Le Sens commun/Des ressources de l’Amérique

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Traduction par F. Lanthenas.
R. Vatar fils (p. 209-242).


Des ressources de l’Amérique. — Réflexions diverses.


Je n’ai rencontré personne, soit en angleterre soit en amérique qui ne pensât que tôt ou tard la séparation auroit lieu entre ces deux contrées, & jamais nous n’avons montré moins de jugement, que lorsque nous avons tâché de définir ce que nous appelons la maturité de l’amérique pour l’indépendance.

Comme on avoue que cette mesure est inévitable & que les opinions ne varient que sur le temps où elle devoit avoir lieu ; pour éviter les méprises, examinons en général la situation des choses, & tâchons, s’il est possible, de trouver son époque véritable. Mais nous n’avons pas besoin de prendre tant de peine ; l’examen cesse dès les premiers pas, car le temps nous a devancés. Le concours unanime, la glorieuse union de toutes les circonstances prouvent ce fait.

Notre force ne gît pas dans le nombre des hommes, mais dans l’unité des sentimens ; & encore le nombre d’hommes que nous pouvons armer suffit pour repousser les forces de l’univers. Les colonies ont maintenant sur pied le corps le plus considérable de troupes disciplinées que soit en état de lever aucune puissance ; elles sont arrivées au période où aucune d’elles n’est en état de se soutenir elle-même, mais où leur confédération bien unie peut les défendre toutes ; au période où leur situation respective, altérée en plus ou en moins, entraîneroit des conséquences fatales. Nos forces de terre sont déjà suffisantes, & quant à la marine ; nous ne saurions nous dissimuler que la Grande-Bretagne ne laisseroit pas construire un seul vaisseau de guerre en Amérique, tant qu’elle en demeureroit souveraine ; ainsi nous ne serions pas plus avancés à cet égard dans un siècle, que nous ne le sommes aujourd’hui ; disons mieux, nous le serions encore moins, attendu que le bois de construction diminue chaque jour dans nos contrées, & que le peu qui s’en conservera à la fin sera loin de nous & difficile à se procurer.

Si les colonies regorgeoient d’habitans, leurs souffrances seroient insupportables dans les circonstances actuelles. Plus nous aurions de ports de mer, plus nous aurions à défendre, & plus nous risquerions de perdre. Notre population est si heureusement proportionnée à nos besoins, que personne n’est dans le cas de rester oisif. La diminution du commerce nous vaut une armée, & l’entretien de cette armée produit un nouveau commerce.

Nous n’avons point de dette ; & quelques emprunts que nous soyons obligés de faire, ils éterniseront notre gloire & serviront de monument à notre vertu. Si nous parvenons à transmettre à nos descendans une forme stable de gouvernement & une constitution indépendante, à quelque prix que nous leur ayons acheté ces biens, ils ne leur sembleront pas trop chers. Mais c’est agir sans raison, c’est trahir cruellement la postérité, que de dépenser des millions, simplement en vue d’obtenir l’abrogation de quelques actes méprisables & de renverser les ministres actuels, parce que c’est laisser à nos enfans la grande entreprise à terminer & le fardeau d’une dette qui ne leur sera d’aucun profit. Une semblable pensée est indigne d’un homme d’honneur ; elle est le signe indubitable d’une ame étroite & d’une politique minutieuse.

La dette que nous pouvons contracter ne mérite pas que nous nous y arrêtions, pouvu que l’ouvrage s’accomplisse. Il faut aux états une dette nationale ; c’est un engagement dont tous leurs membres répondent, & lorsqu’elle ne porte pas d’intérêt, elle ne sauroit être onéreuse sous aucun rapport. La grande-bretagne est accablée d’une dette de plus de cinquante millions sterling, qui lui coûte, plus de quatre millions sterling d’interêt. Pour la dédommager, elle a une marine considérable. L’amérique n’a ni dette, ni marine, & toutefois, pour la vingtième partie de la dette nationale de l’angleterre, elle pourroit avoir une marine égale à la sienne. La marine anglaise ne vaut pas, à l’heure qu’il est, plus de trois millions & demi de livres sterling.

La première & la seconde édition de ce pamphlet ne renferment point les calculs suivans, je les y insère aujourd’hui pour prouver la justesse de cette estimation. Voyez l’histoire navalle d’entick, page 56 de l’introduction.

D’après les comptes de m. burchett, secrétaire de la marine, il en coûte, pour construire un vaisseau de chaque dimension, le garnir de mâts, de voiles, d’agrès, & le fournir pour huit mois des provisions nécessaires au pilote & au charpentier,
s a v o i r :
Pour un vaisseau de 100 canons, 35,553 l. sterl.
de 90 29,886.
de 80 23,638.
de 70 17,785.
de 60 14,297.
de 50 10,606.
de 40 7,855.
de 30 5,846.
de 20 3,710.

Il n’est pas difficile, d’après cela, de supputer ce que vaut, ou, pour mieux dire, ce que coûte la marine anglaise. En 1757, époque de sa gloire la plus brillante, elle était composée comme il suit :

Vaisseaux. Canons. Frais.
6 ......... 100 ........ 213,318 liv. sterl.
12 .......... 90 ........ 358,632
12 .......... 80 ........ 283,656
43 .......... 70 ........ 764,755
35 .......... 60 ........ 496,895
40 .......... 50 ........ 424,240
45 .......... 40 ........ 340,110
58 .......... 20 ........ 252,180
85 Sloops.
Batteries flottantes, &c.
à 2000 l. sterl. chaque .............

270,000
———————
Total ........ 3,266,786
Reste pour des canons …….….….. 33,214
———————

Il n’y a pas de pays sur le globe aussi heureusement situé pour avoir une flotte, aussi capable d’en former une par ses seuls moyens, que l’amérique. Le goudron, le bois de construction, le fer, les cordages, sont les productions naturelles ; nous n’avons besoin de rien aller chercher au dehors, tandis que les hollandais, qui gagnent immensément à louer leurs vaisseaux de guerre aux espagnols & aux portugais, sont obligés d’importer chez eux la plupart des matériaux qu’ils emploient. Nous devons envisager la construction d’une flotte comme un article de commerce, puisque c’est la fabrique la plus convenable à cette contrée. C’est aussi le meilleur emploi que nous puissions faire de notre argent. Un vaisseau, lorsqu’il est achevé, vaut plus qu’il ne coûte ; il assure ce point si délicat de la politique nationale, l’avantage de faire le commerce & de le protéger tout ensemble. Construisons toujours des vaisseaux ; si nous n’en avons pas besoin, nous les vendrons, & par ce moyen, nous remplacerons notre papier-monnoie avec du numéraire.

