Le Saguenay et la vallée du lac St. Jean/Chapitre 2

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Imprimerie de A. Côté et Cie (p. 16-31).


CHAPITRE II


I


Lorsqu’en 1535, Jacques Cartier fit son deuxième voyage en Amérique et qu’il fût parvenu dans le golfe Saint-Laurent, il apprit de deux sauvages qui l’accompagnaient que le pays se divisait en trois provinces : 1o. le Saguenay, qui s’étendait depuis l’Île d’Anticosti jusqu’à l’Île aux Coudres ; 2o. le Canada, dont la principale bourgade était Stadaconé, et qui s’étendait depuis cette dernière Île jusqu’à Hochelaga ; 3o. enfin, Hochelaga, qui formait la partie la plus riche et la plus populeuse de toute la contrée. (Garneau, v. I.)

Nous avons vu ci-dessus qu’elles furent les limites précises assignées plus tard au Saguenay ou Domaine du Roi par l’ordonnance de l’intendant Hocquart. Ces limites ont été conservées jusqu’en 1840, époque à laquelle eut lieu le remaniement des circonscriptions électorales de la province de Québec. L’extrême limite ouest du « Domaine, » sur le littoral du Saint-Laurent, atteignait alors, on s’en souvient, cette partie du pays qui fait face à l’Île-aux-Coudres ; Depuis 1840, le comté de Charlevoix a été taillé dans le territoire de l’ancien « Domaine, » et s’étend sur le bord du fleuve jusque près de la rivière Saguenay elle-même ; en outre, on a divisé ce qui restait de ce territoire en deux comtés, lesquels cependant n’en forment qu’un pour les fins électorales, celui de Chicoutimi qui comprend les deux bassins de la rivière Saguenay et du Lac Saint Jean, et celui de Saguenay proprement dit, qui s’étend de Tadoussac au Labrador, sur le littoral, et en arrière jusqu’à la hauteur des terres qui servent de ligne de partage entre les eaux qui coulent dans le Saint-Laurent et celles qui se déversent dans la Baie d’Hudson.

Il est presque impossible dans ces conditions d’établir quelles sont les bornes précises du territoire saguenayen, attendu que la hauteur des terres est extrêmement variable et que la limite naturelle du bassin du lac Saint-Jean ne peut être arbitrairement fixée. Cependant, nous pouvons dire d’une manière approximativement exacte que le territoire du Saguenay, comprenant les deux comtés dont il est formé, s’étend entre les 48e et 52e degrés de latitude nord, et entre les 65e et 74e degrés de longitude ouest.

Cette vaste étendue est loin d’avoir été entièrement mesurée ; bon nombre des townships qui la composent n’ont pas en réalité de délimitations, quoique des délimitations soient figurées sur la carte ; ils sont simplement à l’état de projet, tandis que certains autres ont été mesurés et allottés partiellement. Ainsi, en partant de Tadoussac et en descendant le fleuve Saint-Laurent, nous avons les townships Tadoussac, Bergeronnes, Escoumins et Iberville qui se suivent ; environ deux rangs de ces quatre townships ont été arpentés sur le littoral du fleuve et sont occupés et cultivés. Plus loin, on ne voit plus trace de culture, mais simplement des établissements de pêche échelonnés çà et là sur la côte, et des concessions de terrains miniers, appelés « blocs, » pour l’exploitation du fer qui s’y trouve en abondance.

Ainsi, nous parcourons les townships Laval et La Tour, qui sont absolument inhabités, puis celui de Betsiamites, célèbre pour la mission annuelle qui s’y fait le 15 août et à laquelle se rendent tous les Indiens dispersés dans l’intérieur et sur la côte nord du fleuve. Ces Indiens ont aussi, sur la rive ouest de la rivière Betsiamites, une réserve composée d’une cinquantaine environ de chaumières indiennes, mais où ils ne restent guère qu’une partie de l’année, tout le reste du temps se passant en excursions de chasse et de pêche. C’est au milieu de cette « Réserve » que les pères Oblats ont élevé, il y a 27 ans, une « mission » permanente où ils viennent se reposer de leurs longues courses et de leurs pénibles travaux apostoliques. Ils ont réussi, après de patients efforts, à fertiliser le sol ingrat de cette région aride ; ce sol n’est autre chose que du sable auquel ils sont parvenus à faire produire des légumes et une certaine quantité de céréales suffisant aux besoins de la localité. Ils ont aussi construit une chapelle d’un extérieur humble, pauvre même, mais dont l’intérieur, chargé de décors pittoresques, d’images à profusion, peintes dans les couleurs les plus chatoyantes, est de nature à frapper vivement l’imagination enfantine des sauvages.

