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Le Roman bourgeois/8

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Je n’entends pas parler de ces sortes de procès (dit alors Collantine), Dieu m’en garde ! il n’y a rien de si dangereux que d’estre deffendeur en matière criminelle ; mais je parle de ces droits litigieux qu’on achepte à bon marché de gens foibles et ignorans des affaires, dont les plus embrouïllez sont les meilleurs. Car on n’a qu’à se faire recevoir partie intervenante, et pourvu qu’on sçache bien faire des incidens et des chicanes, tantost se ranger d’un party et tantost de l’autre, il faut enfin que les autres parties acheptent la paix, à quelque prix que ce soit. Tel est le mestier dont je subsiste il y a longtemps, et dont je me trouve fort bien. J’ay des-ja ruiné sept gros paysans et quatre familles bourgeoises, et il y a trois gentilshommes que je tiens au cul et aux chausses. Si Dieu me fait la grace de vivre, je les veux faire aller à l’hospital. Collantine commençoit des-ja à leur vouloir conter ses exploits, tant en gros qu’en détail, et n’eust finy de longtemps, quand elle fut interrompuë par Belastre, qui luy dit : Sans aller plus loin, vous me faites faire une belle experience de ce que vous sçavez faire. Il y a assez long-temps que vous me chicanez, sous pretexte d’une vieille recherche de droits dont il ne vous en est pas deub un carolus. Quoy (repliqua chaudement Collantine) ! vous ne me devez rien ? Estes-vous assez hardy pour le soustenir ? Je vous vais bientost montrer le contraire. Je m’en rapporte à Monsieur (dit-elle en monstrant Charroselles) ; il en jugera luy-mesme. Ce fut lors qu’ils se mirent tous deux en devoir de conter tous les procès et differens qu’ils avoient ensemble, en la presence de Charroselles, comme s’il eust esté leur juge naturel. Ils prirent tous deux la parole en mesme temps, plaiderent, haranguerent et contesterent, sans que pas un voulust escouter son compagnon. C’est une coustume assez ordinaire aux plaideurs de prendre pour juge le premier venu, de plaider leur cause sur le champ devant luy, et de s’en vouloir rapporter à ce qu’il en dira, sans que cela aboutisse néantmoins à sentence ny à transaction ; de sorte que, si on avoit déduit au long cet incident, il n’auroit point du tout choqué la vray-semblance. Mais cela auroit esté fort plaisant à entendre, et le seroit peu à reciter. À peine s’estoient-ils accordez à qui parleroit le premier (car la contestation fut longue sur ce point), quand on ouyt heurter à la porte. C’estoit le greffier de Belastre, qui l’estoit venu trouver chez Collantine, sçachant qu’il y estoit, pour luy faire signer la minutte d’un inventaire qu’il venoit d’achever ; et outre le procès verbal de scellé qu’il tenoit en main, il avoit encore sous le bras un fort gros sac, contenant tous les papiers inventoriez, qui devoient estre deposez au greffe pour la seureté des vacations des officiers. Son arrivée fit faire trefve à ces deux parties plaidantes, et apres qu’il eut eu une petite audiance en particulier de Belastre, ce greffier (qu’on avoit appellé Volaterran, parce qu’il voloit toute la terre) donna son procès verbal à signer à ce venerable magistrat. Charroselles, qui fouroit son nez par tout, fut curieux de sçavoir ce que c’estoit, et s’estant baissé sous pretexte de ramasser un de ses gans, il leut au dos du cahier cette inscription :

Inventaire de Mythophilacte.

Comment (s’ecria-t’il aussitost) ! le pauvre Mythophilacte est donc mort ! Quoy ! cet homme qui a esté si fameux dans Paris, et par sa façon de vivre et par ses ouvrages ? Je m’asseure qu’on aura trouvé chez luy de belles curiositez. Si vous les desirez voir (dit le greffier assez civilement, contre l’ordinaire de ces messieurs, qui ne sont point accusez d’estre civils), vous n’en sçauriez trouver un memoire plus exact que cet inventaire que j’en ay dressé. Vous ne me sçauriez faire un plus grand plaisir (dit Charroselles). Et à moy aussi (dit de son costé Collantine), qui estoit ravie d’ouïr toute sorte d’actes et d’expeditions de justice. Belastre, qui estoit aussi bien aise d’entendre lire une piece intitulée de son nom, et qui croyoit se faire beaucoup valoir par ce moyen à Collantine, non seulement applaudit à cette curiosité, mais mesme, par l’authorité qu’il avoit sur le greffier, luy commanda de la satisfaire. Le greffier, luy obeyssant, s’assit auprès d’eux, et, apres qu’ils eurent repris leur place et fait silence, Volaterran commença de lire ainsi :

Inventaire de Mythophilacte.

L’an mil six cens..... Je vous prie (interrompit Charroselles), passez cette intitulation, qui ne contient que des qualitez inutiles. Inutiles (reprit Collantine avec un grand cry) ! vous vous trompez fort : il n’y a rien de plus essentiel en une affaire que de bien establir les qualitez. Cela seroit bon (reprit Charroselles), si on avoit à instruire ou à juger un procès ; mais comme nous n’avons icy que la curiosité de voir les effets de Mythophilacte, ce ne seroit que du temps et des paroles perduës. Cette raison ayant prevalu, au grand regret neantmoins de Belastre, qui prenoit grand plaisir à entendre lire ses qualitez, Volaterran passa plusieurs pages de l’intitulation, apposition et levée des scellez, et continua de lire :

Premierement un lit où estoit gisant ledit deffunt, consistant en trois aix posez sur deux tresteaux, une paillasse, avec une vieille valise servant de traversin, et une couverture faite d’un morceau de tapisserie de Rouen, prisez le tout ensemble vingt-cinq sous, cy

25 sous.

Item, deux chaises de paille, avec un fauteuil garny de mocquette, prisés dix sous, cy

10 sous.

Item, un coffre de bois blanc, sur lequel avons reconnu nos scellez sains et entiers, et dans iceluy ne s’est trouvé que les papiers cy-apres inventoriez, ledit coffre prisé douze sous, cy

12 sous.

De grace (dit Charroselles), allons vistement à ces papiers ; c’est la seule chose que je desire de voir, m’imaginant qu’il y en aura de fort bons. Car pour le reste de ses meubles, il est aisé d’en juger par l’échantillon, et je me doute bien que le pauvre Mythophilacte est mort dans la dernière pauvreté. Je ne m’estonne plus qu’il apprehendast si fort les visites, et qu’il eust tant de soin de cacher la maison où il demeuroit à ses plus intimes amis, ausquels elle estoit aussi inconnue que la source du Nil. Mais comme je m’attends bien que par tout l’inventaire nous trouverons une pareille gueuserie, je vous prie, monsieur le greffier, de coupper court et de commencer à lire le chapitre des papiers, puisque la curiosité de la compagnie ne s’estend que là. Ainsi fut dit, ainsi fut fait : alors Volaterran, ayant sauté plusieurs feuillets, continua de lire :

Premierement, le testament ou ordonnance de derniere volonté dudit deffunt, en datte du 21 avril.........

Hé ! de grace, encore un coup (dit Charroselles), nous n’avons que faire des dates ; je vous prie, voyons seulement les dispositions de ce testament, et sur tout sautez le preambule, et ce stile des notaires qui ne fait que gaster du parchemin. Le greffier prit donc en main ce testament, et en ayant parcouru en bredouillant deux ou trois roolles pleins de ces vaines formalitez, il commença à lire plus intelligiblement ces clauses :

En premier lieu, à l’égard de mes funerailles et enterrement, j’en laisse le soin à l’hoste du logis où je seray decedé, me confiant assez d’ailleurs en son humanité, qui prendroit cette peine de luy-mesme, quand je ne l’en prierois point. Je m’attends aussi qu’il le fera sans pompe, sans tenture et sans luminaire, en toute humilité chrestienne, et convenablement à ma position et à ma fortune.

Item, à chacun des pauvres autheurs qui se trouveront à mon enterrement, je donne et legue un exemplaire d’un livre par moy composé, intitulé : l’Exercice journalier du poëte, dont la delivrance leur sera faite sitost que ledit livre sera achevé d’imprimer, dans lequel ils trouveront un bel exemple de constance pour supporter la faim et la pauvreté, avec une oraison tres ardente que j’ay faite en leur faveur, afin que les riches aient plus de compassion d’eux qu’ils n’ont eu de moy.

Item, je donne et legue à Claude Catharinet, mon meilleur amy et second moy-mesme, mon grand Agenda ou mon Almanach de disners, dans lequel sont contenus les noms et les demeures de toutes mes connoissances, avec les observations que j’ai faites pour decouvrir le foible des grands seigneurs, pour les flatter et gagner leurs bonnes graces, ensemble celles de leurs suisses et officiers de cuisine, esperant que, par le moyen de cet ouvrage, il pourra sustenter sa vie comme j’ay fait la mienne jusqu’à present.

Item, à tous mes pretendus Mecenas, je donne et legue la liberation de ce qu’ils me doivent pour le prix de l’encens que je leur ay fourny et livré, tant par epistres dedicatoires, panegyriques, epitalames, sonnets, rogatons, qu’en quelque autre sorte et maniere que ce soit, ne desirant pas que leur ame soit tourmentée en l’autre monde, comme elle le pourroit estre pour avoir retenu le salaire deub à mes grands travaux. J’en fais la mesme chose à l’égard de ces méchans libraires qui ont mangé tout le fruit de mes veilles, et qui m’ont tant fait souffrir depuis que j’ay esté à leur discretion. Et quoy qu’ils aient souvent pris à tasche de me faire damner, je prie Dieu qu’il ne leur impute point le mal qu’ils m’ont fait, mais qu’il use envers eux de sa misericorde, de toute l’estendue de laquelle ils ont grand besoin.

