Le Secret de la malle rouge/5

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L’Édition populaire (p. 34-37).

L’ENNEMI DANS LA PLACE.


Quelques jours s’étaient écoulés.

— L’ennemi a accès dans la place, me dit mon ami à brûle-pourpoint.

— Ah ! vous avez du nouveau ? demandai-je, intrigué.

— J’ai relevé des traces qui me permettent d’établir que l’homme mystérieux s’est introduit à plusieurs reprises déjà dans la maison.

— Par où entre-t-il ?

— J’ai relevé les traces dont je vous parle dans la mansarde.

— Il viendrait donc de la maison voisine ?

— Les chambres qu’il occupait sont adroitement surveillées par la police.

— Ce qui fait supposer qu’il viendrait d’une autre maison.

— À partir de ce matin, les autres maisons voisines sont surveillées. Il ne nous reste plus qu’à attendre.

— Quelles sont vos hypothèses, mon ami ?

— J’attends de nouveaux faits pour les établir.

— Et le jeune Lelong, qu’est-il devenu ? demandai-je à Sagan.

— Je l’ai mis hors d’état de nuire. La police le surveille et l’empêche de bouger.

Les nouveaux faits dont avait parlé Sagan ne tardèrent pas à se manifester. La nuit suivante, nous fûmes réveillés par des cris affolés qui partaient de la chambre qu’occupaient les époux Bulck. Nous étions prêts pour prévenir toute alerte.

Un instant après, nous étions devant la chambre d’où partaient les cris.

Nous frappâmes. La porte s’ouvrit. M. et Mme Bulck apparurent sur le seuil en toilette de nuit.

— Que se passe-t-il ? demanda Sagan.

— J’étais endormie, nous dit Mme Bulck, lorsque je fus soudain réveillée par un bruit sourd, par un frôlement léger sur le parquet. J’entr’ouvris les yeux : à ce moment, je vis distinctement dans la clarté de la lune, la tenture de la porte qui ouvre sur le corridor bouger. Puis j’entendis plus distinctement le frôlement d’un pas sur le plancher. C’est alors que, surexcitée, je poussai des cris d’alarme. Mon mari, réveillé à son tour, éclaira la chambre. Nous avons cherché d’où pouvait provenir le bruit, le frôlement des pas, sans rien découvrir. J’en suis tout agitée.

— Les portes-étaient-elles bien fermées ? demanda Sagan.

— Oui, répondit M. Bulck, et les clés se trouvaient à l’intérieur.

Le détective se dirigea vers les fenêtres ; celles-ci étaient garnies d’épais barreaux de fer — il le savait déjà, connaissant la maison, je l’ai dit, comme s’il l’avait construite lui-même — et n’eussent pu livrer passage à aucun être humain.

— Nous avons tout visité, dit à son tour Mme Bulck.

Nous fîmes une nouvelle inspection sans rien découvrir d’anormal.

Sagan paraissait, perplexe.

— Allons nous recoucher, dit-il. Si notre présence était nécessaire, dit-il en s’adressant à nos hôtes, nous nous tenons à votre entière disposition.

M. et Mme Bulck nous remercièrent chaleureusement et nous reconduisirent jusqu’au seuil de leur porte. Soudain, comme nous les quittions, nous les entendîmes tous deux pousser un cri de stupeur.

Nous revînmes sur nos pas.

Du doigt, M. Bulck nous montra le panneau extérieur de la porte, sur lequel un dessin sanglant était tracé : il représentait un cœur percé d’un poignard et surmonté de l’empreinte d’une main.

Mon ami prit sa loupe et examina le dessin. Il eut un geste de déception :

— Malheureusement, dit-il, l’empreinte de ces doigts a été faite avec une main gantée.

Mme Bulck s’était évanouie de peur et son mari, aidé par nous, la déposa dans son lit et s’empressa auprès d’elle.

— À l’avenir nous veillerons dans le corridor, dit mon ami. L’ennemi devient plus audacieux, il faut redoubler de vigilance.

L’instant fatal approche…