En général on se trompe grossièrement au sujet des hommes qui doivent monter une flotte ; il n’est pas nécessaire qu’il y ait un quart de matelots. Pendant la guerre dernière, le terrible, commandé par le capitaine death, soutint un combat plus violent qu’aucun autre navire, & cependant il n’avoit pas vingt matelots à bord, quoique son équipage fut composé de plus de deux cens personnes ; quelques matelots instruits & sociables formeront, en peu de temps, un nombre suffisant de cultivateurs à la manœuvre ordinaire d’un vaisseau ; De tout ce qui vient d’être dit, il résulte que nous ne serons jamais plus à portée de commencer à nous donner une marine, qu’au moment actuel, où notre bois de construction existe dans son intégrité, où nos pêcheries sont bloquées, où nos matelots & nos charpentiers sont sans emploi. On construisit, il y a quarante ans, des vaisseaux de guerre de soixante-dix & quatre-vingt canons, dans la nouvelle-angleterre ; pourquoi n’en feroit-on pas aujourd’hui ? L’art de construire les vaisseaux est le triomphe de l’Amérique, &, avec le temps, elle surpassera, en ce genre, le monde entier. Les grands empires de l’orient sont presque tous dans l’intérieur des terres : ils sont, par conséquent, hors d’état de la rivaliser ; l’Afrique est plongée dans la barbarie, & aucune puissance européenne n’a une aussi grande étendue de côtes, ou des matériaux aussi abondans ; si la nature en a favorisé quelques-unes du premier de ces avantages, elle leur a refusé l’autre ; elle ne les a prodigués tous les deux qu’à la seule Amérique. Le vaste empire de Russie n’a presque point de mer, ce qui fait que son goudron, ses immenses forêts, son fer & ses cordages ne forment pour lui que des branches de commerce.

Si nous avons égard à notre sûreté, pouvons-nous nous passer de flotte ? Nous ne sommes plus ce que nous étions il y a soixante ans. Alors, nation peu nombreuse, nous aurions pu laisser nos effets dans les rues, ou plutôt dans les champs, & dormir tranquillement sans avoir de bareaux à nos fenêtres ou de verroux à nos portes ; les temps sont changés & nos moyens de défense doivent se perfectionner à proportion de l’accroissement de nos propriétés. Il y a un an qu’un simple pirate auroit pu remonter la Delaware, & mettre Philadelphie à contribution pour quelle somme il auroit voulu, & la même chose auroit pu se renouveller en d’autres endroits ; je dis plus : un drôle entreprenant, sur un brigantin de quatorze ou de seize canons, auroit pu voler ainsi dans toute l’étendue du continent, & emporter un million de numéraire. Ce sont là des objets qui demandent notre attention, & nous prouvent la nécessité d’une marine qui nous protège.

On m’objectera peut-être que l’Angleterre nous protégera quand nous aurons fait notre paix avec elle. Aurions-nous la sotise de croire qu’elle entretiendra une marine dans nos ports à cette intention ? Le sens-commun nous dira que la puissance qui a tâché de nous assujétir est la moins propre de toutes à nous défendre ; sous prétexte d’amitié, elle effectueroit la conquête de nos provinces, & après une longue & courageuse résistance, quelques caresses simulées nous réduiroient en esclavage. Or, si nous ne devons pas admettre ses vaisseaux dans nos ports, je demande comment elle nous protégera. Une marine est d’un bien foible usage la distance de deux ou trois mille lieues ; elle ne peut rendre aucun service dans les occasions urgentes ; si donc nous sommes forcés à l’avenir de nous protéger nous-mêmes, pourquoi nous protégerions-nous pour l’avantage d’autrui, pourquoi ne seroit-ce pas pour le nôtre ?

La liste des vaisseaux de guerre de la grande-bretagne est longue & formidable ; mais il n’y en a pas la dixième partie qui soit en état de servir sur-le-champ, plusieurs même n’existent plus que sur le papier ; cependant, pourvu qu’il en reste une planche, leurs noms continuent de paroître pompeusement sur la liste ; ajoutons que, sur le nombre de ceux qui sont en état de servir, il n’y en a pas un cinquième dont le gouvernement puisse disposer comme il veut. Les indes orientales & occidentales, les possessions de la méditerranée, l’afrique & les autres contrées sur lesquelles l’angleterre étend ses prétentions, demandent la plupart de ses vaisseaux. Par un mêlange de préjugé & d’inattention, nous avons pris des idées fausses de la marine anglaise ; nous en avons parlé comme si nous avions dû craindre qu’elle nous attaquât tout-à-la-fois : cette erreur nous a fait supposer que nous devions nous en procurer une aussi considérable, & comme la chose ne pouvoit s’exécuter à l’instant, des torys déguisés qui se cachent parmi nous, se sont servis de ce motif pour nous détourner de l’entreprendre. Rien n’est plus faux qu’une pareille supposition ; car si l’Amérique avoit seulement un vingtième des forces navales de l’Angleterre, elle maîtriseroit de beaucoup ses opérations, puisque n’ayant ni prétentions ni domaines éloignés, notre marine toute entière seroit employée sur nos côtes, où il y a deux contre un à parier que nous aurions l’avantage sur ceux qui auroient deux ou trois mille lieues à parcourir soit avant de nous attaquer, soit pour réparer leur monde & leurs vaisseaux ; & bien que l’Angleterre, au moyen de sa flotte, nuisît à notre commerce en Europe, nous gênerions également le sien dans ses isles d’Amérique, qui, voisines du continent, sont absolument à notre merci.

On pourrait imaginer quelque méthode d’entretenir une force navale en tems de paix, si nous ne jugions pas qu’il fût nécessaire d’avoir constamment une marine sur pied ; si l’on accordoit des primes aux négocians, pour les encourager à construire des vaisseaux de vingt, trente, quarante & cinquante canons qu’ils emploieroient à leur service, cinquante ou soixante de ces bâtimens, avec quelques vaisseaux de conserve, toujours en activité, formeroient une marine suffisante, sans nous exposer à l’inconvénient dont on se plaint si fort en Angleterre, de laisser, durant la paix, notre flotte pourrir dans les chantiers. Il est d’une saine politique d’unir les moyens du commerce à ceux de la défense, car lorsque notre force & nos richesses se soutiennent mutuellement, nous n’avons rien à craindre des ennemis du dehors.

Nous avons en abondance presque tout ce qu’il faut pour se défendre ; le chanvre prospère chez nous jusqu’au point de nous être à charge, ainsi nous ne craignons pas de manquer de cordages ; notre fer est supérieur à celui des autres contrées, les armes que nous fabriquons, égales à toutes celles qu’on fabrique ailleurs ; nous avons de quoi fondre des canons à notre gré ; nous faisons sans cesse du salpêtre & de la poudre ; nos connoissances s’étendent journellement ; la fermeté est le trait distinctif de notre caractère, & le courage ne nous a jamais abandonnés. Qu’est-ce, donc qui nous manque ? Pourquoi hésitons-nous ? Nous ne devons attendre de l’angleterre que notre ruine. Si jamais elle est réintégrée dans le gouvernement de l’amérique, ce continent ne méritera pas que l’on daigne y vivre ; il s’y élevera des jalousies continuelles, les insurrections se renouvelleront chaque jour ; & qui prendra sur soi de les appaiser ? Qui voudra risquer sa vie pour faire plier ses concitoyens sous une autorité étrangère ? La différence de la pensylvanie & du connecticut, relativement à quelques terreins non affermés, montre l’insignifiance du gouvernement, tant qu’il sera entre les mains de la grande-bretagne, & prouve sans réplique qu’une administration fixée sur le continent, peut seule régler les affaires du continent.

Il se présente encore une raison à l’appui de ce que j’ai déjà avancé, que le tems actuel est le meilleur que nous puissions choisir pour nous déclarer indépendans, c’est que moins nous sommes, plus il reste des terres vacantes, dont nous pouvons nous servir, non-seulement au paiement de la dette que nous aurons contractée, mais encore pour les dépenses du gouvernement, au lieu de laisser au roi la faculté d’en gratifier ses méprisables serviteurs ; aucune des nations que le soleil éclaire, ne jouit d’un tel avantage.

