Le Sphinx au foyer/Homonymes

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A. Bennuyer (p. 129-173).

HOMONYMES


I

Quel amour du paraître ! au lieu de bonne laine,
Tu choisis, Madeleine,
— De la bourre de soie aux ramages voyants,
Qui gardera deux jours ses reflets chatoyants !
Et de l’anneau d’argent, parure virginale,
Tu fais fi pour un jonc de brillant chrysocale.
— Où le faux diamant scintille mensonger !
Casse-cou, Madeleine ! et prends garde au danger !


II

Le voyageur marcha sur les bords de la …..
Dans le département qui porte même nom.
La nuit, dans une auberge, il dormit tout d’un …… ;
Était-il reposé quand il s’éveilla ? Non.
Pour rendre du ressort à son estomac vide,
Il voulut aussitôt déjeuner fortement ;
Mais, au départ, sa bourse était à moitié vide,
Car l’écot lui coûtait …… ronde vraiment.
Il lut, pour s’égayer en chemin, quelque livre,
De contes insensés inénarrable amas :
Ce n’était pas bien sûr traité de savoir-vivre,
Mais encore bien moins …… de saint Thomas !


III

De l’ …., du sirop, de la graisse et du vin
Sur ce tablier blanc arboré ce matin !
Fi ! vous serez, Lolo, privé de promenade,
De jeux et de baisers, de dessert, de salade !
À moins que vous n’ayez, comme …. de salut,
Bien écrit votre page et mieux encore lu !


IV

Si vous m’en lancez un, je vous en rendrai vingt,
Car je n’entends point raillerie.
L’on ne m’attaque pas en vain,
Et je supporte mal toute plaisanterie.

Moins riche est le satin, moins brillant le velours ;
Moins soyeuse même est la moire.
Ma grand’mère en aimait les plis moelleux et lourds,
Et j’en conserve la mémoire.

Il compte douze mois ; son œil est clair et vif,
Agile et souple son jarret ;
Mais un adroit chasseur le suit d’un pas furtif.
Son sang va rougir la forêt !


V

— Il suivait autrefois la noble châtelaine,
— Il retrousse aujourd’hui le cotillon de laine.
L’écolier commençant, paresseux et gâté,
— Y laisse maint pâté.


VI

C’est vendredi, jour maigre ; et Jeannette prépare
— Un beau poisson de mer dans un coulis épais.
Son maître, peigne en main, et fumant un cigare,
— Trace un étroit sillon dans ses cheveux de jais.
— Des filets de lumière ensoleillent sa chambre ;
— Il fredonne un air vif : deux dièses à la clef.
Puis s’admire content, se retourne, se cambre.
— L’orgueil, le sot orgueil, le prend dans son filet
Mais jusqu’à lui parvient le bruit sourd des voitures
— Chaque barre de roue étincelle au soleil…
Il ferait bon partir, chercher des aventures,
Secouer la paresse avec son lourd sommeil !
C’est dit : il va gagner Orléans, la Rochelle,
— Toucher l’île voisine, aller plus loin toujours ;
— Et même jusqu’aux lieux où l’antique Cybèle
Eut des adorateurs et passa de beaux jours !


VII

Elle avait, en Belgique, admiré les dentelles
Plus que les monuments de Bruxelles, d’ …… ;
Son mari, dédaigneux devant ces bagatelles,
N’en eût pas distingué l’endroit d’avec l’ ……


VIII

Le …. planté d’ormeaux, s’emplit comme une ruche ;
Et le gamin se juche,
Effronté passereau, sur les rameaux glissants,
Pour lancer, persifleur, des brocards aux passants.
Le saltimbanque souple à coup de …. enfonce,
À l’angle d’un quinconce,
Les piquets de la tente aux criardes couleurs,
Où vont se coudoyer les dupes, les voleurs.
Au bord de l’eau, plus loin le jeu de …. attire
Des joueurs en délire,
Et quelque bonne femme en tricotant son bas
Laisse tomber sa ….. au bruit de leurs ébats.
Tout cela se voyait au village de …..
La famille de ……,
Descendante d’Urbain, y passait, par hasard,
Regagnant la Touraine, et se tint à l’écart.