Item, je donne et legue à Georges Soulas, ci-devant mon valet et scribe, et maintenant, à force de manier mes ouvrages, devenu mon collegue et confrere en Apollon, tant pour paiement des gages que je luy puis devoir que par pure liberalité, donation à cause de mort, et en la meilleure forme que pourra valoir, tout le reste de mes ouvrages et papiers, tant imprimez qu’à imprimer, luy faisant don de tous les profits qu’il en pourra retirer des comédiens, des libraires et des personnes à qui il les pourra dédier ; à la charge, et non autrement, qu’il fera imprimer lesdits manuscrits sous mon nom, et non sous le sien, et qu’il ne me privera point de la gloire qui m’en peut revenir, comme je sçay que quelques autheurs escrocs en ont cy-devant usé. Et pour exécuteur du présent testament, je nomme Charles de Sercy111, maistre libraire juré au Palais, veu que j’espère de sa courtoisie que, comme il se forme sur le modèle de Courbé112, qui ne dédaigne pas d’estre agent général des autheurs de la haute classe, luy qui commence de venir au monde ne dédaignera pas de rendre cet office à la mémoire de son tres humble serviteur et chalend. Voulant en cette considération que Georges Soulas, légataire universel de mes ouvrages, lorsqu’il en voudra faire faire l’impression, lui donne la preferance à tous les autres, pour le recompenser des pertes qu’il a faites sur tant de recueils et de rapsodies inutiles qu’il a imprimées, et qui le menacent d’une banqueroute prochaine et bien méritée : car ainsi le tout a esté par ledit testateur dicté, nommé, leu et releu, etc.

Vrayment (dit alors Charroselles), j’avois grande estime pour le pauvre Mythophilacte, mais je lui sçay fort mauvais gré de ce qu’il destourne ces petits libraires du soin de faire des recueils. Chacun sçait combien ceux qui sont haut hupez font les rencheris quand on leur offre des coppies à imprimer. Ils ne veulent prendre que celles d’une certaine caballe qui leur plaist, encore les payent-ils à leur mode, et il leur faut jetter les autres à la teste, encore n’en veulent-ils point imprimer.

Vous m’avez fait cent fois la mesme plainte de vos libraires (dit Collantine) ; pourquoy les voudriez-vous obliger à imprimer vos livres, si le debit n’en est pas heureux ? Que ne les faites-vous imprimer à vos frais, à l’exemple d’un certain autheur dont j’ai ouy parler au Palais, qui en a pour cinquante mille francs sur les bras. J’aimerois mieux, si j’estois à votre place, vendre mes chevaux et mon carrosse, pour acheter la gloire qui m’en reviendroit, puisque vous en estes si affamé. Ou plustost, que ne quittez-vous tout ce fatras de compositions philosophiques, historiques et romanesques, pour compiler des arrests, des plaidoyers ou des maximes de droit : dame ! ce sont des livres qu’on achete tousjours, quels qu’ils soient, et il n’y a point de libraire qui n’en fust aussi friand que des Heures à la chancelliere113. Mais, je vous prie, brisons là, car je vois bien que vous voudriez faire en replique une longue doleance. Puisque la compagnie est curieuse de voir ces papiers, passons aux titres et contracts d’acquisitions de maisons et de constitutions de rente, car ce sont les principaux articles d’un inventaire.

Ha ! pour cela (dit Belastre), nous n’en avons trouvé aucuns, mais seulement beaucoup d’exploits pour debtes passives : de sorte que tout le reste de cet inventaire ne contient que le cathalogue de quantité de livres et ouvrages manuscrits, qu’un des legataires nous a requis d’inventorier, pour luy en faire en suite la delivrance, parce qu’il dit que le deffunt luy en a fait don. Nous n’avons affaire que de cela (reprit Charroselles), et c’est icy asseurément le legs fait à Georges Soulas, dont vous venez d’entendre parler. Lisons viste, je vous prie, ce cathalogue. Je m’y oppose (dit Collantine), et je veux auparavant qu’on m’explique un article de ce testament, touchant ce grand agenda et cet almanach de disners qu’il legue à Catharinet, et qu’il dit estre suffisant pour sa subsistance.

Je le veux bien (répondit Belastre) ; je le vais faire chercher tout à l’heure par mon greffier, car je me souviens bien de l’avoir fait inventorier. J’aurois bien de la peine à vous le trouver maintenant (repartit Volaterran), car ce n’est qu’un petit cahier de cinq ou six fueilles, qui est meslé parmi un grand nombre d’escrits et de paperasses ; mais je vous diray bien ce qu’il contient en substance, car je l’ay considéré assez attentivement, lors que j’en ay fait la description. Cet almanach de disners est fait en forme de table divisée par colomnes, et contient une liste de tous les gens qui tiennent table à Paris, ou des autres connoissances du deffunt à qui il alloit demander à disner. Cela est distribué par mois, par semaines et par jours, tout de mesme qu’un calendrier. De sorte qu’en la mesme maniere que les pauvres prestres vont demander leurs messes le samedy à Nostre-Dame, le lundy au Saint-Esprit, le vendredy à Sainte-Geneviefve, de mesme il assignoit ses repas à certains jours chez certains grands, le lundy chez tel intendant, le mardy chez tel prelat, le mercredy chez tel president, et ainsi il subsistoit toute l’année, jusques là qu’il avoit marqué subsidiairement, et en cas de besoin, pour son pis aller, les auberges allemandes et françoises.

Voila qui suffit (dit Charroselles) pour nous donner l’intelligence de tout l’ouvrage, sur lequel, sans l’avoir veu, je pourrois bien faire des illustrations et des commentaires. Car je me doute bien que pour faire un almanach parfait, il y avoit bien des jeusnes et des jours maigres marquez, et peut estre plus qu’il n’en est observé dans l’Eglise. Je crois bien aussi que pour le pronostique qu’on a coustume d’y mettre à chaque lunation, on pouvoit souvent y escrire : grandeur de famine, secheresse d’amis, table rompüe, etc., prédiction plus claire et plus certaine que celle de Jean Petit et de Mathurin Questier114. Je m’imagine encore qu’il pouvoit faire un almanach historial des jours de nopce et de grands festins où il avoit assisté, et qu’il avoit marqué à part ces jours-là dans son calendrier, comme les jours heureux ou malheureux revelez au bon Joseph.

Il falloit (interrompit Collantine) que cet homme fust bien miserable, puisqu’il ne pouvoit vivre sans escornifler : car c’est, à mon sens, le dernier des métiers, et indigne d’un homme qui a du pain et de l’eau. Ce ne seroit pas là une bonne consequence (dit Charroselles) : car il y a bien des marquis et des gens accommodés qui ne se font point de scrupule d’estre escornifleurs habituez à certaines bonnes tables, et j’ay veu souvent nostre pauvre Mythophilacte se plaindre de ce desordre. Car (disoit-il), sous pretexte que ces gens ont quelque capacité ou expérience sur le chapitre des sauces, et qu’ils prétendent avoir le goust fin, ils croyent avoir droit d’aller censurer les meilleures tables de la ville, qui ne peuvent estre en reputation de friandes et de delicates, si elles n’ont leur approbation ; jusques-là qu’il soustenoit quelquefois que ces gens estoient des larrons et des sacriléges, qui deroboient et venoient manger le pain des pauvres. Pour luy, qui n’y alloit point par goinfrerie, mais par nécessité, je ne puis que je ne l’excuse : car comment pourroit vivre autrement un autheur qui n’a point de patrimoine ? il auroit beau travailler nuit et jour, dès qu’il est à la mercy des libraires, il ne peut gagner avec eux de l’eau pour boire.

Il me souvient de l’avoir veu une fois en une grande peine. Je le trouvay en place de Sorbonne querellant avec un autre autheur, qui, entr’autres injures, luy reprocha tout haut qu’il étoit un caymand de gloire, et que de tous costez il en alloit mendier. Ce dernier mot fut ouy par des archers qui cherchoient tous les mendians115 pour les mener à l’Hospital General. Ils le saisirent au collet en ce moment (aussi bien estoit-il d’ailleurs assez déchiré), et j’eus bien de la peine à le faire relascher. J’en vins pourtant à bout, sur ce que je leur remonstray que le mestier de poëte, dont il faisoit profession, le conduisoit naturellement à l’hospital, et qu’il ne falloit point d’autres archers que ceux de son mauvais destin pour l’y faire aller en diligence. J’aurois bien d’autres particularitez assez plaisantes à vous reciter116 ; mais l’impatience que j’ay de voir ce cathalogue de livres ne me permet pas de m’arrester sur cecy d’avantage. Ce fut lors que Volaterran, qui vit bien que Belastre, par un signe de teste, avoit dessein qu’on luy donnast prompte satisfaction, continua de lire.

Catalogue des livres de Mythophilacte.

L’Amadisiade, ou la Gauléide, poëme heroï-comique, contenant les dits, faits et prouesses d’Amadis de Gaule, et autres nobles chevaliers ; divisé en vingt-quatre volumes, et chaque volume en vingt-quatre chants, et chaque chant en vingt-quatre chapitres, et chaque chapitre en vingt-quatre dixains, œuvre de 1734800 vers, sans les argumens.