La foiblesse des colonies, bien loin d’être contraire à la cause de l’indépendance, plaide en sa faveur ; nous sommes assez nombreux, & si nous l’étions davantage, il pourroit se faire, que nous fussions moins unis. C’est une chose digne de remarque, que plus un pays est peuplé, moins ses armées sont considérables ; elles l’étoient beaucoup plus dans l’antiquité qu’elles ne le sont chez les modernes, & la raison en est frappante : le commerce étant la suite de la population, les hommes s’y livrent avec trop d’ardeur pour s’occuper d’autre chose ; le commerce diminue le patriotisme & la bravoure, & l’histoire nous apprend assez que les plus vaillans exploits ont toujours illustré l’enfance des nations ; En étendant son commerce, l’Angleterre a perdu son énergie. La ville de Londres, malgré son immense population, se soumet, avec la patience des lâches, à des insultes continuelles. Plus les hommes ont à perdre, moins ils sont disposés à risquer. Les riches, en général, sont esclaves de la crainte, & ils cèdent à la puissance des cours avec la duplicité timide d’un espagnol.

La jeunesse des nations, comme celle des individus, est la saison propre à semer les bonnes habitudes. Il seroit difficile, sinon tout-à-fait impossible, dans un demi-siècle, de donner un gouvernement à l’Amérique. La confusion naîtroit de la diversité infinie d’intérêts occasionnée par l’accroissement du commerce & de la population. Les colonies seroient ennemies les unes des autres ; chacune d’elles, assez forte par elle-même, dédaigneroit l’assistance de ses rivales ; & tandis que les orgueilleux & les sots triompheroient de leurs distinctions, les sages gémiroient de ce que l’union n’auroit pas été formée plutôt. Le moment actuel est donc le vrai moment de l’établir. L’intimité que l’on contracte dans l’enfance, l’amitié qui est le fruit du malheur, sont les plus durables, les moins sujettes aux vicissitudes. Notre union présente est marquée à ces heureux caractères. Nous sommes jeunes, & nous avons été opprimés ; mais notre concorde a empêché nos troubles, & présente à la postérité une époque mémorable & glorieuse.

Le moment actuel nous offre aussi cette occasion que le ciel n’accorde qu’une fois à chaque peuple, celle de se donner un gouvernement national. Beaucoup l’ont laissé échapper & se sont mis par là dans la nécessité de recevoir les loix de leurs conquérans, au lieu d’en faire par eux-mêmes. Ils commencèrent par avoir un roi ; ils eurent ensuite une forme de gouvernement, tandis qu’il faut d’abord rédiger la chartre constitutionnelle, & après cela charger des hommes de veiller à son exécution. Mais que les erreurs des autres nous rendent sages, & nous enseignent à profiter de l’occasion qui se présente à nous de commencer notre gouvernement par où il faut le commencer.

Quand guillaume le conquérant subjugua l’angleterre, il lui donna des loix à la pointe de l’épée ; & jusqu’à ce que nous ayons consenti à voir le gouvernement fixé en amérique, occupé d’une manière légale & fondé sur une autorité déléguée par nous-mêmes, nous serons en danger de le voir envahi par quelque brigand fortuné, qui nous traîtera comme guillaume traita les anglais, & alors que deviendra notre liberté ? où sera notre propriété ?

Pour ce qui regarde la religion, je crois que le devoir indispensable de tout gouvernement est de protéger tous ceux qui la professent suivant leur conscience, & je ne vois pas qu’il ait autre chose à faire à cet égard. Dépouillons-nous de cette petitesse d’esprit, de cet égoïsme de principes, que la lie de toutes les sectes à tant de peine à abjurer, & nos craintes en ce genre, seront bientôt dissipées. Le soupçon est le partage des âmes basses & le poison de toute bonne société. Quant à moi, je suis pleinement & sincèrement persuadé que la volonté du tout-puissant est qu’il y ait parmi nous une diversité d’opinions religieuses. Elle ouvre un champ plus vaste à notre bienveillance, en tant que nous sommes chrétiens. Si nous pensions tous de même, notre piété demeureroit sans épreuves. Dans ces généreux principes, j’envisage nos sectes diverses, distinguées par telle ou telle dénomination, comme les enfans d’une même famille, entre lesquels il n’y a d’autre différence que le nom de baptême.

J’ai donné plus haut des notions sur la convenance d’une chartre continentale (car ma hardiesse se borne à offrir de simples apperçus & non des plans arrêtés) ; je prends ici la liberté de revenir sur ce sujet, en observant qu’une chartre est un contrat solemnel, auquel tous prennent part, afin de soutenir les droits de chacun en ce qui concerne la religion, la liberté personnelle & la propriété. Les marchés solides & les bons comptes font les amis durables.

J’ai parlé aussi de la nécessité d’une représentation égale & nombreuse ; & de tous les objets politiques, il n’y en a point qui soit plus digne de notre attention. Un petit nombre de représentans, sont des choses également dangereuses ; le danger s’accroît, si la représentation est non-seulement restreinte, mais encore inégale. En voici un exemple : lorsque la pétition des sociétaires fut mise sous les yeux de l’assemblée de pensylvanie, il n’y avoit de présens que vingt-huit membres. Tous ceux du comté de bucks, au nombre de huit, votèrent contre elle, &, si sept des députés de chester avoient suivi leur exemple, toute cette province auroit été gouvernée par deux comtés ; or, elle est toujours exposée à ce péril. La démarche inexcusable et téméraire que fit cette assemblée dans sa première session pour acquérir une autorité illégitime sur les délégués de cette province, doit avertir la masse du peuple de prendre garde à la manière dont il remet son autorité en d’autres mains. On rassembla, pour les députés, un corps d’instruction qui, par sa déraison, eût couvert de honte un écolier ; &, d’après qu’un fort petit nombre de citoyens l’eût approuvé, il fut porté à l’assemblée, & passa comme étant le vœu de toute la colonie, tandis que, si toute la colonie savoit combien de mauvaise volonté l’assemblée a mis dans quelques opérations nécessaires, elle ne balanceroit pas un moment à regarder tous ses membres comme indignes de sa confiance.

La nécessité du moment fait adopter beaucoup de mesures qui dégénèreroient en oppression, si l’on continuoit d’en faire usage quand ce moment est passé. La convenance & la justice sont deux choses très-différentes. Lorsque les calamités de l’Amérique exigeoient une consultation, l’on ne trouva point de méthode plus prompte ou plus avantageuse que de choisir dans cette vue quelques membres de diverses assemblées provinciales, & la sagesse de leurs opinions a sauvé ce continent de sa ruine : mais comme il est plus que probable que nous aurons toujours un Congrès, tous ceux qui aiment le bon ordre, seront obligés d’avouer que le mode d’élection de ses membres, mérite la plus sérieuse considération. Et je demande à ceux qui font leur étude du genre-humain si ce n’est pas cumuler sur les mêmes têtes de trop grands pouvoirs, que de ne pas séparer le titre d’électeurs de celui de représentans. Occupés d’un plan qui doit servir à la postérité, souvenons-nous que la vertu n’est pas héréditaire.

