Dernière Terre (recueil)/Le Soir

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Le soir nous est la lampe amie,
L'heure des sonnailles et des fumées monotones.
Enfant, j'aimerais ce charme,
Mourant que m'est-il ?
Un ennui de plus, une nouvelle tombe.
En route, j'ai perdu ce qu'autrefois j'avais mis de côté
pour plus tard.
En route, je ne me suis plus souvenu de ce que j'avais
aimé et j'ai laissé souffler dessus le vent de la course.
De rechercher, jamais le goût ne m'est venu, mais, je
pense quelquefois à cet effeuillement qui, m'ayant tout
ôté, m'a fait cadeau de mon destin.
J'ai l'âme voyageuse et infidèle où l'amour glisse et
meurt sur lui-même comme y glisse la pitié et comme y
meurent les souvenirs.
C'est à peine, si je vois encore la vulgarité de la vie,
tant j'en suis entourée, gorgée, inondée.
Je ne crois pas avoir conservé quelques préférences
particulières, quelques prédilections...
Dès qu'à commencé le dépouillement, je l'ai voulu
total. Il n'y a plus de situation moyenne.
J'ai dans le cœur comme un cri que je ne pourrai
jamais pousser et toute une œuvre dont l'expression me
sera à jamais interdite.
Que seront les plaintes de ceux qui souffrent à côté de
leur souffrance ?
Qu'est le désespoir que l'on dit, à côté de celui qui
isole des êtres et des mots.
Comme autant de mises en liberté provisoires, les
mièvreries de nos bouches à paroles.

                                       BLIDA, 1936