Mais ce qu’il y a de plus remarquable à Betsiamites, c’est le musée d’Histoire Naturelle, formé aux trois-quarts de la faune et de la flore canadiennes, comprenant une variété extrême de sujets et de spécimens préparés par les Oblats eux-mêmes avec un art parfait, choisis et classés avec cette patience minutieuse qui caractérise le travail des religieux, et augmentés tous les jours au point que, dans quelques années d’ici, le musée des Oblats de Betsiamites sera peut-être le plus complet en son genre qu’il y ait dans toute l’Amérique du Nord.

C’est à partir de 1844 que les pères Oblats ont commencé à desservir toute la côte nord du Saint-Laurent, depuis Tadoussac jusqu’au Blanc Sablon, à l’extrémité orientale de la province. Ils avaient alors leur quartier général à la Grande Baie, dans le Saguenay. Ils ne trouvèrent, en arrivant dans les différents postes échelonnés le long du littoral, que les descendants des anciens Montagnais qui, les premiers, avaient reçu les français à leur arrivée au Canada. Ils les avaient reçus d’abord à Tadoussac, puis à Stadacona, appelé plus tard Québec. Tadoussac et Stadacona, de même que Canada, Hochelaga, Ottawa, Batiscan etc., ce sont là tous des noms montagnais.

Les Oblats, à l’exemple de leurs devanciers, les Jésuites, ont parcouru la côte tous les ans, depuis l’époque indiquée plus haut, afin de porter l’évangile aux sauvages, et souvent ils ont pénétré bien loin, bien loin dans l’intérieur des forêts pour y suivre les pauvres enfants des bois, vivant de leur vie, partageant leurs souffrances, endurant les mêmes privations, la même misère, et plus d’une fois tombant victimes de leur inépuisable dévouement, quand ils ne revenaient pas de leurs longues courses avec une santé délabrée, les forces de la vie brisées, et cependant prêts à recommencer encore en tout temps leurs cruels, mais glorieux et précieux labeurs.


II


Après que le gouvernement eût cessé de donner à la Compagnie de la Baie d’Hudson le bail des Postes du Roi, quelques familles canadiennes vinrent planter leur tente le long de la côte et formèrent les premiers établissements de Moulin Baude, des Bergeronnes, de Bon Désir, des Escoumins, de Mille Vaches, de Portneuf, etc. Les missionnaires Oblats, ne pouvant suffire à desservir cette population qui augmentait de jour en jour, cédèrent partiellement la place à de nouveaux ouvriers évangéliques, et c’est ainsi que commencèrent les missions fixes, dont quelques-unes reçurent plus tard des curés résidents.

Pour empêcher que les sauvages ne fussent submergés par la population blanche qui envahissait la côte, les Oblats formèrent une « réduction » à Betsiamites où ils amenèrent les familles éparses de Tadoussac, des Escoumins, de Portneuf, etc., et ils se fixèrent au milieu d’elles. Cela eut lieu en 1853. L’endroit où s’élève aujourd’hui le petit village montagnais de Betsiamites n’était alors qu’une forêt et ce sont les missionnaires eux-mêmes qui abattirent les premiers arbres qui ont servi à la construction de leur chapelle. Depuis, quelques jolies maisonnettes se sont élevées auprès de la chapelle, et, l’été, aux approches de la mi-août, on voit se dresser subitement tout autour de ce petit village à peine ébauché, dans le plus singulier et le plus pittoresque apprêt, un nombre infini de cabanes d’écorce où s’abritent pendant quelques jours seulement les chasseurs qui viennent assister à la mission.