Souvent c’est de nos ennemis que nous apprenons d’excellentes maximes, & souvent leurs erreurs nous rendent raisonnables sans que nous y pensions. M. cornwal, un des lords de la trésorerie, traita la pétition de l’assemblée de new-york avec mépris, parce que, dit-il, cette assemblée n’étoit composée que de vingt-six membres, d’où il concluoit qu’un nombre aussi peu considérable ne pouvoit agir au nom de la totalité des citoyens. Grâces lui soient rendues pour son honnêteté involontaire[1].

Pour finir, quelqu’étrange que ceci puisse sembler à quelques-uns, quelque peu disposés qu’ils soient à penser de cette manière, ce n’est pas là ce qui doit arrêter, mais on peut alléguer une foule de raisons victorieuses & frappantes, pour prouver que rien n’est plus propre à arranger promptement nos affaires, que de nous déclarer indépendans sans crainte & sans détour. Voici quelques-unes de ces raisons :

Premièrement, lorsque deux nations sont en guerre, il est d’usage que d’autres puissances, étrangères à leur querelle, s’interposent afin de les mettre d’accord, & travaillent pour elles aux préliminaires de la paix. Or, tant que les américains se diront sujets de la grande-bretagne, aucune puissance, quelque bien disposée qu’elle soit en notre faveur, ne nous offrira sa médiation. Dans notre position actuelle, nous sommes donc exposés à des querelles interminables.

Secondement, il est déraisonnable, de supposer que la france ou l’espagne, nous donnent le moindre secours, si nous ne prétendons en faire usage que pour réparer la scission momentanée & fortifier l’union de l’angleterre & de l’amérique, attendu que les suites de cette opération seroient dommageables à ces puissances.

Troisièmement, tant que nous nous disons sujets de la grande-bretagne, nous passons nécessairement pour des rebelles aux yeux des autres nations. Leur tranquillité est compromise par ce spectacle de sujets en armes contre leur souverain reconnu par eux mêmes. Il est vrai que, sur les lieux, nous pouvons résoudre ce problème ; mais l’accord de la résistance & de l’état de sujets, est une idée beaucoup trop rafinée pour les esprits ordinaires.

Quatrièmement, si l’amérique publioit & faisoit passer aux différentes cours un manifeste dans lequel seroient exposés les maux que nous avons soufferts ; & les efforts paisibles que nous avons tentés sans fruit pour obtenir du soulagement ; où nous déclarerions en même-tems que, ne pouvant plus vivre sous la tyrannie de la cour d’angleterre, nous avons été réduits à la nécessité de rompre toute liaison avec elle ; enfin où nous assurerions à toutes ces puissances nos dispositions paisibles à leur égard, & le desir que nous avons de commercer avec leurs sujets ; un pareil mémoire produiroit plus de bons effets pour ce continent qu’un vaisseau chargé de pétitions pour la grande-bretagne.

Sous notre domination présente de sujet de l’angleterre, nous ne pouvons ni être accueillis, ni même avoir audience en europe. L’usage de toutes les cours, est contre nous, & demeurera tel jusqu’à ce que nous ayons pris rang avec les autres nations ; en nous déclarant indépendans.

Ces démarches peuvent, à la première vue, sembler étranges & difficiles ; mais, comme toutes celles que nous avons déjà faites, elles nous deviendront familières & agréables ; & jusqu’à ce que notre indépendance soit déclarée, l’amérique sera dans la position d’homme qui remet de jour en jour une affaire déplaisante, est néanmoins persuadé qu’elle doit avoir lieu, crainte de s’en occuper, le desire, & ne cesse d’être assailli par l’idée de son indispensabilité.

Depuis la première édition de cette ouvrage, ou plutôt le jour qu’elle a paru, l’on a publié certain écrit, qui n’auroit pu être mis au jour dans une circonstance plus favorable, si l’esprit de prophétie eût présidé à sa composition ; les principes sanguinaires qui l’ont dicté prouvent combien il est nécessaire de suivre la doctrine que j’ai mise en avant. Les deux partis se lisent par manière de représailles, & le libelle en question, au lieu de nous inspirer de l’épouvante, n’a fait que préparer la voie aux mâles résolutions de l’indépendance.

Les égards & même le silence, quel que soit leur motif, entraînent des suites fâcheuses, lorsqu’ils donnent la moindre autorité à des écrits méprisables & criminels ; si l’on convient de cette maxime, il s’ensuit que la production dont il s’agit, méritoit & mérite encore l’exécration du congrès & de l’amérique entière ; cependant comme la tranquillité domestique d’une nation dépend beaucoup de la pureté de ses mœurs générales, il vaut souvent mieux passer dédaigneusement certaines choses sous silence, que d’employer des méthodes nouvelles de désapprobation, capables d’altérer le moins du monde cette gardienne de notre repos & de notre sûreté. Peut-être si l’ouvrage dont je parle, n’a pas subi un châtiment public, en est-il redevable à cette prudence délicate. Ce n’est qu’un libelle audatieux contre la vérité, le bien public & l’existence du genre-humain, une méthode pompeuse d’offrir des hommes en sacrifice à l’orgueil des tyrans ; mais ce carnage général est un des privilèges de la royauté, une de ses conséquences nécessaires : car la nature ne connoit pas les rois, ils ne la connoissent pas non plus, & quoique créés par nous-mêmes, ils ne nous connoissent pas, & sont devenus les dieux de ceux qui les ont faits ce qu’il sont. Cet écrit a cependant un mérite, c’est qu’il n’est pas d’un genre à faire illusion ; nous aurions beau vouloir en être dupes, la chose seroit impossible, la brutalité & la tyrannie s’y montrent à découvert. Il ne nous laisse point dans l’embarras, & chaque ligne est propre à nous convaincre, dès la première lecture, que celui qui n’a d’autre subsistance que les animaux qu’il tue dans les bois, que l’indien nud & sans défense est moins sauvage qu’un tyran.

Sir john darymple, père putatif d’un ouvrage plaisant & jésuitique, fallacieusement intitulé : Adresse du peuple anglais aux habitans de l’amérique, supposant sans motif que les américains étaient hommes à se laisser effrayer par la description magnifique d’un roi, a peut-être assez imprudemment, j’en conviens, tracé le vrai caractère de celui qui occupe le trône de la grande-bretagne. » Mais, dit-il, si vous vous sentez du penchant à louer une administration, de laquelle nous ne nous plaignons pas (le ministère du marquis de rockingham, lors de l’abrogation de l’acte du timbre) c’est fort mal fait à vous de refuser vos louanges au monarque, dont le consentement seul, exprimé par un signe de tête, autorisoit la moindre de ses opérations. » Voilà du torisme, s’il en fût jamais, de l’idolâtrie sans voile ! quiconque a la force de digérer de sang froid une pareille doctrine, a perdu tous ses droits au titre de créature raisonnable ; il a apostasié l’humanité : il faut le regarder comme un individu, qui non-seulement a abjuré la dignité de son être, mais qui est tombé au-dessous de la classe des brutes, & qui se traîne honteusement sur la terre comme un reptile.

L’intérêt actuel de l’amérique est de pourvoir elle-même à ses propres affaires ; elle a déjà une famille jeune & nombreuse, son devoir est plutôt d’en prendre soin que de prodiguer ses ressources pour le soutien d’une autorité que la nature & le christianisme réprouvent également. Vous dont la fonction est de veiller sur la morale des peuples, quelle que soit votre croyance, & quelque nom que vous portiez, & vous qui êtes plus immédiatement les gardiens de la liberté publique ; si vous desirez maintenir votre pays natal à l’abri de la corruption de l’europe, vous devez former en secret des vœux pour son indépendance ; mais je laisse aux réflexions particulières ce qui est du ressort de la morale, & je borne mes nouvelles observations aux textes suivans :

1.o Il importe à l’amérique d’être séparée de la grande-bretagne.

