Le Sang de la coupe/« Fille de la clarté, Muse aux regards vermeils »

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Fille de la clarté, Muse aux regards vermeils,
Ouvre les yeux. Que font dans l’éther les soleils ?
Ils gravitent. Que fait l’Océan vaste ? Il broie
Les navires de l’homme en rugissant de joie.
Et le tonnerre ? Il gronde. Et l’aigle immense ? Il fond
Sur la brebis, du haut du ciel clair et profond,
Et l’emporte à son aire. Et le lion ? Il plante
Ses fortes dents parmi la chair vive et sanglante.
Et le doux rossignol ? Blessé cruellement
Par sa fleur, il la chante avec ravissement
Et retourne au buisson d’épines. Et la rose,
Que fait-elle du flot d’ambroisie ? Elle arrose
La terre de parfums et les grands cœurs d’amour.
Et le penseur ? Il vient à la clarté du jour
Pour secouer devant la foule intimidée
Ton glaive de lumière, inexorable Idée !
Et le poëte auguste ? Il tourne son flambeau
Vers la Beauté, sa foi, qu’on a mise au tombeau,

Et se penchant sur elle avec mélancolie,
Il relève en pleurant cette image avilie.
Et l’impuissant, ô Muse ? Il vit, fier de railler
Et de mentir. C’est bien, Muse, allons travailler.


Février 1856.