Sur la rive ouest de la rivière Betsiamites, à son embouchure dans le Saint-Laurent, se trouve la scierie de MM. Girouard et Beaudet qui emploie en moyenne deux cent cinquante hommes tout le long de l’année, et qui fournit des chargements à une quinzaine de navires qui transportent du madrier en Angleterre et de la planche aux États-Unis. On évalue à plus de deux cent cinquante mille le nombre des madriers sortis de cet établissement de 1879 à 1880, et à un million et demi la quantité de pieds de bois faits pour le marché américain. Les quatre-cinquièmes environ de ces madriers, soit deux cent mille, sont d’épinette ; or, le prix des madriers d’épinette étant de trente dollars le cent, voilà de suite soixante mille dollars de réalisés. Le prix des madriers de pin est de cinquante dollars le cent, ce qui donne $25,000 pour cinquante mille madriers. D’autre part, un million et demi de pied de bois rapportent $12,000 ; d’où l’on peut voir que le produit total de la vente de bois faite cette année par la maison Girouard et Beaudet s’élève à près de cent mille dollars. Cette maison a été fondée en 1872 avec un capital considérable, et elle emploie dans la belle saison près de trois cents hommes qui gagnent de un dollar à un dollar et demi par jour. Bon nombre d’entre eux demeurent à Betsiamites toute l’année, dans des logements que MM. Girouard et Beaudet ont fait construire auprès de leur scierie, et qui constituent un véritable petit village d’environ soixante feux. MM. Girouard et Beaudet ont en outre fait bâtir une petite église et une maison d’école pour les familles fixées dans l’endroit, et dont le nombre augmenterait de beaucoup si la nature du sol permettait une culture quelconque.

Disons en terminant que la rivière Betsiamites est une des grandes voies qui mènent de la rive nord du Saint-Laurent aux pays de chasse de l’intérieur. On peut la remonter en canot jusqu’au portage de « l’Aviron, » ainsi nommé parce qu’il n’y a qu’un espace de la longueur à peu près d’un aviron qui sépare en cet endroit la Betsiamites de la rivière Valin, laquelle conduit à la rivière Saguenay.

Quelques lieues plus bas que Betsiamites, la presqu’île de Manicouagan, resserrée entre la rivière qui porte son nom et la rivière aux Outardes, s’avance dans le fleuve avec une ceinture de fer magnétique autour de ses rivages. Un « bloc » y a été concédé pour l’exploitation de ce minerai, mais il a été abandonné depuis.

Le township Laflèche, qui avoisine celui de Manicouagan, ne renferme aucune habitation ; puis vient celui de De Monts, qui contient également un « bloc, » et où coule la fameuse rivière Godbout, si fréquentée depuis quelques années par les amateurs de la pêche au saumon. En descendant encore le fleuve, on arrive, après avoir suivi une longue lisière de côte absolument déserte, aux townships LeNeuf et Arnaud qui ne sont ni mesurés ni habités, puis au township Letellier, compris entre la baie des Sept Îles à l’ouest et la rivière Moisie à l’est, et dont tout le littoral, sur le Saint-Laurent, forme un « bloc » qui, comme celui de Manicouagan, est aujourd’hui abandonné.

Enfin, faisant suite au township Letellier, est celui de Moisie, le dernier du territoire saguenayen dans le bas du fleuve. Moisie, qui n’était guère connu que des navigateurs, il y a une quinzaine d’années, acquit tout à coup un nom célèbre par la découverte qui s’y fit du sable magnétique dont ses rives sont chargées. Il se forma de suite une compagnie pour l’exploitation de cette nouvelle source de richesses, regardée comme inépuisable. À cette compagnie, qui manquait de capitaux suffisants, succéda M. Molson, banquier de Montréal, qui dépensa à cette exploitation des sommes considérables, et fut enfin obligé de s’en dessaisir à son tour entre les mains d’une nouvelle compagnie qui, après avoir continué les travaux pendant près de deux ans et fait construire à Québec une usine pour la fabrique de l’acier avec le fer de Moisie, périclita comme ses devanciers, et depuis lors, c’est-à-dire depuis 1874, il n’a plus été question de nouvelles tentatives, rendues impossibles, parait-il, par les conditions actuelles du transport et celles du marché au fer dans toutes les parties du monde.


III


Nous revenons maintenant à la rivière Saguenay dont nous allons suivre les deux rives bordées de townships plus ou moins habités, jusqu’au Lac Saint-Jean dont nous parcourrons également la ceinture de townships en pleine colonisation ; puis nous reviendrons sur nos pas pour faire en détail la description géographique de tout l’espace qui s’étend entre l’embouchure de la rivière Saguenay et l’extrémité occidentale du lac Saint-Jean, dernière limite des établissements dans cette partie de la province.

La rive sud ou ouest de la rivière Saguenay jusqu’à la baie Ha ! Ha ! est à peine arpentée, quoique les noms d’un bon nombre de townships y figurent ; encore moins est-elle habitée. On n’y voit guère d’établissements que le long des cours d’eau qui conduisent au Saguenay, et dont les rivages offrent ça et là quelques lambeaux de terre cultivable. Il faut faire cependant une exception en faveur de l’Anse Saint-Jean, paroisse qui a pris le nom de la baie même autour de laquelle elle s’est étendue, et qui compte aujourd’hui près de sept cents habitants.