Apologie de Saluste du Bartas et d’autres poëtes anciens qui ont essayé de mettre en vogue les mots composez ; où il est monstré que les François, en cette occasion, n’ont esté que des pagnottes117, en comparaison des Grecs et des Romains, par l’exemple d’Aristophane, de Plaute, et d’autres autheurs.

Le Rappé du Parnasse, ou recueil de plusieurs vers anciens corrigez et remis dans le stile du temps.

La Vis sans fin, ou le projet et dessein d’un roman universel, divisé en autant de volumes que le libraire en voudra payer.

La Souriciere des envieux, ou la confutation des critiques ou censeurs de livres, ouvrage fait pour la consolation des princes poëtiques détronez, où il est monstré que ceux-là sont maudits de Dieu, qui découvrent la turpitude de leurs parens et de leurs frères.

La Lardoire des courtisans, ou satyre contre plusieurs ridicules de la cour, qui y sont si admirablement piquez que chacun y a son lardon.

La Clef des sciences, ou la croix de par Dieu du prince, c’est-à-dire l’art de bien apprendre à lire et à escrire, dedié à monseigneur le dauphin ; avec le passe-partout de devotion, ou un manuel d’oraison pour l’exercice journalier du chrestien.

Imitation des Thresnes de Jeremie, ou lamentation poëtique de l’autheur sur la perte qu’il fit, en déménageant, de quatorze mille sonnets, sans les stances, épigrammes, et autres pieces118.

Vrayment (dit Charroselles), j’ay esté present à la naissance de cet ouvrage : jamais je ne vis un autheur plus déconforté que fust celuy-cy en recevant la nouvelle de cet accident. Je taschay à le consoler de tout mon possible, suivant le petit genie que Dieu m’a donné ; et comme j’avois appris du crocheteur qui avoit esté chargé de ces papiers qu’il falloit qu’ils eussent esté perdus vers le Marché-Neuf, j’asseuray Mythophilacte que quelque beuriere les auroit ramassez, comme estant à son usage, et qu’il n’avoit qu’à aller acheter tant de livres de beurre, qu’il peust recouvrer jusqu’à la derniere piece qu’il avoit perduë. Vrayment (répondit Belastre), voilà une consolation bien maligne, et qui est fort de vostre genie, comme vous dites ; mais ne faites point perdre de temps à mon greffier, à qui j’ordonne de continuer. Volaterran, reprenant où il en estoit demeuré, leut du mesme ton qu’il avoit commencé.

Discours des principes de la poësie, ou l’introduction à la vie libertine.

Placet rimé pour avoir privilege du Roy de faire des vers de ballet, chansons nouvelles, airs de cour et de pont-neuf, avec deffenses à toutes personnes de travailler sur de pareils sujets, recommandé à monsieur de B......119, grand privilegiographe de France.

Forfantiados libri quatuor, de vita et rebus gestis Fatharelli.

Le Grand sottisier de France, ou le dénombrement des sottises qui se font en ce vaste royaume, par ordre alphabétique.

Vrayment (interrompit encore Charroselles), ce dessein est beau ; j’avois eu envie de l’entreprendre avant luy, et je l’aurois fait, si je ne fusse point tombé en la disgrace des libraires, car cela est fort selon mon genie. J’en ay conferé plusieurs fois avec le pauvre deffunt ; il me disoit qu’il avoit dessein d’en faire trente volumes, dont chacun seroit plus gros que le Théatre de Lycosthene, ou que les centuries de Magdebourg. Il est vray que je luy ay tousjours predit que quelque laborieux qu’il fust, et quoy qu’il ne fist autre chose toute sa vie, il laisseroit tousjours cet ouvrage imparfait. Mais, Monsieur (dit-il au greffier), excusez si je vous ay interrompu ; je vous prie de continuer. Volaterran leut donc en continuant.

Dictionnaire poëtique, ou recueil succint des mots et phrases propres à faire des vers, comme appas, attraits, charmes, flèches, flammes, beauté sans pareille, merveille sans seconde, etc. Avec une préface où il est monstré qu’il n’y a qu’environ une trentaine de mots en quoy consiste le levain poëtique pour faire enfler les poemes et les romans à l’infiny.

Illustrations et commentaires sur le livre d’Ogier le Danois, où il est monstré par l’explication du sens moral, allegorique, anagogique, mythologique et ænigmatique, que toutes choses y sont contenuës, qui ont esté, qui sont, ou qui seront ; mesme que les secrets de la pierre philosophale y sont plus clairement que dans l’Argenis, le Songe de Polyphile, le Cosmopolite, et autres. Dedié à messieurs les administrateurs des petites maisons.

Traité de chiromance pour les mains des singes, œuvre non encore veuë ny imaginée.

Imprecation contre Thersandre, qui apprit à l’autheur à faire des vers, ou paraphrase sur ce texte : Hinc mihi prima mali labes.

Rubricologie, ou de l’invention des titres et rubriques, où il est montré qu’un beau titre est le vray proxenete d’un livre, et ce qui en fait faire le plus prompt debit. Exemple à ce propos tiré des Pretieuses.

Plaidoyers et harangues prononcées dans l’assemblée generale des libraires, consultans sur l’impression de plusieurs livres qu’on leur avoit presentez. Avec le jugement intervenu sur iceux, Midas presidant, par lequel le Cuisinier, le Patissier et le Jardinier François ont esté receus, et plusieurs bons autheurs anciens et modernes rebutez.

Description merveilleuse d’un grand seigneur prophetisé par David, qui avoit des yeux et ne voyoit point, qui avoit des oreilles et n’entendoit point, qui avoit des mains et ne prenoit point, mais qui, en recompense, avoit des gens qui voyoient, entendoient et prenoient pour luy.

De l’usage du thelescopophore, ou de certaines lunettes dont se servent les grands, qui s’appliquent aux yeux d’autruy, exemptes de l’incommodité de les porter, mais sujettes à tous les accidens cottez au traité De fallaciis visus.

Advis et memoires à monsieur le procureur du roy, pour eriger en corps de maistrise jurée les poëtes et les autheurs, et les faire incorporer avec les autres arts et mestiers de la ville, où il est traité des estranges abus qui se sont glissez dans cette profession, et que l’ordre de la police demande qu’on y mette des jurez et maistres gardes, comme dans tous les autres corps moins importans.

Somme Dedicatoire, ou examen general de toutes les questions qui se peuvent faire touchant la dedicace des livres, divisée en quatre volumes.

Ha ! je vous prie (interrompit Charroselles), abandonnons le reste de cette lecture, quelque agreable qu’elle soit, et nous arrestons aujourd’huy à voir ce livre-cy en détail, car j’en ay souvent ouy parler ; et puis c’est un sujet nouveau et fort necessaire à tous les autheurs.

Je voudrois bien (dit le greffier) satisfaire votre curiosité ; mais quelle apparence y a-t-il de vous lire ces quatre volumes, que nous aurions de la peine à voir en douze vacations ? Parcourons-en au moins quelque chose (reprit l’opiniastre Charroselles) ; nous en tirerons quelque fruit. Je trouve (dit le greffier, qui feüilletoit cependant le livre) le moyen de vous contenter aucunement, car je vois icy une table des chapitres, dont je vous feray la lecture si vous voulez. La compagnie l’en pria, et il continua de lire.

SOMME DÉDICATOIRE.

Tome premier.

Chapitre 1.

De la dedicace en general, et de ses bonnes ou mauvaises qualitez.

Chapitre 2.

Si la dedicace est absolument necessaire à un livre. Question decidée en faveur de la negative, contre l’opinion de plusieurs autheurs anciens et modernes.

Chapitre 3.

Qui fut le premier inventeur des dedicaces. Ensemble quelques conjectures historiques qui prouvent qu’elles ont esté trouvées par un mendiant120.

Chapitre 4.

Laquelle est la plus ancienne des dedicaces, celle des thèses ou celle des volumes ; et de la profanation qui en a esté faite en les mettant au bas des simples images, par Baltazar Moncornet.

Chapitre 5.

Le pedant Hortensius aigrement repris de sa ridicule opinion, pour avoir appelle un livre sans dedicace Liber ἀκέφαλος.

Chapitre 6.

Jugement des dedicaces railleuses et satyriques, comme de celles faites à un petit chien, à une guenon, à personne, et autres semblables ; et du grand tort qu’elles ont fait à tous les autheurs trafiquans en maroquin.

Chapitre 7.

Refutation de l’erreur populaire qui a fait croire à quelques-uns qu’un nom illustre de prince ou de grand seigneur mis au devant d’un livre servoit à le deffendre contre la médisance et l’envie. Plusieurs exemples justificatifs du contraire.

Chapitre 8.

Des dedicaces bourgeoises et faites à des amis non reprouvées, et comparées à l’onguent miton-mitaine, qui ne fait ny bien ny mal.

Chapitre 9.

Plainte et denonciation contre Rangouze, d’avoir fait un livre de telle nature, qu’autant de lettres sont autant de dedicaces ; sur laquelle l’autheur soûtient que son procès luy doit estre fait, comme à ces magiciens qui se servent de pistoles volantes.

Chapitre 10.

Sous quel aspect d’astres il fait bon semer et planter des eloges pour en recüeillir le fruit dans la saison. Avec l’horoscope d’un livre infortuné, qui ne fut pas seulement payé d’un grand mercy.

Chapitre 11.

