Le Signe (Raynaud)/À une Passante
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À UNE PASSANTE
Chère, en la splendeur d’un crépuscule, apparue,
Fière et sans souci des regards mauvais,
Tandis que vous marchiez, tête haute, en la rue,
Vous ne saviez pas que je vous suivais.
Moi, j’étais si timide à vous voir apparaître
Dans l’or alangui de ce soir d’été,
Que je n’eus pas le cœur de vous parler. Peut-être
Eût-ce été par trop de simplicité !
Qu’aurais-je dit d’ailleurs que vous puissiez entendre
Sans gestes ni cris, comme il est discret ?
Sans même me connaître, auriez-vous pu comprendre
L’élan de cœur ouvert qui s’offrait ?
Pour moi je vous suivais, sans oser davantage,
Sans espérer rien de ce jeu perdu,
Qu’un peu de votre grâce emportée au passage
Et qu’un rêve mort, un instant rendu.
Pourtant, si vous aviez su combien à cette heure
Votre calme allure allait étouffant,
Comme un bruit de feuillée où l’oiselet s’épeure,
En ma chair perverse un deuil triomphant
Et comme elle m’ouvrait dans la nuit mal aimée
Dans ce vide où bat un rire énervant,
Un sillage d’amour simple et de paix calmée
Où mon âme allait prise d’un bon vent,
Émue, et retournée, ainsi que d’aventure,
À ce pauvre obscur, sur votre chemin,
Tout à coup, sans méfaire, et par charité pure,
Vous auriez tendu simplement la main,
Vous auriez eu pitié de ce cœur solitaire,
Dont le vague ennui soudain s’était tu,
Devant l’exemple cher de votre vie austère
Et le signe fort de votre vertu ;
Vous auriez, jusqu’à lui, comme une clarté bonne
Par la grille d’une étroite prison,
Laissé filtrer la sympathie, or qui se donne,
De votre innocence en sa floraison ;
Et vous n’auriez pas eu l’amère insouciance
D’ôter ce rêve à ce cœur éperdu
Par votre fuite, en lui laissant la conscience
D’un bonheur possible et pourtant perdu.