IX

Au pied du vieux manoir à la muraille sombre,
La rivière, en ses flots, cache la truite et l’ ……,
Et la vague a des bruits lents et mystérieux.
Le soir vient ; la nuit tombe et l’ …… étend son voile ;
Pas un rayon de lune, un sourire d’étoile !
Le vent gémit, s’élève et hurle furieux !
Dans la salle déserte, il semble que revienne
L’ ….. des hauts barons jouant l’ …… jadis.
Personne maintenant qui pleure et se souvienne !
Que sont-ils devenus ? Enfer ou paradis ?


X

Demandez à Sancho s’il aime ce jeu-là.
Vous l’entendrez pousser un gémissant : holà !

Demandez au marin ce que cela veut dire ;
Par un De profundis il répond… et soupire !

Demandez-lui : « Voyons, que trouvez-vous dedans ? »
L’amidonnier dira : « Le pain de mes enfants. »

Demandez au vieil ours qui sûrement la garde :
« Combien de temps ? » L’ours grogne et de travers regarde.


XI

Il se fit quelque soir une blessure à l’ ……
En nageant, comme un fou, dans la rivière d’ …… ;
Son ennemi, témoin de l’accident fatal,
Descendit aussitôt de l’amont en aval,
Fit taire tout d’un coup sa ….. inassouvie,
Courut à son secours et lui sauva la vie.


XII

Je l’aime à votre doigt lorsque pour l’orphelin,
Jeanne, vous préparez le vêtement de lin.

Je l’aime s’il gouverne avec zèle et sagesse
Et, moins que les vertus, estime la richesse.

Je l’aime s’avançant au pied du reposoir
Et sous ses franges d’or abritant l’ostensoir.

Je l’aime si, d’un coup, changeant ma destinée,
D’obscure et misérable, il la rend fortunée.

Je l’aime enfin beaucoup sur ta lèvre, ô bébé,
Alors que gravement tu me lis … l’alphabet.


XIII

Guillot prend son hautbois et souffle l’air dans l’ ….. ;
Il roule de gros yeux, se campe sur la ….. ;
À coups de tête bat cent mesures à faux,
Puis brandit l’instrument comme un faucheur sa faux.


XIV

Il est si fier d’être chef du canton,
Ce Suisse-là, qu’il en hausse le ton !

Quelle revanche en tire Mardochée !…
Le voyez-vous durant la chevauchée ?…

Là-bas Alep, l’opulente cité,
Lui doit l’essor de sa prospérité.

Le Tasse fut celui d’Éléonore,
Et chacun sait qui fut celui de Laure.

L’Arabe, las de combattre toujours,
L’a réclamé, du moins pour quelques jours.

Saint protecteur, apôtre de la Flandre,
Nous vous prions… Daignerez-vous entendre ?


XV

L’aimez-vous scintillant sous sa parure blanche,
Ou plutôt tapissé de lierre et de pervenche ?

Savez-vous dans les bois qui frappe de son bec,
À coups retentissants, le vieil arbre au tronc sec ?

Lorsqu’on dit en secret votre bonne aventure,
Ne vous semble-t-il pas d’un déplorable augure ?

L’avez-vous contemplée, en quelque vieux château,
Perçante comme un dard, lourde comme un marteau ?

Vous plaît-il, en été, sur le tapis de mousse,
Avec de vieux amis, quand le Champagne mousse ?

Êtes-vous descendu dans l’étroit souterrain
Pour l’y voir manié par une rude main ?

Savez-vous qu’il est mort jeune et pourtant célèbre,
Plus que beaucoup de rois dans leur pourpre funèbre ?

Ne m’y prendrez-vous pas à la fin quelque peu,
Si j’abuse avec vous, lectrices, de ce jeu ?


XVI

Tel brille au second rang… mais il aurait beau faire,
Et pour lui ce n’est pas franchement une affaire :
Il n’obtiendra jamais les honneurs du premier,
Quoiqu’il aide au baron sans servir au fermier.