Distinction et catalogue des jours heureux et malheureux pour dedier les livres ; où on decouvre le secret et l’observation de l’heure du berger pour presenter un livre, sçavoir : quand le Mecenas sort du jeu et a gagné force argent.

Tome second.

Chapitre 1.

De la qualité et nature des Mecenas en general.

Chapitre 2.

Des diverses contrées où naissent les vrais Mecenas, et que les meilleurs se trouvent en Flandres et en Allemagne, comme les meilleurs melons en Touraine, et les meilleurs asnes en Mirebalais. La Serre cité à propos.

Chapitre 3.

Des vrais et faux Mecenas, et de la difficulté qu’il y a de les connoistre. Si c’est une pierre de touche asseurée de sonder ou pressentir la liberalité qu’ils feront au futur dedicateur.

Chapitre 4.

De la disette qu’il y a eu des Mecenas en plusieurs siecles, et particulierement de la merveilleuse sterilité qu’en a celuy-cy.

Chapitre 5.

Preuve de l’antiquité de la poësie, à l’occasion de ce que la plus ancienne de toutes les plaintes est celle des poëtes sur le malheur du temps et sur l’ingratitude de leur siecle.

Chapitre 6.

Continuation du mesme sujet, avec la liste des hommes de lettres morts de faim ou à l’hospital, illustrée des exemples d’Homere et de Torquato Tasso.

Chapitre 7.

Examen de la comparaison faite par quelques-uns d’un vray Mecenas au phœnix ; où il est montré que, si elle est juste en considerant sa rareté, elle cloche en ce qu’il ne dure pas 500 ans, et qu’il n’en renaist pas un autre de sa cendre.

Chapitre 8.

Du choix judicieux qu’on doit faire des Mecenas, et que les plus ignorans sont les meilleurs, vérifié par raisons et inductions.

Chapitre 9.

Difference des Mecenas de cour et des Mecenas de robe ; avec une observation que ceux-cy sont tres-dangereux, à cause que d’ordinaire ils se contentent de promettre de vous faire gagner un procès ou de vous servir en temps et lieu.

Chapitre 10.

Eloges de monsieur de Montauron121, Mecenas bourgeois, premier de ce nom, recüeillis des epistres dedicatoires des meilleurs esprits de ce temps. Avec quelques regrets poëtiques sur sa decadence.

Chapitre 11.

Paradoxe tres veritable, que les plus riches seigneurs ne sont pas les meilleurs Mecenas. Où il est traitté d’une soudaine paralysie à laquelle les grands sont sujets, qui leur tombe sur les mains quand il est question de donner.

Chapitre 12.

Cinquante ruses et échapatoires des faux Mecenas, pour se garantir des pieges d’un autheur dediant et mendiant.

Chapitre 13.

Recit d’un accident qui arriva à un tres-mediocre autheur à qui la teste tourna, à cause de l’honneur qu’il reçeut de la dedicace d’un livre que luy fit un sçavant illustre.

Chapitre 14.

Indignation de l’autheur contre les dedicaces faites à d’indignes Mecenas. Comme pour s’en venger il prepara une epistre dedicatoire au bourreau pour le premier livre qu’il feroit.

Tome troisième.

Chapitre 1.

De la remuneration en general qu’on doit faire pour les epistres dedicatoires, et si elle est de droit naturel, de droit des gens ou de droit civil.

Chapitre 2.

Si en telle occasion on doit avoir égard à la qualité de celuy qui dedie ; par exemple, si on doit donner un plus beau present à un autheur riche qu’à un pauvre. Avec plusieurs raisons alleguées de part et d’autre.

Chapitre 3.

Si on doit mettre en consideration les frais faits à la relieure, desseins, estampes, vignettes, lettres capitales, et autres despences faites pour contenir les portraits, chifres, armes et devises du seigneur encensé. Avec une notable observation que toutes ces forfanteries font presumer que le merite du livre, de soy-mesme, n’est pas fort grand.

Chapitre 4.

Pareillement, s’il faut rembourser à part et hors d’œuvre les frais d’un voyage qu’aura fait un autheur pour aller trouver son Mecenas en un pays fort éloigné, et pour luy presenter son livre.

Chapitre 5.

La juste Balance des livres, et si on les doit considerer par le poids ou par le merite, par la grosseur du volume ou par l’excellence de la matiere. Question traittée sous une allegorie dramatique, et l’introduction des personnages de l’Asne laborieux et du fin Renard.

Chapitre 6.

Question incidente (si cæteris paribus) : on doit payer davantage la dedicace des livres in-folio que des in-quarto, et que des in-octavo ou des in-douze. Avec un combat notable de Calepin contre Velleius Paterculus122.

Chapitre 7.

Autre question : si le mesme livre imprimé in-douze en petit caractere doit estre aussi bien payé que s’il estoit imprimé en gros caractere et en grand volume. Avec l’observation de la difference des enfans corporels et spirituels : car les premiers sont petits en leur naissance, et croissent avec le temps ; et les autres, tout au contraire, d’abort s’impriment en grand, et avec le temps en petit.

Chapitre 8.

Des epistres dedicatoires des reimpressions ou secondes editions ; sçavoir quelle taxe leur est deuë. Plaisant trait d’un Mecenas qui donna pour recompense à un autheur qui luy avoit fait un pareil present un habit vieux et retourné.

Chapitre 9.

De ceux qui font imprimer les anciens autheurs, et en font des dedicaces sous pretexte de les dire corrigez, illustrez, nottez, commentez, apostillez ou rapsodiez. Exemple d’une dedicace de cette nature payée de l’argent d’autruy par un partisan qui fit le lendemain banqueroute.

Chapitre 10.

De ceux qui mettent au jour les anciens manuscrits non encore imprimez ; où il est montré qu’on leur doit au moins le mesme salaire qu’à une sage femme, qui ayde à faire venir les enfans au monde.

Chapitre 11.

Si on doit faire quelque consideration d’un libraire qui dediera l’ouvrage d’autruy ou un livre qu’il aura trouvé sans adveu. Juste paralelle de ces gens avec ceux qui empruntent des enfans, ou qui en vont prendre aux enfans trouvez, pour mieux demander l’aumosne.

Chapitre 12.

Des glaneurs du Parnasse, ou des gens qui font des recüeils de pieces de vers et de prose, et qui les dedient comme des livres de leur façon. Telle maniere d’agir condamnée, comme estant une exaction et levée injuste sur le peuple poëtique. Avec les memoires d’un donneur d’avis pour faire créer des charges de garde-ouvrages, à l’instar des garde-bois ou garde-moissons, pour empescher ces inconveniens.

Chapitre 13.

S’il y a lieu et action de se pourvoir en justice contre un Mecenas pour avoir payement d’une epistre dedicatoire, et si elle se doit payer au dire d’experts. Question décidée par un article de la coutume, au chapitre Des fins de non-recevoir, et parle droit De his quæ sine causa.

Chapitre 14.

Si, au contraire, un Mecenas, ayant payé un livre sans le voir, peut estre relevé pour læsion énorme, en cas que le livre ne vaille rien ou qu’il n’y soit pas assez loüé, et s’il a cette action qu’on appelle, en droit, condictio indebiti.

Chapitre 15.

Si les heritiers ou creanciers d’un autheur deffunt sont, de droit, subrogez en son nom et actions, et s’ils peuvent tirer en justice le mesme émolument de la dedicace de son livre, quand ils le mettent au jour. Examen du titre De actionibus quæ ad heredes transeunt.

Chapitre 16.

Arrest notable rendu au profit d’un pauvre autheur qui avoit fait une epistre dedicatoire sous le nom d’un libraire, moyennant 30 sous, lequel fut reçeu à partager la somme de 150 livres qu’un Allemand avoit donné au libraire pour la dedicace ; avec les plaidoyers des advocats, où sont de belles descriptions de la grande misere de quelques autheurs, et de l’estrange coquinerie de tous les libraires.

Chapitre 17.

Factura d’un procès pendant entre un libraire et un autheur qui travailloit à ses gages et à la journée, sur la question de sçavoir à qui appartiendroit la dedicace du livre, de laquelle il n’avoit point esté fait mention dans leur marché.

Chapitre 18.

Si c’est un stellionnat poëtique (c’est-à-dire vendre plusieurs fois une même chose) de vendre une piece de theatre, premièrement à des comédiens, et puis à un libraire, et puis à un Mecenas. Question decidée en faveur des autheurs, fondez en droit coustumier.

Chapitre 19.

Si un domestique ou commensal d’un Mecenas est obligé de luy dedier ses ouvrages privativement et à l’exclusion de tous autres, et si le Mecenas luy doit pour cela une recompense particulière, ou si le logement et la nourriture luy en doivent tenir lieu. Le droit des esclaves est ici traitté, qui veut qu’ils ne puissent rien acquérir que pour leur maistre. Où il est monstré que les esclaves de la fortune sont encore moins favorables que les esclaves pris en guerre.

Chapitre 20.

D’un moyen facile et general qu’ont trouvé les Mecenas de soudre toutes les difficultez cy-dessus, en ne donnant rien. Description, à ce propos, de l’avarice, et du déménagement qu’elle a fait en nos jours ; où on voit qu’elle habite dans les hôtels et dans les palais, au lieu qu’elle estoit cy-devant logée dans les colleges et dans les gargoteries.

Tome quatriesme.

Chapitre 1.

Des eloges en general, avec leur distinction, nature et qualitez.

Chapitre 2.

Que les éloges immoderez sont de l’essence des epîtres dedicatoires. Avec la preuve experimentale que l’encens qui enteste le plus est celuy qui est trouvé le meilleur, contre l’opinion des médecins et droguistes.

