse tomber la carotte qui disparaît sous terre.)

REPRISE DU CHANT DE LA RÉVOLTE.

(Tout splendidement. — apothéose. — Tableau, etc.)



FIN.