Le viburnum, le chèvrefeuille,
L’ont pourpre comme l’églantier.
Et, du même rouge, on la cueille
Au houx qui borde le sentier.

Qu’elle s’ouvre affectant-la coupe de l’ogive,
Ou du plein ceintre épais la courbure massive,
Je le dis sans détour, cela m’importe peu,
Surtout si l’on y voit forêt verte et ciel bleu.

Il a le sceptre et la puissance ;
Il sommeille dans un palais ;
Des esclaves, la main l’encense.
Il commande ; il ordonne ; mais…

J’ai vu celle d’Hudson et me souviens encore
De ses flots transparents que le soleil colore.
Celle de Naples même, au pied du vieux volcan,
Parle moins à mes yeux. La reverrai-je ? Quand ?


XVII

Par son fait, on a vu plus d’un estropié !
Une femme coquette et posant pour le pied
En souffre sans se plaindre.

L’âme, enfermée en lui, voudrait s’en affranchir.
Dans ses étroits liens, elle se sent fléchir,
Emprisonner, étreindre !

Il a sonné joyeux plus d’un glas triomphant.
Faut-il s’en étonner ? L’homme est un vieil enfant
Qu’un jeu sanglant amuse !

Je ne vous dirai point, moi, s’il est simple ou non.
Il n’est pas, toutefois, chimiste de renom
Qui sur ce point s’abuse.

Il en est dans l’armée ; il en est dans l’État.
Chacun a ses devoirs et chacun son mandat ;
Et chacun sa faiblesse.

Examinez, piqueux, s’il l’est dix fois ou moins ;
Et, tantôt, faites-nous avec les plus grands soins
Un rapport sans mollesse.


XVIII

Voyez : le savetier dépose son ……,
Étanche ses sueurs et reprend quelque ……,
Puis chante et rit.
Mais le financier, lui, jamais ne se repose,
Travaille incessamment, veille sombre et morose ;
L’or l’appauvrit !


XIX

Sauriez-vous les tenir d’une main ferme et sûre
Tout le long du trajet, sans chute ni blessure ?
Moi, pas !

Voudriez-vous, croyant qu’elle est digne d’envie,
Contre son sceptre d’or échanger votre vie ?
Moi, pas !

Avez-vous parcouru les vastes champs de glace
Où leur agile pied ne laisse aucune trace ?
Moi, pas !

Rêvez-vous d’habiter cette cité bretonne
Au sévère profil sombre comme l’automne ?
Moi, pas !

Voudriez-vous un jour, comme elle méprisée,
Sous les vieux murs d’Alise être martyrisée ?
Moi, pas !

Leur préféreriez-vous la simple pâquerette
Ou la prune vulgaire à teinte violette ?
Moi, pas !

Désirez-vous enfin l’être parmi les belles,
Au risque de vous voir plus orgueilleuse qu’elles ?
Moi, pas !


XX

Bruyante est la maison. La portière, en chantant,
Promène son ….. du seuil jusques au faîte ;
Et pour elle c’est fête
D’écraser le cloporte à ses pieds palpitant.
Le peintre du troisième, en son logis, fait rage :
Pour un rubis ….. qui lui fascinait l’œil,
Son chef-d’œuvre : l’Écueil.

Sa femme a bien osé le faire mettre en gage !
Et là-haut, sous la tuile où se battent les chats,
Pour le prochain ……, comique parodie,
Bulle d’air étudie
Sur ses pointes d’acier de hardis entrechats.


XXI

Qui n’a point visité cette petite ville,
Aux portes mêmes de Paris ?

Ce stupide faquin nous agite la bile,
Mais souvent provoque nos ris.

Il passe entre cent mains actives à la chaîne,
Au son lugubre du tocsin.

Il prouve, en qui le fait périlleux et sans peine,
Membres agiles et corps sain.

Il souligne un traité, consacre une ordonnance
Sur les parchemins neufs ou vieux.

De Salomon le Sage il me vient souvenance,
Quand cette plante est sous mes yeux


XXII

Bien qu’elle fût d’acier, collant comme une haire,
On a vu trop souvent le poignard du sicaire
Trouer son fin tissu.