2.o Quel est, du plan de la reconciliation & de celui de l’indépendance, le plus facile & le plus praticable ?

Je pourrois, à l’appui de la première proposition, si je le croyois à propos, alléguer l’opinion de quelques-uns des hommes les plus habilles & les plus expérimentés de ce continent, qui n’ont pas encore rendu leurs sentimens publics à cet égard. Dans le fait, son évidence saute aux yeux ; car jamais nation, dépendante d’une puissance étrangère, limitée dans son commerce, enchaînée dans son autorité législative, ne peut atteindre une certaine supériorité. L’amérique ne sait pas encore ce que c’est que l’opulence, & bien que l’histoire n’offre rien qui puisse être mis en parallèle avec ces progrès, ce ne sont que les progrès de l’enfance, si on les compare avec ce qu’elle seroit en état de faire, si elle avoit entre ses mains, comme cela devroit être, la puissance législative. En ce moment, la grande-bretagne ambitionne ce qui ne lui seroit d’aucun avantage, si elle en venoit à bout, & l’amérique balance sur un parti qu’elle ne sauroit négliger, à moins de vouloir se perdre sans retour. C’est le commerce avec l’amérique & non sa conquête, qui sera utile à l’Angleterre, & ce commerce continueroit d’avoir lieu jusqu’à un certain point, quand bien même les deux états ne dépendroient pas plus l’un de l’autre que la france ne dépend de l’espagne, attendu que, pour beaucoup d’articles, l’une & l’autre n’ont point de meilleur débouché que leurs ports respectifs ; mais il s’agit sur-tout & uniquement de l’indépendance de l’amérique, à l’égard de l’angleterre, comme de tout autre pays ; & ainsi que toutes les vérités dont la découverte est le fruit de la nécessité, la sagesse de cette mesure acquerra tous les jours plus de force & d’évidence.

Premièrement, parce que tôt ou tard l’amérique, sera forcée d’en venir là.

Secondement, parce que plus nous différerons, plus le succès entraînera de difficultés.

Je me suis souvent amusé, entre amis, ou dans le monde, à noter en silence les erreurs spécieuses des gens qui parlent sans réflexion ; de toutes celles que j’ai entendu soutenir, la plus générale paroît être que si la rupture de l’angleterre & des colonies étoit arrivée quarante ou cinquante ans plus tard, au-lieu d’arriver maintenant, celles-ci auraient été plus en état de s’affranchir de leur dépendance. À cela je réponds que les talens militaires dont nous pouvons nous glorifier à l’époque où nous sommes, viennent de l’expérience que nous avons acquise dans la dernière guerre, & que dans quarante ou cinquante ans, il n’en subsisteroit plus de traces ; l’amérique n’aurait pas un général, pas même un seul officier, & nous & nos enfans serions aussi ignorans dans la science militaire que l’étoient les anciens indiens. Cette unique assertion, bien discutée, prouvera d’une manière incontestable, que le moment actuel est préférable à tout autre. Voici comment il faut raisonner : à la fin de la dernière guerre nous avions de l’expérience, mais peu de monde, & dans quarante ou cinquante ans nous aurons des hommes & point d’expérience ; ainsi le point à saisir doit être placé entre ces deux extrêmes ; il faut une époque où un degré suffisant d’expérience se trouve joint à un accroissement convenable de population, & cette époque est précisément l’époque actuelle.

Le lecteur pardonnera cette disgression qui est un peu étrangère à ma première thèse ; j’y reviens en disant que si nous faisons, tant bien que mal, un arrangement avec l’Angleterre, si elle demeure en possession de la souveraineté de l’Amérique (ce qui, dans les circonstances présentes, implique une renonciation absolue à tous nos droits) nous nous priverons nous-mêmes des moyens d’amortir la dette que nous avons contractée & que nous sommes sur le point de contracter. Les terres de l’intérieur dont nos provinces sont clandestinement dépouillées, par l’injuste extension de limites du Canada, à ne les évaluer que sur le pied de cent livres sterling par centaine d’acres, montent à plus de vingt-cinq millions de la monnoie de Pensylvanie, & les réserves sur le pied d’un sou ster. par acre, à deux millions de revenu.

C’est la vente de ces terres qui subviendra, sans lèser qui que ce soit, à l’extinction de la dette, tandis que les réserves diminueront toujours, & finiront par couvrir à elles seules les dépenses annuelles du gouvernement. Peu importe combien de tems durera le paiement de la dette, pourvu que l’argent provenu de la vente des terres, soit appliqué à son amortissement ; chaque congrès aura successivement la direction de cette partie.

Je viens maintenant au second chef, savoir, quel est du plan d’une réconciliation, ou de celui de l’indépendance le plus facile & le plus praticable ?

Celui qui prend la nature pour guide n’est pas embarrassé de trouver des raisonnemens péremptoires ; sur ce principe, je réponds en général que l’indépendance ayant l’avantage de la simplicité, & ses moyens existant en nous-mêmes, tandis que la réconciliation est une chose extrêmement compliquée, sujette à l’entremise d’une cour perfide & capricieuse, la décision ne peut laisser aucun doute.

L’état présent de l’amérique est vraîment fait pour alarmer tout homme capable de réfléchir. Sans loix, sans gouvernement, sans autorité d’aucune autre espèce que celle qui est fondé sur les égards, & que les égards ont accordée, maintenue dans son unité par un concours de sentimens qui n’a point d’exemple, qui néamoins est sujet au changement, & que tous ses ennemis secrets s’efforcent de détruire, nous pouvons définir notre position, une législation dépourvue de loix, une sagesse qui n’est la suite d’aucun plan, une constitution qui n’a point de terme pour en exprimer la nature est chose bien surprenante ! l’indépendance la plus illimitée qui cherche à reprendre des fers déjà rompus. Il n’y a rien de tel dans l’histoire. Jamais peuple ne s’est trouvé en de pareilles circonstances, & quel homme assez hardi pour deviner à quoi elles aboutiront ? Dans le système que nous avons embrassé, la propriété de qui que ce soit n’est en sûreté, les esprits de la multitude flottent au hasard ; & ne voyant point d’objet fixe devant eux, ils poursuivent les fantômes de l’imagination ou de la partialité. Rien ne passe pour criminel ; les loix sur la trahison ne sont point en vigueur ; de là chacun se croit maître de faire ce qui lui plaît. Les torys n’eussent pas osé s’assembler pour nous nuire, s’ils avoient été prévenus que les loix de l’état prononçoient la peine de mort contre de pareils rassemblemens. Il faudroit tracer une ligne de démarcation entre les soldats anglais faits prisonniers en combattant, & les américains armés contre nous. Les premiers sont de simples prisonniers, les autres sont des traîtres. Les uns n’ont perdu que leur liberté ; la tête des autres est dévolue aux bourreaux.