Les townships qui bordent le Saguenay du côté ouest jusqu’à la baie Ha ! Ha ! sont ceux de Saguenay, de Dumas, de Saint-Jean, d’Hébert et d’Otis ; puis, en arrière, viennent les townships Sagard, Ducreux, Périgny, Brébeuf et Lallemant, Ferland et Boileau ; ces derniers ne sont guère encore que projetés, et c’est à peine si quelques lignes latérales ont été tirées pour les séparer les uns des autres.

Le township Saguenay est assez fertile : aussi toutes les familles qui y résident cultivent la terre. On y récolte le foin et quelque grain. La mer enlève le sol végétal très-rapidement de ce côté de la rivière, ce qui diminue d’autant l’étendue de terre cultivable. La plupart des familles du township Saguenay viennent de la Malbaie ; elles y formaient en 1864 une population de cent trente-quatre âmes.

Sur la rive est ou nord nous trouvons au contraire les townships Albert, La Brosse, Saint-Germain et Harvey qui ont été entièrement arpentés ; celui-ci fait face en partie à la baie Ha ! Ha ! et renferme la paroisse de Saint-Fulgence, communément appelée l’Anse au Foin, dont la population était de six cent trente âmes en 1879. Le township Albert, où certains plateaux offrent d’excellentes terres aux cultivateurs, est habité presque tout entier ; il est en communication directe avec Tadoussac, l’hiver et l’été, par un chemin qui porte son nom ; il contient aussi la paroisse de Sainte-Marguerite, située à l’embouchure de la rivière de ce nom et où l’on compte une population d’à peu près cent trente âmes.

C’est le township Albert qui a reçu les premiers colons qui se soient fixés dans le Saguenay. Vers 1840, deux familles, l’une du Château-Richer et l’autre des Éboulements, vinrent se placer à l’entrée de la rivière Sainte-Marguerite et s’occupèrent de pêche, de chasse et un peu de culture. Puis, les enfants s’y étaient établis, et, en 1864, on y comptait une dizaine de familles qui ne portaient guère que les noms de Gravel et de Gauthier.

Entre l’embouchure du Saguenay et la baie Ha ! Ha ! on peut compter environ cent cinquante mille acres de terre arable. L’Anse Saint-Jean, on l’a vu, est l’établissement le plus considérable de cette partie du territoire saguenayen ; d’autres endroits, tels que le Tableau, les Îles Saint-Louis et l’embouchure du petit Saguenay contiennent encore quelques familles isolées qui fournissent un appoint de cent et quelques âmes de plus, mais là s’arrête tout l’effort de la colonisation dans ce pays sauvage d’où la nature semble vouloir repousser l’homme.

C’est à la baie Ha ! Ha !, appelée aussi « Grande Baie, » que les terres du haut Saguenay commencent à être cultivables. Tout autour de la baie, et jusqu’à Chicoutimi qui est à une distance de douze milles en ligne droite, le sol, formé d’une riche alluvion déposée par les eaux qui couvraient jadis toute cette étendue, est occupé, de sorte qu’il n’y reste plus de place à la colonisation.

Au nord de la rivière Saguenay, dans l’espace compris entre le township Harvey et le lac Saint-Jean, se trouvent les townships Tremblay, Falardeau, Simard, Bourget, Taché et Delisle. C’est à ce dernier township que s’arrête la colonisation de ce côté. Le nord du lac Saint-Jean n’a pas été arpenté encore, quoiqu’il soit d’une fertilité remarquable ; le manque de communications a empêché les colons de s’y porter, autant que le manque de moyens et l’ignorance complète où l’on a été jusqu’à tout récemment de cette partie du pays. Il reste encore dans le township Bourget 22,741 acres à concéder, et dans le township Simard 29,105. La moitié sud du township Delisle, celle qui borde le Saguenay, ainsi que le centre du township Taché, sont également en état de culture.

Une exploration faite, il y a quelques années, dans le township Bourget, a démontré que son sol était de qualité supérieure, composé en grande partie de terre argileuse, grise, noire et jaune dans les vallées, de terre jaune et sablonneuse sur les hauteurs, très-propre à la culture. Il y a là de quoi fonder une des paroisses les plus avantageusement situées du haut Saguenay.