De bure ou de satin, de brocart ou de laine,
Il suffit qu’elle ondule à vos hanches, Hélène,
Pour prendre un air cossu.

Eh ! que m’importe à moi, qu’elle soit personnelle
Ou non ! Je lui déclare une haine éternelle.
Guerre, guerre aux impôts !

L’avoué, l’avocat en font leur marque d’ordre ;
À leur grimoire, moi, je n’ai pas voulu mordre.
Vive mon doux repos !

L’affaire est embrouillée et son aspect rebute.
Eh bien ! taillez-la mal pour finir la dispute,
Et qu’on n’en parle plus !

Ève, vous en sortez, on en a souvenance.
Vos soins pour conquérir enfin l’indépendance
Seraient bien superflus.

On la montait à pied. Si le coche, en arrière,
S’enfonçait lourdement dans quelque fondrière,
On n’en riait que mieux.

Il en est aux melons desquels je garde graine ;
Il en est aux tricots laissés par ma marraine
Et déjà pas mal vieux.

J’en sais une où les flots expirent sur le sable ;
Une autre se revêt d’une flore admirable ;
L’autre est un banc de rocs.

J’en connais une d’or. Les bons vins en ruissellent ;
Dans ses rouges pressoirs les grappes s’amoncellent ;
Vite apportez les brocs !


XXIII

Il est né quelque part dans le pays de ……,
Ce mauvais serviteur au teint hâve, aux mains sales,
Irascible et grognon.
Il laisse les troupeaux avec la …. aux prises ;
Et les tristes brebis à sa garde commises
Ont vraiment du guignon.

Il n’a pour les vergers nulle sollicitude,
Et la ….. tenace, en pleine latitude,
Aux rameaux s’y suspend !
….., sans même hésiter, eût écrit sur son crâne :
« Paresse de lézard, imbécillité d’âne,
Et vanité de paon. »


XXIV

Sa population n’est point considérable ;
On y trouve pourtant quelques autorités :
Un maire et son adjoint, un curé vénérable,
Un percepteur ; enfin, des notabilités.

Si le progrès l’a supprimée,
Je la regrette et j’aimais mieux
L’ancien fusil sous la ramée,
Que les modernes Lefaucheux.

Quand on a du cocon pris la plus fine chose,
Elle fait à son tour un tissu recherché.
D’une touffe de poils, le tanneur la compose,
Et cet humble produit se vend à bon marché.

Elle s’est mise sous la garde
De la bonne Vierge de Brou.
On y boursoufle la poularde.
L’estimez-vous ? — Ni peu ni prou.


XXV

L’ … libre s’imprégnait des senteurs de l’aurore ;
Dans son … en lieux hauts l’oiseau dormait encore ;
Plus que lui matineux, les moissonneurs hâlés
Préparaient à grand bruit une …. pour les blés.
L’ … enfin des bons vents favorisait leur tâche ;
La récolte exigeait un travail sans relâche.
C’était, pour l’opulent et le déshérité,
Une … d’abondance et de prospérité.
Aussi chacun aux champs arrivait-il grande …..
Le maître et ses valets, le glaneur pauvre ….. ;
Le moine laboureur dans sa ….. de crin ;
L’adolescent folâtre et le vieillard chagrin.
Et, durant le repas, à l’ombre d’un gros hêtre,
Les filles entonnaient en chœur un … champêtre ;
Tandis que l’on voyait en pieux à parte,
L’ … grave et récitant son benedicite,
Un timide aspirant du prochain séminaire,
Desservant à venir du diocèse d’ …. ;
Et qu’en roulant les ., un verbeux érudit,
Tout seul à s’écouter, n’était point contredit.


XXVI

C’est un paisible Dieu qui hante les prairies
Guidant les blancs agneaux sur les rives fleuries
Où parfois Syrinx apparaît.

Les tours et leurs créneaux ont roulé pierre à pierre
Il reste seul debout, enguirlandé de lierre
Comme un chêne dans la forêt.