En dépit de notre prudence, quelques-unes de nos mesures sont infiniment entachées d’une foiblesse qui encourage les dissensions. L’alliance des colonies est trop peu solide ; si nous ne faisons pas quelque tentative pendant qu’il en est encore tems, avant peu il sera trop tard pour en faire d’aucune espèce, & nous tomberons dans un état, où les projets de réconciliation & d’indépendance seront également impraticables. L’administration & ses vils adhérens sont retournés à leurs anciens artifices, qui consistoient à diviser les colonies, & nous ne manquons pas d’imprimeurs empressés de répandre des faussetés spécieuses. La lettre hypocrite & pleine d’art, qui parut, il y a quelques mois, dans deux papiers de new-york, & que d’autres copièrent, prouve démonstrativement qu’il y a des hommes dépourvus soit de jugement, soit de probité.

Il est aisé de parler de réconciliation, dans les écrits & dans les journaux ; mais les apologistes de cette mesure considèrent-ils sérieusement les difficultés qu’elle entraîne, & les dangers dont elle nous menace, si les opinions des colonies sont partagées ? Leur coup-d’œil embrasse-t-il les différentes classes d’hommes dont elle compromet les intérêts, & la situation aussi bien que la leur ? Se mettent-ils à la place de l’infortuné qui a déjà tout perdu, & du soldat qui a tout quitté pour défendre sa patrie ? Si leur modération mal entendue n’est accommodée qu’à leur position particulière, sans égard pour celle d’autrui, l’événement les convaincra qu’ils auront compté sans leur hôte.

Mettez-nous, disent-ils, sur le pied où nous étions en 1763. Je réponds qu’il n’est pas au pouvoir de la grande-bretagne de condescendre à ce vœu, & qu’elle n’en fera pas la proposition ; mais dans le cas contraire, & supposé qu’elle accordât cette demande, que l’on me dise par quels moyens on rendra cette cour mensongère & corrompue, fidèle à ses engagemens ? Un autre parlement, que dis-je ? Le parlement actuel peut les annuller sous prétexte qu’ils ont été arrachés par force ou que l’on a eu tort de les contracter ; & si cela arrive, quel sera notre recours ? Il ne s’agit pas de plaider entre nations ; les canons sont les légistes des couronnes, & le glaive, non celui de la justice, mais celui de la guerre, décide leurs querelles. Pour nous retrouver comme nous étions en 1763, il ne suffit pas que les loix soient remises au même état, il faut qu’on y remette aussi nos propriétés, que nos villes incendiées ou détruites soient réparées ou rétablies, que nous soyons indemnisés de nos pertes individuelles, que nos dettes publiques, contractées pour la défense générale, soient acquittées ; autrement nous serons dans un état un million de fois pire que nous n’étions à cette époque digne d’envie. Si l’on eût accordé cette demande il y a un an, la grande-bretagne se seroit concilié l’affection de tous les américains ; mais à présent, il est trop tard, nous avons passé le rubicon.

De plus il paroît aussi contradictoire avec les loix divines, & les sentimens de l’humanité, de prendre les armes dans la seule vue de nécessiter l’abrogation d’un acte fiscal, qu’il l’est de prendre les armes pour exiger que l’on s’y soumette : des deux côtés, l’objet ne justifie pas les moyens ; la vie des hommes est d’un trop grand prix pour qu’on la prostitue à de semblables bagatelles. Ce qui, aux yeux de la conscience, autorise l’usage de nos forces, c’est la violence que nous avons soufferte, & dont on nous a menacés, la destruction de nos propriétés par des soldats, l’invasion de notre patrie exécutée avec le fer & le feu ; & le moment où nous avons été contraints d’employer ce mode de défense, a dû nous affranchir de toute sujétion à l’égard de la grande-bretagne. L’indépendance de l’amérique a dû dater son origine & sa proclamation du premier coup de fusil tiré contre ses habitans. Cette ligne de séparation est tracée par l’équité ; ce n’est point le caprice ou l’ambition qu’il faut en accuser ; elle est le fruit d’une chaîne d’évènemens, qui ne sont point arrivés par la faute des colonies.

Je terminerai ces observations par quelques aperçus bien intentionnés & analogues aux circonstances. Nous devons réfléchir qu’il y a trois manières différentes de nous rendre indépendans, & que, tôt ou tard, l’une d’elles décidera le sort de l’amérique : le vœu légal du peuple, énoncé par le congrès, le droit des armes, une insurrection de la multitude. Or, il peut arriver que nos soldats ne soient pas toujours citoyens, & que la multitude ne soit pas composée d’hommes raisonnables. La vertu, ainsi que je l’ai remarqué plus haut, n’est point héréditaire ; elle n’est pas même constante chez les mêmes individus. Si nous devenons indépendans par le premier de ces moyens, nous avons toutes les facilités, tous les encouragemens possibles de former la constitution la plus pure & la plus noble qui ait existé sur la terre. Il ne tient qu’à nous de revenir aux premiers âges du monde. On n’a pas vu, depuis noë, de peuple dans une pareille situation. La naissance d’un nouvel univers est proche, & ce qui se passera sous peu de mois réglera la portion de liberté que doit attendre une race d’hommes, peut-être aussi nombreuse que toute la population de l’europe. Quelle imposante réflexion ! Et sous ce point de vue, combien les petites ruses de quelques particuliers intéressés ou foibles, paroissent insignifiantes & ridicules, lorsqu’on les met en balance avec le destin d’une partie du globe !

Si nous avons l’imprudence de négliger cette occasion favorable & séduisante, & que par la suite, d’autres moyens effectuent notre indépendance, nous répondrons des suites, ou plutôt ils en répondront à jamais, ceux dont l’ame étroite & obscurcie par les préjugés, a pris l’habitude de combattre ce parti, sans examen & sans réflexion. Certaines raisons militent en sa faveur, que bien des gens approuvent intérieurement, & dont ils n’osent parler en public. Il ne s’agit pas maintenant de discuter si nous serons indépendans ou non ; il s’agit de fonder notre indépendance sur une base solide & glorieuse, & de regretter de ne l’avoir pas fait plutôt. Chaque jour nous démontre la nécessité de cette résolution. Les torys eux-mêmes, s’il se trouve encore parmi nous de ces êtres méprisables, devroient être les plus ardens à nous y exciter. Car, de même que la création des comités les sauva d’abord de la rage populaire, ainsi une forme de gouvernement sage & bien établie sera l’unique garant de leur sûreté à venir : par conséquent, s’ils n’ont pas assez de vertu pour être whigs, ils doivent avoir assez de prudence pour desirer que nous nous déclarions indépendans.

En un mot, l’indépendance est le seul lien qui soit capable de maintenir l’union des colonies. Nous verrons distinctement notre but, & nos oreilles seront légalement fermées aux projets d’un ennemi aussi intrigant que barbare. Nous serons en même-tems sur un pied convenable pour traiter avec la grande-bretagne ; car il y a lieu de croire que l’orgueil de cette cour sera moins choquée de traiter de la paix avec les états de l’amérique, que de traiter d’un accommodement avec des hommes qu’elle qualifie de sujets révoltés. Ce sont nos délais qui l’encouragent à se flatter de nous conquérir, & notre timidité ne sert qu’à prolonger la guerre. Ainsi que nous avons, sans en recueillir beaucoup de fruit, interrompu notre commerce en vue d’obtenir le redressement de nos griefs, essayons maintenant de les redresser nous-mêmes par notre indépendance, & offrons alors de rendre au commerce sa première activité. Tous les négocians, tous les anglais raisonnables seront encore pour nous, attendu que la paix avec le commerce est préférable à la guerre sans commerce & si leurs offres ne sont pas acceptées, nous pourrons nous adresser à d’autres cours.