Sur la rive sud du Saguenay, à partir du township Otis et en allant vers l’ouest, se trouvent les townships Bagot et Chicoutimi, qui sont entièrement colonisés, populeux même, surtout le dernier qui contient le chef lieu, en même temps le centre d’affaires de toute la région du Saguenay et la tête de navigation de la rivière. Puis, nous nous trouvons en présence de la presqu’île de Chicoutimi, formée au nord par la rivière Saguenay, à l’ouest par le lac Saint-Jean, à l’est et au sud par la Belle-Rivière, la rivière des Aulnaies, le lac Kenogamichiche et le lac Kenogami, enfin, à l’est, par la rivière Chicoutimi.

(Le lecteur verra que nous ne faisons qu’indiquer ici sommairement les délimitations, et que nous sommes obligés pour cela d’introduire des noms d’endroits, de rivières et de lacs avec lesquels il n’a pas encore fait connaissance ; mais nous nous réservons de faire en détail, dans les chapitres qui vont suivre, la description géographique et topographique de toute la région du Saguenay et du Lac Saint Jean, à mesure que nous en découvrirons successivement le tableau sous ses yeux.)


IV


La presqu’île de Chicoutimi est un vaste espace, se rapprochant assez par la forme d’un parallélogramme, qui s’étend entre le 48e, 19′ et le 48e, 38′ de latitude nord, et entre le 71e, 06’, et le 71e, 48′ de longitude ouest, méridien de Greenwich. Elle a douze lieues de longueur environ, sur une largeur variant de trois lieues et demie à quatre lieues, et renferme, de l’est à l’ouest, une partie du township Chicoutimi, ceux de Jonquière, Kenogami, Labarre et Signal.

Le township Jonquière est presque entièrement habité, tandis que deux rangs seulement du township Kenogami, son voisin, sont occupés par les colons. Ces deux rangs forment la partie sud du township, et toute la partie nord constitue une région accidentée qui renferme, paraît-il, une quantité considérable de fer titanique.

Dans le township Labarre, les deux-tiers des terres sont établis, et celui de Signal est colonisé dans toute son étendue. Le sol, dans une grande partie de ce township, est composé d’argile ; c’est une terre d’alluvion boisée de merisier, d’épinette, de sapin, de bouleau, de pin, d’orme, de frêne et de cèdre. Le climat y est rendu avantageux par le voisinage du Lac Saint-Jean dont les eaux tempérées paralysent, par leur influence sur l’air, les premières gelées d’automne.

Revenons maintenant à l’est de la presqu’île de Chicoutimi et suivons, en gagnant l’ouest, la série des townships qui s’échelonnent sur une même ligne jusqu’au nord-ouest du lac Saint-Jean. Nous avons d’abord le township Laterrière qui est entièrement habité ou à peu près ; puis ceux de Lartigue et de Plessis où il n’y a guère que quelques établissements, à cause de la nature inculte et montagneuse de leur sol. Vient ensuite le township Mésy, dont une moitié environ est colonisée ; enfin, le township Caron, aux trois-quarts établi, dont une partie confine au littoral sud-est du lac Saint-Jean.

Les townships dont les noms vont suivre, forment tous la lisière sud et ouest du Lac. Les voici dans leur ordre : au sud du Lac sont les townships Métabetchouane, Charlevoix et Roberval ; le tiers du premier, les deux-tiers du second et la moitié du troisième sont établis. En arrière des townships Métabetchouane et Charlevoix ont été ouverts récemment deux cantons nouveaux en l’honneur des deux premiers missionnaires qui sont allés au Saguenay : ce sont ceux de De Quen et de Dablon. Dans le premier, le quart des terres est déjà en voie de culture ; dans le second, environ le huitième. Le sol y est d’une qualité médiocre.

À l’ouest du Lac sont les townships Ouiatchouane, Chamouchouane, Demeules et Dufferin. Ce dernier a été arpenté en 1879 et ne contient pas encore d’habitants. Dans les townships Ouiatchouane et Demeules, le tiers des terres est en culture, tandis qu’il y en a une bonne moitié dans le township Chamouchouane. Enfin, au nord ouest du Lac, se trouvent les townships Parent, Normandin et Albanel. Le premier, dont les deux-cinquièmes sont en culture, confine au lac Saint-Jean lui-même, tandis que les deux derniers sont à quelques milles dans l’intérieur.

Le township Normandin, en voie de colonisation rapide, a été ouvert l’an dernier dans des conditions particulières que nous exposerons plus loin en détail. Il renferme les plus belles terres que l’on puisse désirer. Quant au township Albanel, qui porte le nom du premier missionnaire jésuite qui se rendit à la baie d’Hudson par le Lac Saint-Jean, il n’est pas encore arpenté, mais va l’être prochainement dans les mêmes conditions que le township Normandin.