Celui de votre habit se taille et s’accommode,
Ô jeunes merveilleux, au seul gré de la mode
Qui vous enchaîne sous sa loi.

On proscrit maintenant cette mesure antique :
Lorsque règne partout le système métrique,
Le mètre est seul de bon aloi.

Le saphir, l’émeraude et l’or pur étincellent
Sur sa plume soyeuse où les rayons ruissellent
En éclatant fouillis.

Le Petit Chaperon a dit ce mot, sans doute,
Frappant chez la grand’mère où le loup seul écoute
Au sortir du prochain taillis.


XXVII

Les Dames en ont fait une encore fameuse
Mais elle a duré peu.
La politique avec sa science brumeuse
N’est pas leur fait, grand Dieu !

Le vannier du village a, pour une coi boilie,
Besoin d’en couper un :
Impossible : le garde est toujours là qui veille :
Au diable, l’importun !

Paulette, mon amour, faites-le majuscule
En signant vos cahiers !
Il est affreux ! pour vous, je crains… et je recule
Dans mes petits souliers !

Vous ne pouvez l’avoir, vous qu’un remords agite.
Elle fuit votre cœur.
Réparez vos méfaits et renaissez bien vite
Au tranquille bonheur.

Les loups, croit Petit-Pierre, ont parsemé la lande
De ces champignons-là ;
Si, pour les conserver, Pierre en tresse guirlande,
Crions vite : Holà !

Les nonnes, un beau jour, après une querelle,
En se raccommodant
Les pétrirent en chœur, d’une pâte nouvelle
Qui fondait sous la dent.


XXVIII

Je lisais en marchant quelque page ennuyeuse
De …, le vieil Anglais traducteur de Lucain,
Tandis que s’ébattaient dans la mousse soyeuse
Le timide lézard et le grillon taquin.
… sur tous les buissons entrouvrait des corolles ;
Il flottait dans les airs un encens parfumé ;
Les garçons rayonnants allaient par bandes folles
Planter dans les hameaux le poétique…
Le grand Pierre avait dit à sa blonde promise :
« … ta blanche couronne et marchons vers l’autel. »
Et la noce attablée, au retour de l’église,
Faisait honneur aux … dans un rustique hôtel.
On laissait sur la … la corde goudronnée
S’égoutter toute seule en noirâtres dépôts ;
Pour la première fois la mine abandonnée
Voyait la … pointue et le pic en repos !
… tout n’était pas fête, hélas ! dans le village ;
À la veuve de Jean, ce jour semblait sans fin
Et ses pleurs sur sa joue allongeaient leur sillage :
Car sa … était vide et l’enfant avait faim !


XXIX

Pâle, triste, sévère, elle travaillait seule,
Expliquant d’un blason le …. parfois obscur,
La présence du …. dans un portrait d’aïeule
Et, parmi ses émaux, le …. d’or et d’azur.
Ensuite, avec ferveur, fille de noble race,
Elle plongeait son âme en de vieux parchemins :
Plus d’un …, en passant, avait marqué sa trace
Sur les lambeaux moisis caressés par ses mains.
Qu’importe ! Elle aspirait la senteur des vieux âges,
S’aveuglant de la poudre échappée au passé !
Cependant, au dehors, frissonnaient les feuillages,
Le souffle du printemps sur tout avait passé :
Le …. changeant des bois et l’iris des fontaines
Et le bleu d’un beau ciel mariaient leurs couleurs ;
Les chevaux mis au …. s’ébrouaient par centaines ;
Les oiseaux bâtissaient leurs nids parmi les fleurs ;
Le …. sifflait dans l’arbre avec des notes folles
Mieux qu’un …. de Cayenne au plumage doré ;
Et lui-même, un reptile, un …., sous les corolles,
Ne songeait point à mal et glissait ignoré.
Mais que fait la nature à la froide savante
Qui l’enferme sous …. avec des numéros !
Une églogue ! une idylle ! Est-ce qu’elle en invente ?
Les …. pour elle sont muets comme zéros !