Ces principes posés, j’abandonne cette discussion ; & comme on n’a pas encore entrepris de réfuter la doctrine contenue dans les premières éditions, de ce pamphlet, c’est une preuve négative ou qu’elle n’est pas de nature à être réfutée, ou que le parti qui la favorise est trop nombreux pour qu’on ose lui tenir tête. Ainsi, au-lieu de nous regarder les uns les autres avec une curiosité inquiète ou soupçonneuse, que chacun de nous serre amicalement la main de son voisin & concoure à tracer une ligne en deçà de laquelle il ne subsiste plus aucun vestige des anciennes dissentions. Que les noms de whig & de tory soient effacés pour jamais ; qu’il n’y ait plus parmi nous d’autres dénominations que celles de bons citoyens, d’amis francs & déterminés, de vertueux défenseurs des Droits de l’Homme et des États libres et indépendans de l’amérique.


Aux représentans de la société religieuse des Quakers, ou plutôt à toutes les personnes de cette croyance qui ont eu part à la publication de l’écrit intitulé : Nouvelle exposition des principes des quakers relativement au roi & au gouvernement, & touchant les troubles actuels de l’amérique, adressée à la généralité du peuple.

L’auteur de ce qu’on va lire est du petit nombre de ceux qui ne déshonorent jamais la religion en jetant du ridicule ou en chicanant sur les dénominations quelconques. Dans ce qui regarde la croyance, nous ne devons des comptes qu’à dieu seul ; nous n’en devons point aux hommes. Cette lettre ne vous est donc point adressée comme à une société religieuse, mais comme à un corps politique qui s’ingère dans une discussion à laquelle vous demeureriez étrangers, si vous étiez fidèles aux principes de quiétude dont vous faites profession.

Comme vous vous êtes mis, sans y être aucunement autorisés, à la place de toute la société des quakers, pour être avec vous sur un pied d’égalité, je me vois contraint de me mettre à la place de tous ceux qui approuvent les écrits & les principes contre lesquels vous vous élevez. Je choisis même exprès cette situation singulière, pour que vous soyez plus frappés d’un excès de témérité sur lequel vous vous faites illusion par rapport à vous-mêmes. Car ni vous, ni moi, n’avons de titre au personnage de représentans politiques.

Quand les hommes ont quitté le bon chemin, il n’est pas surprenant qu’ils continuent de s’égarer. Or d’après la manière dont vous avez rédigé votre adresse, il est évident que, réunis pour vous livrer aux matières religieuses, vous êtes bien foibles en politique. Quelque bien, adaptés que vous paroissent vos raisonnemens, ils ne présentent qu’un absurde assemblage de bon & de mauvais, & la conclusion que vous en tirez est aussi peu naturelle qu’elle est injuste.

Nous vous passons vos deux premières pages qui forment plus de la moitié de votre adresse (& nous attendons de vous la même politesse) vu que l’amour & le desir de la paix ne sont pas exclusivement réservés aux quakers : c’est le vœu que la nature & la religion mettent dans le cœur de tous les hommes. Sur ce principe travaillant à établir une constitution indépendante, nous n’avons point de rivaux dans notre but & dans nos espérances : notre plan est fondé sur une paix éternelle. Nous sommes las de disputer avec la grande-bretagne, & nous ne voyons de terme à nos querelles que dans une séparation définitive. Nous agissons conséquemment, parce que nous endurons les maux & les souffrances du moment, pour arriver à une paix qui n’aura ni fin, ni interruption. Nos efforts ont & auront constamment pour objet de dissoudre une liaison qui a rougi de sang nos campagnes, & qui, aussi long-temps qu’il en subsistera le moindre vestige, ne cessera d’être nuisible à l’amérique & à l’angleterre.

Nous ne combattons ni par vengeance, ni par esprit de conquête, ni par orgueil, ni par ressentiment ; nous n’insultons point l’univers en y promenant nos flottes & nos armées ; nous ne ravageons point le globe dans l’intention de nous enrichir de ses dépouilles. On nous attaque à l’ombre de nos vignes : on nous traite avec violence dans nos propres maisons & sur notre territoire : nos ennemis se présentent à nous comme des voleurs de grand chemin & des brigands. Ne pouvant invoquer la loi pour nous défendre contre leurs attentats, nous sommes obligés de les punir par la voie des armes & d’employer l’épée dans les mêmes circonstances où vous-mêmes vous avez employé la corde. Peut-être nous partageons la douleur de ceux que l’on a ruinés & insultés dans tout le continent, avec un degré de sensibilité qui ne s’est point encore manifesté dans le cœur de quelques-uns d’entre vous. Mais êtes-vous bien sûrs de ne pas vous méprendre sur la cause & sur les principes qui ont dicté votre profession de foi politique ? Ne donnez pas à l’indifférence le nom de religion, & ne mettez pas l’hypocrite à la place du chrétien.

La partialité vous fait trahir les maximes qui sont la base de votre croyance. Si c’est pécher que d’être en armes, on doit pécher bien davantage en commençant la guerre ; la proportion est la même que celle d’une attaque volontaire & d’une défense inévitable. Si donc vous prêchez conformément aux inspirations de votre conscience, si votre projet n’est pas de faire de votre religion un jouet politique, donnez-en la preuve, en adressant votre doctrine à nos ennemis, car ils sont en armes aussi bien que nous. Donnez-nous une marque de votre sincérité, en la prêchant dans le palais de saint-james, devant les commandans en chef de boston, à tous les amiraux, à tous les capitaines qui ravagent nos côtes en véritables pirates, enfin à toute la horde sanguinaire qui agit sous l’autorité du monarque que vous faites profession de servir. Si vous aviez la noble franchise de barclay[2], vous l’exhorteriez au repentir, vous lui montreriez ses fautes, vous l’avertiriez du malheur éternel qui le menace. Vous ne réserveriez pas vos invectives partiales à vos frères outragés & souffrans ; mais, comme de fidèles ministres de la parole divine, vous élèveriez la voix & n’épargneriez personne. Ne dites pas que vous êtes persécutés, ne vous efforcez point de faire tomber sur nous le blâme de cette persécution que vous cherchez ; car nous attestons au genre-humain, que si nous nous plaignons de vous, ce n’est pas parce que vous êtes quakers, mais parce vous prétendez l’être & que vous ne l’êtes pas.

Hélas ! il semble, à voir le but de quelques-unes de vos propositions & certains traits de votre conduite, que vous réduisiez le péché au seul acte de porter les armes, & encore, qu’il n’y ait que le peuple sur qui porte cette décision. Vous paroissez avoir pris la voix des factions pour celle de la conscience, parce que la teneur générale de vos actions manque d’uniformité ; aussi ne pouvons-nous ajouter foi, sans beaucoup de peine, à vos prétendus scrupules, voyant qu’ils sont allégués par les mêmes hommes qui, à l’instant où ils se récrient contre la Mammone, poursuivent leur profit avec toute l’agilité du tems & la voracité de la mort.

Le passage que vous citez du livre des proverbes, savoir que « quand la conduite d’un homme plaît au seigneur, il force ses ennemis même d’être en paix avec lui, » ne pouvoit être plus mal choisi, puisqu’il prouve que le monarque, pour qui vous témoignez tant de zèle, ne plaît point au seigneur ; autrement son règne seroit paisible.