Chapitre 3.

Si le Mecenas doit payer la dedicace du livre à proportion de l’encens qu’on luy donne dans l’epistre. Avec l’invention de faire le trebuchet pour le pezer.

Chapitre 4.

Si l’encens qu’on donne au Mecenas dans le reste du livre, où on trouve bonne ou mauvaise occasion de parler de lui, ne doit pas faire doubler ou tripler la dose du present qu’il avoit destiné pour la seule epître.

Chapitre 5.

Si les autres personnes dont on fait une honorable mention dans le livre, par occasion, doivent un present particulier à l’autheur, chacune pour sa part et portion des éloges qu’on luy donne.

Chapitre 6.

Du titre ou carat de la louange. Où il est monstré que pour estre de bon alloy, et en avoir bon debit, elle doit estre de 24 carats, c’est-à-dire portée dans le dernier excès.

Chapitre 7.

Si un autheur qui aura donné à son Mecenas la divinité ou l’immortalité doit estre deux fois mieux payé que celuy qui l’aura seulement appelle demy dieu, ange ou héros. Exemples de plusieurs apotheoses qui ont esté plus heureuses pour l’agent que pour le patient.

Chapitre 8.

Paradoxe tres veritable, que la louange la plus mediocre est la meilleure, contre l’opinion du siecle et des grands. Avec une table des degrez de consanguinité de la flaterie et de la berne, où on void qu’elles sont au degré de cousins issus de germain.

Chapitre 9.

De la louange qui est notoirement fausse, avec la preuve qu’elle doit estre payée et recompensée au double, par deux raisons : la première, parce qu’il faut recompenser l’autheur du tort qu’il se fait en mentant avec impudence ; la seconde, parce que le Mecenas seroit le premier à en confirmer la fausseté, si par un ample payement il n’en faisoit l’approbation.

Chapitre 10.

Si les femmes, qu’on flatte souvent pour rien, et qui croyent que toutes les louanges leur sont deuës de droit, doivent payer, autant que les hommes, les eloges que leur donnent les auteurs dans leurs livres ou dans leurs epistres dedicatoires.

Chapitre 11.

Si l’on doit un plus grand present pour les eloges couchez dans les histoires que dans les poësies ou romans.

Chapitre 12.

Divers avantages qu’ont les historiens sur les poëtes et romanciers, et des belles occasions qu’ont ceux-là d’obliger plusieurs personnes. Sçavoir si la licence qu’ont ceux-cy de mentir et d’hyperboliser les peut égaler aux autres.

Chapitre 13.

Si les historiens se doivent contenter des pensions que leur donnent les rois ou les ministres, ou s’ils peuvent honnêtement dedier leurs livres à d’autres, et en recevoir des presens pour avoir bien parlé d’eux.

Chapitre 14.

Quels gages ou pensions on doit à un autheur qui a écrit l’histoire ou la genealogie d’une famille. Du nombre prodigieux de personnes que tels escrivains ont annobly, et que c’est tres-proprement qu’on peut appeller cela noblesse de lettres.

Chapitre 15.

S’il est permis à un autheur qui n’a rien reçeu d’une dedicace de la changer, et de dedier le mesme livre à un autre. Où la question est decidée en faveur de l’affirmative, suivant la regle du droit qui permet de revoquer une donation par ingratitude.

Chapitre 16.

Question notable : supposé qu’un Mecenas vint à estre degradé, pendu, ou executé pour quelque crime, s’il faudroit supprimer ou changer l’epistre dedicatoire, ou bien continuer toûjours le debit du livre.

Chapitre 17.

En une seconde impression du mesme livre, quid juris ?

Chapitre 18.

Apologie des docteurs italiens, qui n’exemptent pas de crime ceux qui escroquent les personnes qui se sacrifient à leurs plaisirs. Où il est monstré, par identité de raison, que les Mecenas qui excroquent les pauvres autheurs qui ont prostitué leur nom et leur plume pour leur reputation commettent un crime qui crie vengeance à Dieu, comme celui de retenir le salaire des serviteurs et pauvres mercenaires.

Chapitre 19.

Extrait d’un procès de reglement de juges intenté par un autheur contre un Mecenas pour le payement de quelques eloges qu’il luy avoit vendus, avec l’arrest du conseil donné en conséquence, qui a renvoyé les parties pardevant les juges consuls, attendu qu’il s’agissoit de fait de marchandise.

Chapitre 20.

Si le relieur qui a fourny le maroquin pour couvrir le livre dedié, ou le marchand qui a vendu le satin pour imprimer la these, ont une action réelle ou personnelle, et s’il suffiroit à l’autheur de faire cession et transport du present futur du Mecenas jusqu’à la concurrence de la debte. Contrarieté des decisions sur ce sujet de la cour du Parnasse et du siege du Chastelet.

Chapitre 21.

Fin ménage d’un autheur, qui presenta à son Mecenas un livre couvert simplement de papier bleu123, disant que c’estoit ainsi qu’on habilloit les pauvres orphelins et les enfans de l’hospital, témoin ceux du Saint-Esprit et de la Trinité.

Chapitre 22.

De la loy du talion, et si elle est reçeue chez les autheurs. Par exemple, si, avec des complimens, on peut payer les eloges que donne un autheur dans sa dedicace.

Chapitre 23.

Examen de l’exemple d’Auguste, cité sur ce sujet, qui donna à un poëte des vers pour des vers. Preuve qu’il ne doit point estre tiré en conséquence.

Chapitre 24.

Si le Mecenas qui fait valloir la piece de l’autheur, ou qui met son livre en credit par des recommandations ou applaudissemens publics, s’acquite d’autant envers luy de la recompense qu’il luy doit donner. Raisons de douter et de decider.

Chapitre 25.

Conseils utiles à un autheur pour faire reüssir une dedicace. De la necessité qu’il y a d’importuner les Mecenas pour arracher quelque chose d’eux.

Chapitre 26.

Autre conseil tres important de faire de grandes civilitez et des presens de ses livres à tous les valets du Mecenas, afin qu’ils fassent commemoration de l’autheur en son absence, et qu’ils fassent valloir le livre auprès de leur maistre.

Chapitre 27.

Digression pour parler de la nature des mules aux talons, à l’occasion de ce que les autheurs sont sujets à les gagner, en attendant l’heure favorable pour presenter leurs livres à leurs Mecenas.

Chapitre 28.

Maxime verifiée par experience et par induction, que tous les autheurs qui ont fait fortune aupres des grands ne l’ont point faite en vertu de leur merite, mais pour leur avoir esté utiles en quelques autres affaires, ou par l’intrigue ou recommandation de quelqu’un.

Chapitre 29.

Conclusion de tout ce discours, auquel est adjoustée une table dressée à l’instar de celle de la liquidation d’interests, contenant la juste prisée et estimation qu’on doit faire des differens eloges. Ensemble le prix des places d’illustres et demy illustres qui sont à vendre dans tous les ouvrages de vers ou de prose, suivant la taxe qui en a esté cy-devant faite.

Vrayment (dit Charroselles), en attendant que je voye tout cet ouvrage, dont j’ay une grande curiosité, monstrez-nous au moins ce dernier chapitre, ou plustost cette table si nécessaire à tous les autheurs. Je le veux bien (dit Volaterran), mais je ne sçaurois vous satisfaire tout à fait : car, comme elle est dans le dernier feuillet du livre, la pourriture ou les rats en ont mangé toute la marge où les sommes sont tirées en ligne. Hé bien ! nous nous contenterons de voir seulement les articles (dit Charroselles). Le greffier s’y accorda, et leut ainsi :

ESTAT ET ROLE DES SOMMES
Auxquelles ont esté moderement taxées, dans le conseil
poétique, les places d’illustres et demy-ilustres,
dont la vente a esté ordonnée pour faire
un fonds pour la subsistance des
pauvres autheurs.

Pour un principal heros d’un roman de dix volumes

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  000. liv. parisis.

Pour une heroïne et maistresse du heros

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  00. l. par.

Pour une place de son premier escuyer ou confident

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  0.  .  .  .  .  sis

Pour une place de demoiselle suivante et confidente.

3.  .  .  par.  .  .

Pour ceux de 5 volumes et au dessous, ils seront taxez à proportion.

Pour un rival malheureux et qui est prince ou heros

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .

Pour le heros d’un episode ou histoire incidente

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .

Pour la commemoration d’une autre personne faite par occasion

.  .

Pour un portrait ou caractère d’un personnage introduit

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  20 l. tournois.

Nota que, selon qu’on y met de beauté, de valeur et d’esprit, il faut augmenter la taxe.

Pour la description d’une maison de campagne qu’on deguise en palais enchanté, pour la façon seulement sera payé

.  .  .  .  .  .  .

Pour l’anagramme du nom du personnage dépeint, quarante sous.

Pour le fard dont on l’aura embelly : à discretion.

Pour faire qu’un amant ait avantage sur son rival et qu’il soit heureux dans les combats et intrigues. Idem.

Le juste prix de toute sorte de vers.

Pour un poëme epique en vers alexandrins

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  2000 l.

Nota que cela s’entend de pension par chacun an, tant que durera la composition, pourveu que ce soit sans fraude.

Pour les personnages introduits dans ces poëmes, la taxe s’en fait au double de celle qui est faite pour pareilles places de prose.

Pour les odes heroïques de dix ou douze vers chacune strophe

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  100 s.

Pour les autres de sixains ou quatrains

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .

Pour un sonnet simple

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  trois l.

Pour un sonnet de bouts rimez, deux sous six deniers.

Pour un sonnet acrostiche

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  24 s. p.

Pour un madrigal tendre et bien conditionné

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  30 s.

Pour une elegie

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .

Pour une chanson

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .

Pour un rondeau

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .

Pour un triollet

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .

Il y a apparence qu’il y en avoit encore quantité d’autres ; mais non seulement le chiffre a esté mangé, mais encore le texte de l’article, dont il ne reste plus qu’une assez grande liste de pour, que vous pouvez voir.

Vrayment, c’est dommage (dit Charroselles), je voudrois qu’il m’eust cousté beaucoup, et en avoir l’original sain et entier : je le donnerois à Cramoisy, imprimeur du roy pour les monnoyes, qui seroit bien aise de l’imprimer. Mais pour ne vous pas importuner davantage, je vous prie, monsieur le greffier, et vous, monsieur le prévost (que je devois nommer premièrement), de me prester ces manuscrits pour les lire en particulier ; je vous en donneray mon recepissé, et je vous les rendray dans deux fois vingt-quatre heures.

Je m’en donneray bien de garde que je ne sois payé de mes vacations (reprit brusquement Belastre). Et moy de ma grosse (adjousta Volaterran). Et tous deux en mesme temps dirent que, s’il vouloit lever le procès verbal et payer les frais du scellé, qu’ils luy donneroient tout ce qu’il voudroit. Vous devez mesme remercier mademoiselle que voila (dit Belastre, en monstrant Collantine), de ce que je vous en ay tant fait voir ; c’est une prévarication que j’ay faite en ma charge, et à laquelle les juges de ma sorte ne sont gueres sujets. Charroselles dit alors qu’il ne vouloit point payer si cher une si légere curiosité, et qu’il auroit patience que ces livres fussent imprimez. Si est-ce pourtant (dit Collantine à Belastre), puisque vous en avez tant fait, qu’il faut que vous me monstriez encore une piece dont vous avez parlé dans ce dernier livre que vous avez leu, en certain endroit où j’avois bien envie de vous interrompre, et où il est parlé du boureau : car, comme c’est un officier de justice, et que je les respecte tous, je seray bien aise de sçavoir ce qu’on dit de luy. Fort volontiers (reprit Belastre) : j’avois la mesme curiosité, et je n’aurois pas manqué de la satisfaire si-tost que j’aurois esté chez moy ; mais puisqu’il est ainsi, nous la verrons tout à cette heure. Aussi-tost il commanda au greffier de chercher dans le corps du livre cette piece, dont il avoit veu le titre dans la table des chapitres. Le greffier obeït, la trouva, et la leut en cette sorte :

ÉPISTRE DEDICATOIRE

Du premier livre que je feray124.

À tres haut et tres redouté seigneur Jean Guillaume, dit S. Aubin,
maistre des hautes œuvres de la ville, prevosté
et vicomté de Paris.

Guillaume,

Voicy asseurément la première fois qu’on vous dedie des livres ; et un present de cette nature est si rare pour vous que sans doute sa nouveauté vous suprendra. Vous croirez peut-estre que je brigue vos faveurs, comme tous les autheurs font d’ordinaire quand ils dedient. Cependant il n’en est rien ; je ne vous ay point d’obligation et ne veux point vous en avoir. Voicy la premiere epistre dedicatoire qui a esté faite sans interest, et qui sera d’autant plus estimable que je n’y mettray point de sentimens deguisez ni corrompus. Il y a long-temps que je suis las de voir les autheurs encenser des personnes qui ne le meritent peut-estre pas tant que vous. Ils sont leurrez par l’espoir d’obtenir des pensions et des recompenses qui ne leur arrivent presque jamais ; ils n’obtiennent pas mesme les graces qu’on ne leur peut refuser avec justice, et j’ay veu encore depuis peu un homme de merite acheter cherement une place pour servir un faux Mecenas, qui en avoit esté exclus par la brigue d’un goinfre et d’un hableur qui avoit gagné ses valets. Depuis que j’ay veu louer tant de faquins qui ont des équipages de grands seigneurs, et tant de grands seigneurs qui ont des ames de faquins, il m’a pris envie de vous louer aussi, et certes ce ne sera pas sans y estre aussi bien fondé que tous ces flatteurs. Combien y a-t-il de ces gens qu’on vante si hautement, qu’il faudroit mettre entre vos mains afin de leur apprendre à vivre ? Ils ne font pas si bien leur mestier comme vous sçavez faire le vostre : car il n’y a personne qui execute plus ponctuellement les ordres de la justice, dont vous estes le principal arcboutant. Ce n’est pas pourtant que je veuille establir un paradoxe, ny faire comme Isocrate et les autres orateurs qui ont loué Busire, Helene et la fièvre quarte. Je trouve qu’on vous peut louer en conscience, quand il n’y auroit autre raison sinon que c’est vous qui monstrez à beaucoup de gens le chemin de salut, et à qui vous ouvrez la porte du ciel, suivant le proverbe qui dit que de ces pendus il n’y en a pas un perdu. Quant à la noblesse de votre employ, n’y a-t-il pas quelque part en Asie ou en Afrique un roy qui tient à gloire de pendre lui-mesme ses sujets, et qui est si persuadé que c’est un des plus beaux appennages de sa couronne, qu’il puniroit comme un attentat celuy qui luy voudroit ravir cet honneur ? Lorsque les saints pères ont appelé Attila, Saladin et tant d’autres roys les bouchers de la justice divine, ne vous ont-ils pas donné d’illustres confrères ? Vostre equipage mesme se sent de votre dignité ; et quand vous estes dans la fonction de vostre magistrature vous ne marchez jamais sans gardes et sans un cortege fort nombreux. Il y a une infinité d’officiers qui ne travaillent que pour vous et qui ne taschent qu’à vous donner de l’employ. Que plust à Dieu qu’ils vous fussent fideles ! Vous seriez trop riche si vous teniez dans vos filets tous ceux qui sont de vostre gibier. Cependant ils ont beau frauder vos droits, vos richesses sont encore assez considerables. Il n’y a point de revenus plus asseurez que les vostres, puisque leur fonds est asseuré sur la malice des hommes, qui croist de jour en jour et qui s’augmente à l’infini. Il faut pourtant que vous ne soyez pas sans moderation, puisque vous avez le moyen de faire votre fortune aussi grande que vous voudrez : car on dit quand un homme fait bien ses affaires qu’il a sur luy de la corde de pendu, et certes il n’y a personne qui en puisse avoir plus que vous. Aussi vostre merite a tellement esté reconnu, qu’on s’est détrompé depuis peu du scrupule qu’on avoit de vous frequenter. Au lieu de vous fuir comme un pestiferé, on a veu beaucoup de gens de naissance ne faire point de difficulté d’aller boire avec vous, parce que vous aviez de bon vin. De sorte qu’il ne faut pas qu’on s’étonne qu’insensiblement vous vous trouviez parmi les heros et les Mecenas. Comme on a poussé si loin l’hyperbole et la flatterie, j’ai souvent admiré qu’apres avoir placé au rang des demy-dieux tant de voleurs et de coquins, on ne vous ait pas mis de leur nombre : car je sçay que vous estes leur grand camarade, et je vous ay veu bien des fois leur donner de belles accolades. Il est vray que vous leur donniez incontinent apres un tour de vostre mestier ; mais combien y a-t-il de courtisans qui vous imitent, et qui en mesme temps qu’ils baisent un homme et qu’ils l’embrassent, le trahissent et le précipitent ? Si on vous reproche que vous dépouillez les gens, vous attendez du moins qu’ils soient morts ; mais combien y a-t-il de juges, de chicaneurs et de maltotiers qui les sucent jusques aux os et qui les écorchent tout vifs ? Enfin, tout conté et tout rabattu, je trouve que vous meritez une epistre dedicatoire aussi bien que beaucoup d’autres. Je craindrois pourtant qu’on ne crust pas que c’en fust une, si je ne vous demandois quelque chose. Je vous prie donc de ne pas refuser vostre amitié à plusieurs pauvres autheurs qui ont besoin de vostre secours charitable : car l’injustice du siècle est si grande que beaucoup d’illustres, abandonnez de leurs Mecenas, languissent de faim, et, ne pouvant supporter leur mépris et la pauvreté, ils sont reduits au desespoir. Or, comme ils n’ont pas un courage d’Iscariot pour se pendre eux-mesmes, si vous en vouliez prendre la peine, vous les soulageriez de beaucoup de chagrin et de miseres. J’aurois fini en cet endroit, si je ne m’estois souvenu qu’il falloit encore adjouter une chose qui accompagne d’ordinaire les eloges que donnent à la haste les faiseurs de dedicace : c’est la promesse d’ecrire amplement la vie ou l’histoire de leur heros. J’espere m’acquitter quelque jour de ce devoir, dans le dessein que j’ai de faire des commentaires sur l’Histoire des larrons : car ce sera un lieu propre pour faire de vous une ample commemoration, et pour celebrer vos prouesses et vos actions plus memorables. En attendant, croyez que je suis, autant que votre merite et vostre condition me peuvent permettre,

Guillaume,

Vostre, etc.

