Le Sonnet du nez

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L’IdoleAlphonse Lemerre, éditeur (p. 10-11).




LE SONNET DU NEZ





Ouvert à la fraîcheur des roſes embaumées,
Le nez, ſuite du front claſſiquement étroit,
Se deſſine un peu grand, irréprochable & droit,
Dans la convention plaſtique des camées.

La plus belle parmi les mortes bien-aimées,
Cléopâtre, la reine à qui mon rêve croit,
Avait ce nez petit dont, mieux qu’un charme froid,
La grâce fit qu’Antoine oublia ſes armées !


J’aime encore le nez des Juives, pâle & fin,
Dont la narine roſe anime le confin
De la joue, & palpite & s’enfle ſenſuelle.

La colère le pliſſe & le dédain le tord,
Et l’on voit, frémiſſant tout entier dans ſon aile,
Le grand amour ſans peur, ſans meſure & ſans tort.