Je viens maintenant à la dernière partie de votre adresse, à celle dont tout le reste semble former l’introduction. « Nous avons toujours eu pour principe, dites-vous, puisque nous sommes appelés à mettre en évidence la lumière du christ, manifestée dans nos consciences jusqu’à ce jour, qu’il appartient à dieu seul d’élever & de renverser les rois & le gouvernement, pour des raisons qui lui sont mieux connues qu’à nous autres hommes ; que nous ne devons pas nous immiscer dans ces révolutions, nous inquiéter de notre sort, & encore moins comploter la ruine des pouvoirs subsistans, mais prier pour le roi, pour la sûreté de la nation, & pour le bien de tous nos semblables ; enfin, que nous pouvons mener une vie tranquille & vertueuse sous quelque gouvernement que le ciel ait jugé à propos de nous placer. » Si réellement ce sont là vos principes, que ne vous y conformez-vous ? Que ne laissez-vous à dieu le soin de faire tout seul ce que vous prétendez n’appartenir qu’à lui ? Ces mêmes principes vous enseignent à attendre avec patience & humilité l’événement des mesures nationales, & à vous y soumettre comme à la volonté divine. Que sert votre profession de foi politique, si vous croyez ce qu’elle renferme ? vous avez prouvé en la mettant au jour, ou que vous ne croyez point ce que vous faites profession de croire, ou que vous n’avez pas assez de vertu pour pratiquer ce que vous croyez.

Les principes de quakerisme tendent directement à faire de quiconque les adopte, un sujet paisible, sous quelque gouvernement qu’il ait à vivre ; & si dieu s’est réservé la prérogative d’élever & de renverser les rois & les gouvernemens, à coup sûr il ne permet pas que nous le dépouillons de ce droit. Ainsi votre principe même vous conduit à approuver tout ce qui s’est passé & tout ce qui se passera encore à l’égard des rois ; olivier cromwel vous remercie. Selon vous, charles premier ne mourut point par la main des hommes ; & si jamais pareille fin termine les jours de son orgueilleux imitateur, ceux qui ont rédigé votre adresse seront forcés par leur propre doctrine, d’applaudir à cette catastrophe. Ce n’est point par des miracles que les rois sont détrônés ; il n’entre que des moyens simples & humains, tels que nous en employons, dans les altérations que subissent les gouvernemens. La dispersion même des juifs, quoique le sauveur l’eût prédite, s’effectua par la voie des armes. Par conséquent, si vous refusez votre secours à l’un des partis, vous ne devez pas vous mêler des intérêts de l’autre ; votre devoir est d’attendre en silence ce qui arrivera, & à moins que vous ne soyez en état de produire une autorité divine, pour prouver que le tout-puissant, qui a placé ce nouveau monde aussi loin qu’il l’a pu de toutes les contrées de l’ancien, n’approuve pas qu’il soit indépendant de la cour vicieuse & corrompue de la grande-bretagne ; à moins, dis-je, que vous n’ayez ce titre à nous opposer, comment pouvez-vous justifier, d’après vos maximes, le langage incendiaire par lequel vous excitez le peuple « à se liguer fortement dans la haine des écrits & des mesures qui annoncent évidemment le desir & le projet de rompre les heureux liens qui nous ont unis jusqu’à ce jour avec l’angleterre, ainsi que la subordination juste & nécessaire que nous devons au roi & aux dépositaires légaux de son autorité. » Quoi ! les mêmes hommes, qui deux lignes plus haut résignoient passivement à l’être-suprême l’ordre, les changemens & la disposition des rois & des gouvernemens, reviennent ici sur leurs principes, & veulent y prendre part ! Est-il possible que cette conclusion suive la doctrine exposée dans le même ouvrage ? l’inconséquence est trop frappante pour n’être pas remarquée ; l’absurdité trop grande pour ne pas exciter le rire. Au surplus, c’est tout ce que l’on pouvait attendre d’une association d’hommes aveuglés par les sombres préjugés d’un parti aux abois ; car on ne doit pas vous regarder comme parlant au nom de toute la société de quakers, mais seulement comme une fraction remuante de ce corps digne d’estime.

Ici finit l’examen de votre profession de foi. Je n’engage personne à l’abhorrer (comme vous avez fait pour les écrits que vous n’approuvez pas), mais à la lire & à la juger sans prévention. Je veux cependant ajouter encore une remarque. L’expression d’élever & de renverser les rois, signifie sans doute faire un roi de l’homme qui ne l’est pas, & ôter ce titre à celui qui le possède ; et, je vous prie, cela a-t-il le moindre rapport avec les circonstances où nous nous trouvons ? notre dessein n’est pas plus d’élever que de renverser des rois, d’en élire que de les détruire : tout ce que nous demandons est de n’avoir rien à démêler avec eux. Ainsi, votre profession de foi, sous quelque point de vue qu’on l’envisage, ne sert qu’à deshonorer votre jugement ; et, pour plusieurs raisons, vous eussiez mieux fait de la garder pour vous que de la publier.

Premièrement, parce qu’elle tend à compromettre la religion & à diminuer son empire ; car il est infiniment dangereux pour la société de lui faire jouer un rôle dans les controverses politiques.

Secondement, parce qu’elle présente, comme approuvant les professions de foi politiques ou comme y prenant intérêt, une société d’hommes parmi lesquels il s’en trouve beaucoup qui ne sont point d’avis de publier ainsi leurs sentiments.

Troisièmement, parce qu’elle tend à détruire cette harmonie, cette union de nos provinces que vous-mêmes avez concouru à établir par vos contributions généreuses, & qu’il importe infiniment de maintenir, à tous tant que nous sommes.

Sur ce, je vous dis adieu sans colère ni ressentiment. Puissiez-vous (tels sont les desirs que je forme dans la sincérité de mon cœur) en votre double qualité d’hommes & de chrétiens, jouir pleinement & sans interruption de tous les droits civils & religieux, & contribuer à votre tour, à les garantir aux autres ! Mais puisse en même-temps l’exemple si imprudemment donné par vous, de mêler la politique & la religion, encourir le désaveu & la réprobation de tous les habitans de l’amérique !


FIN.

  1. Ceux qui sont curieux de savoir combien une représentation égale & nombreuse importe aux états, n’ont qu’à lire les recherches politiques de burck.
  2. « Tu as goûté de l’adversité & de la prospérité. Tu sais ce que c’est que d’être banni de ton pays natal, d’être dominé comme de dominer, de siéger sur le trône & d’être en butte à l’oppression. Tu as appris combien les oppresseurs sont exécrables aux yeux de Dieu & des hommes. Si, après tous ces avertissemens, tu ne reviens pas de toute ton âme au Seigneur, si tu oublies ce Dieu qui s’est souvenu de toi dans ta détresse, & que tu t’adonnes au plaisir & à la vanité, ta condamnation sera terrible. Le meilleur remède qui puisse te préserver, de ce péril & des insinuations de ceux qui voudront l’engager au mal, est d’avoir les yeux fixés sur cette lumière de J. C., qui brille dans ta conscience, qui ne peut ni ne veut te flatter, & ne souffrira pas que tu sois en repos dans le sein du péché ». Adresse de barclay à charles II.