Volaterran n’eut pas si-tost achevé cette lecture, que, de crainte qu’on ne luy en demandast encore une autre, il se leva brusquement, remit à la haste ses papiers dans son sac, et, en disant : Vrayment, je ne gagne pas ici ma vie, il s’en alla sans faire aucun compliment pour dire adieu. Mais cet empressement avec lequel il reserra ces papiers fut cause que deux glisserent le long du sac, sans qu’il s’en aperçeust, dont l’un fut ramassé par Charroselles, et l’autre par Collantine. Celle-cy ouvrit vistement le sien, et trouva que c’étoit un escriteau en grand volume, et en gros caractere, comme ceux qu’on achete à S. Innocent pour les maisons à loüer, où il y avoit écrit :

CEANS ON VEND DE LA GLOIRE À JUSTE PRIX, ET SI
ON EN VA PORTER EN VILLE.

La nouveauté de cet escriteau les surprit tous, car on n’en avoit point encore veu de tels affichez dans Paris, quand Belastre leur dit, prenant la parole : J’en ay esté surpris le premier, en ayant trouvé une assez grosse liasse lorsque j’ay fait cet inventaire. Ce qui m’a donné sujet d’interroger là dessus Georges Soulas, pour sçavoir ce que le deffunt en vouloit faire. Il m’a répondu que ce pauvre homme, pressé de la necessite, et ne trouvant plus si bon débit de sa marchandise, pretendoit mettre cet escriteau à sa porte, et qu’il ne doutoit point qu’il n’y eust beaucoup d’autres autheurs qui, à son imitation, ouvriroient des boutiques de gloire. Je crois (dit Collantine) qu’elles viendroient aussi-tost à la mode que celles des limonadiers125, qui sont si communes aujourd’huy, et dont le mestier il n’y a gueres estoit tout à fait inconnu.

Vrayment, monsieur le prevost (dit alors Charroselles), vous avez interest que ce nouveau mestier s’établisse en vostre justice ; mais il le faudra aussi-tost unir et incorporer avec les vendeurs de tabac126, parce qu’ils ont cela de commun, qu’ils vendent tous deux de la fumée. Oüy dea (dit Belastre), je le pourray bien faire, mais je leur promets d’aller souvent en police chez eux, car on dit que c’est une marchandise fort sophistiquée. Collantine, prenant à son tour la parolle, et l’addressant à Charroselles : Vous ne me montrez point (dit-elle) le papier que vous avez ramassé ; il y a long-temps que vous le considerez ; n’est-ce point quelque obligation ou lettre de change ? Je crois (dit Charroselles, apres l’avoir encore quelque temps examiné) que vous avez touché au but. C’est en effet une lettre de change de reputation, tirée par Mythophilacte sur un academicien humoriste de Florence ; car il luy envoye un ouvrage d’un de ses amis, et il le prie, à piece veuë, de luy vouloir payer douze vers d’approbation pour valeur reçeuë, luy promettant de luy en tenir compte, et de le payer en mesme monnoye. Cette monnoye (reprit Collantine) ne se trouve point dans aucun edit ou tariffe qui ait esté publié, de sorte que, si on la portoit au marché, on mourroit bien de faim aupres. Il est vray (repliqua Charroselles) qu’elle est aujourd’huy fort decriée, avec toutes les especes legeres qu’on a ordonné de porter au billon, car il n’y a rien de plus leger que de la fumée. Il alloit là-dessus donner carriere à son esprit, et dire force méchantes pointes, estant fort grand ennemy des donneurs de loüanges ; mais il en fut empesché par Belastre, qui, ayant esté adverty par son greffier qu’il y avoit quelques interrogatoires fort pressez qu’il devoit faire en sa justice, fut obligé de quitter la partie, et de s’en aller, non sans un grand regret d’avoir esté interrompu par Volaterran, en voulant plaider son procès devant Charroselles.

Il se consola par l’esperance qu’il eut d’en trouver une autrefois l’occasion, ce qui ne luy fut pas mal-aisé, car, en continuant ses visites, il y trouva plusieurs fois aussi Charroselles, qui pour ce jour-là n’y resta gueres plus long-temps que luy. Mais je serois fort ennuyeux si je voulois décrire par le menu toutes les avantures de ces amours (c’est ainsi que je les appelle à regret, chacun les pourra nommer comme il luy plaira), car elles durerent assez long-temps, et continuerent tousjours de mesme force. Il y eut sans cesse querelles, differens et contestations, au lieu des fleurettes et des complimens qui se debitent en semblables entretiens. La seule complaisance qu’eut Charroselles pour Collantine, ce fut de luy laisser deduire tous les procès qu’elle voulut, à la charge d’entendre lire de ses ouvrages par apres en pareille quantité. Et certes, il luy rendit bien son change, ne luy ayant pas esté à son tour moins importun. Je m’abstiendray de reciter les uns et les autres, et je croy, Dieu me pardonne, que je serois plustost souffert en recitant au long ces procès, qu’en faisant lire ces ouvrages maudits, qui sont condamnez à une prison perpetuelle.

Jugez donc du reste de l’histoire de ces trois personnages par l’échantillon que j’en ay donné ; et sans vous tenir d’avantage en suspens, voicy quelle en fut la conclusion :

À l’égard de Belastre, son procès le mina si bien avec le temps, ayant affaire à une partie qui sçavoit mieux son mestier que luy, que non seulement il se vid entierement ruiné (ce qui n’eut pas esté grand chose, car il l’estoit desja devant que d’arriver à Paris), mais mesme interdit et depossedé de sa charge, qui estoit le seul fondement de sa subsistance. Ses amys, qui prevoyoient bien cette cheute, voulurent, avant qu’elle feust arrivée, tenter les voyes d’accommodement avec Collantine, qui le pressoit le plus. Ils luy monstrerent si bien qu’il n’avoit plus que ce moyen de se maintenir, qu’ils le firent resoudre à luy faire faire des propositions de l’épouser, malgré le peu de bien qu’elle avoit. Mais l’esprit de Collantine estoit bâty de telle sorte, que cette esperance d’accommodement, qui la devoit porter à faire faire ce mariage, fut ce qui l’en empescha. Car, comme elle vint à considerer que, si-tost qu’elle seroit mariée à Belastre, il luy falloit quitter les pretentions qu’elle avoit contre luy, elle ne s’y put jamais resoudre, ni abandonner lâchement ce procès, qui estoit son plus grand favory, à cause qu’il estoit le plus gros. Cette seule pensée de paix qu’avoit euë Belastre fut cause qu’il eut tout à fait son congé ; depuis elle n’a point quitté prise, elle l’a poursuivy jusqu’à son entiere défaite.

À l’égard de Charroselles, il n’en alloit pas de mesme : ils n’avoient plus de procès ensemble qui fust pendant en justice, et qui pust estre assoupi par un mariage, de sorte qu’il n’avoit pas une pareille exclusion. Car tous les differens qu’ils avoient ensemble, c’estoient de ces contestations qui leur arrivoient tous les jours par leur opiniastreté et par leur mauvaise humeur ; et tant s’en faut que le mariage les appaise, qu’au contraire il les multiplie merveilleusement. Je ne sçay pas ce qui le put porter à songer au mariage, luy qui avoit tant pesté contre ce sacrement, aussi bien que contre toutes les bonnes choses, et sur tout avec une personne qui n’avoit ny bien, ny esprit, ny aucune qualité sociable. Il faut qu’il l’ait voulu faire par dépit, et en hayne de luy-mesme, pour montrer qu’il faisoit toutes choses au rebours des autres hommes, ou plustost que ç’ait esté par un secret arrest de la providence, qui ait voulu unir des personnes si peu sociables, pour se servir de supplice l’une à l’autre.

Quoy qu’il en soit, le mariage fut proposé et conclud ; mais, hélas ! qu’il y eut auparavant de contestations ! Jamais traité de paix entre princes ennemis n’a eu des articles plus debattus ; jamais alliance de couronnes n’a esté plus scrupuleusement examinée. Collantine voulut excepter nommément de la communauté de biens, qu’on a coustume de stipuler dans un tel contract, qu’elle solliciteroit ses procès à part ; qu’à cette fin son mary lui donneroit une generale authorisation, et qu’elle se reservoit ses executoires de dépens, dommages et interest liquidez et à liquider, et autres émolumens de procès, qu’elle pourroit faire valoir comme un pecule particulier. Il fut aussi consenty qu’elle feroit divorce et lict à part toutes fois et quantes ; et la clause portoit que, sans cette condition expresse, le mariage n’eust point esté fait ni accomply. Mais ce qu’il y eut de plaisant, c’est que les autres personnes, quand elles font des contracts, taschent d’y mettre des termes clairs et intelligibles, et toutes les clauses qu’elles peuvent s’imaginer pour s’exempter de proces ; mais Collantine, tout au contraire, taschoit de faire remplir le sien de termes obscurs et équivoques, mesme d’y mettre des clauses contradictoires, pour avoir l’occasion, et en suite le plaisir, de playder tout son saoul.

Encore qu’ils eussent signé enfin ce contract, ils n’estoient pas pour cela d’accord ; leur contrarieté parut encore à l’eglise et devant le prestre : car ils estoient si accoustumez à se contredire que, quand l’un disoit ouy, l’autre disoit non, ce qui dura si long-temps qu’on estoit sur le point de les renvoyer, lors que, comme des joüeurs à la mourre, qui ne s’accordent que par hazard, ils dirent tous deux ouy en mesme temps, chacun dans la pensée que son compagnon diroit le contraire. Cet heureux moment fut ménagé par le Prêtre, qui à l’instant les conjoignit, et ça esté presque le seul où ils ayent paru d’accord.

Cette ceremonie faite, on fit celle des nopces, où il y eut quelques avantures qui tinrent de celle des Centaures et des Lapites, et le mauvais augure s’estendit si loin, que les violons mesmes n’y peurent jamais accorder leurs instrumens. Les nopces estoient à peine achevées, que Collantine et Charroselles eurent un proces, qu’on peut dire en vérité estre fondé sur la pointe d’une aiguille ; car le lendemain, en s’habillant, elle avoit mis sur sa toilette une aiguille de teste qui estoit d’or avec un petit rubis fin, dont elle se servoit pour accommoder ses cheveux. Charroselles (en badinant) s’en voulut curer une dent creuse ; mais comme il avoit la dent maligne, l’aiguille se rompit dès qu’elle y eut touché. Aussi-tost Collantine vomit contre luy plusieurs injures et reproches, entre lesquels elle n’oublia pas de luy reprocher le defaut dont sa dent estoit accusée. Charroselles, qui vouloit faire durer sa complaisance vingt-quatre heures du moins (c’estoit pour luy un grand effort), offrit de luy en apporter une autre plus belle, et il luy dit mesme qu’il luy en feroit donner une en present par quelque libraire, à qui il donneroit plustost à imprimer un de ses livres sans autre recompense. Vrayement, c’est mon (dit Collantine), vous me renvoyez là à de belles gens ; vous n’en avez jamais sçeu rien tirer, et puis, quand vous m’en donneriez cent, je ne serois pas satisfaite : je veux celle-là, et non point une autre ; j’en fais état à cause qu’elle vient de ma grand’mère, qui me l’a donnée à la charge de la garder pour l’amour d’elle. L’affection que j’ay pour ce bijou me fait souffrir des dommages et interests qui ne peuvent pas tomber en estimation. Et en mesme temps elle recommença à luy dire que c’estoit un mauvais ménager, qu’il la vouloit ruïner, qu’il lui avoit osté le plus pretieux joyau qu’elle avoit ; toutes lesquelles parolles ne s’en estant pas allées sans repliques et dupliques, la querelle s’échauffa si fort, que cela aboutit à dire qu’elle se vouloit separer. Et aussi-tost elle luy fit donner un exploit en separation de corps et de biens, que quelques-uns asseurent qu’elle avoit fait dresser tout prest dès le jour de ses fiançailles. Si je voulois raconter, mesme succinctement, tous les proces et les broüilleries qui sont survenuës entre eux depuis, je serois obligé d’écrire plus de dix volumes, et je passerois ainsi la borne que nos escrivains modernes ont prescrite aux romans les plus boursoufflez. Mais encore, lecteur, avant que de finir, je serois bien aise de vous faire deviner quel fut le succes de ces plaidoyries, et qui fut le plus opiniastre de Collantine ou de Charroselles. J’ayme mieux pourtant vous tirer de peine, car je vois bien que vous n’en viendriez jamais à bout ; mais auparavant, il faut que je vous fasse un petit conte :

Dans le pays des fées, il y avoit deux animaux privilegiez : l’un estoit un chien fée, qui avoit obtenu le don qu’il attrappoit toutes les bestes sur lesquelles on le lâcheroit ; l’autre estoit un lièvre fée, qui de son costé avoit eu le don de n’estre jamais pris par quelque chien qui le poursuivist. Le hazard voulut qu’un jour le chien fée fut lasché sur le lièvre fée. On demanda là-dessus quel seroit le don qui prevaudroit, si le chien prendroit le lièvre, ou si le lièvre échapperoit du chien, comme il estoit écrit dans la destinée de chacun. La resolution de cette difficulté est qu’ils courent encore. Il en est de mesme des proces de Collantine et de Charroselles : ils ont tousjours plaidé et plaident encore, et plaideront tant qu’il plaira à Dieu de les laisser vivre.

Fin.



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111. Il avoit été reçu imprimeur-libraire le 13 septembre 1649, mais il n’avoit guère commencé à marquer qu’en 1670, année où il fut fait adjoint de la communauté. Furetière pouvoit donc, même en 1666, époque, non de la rédaction, mais de la publication de son livre, parler encore de lui comme il en parle. — Dans l’édition de Nancy, de 1713, le nom de Jean Treyar est substitué à celui de Ch. de Sercy.

112. C’est d’Augustin Courbé qu’il est parlé ici. « Son plus grand négoce, dit La Caille (Hist. de l’impr., p. 274), étoit de livres de galanteries et de romans, dont il faisoit grand débit. » — Dans sa Nouvelle allégorique, etc., p. 115, Furetière avoit déjà parlé de Courbé, à propos de mademoiselle de Scudéry, dont il éditoit les romans : « La pucelle Sappho obtint permission de mener des troupes dans la Romanie pour la rétablir, à cause qu’elle y avoit de belles terres et seigneuries, dont Augustin Courbé étoit fermier général, et où il faisoit si bien son compte, qu’il s’y seroit extraordinairement enrichi, sans les pertes que lui a fait souffrir d’ailleurs le prince Galimathias. »

113. Exercice spirituel, contenant la manière d’employer toutes les heures du jour au service de Dieu, par V. C. P., dédié à Mme la Chancelière. La corporation des relieurs de Paris avoit fait cette galanterie à madame Séguier, pour se rendre favorable le chancelier, sous la direction duquel toutes les corporations dépendantes de la librairie étoient placées. Le succès de ce livre dura plus d’un siècle ; en 1767 le libraire de Hansy en donna encore une édition, reproduisant la dédicace que Collombat avoit faite pour la première. Il n’y avoit de changé que la Chancelière, à qui l’on dédioit.

114. C’étoient deux de ces pauvres diables de prophètes, si nombreux alors, que Louis XIV fut obligé de donner, en 1682, une déclaration sous forme d’édit portant peine de bannissement contre les astrologues, devins, magiciens et enchanteurs. V. Esprit des journaux, mai 1789, p. 267. Il est parlé de Petit et de Questier, comme astrologues, dans plusieurs mazarinades. Questier en fit même quelques unes. V. le Mascurat, p. 194, et C. Moreau, Bibliogr. des Mazarin., t. II, p. 94, nº 1763.

115. C’est vers 1656, époque où Bicêtre fut donne à l’hôpital général, que ces mesures furent prises contre les gueux. Le vieux château du cardinal Winchester avoit ainsi pris la place du dépôt de mendicité projeté par Louis XIII en ses lettres patentes du mois de février 1622, et qui devoit être placé au bout de la grande allée du Cours-la-Reine. — Cl. Le Petit, dans les strophes de son Paris ridicule qu’il consacre au château de Bicêtre, nous montre les gueux installés dans le vieux manoir, et y vivant gais et contents. Or la première édition du Paris ridicule est de 1668. — La fondation de l’hôpital général étoit due à la charité du président de Bellièvre. (Perrault, Vie des hommes illustres, p. 54.)

116. Le portrait de Mythophilacte n’est pas tracé d’après un original unique ; c’est un type complexe ; quelques traits appartiennent à celui-ci, d’autres à celui-là. Montmaur a posé pour tout ce qui concerne le poète parasite ; pour une partie du reste, c’est de Mailliet, le Poète crotté de Saint-Amand, qui sert de modèle. Il étoit gueux comme Mythophilacte, et comme lui quêteur de dédicaces. Furetière, dans sa satire des Poètes, parue avec ses Poésies diverses deux ans avant le Roman bourgeois, avoit mis déjà de Mailliet en scène, sous son vrai nom, et l’on y peut juger de sa parenté avec le type ici analysé. Montmaur et Mailliet étoient morts depuis long-temps.

117. De l’italien pagnota, poltron, timide. V. la Comédie des Proverbes, act. I, sc. 6.

118. Mailliet, selon Furetière, 5e satire, V. 95-120, avoit aussi perdu ses vers ; un valet les lui avoit jetés au feu.

119. Benserade, à qui Furetière a déjà fait allusion plus haut, p. 138.

120. Scarron avoit la même pensée que Furetière ; il a dit que « faire une dédicace, c’étoit faire le gueux en vers ou en prose ».

121. Fameux financier, Mécène bourgeois, comme dit Furetière. Corneille lui dédia Cinna. (V. son Historiette dans Tallemant, 1re édit., V, p. 15.)

122. Le dictionnaire de Calepin est un fort in-fol. L’Abrégé de l’Histoire romaine, par Velleius Paterculus, un mince volume, souvent de très petit format.

123. La Bibliothèque bleue, les Contes bleus, durent leur nom au papier qui leur servoit de couverture. De là vint aussi que l’on dit bluet pour une brochure de peu d’importance (Poésies du P. du Cerceau, 1785, in-12, tom. 1, p. 312), et plus tard bluette.

124. C’est cette épître dédicatoire d’un livre futur qui a fait dire que Furetière avoit dédié son Roman bourgeois au bourreau. Nous avons déjà combattu cette erreur trop répétée dans un article sur les livres imaginaires publié par le Journal de l’amateur de livres, tome 3, p. 10–11.

125. L’établissement de la communauté des limonadiers date de 1676, époque ou on leur permit de vendre du café. L’ouverture des premières boutiques de limonades remonte à plusieurs années auparavant, à 1630 environ. V. Mélanges d’une grande bibliothèque, Hh., p. 187. Le grand d’Aussy, Vie privee des François, tom. III, passim.

126. C’est à peu près la pensée de Saint-Amand à la fin de l’un de ses sonnets :

Non, je ne trouve pas beaucoup de différence
De prendre du tabac et vivre d’espérance :
Car l’un n’est que fumée et l’autre n’est que vent.


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