Et pendant qu’elle rêve, en haine des poètes,
Au rude Jean de …., son ascendant lointain,
Son père, un …. barbon d’apparences replètes,
Vide ….. sur ….. et fait seul un festin.


XXX

Ce serpent-là, messieurs, je ne le connais guère
Et m’en afflige peu !
Vous le distinguerez, pour lui faire la guerre,
À son habit noir-bleu.

J’en sais de fer, d’acier, d’argent, de chrysocale
Même d’or controuvé !
On la prétend de fleurs quand elle est nuptiale ;
Mais ….. ce n’est pas prouvé.

On trouve le petit chez mon apothicaire :
Je l’infuse et j’en bois.
Mais le grand ne produit aucun électuaire ;
C’est le géant des bois !

De rudes mains parfois, autour de la fournaise,
En forment les anneaux ;
Des doigts gantés de blanc, dans le quadrille, à l’aise,
S’y joignent en arceaux.

Celle-ci n’est jamais que d’un fer à l’épreuve ;
Je n’en vois pas céans.
Se rompt-elle ; il se fait plus d’une femme veuve !
Qu’importe aux Océans !

Du satin, du droguet, du velours, de la toile,
C’est la base et le fond,
Et même elle soutient le plus vaporeux voile
Tous les tisseurs la font.

D’innombrables hameaux portent ce nom superbe.
Comment les dire tous ?
Autant vaudrait chercher les cirons dans la gerbe.
Moi, j’y renonce. Et vous ?


XXXI

Sérieux ou badin, triste ou gai, peu m’importe
Pourvu qu’en un salon, du bon goût il ne sorte.

Les chevaux sur la lande et les bœufs dans les prés
Sont, par cet ennemi, tout le jour torturés.

Si peu que le chanteur s’en écarte, il mérite
Que l’auditeur blessé le signale et s’irrite.

On ne le pêche pas en nos calmes étangs,
Mais dans les flots salés aux bonds retentissants.

C’est un bref adjectif d’allure familière
De la mère à l’enfant et de la sœur au frère.

Qu’on le double : et gaîment aussitôt l’on verra
Qu’il tourne, tourne, tourne, tourne et tournera !

Un air de chasse antique, innocente rengaine,
L’adopte pour refrain. Fredonnons-le, Tontaine !


XXXII

Ah ! le pauvre bonhomme ! il est vraiment à plaindre !
L’impitoyable sort l’a rudement traité
L’hiver comme l’été.
Cependant, il ne veut ni larmoyer ni geindre :
Malgré son œil éteint, son douloureux moignon
Et son oreille sourde, avec un grand courage,
Il se mit à l’ouvrage.
Hier, sarclant les …. l’épinard et l’oignon,
Il supporta gaîment le …. de la journée !
Son visage grêlé, sous un soleil de feu,
Passa du rouge au bleu.

Et sa sueur baigna la terre retournée !
Quand il rentra, le soir, le savetier du coin
Laissait, las du travail et pour reprendre haleine,
Sa …. et son alêne,
Savourant un repas dont il avait besoin ;
Le gros boucher ronflait sur le pas de sa porte ;
La vieille revendeuse emportait à la fois
Sa balance et ses ….
Et le brasseur ventru soupait de bonne sorte !
« J’en voudrais faire autant ! » dit le sourd affamé.
« Gare ! » crie un cocher de bouillant caractère.
Mais l’infirme est par terre
Avec son bras unique à jamais abîmé,


XXXIII

D’aucuns l’ont sur un œil et quelquefois sur deux !
Je les plains pour de bon, car c’est fort ennuyeux.

D’autres y froncent la dentelle,
Y brodent leur chiffre, leur nom,
Mais sous le dais de brocatelle
Y dort-on mieux ? Ah ! certes, non.

S’il est un peu trop fort, craignez-en l’amertume,
Et, de cette boisson, ne prenez pas coutume.

Il n’a que le vingtième rang,
Mais il n’en fait point la grimace.
N’est-on pas toujours assez grand
Lorsqu’on occupe bien sa place ?…

Après Dunkel et Perth, c’est un lac : Traversez,
Formez, près de la mer, un golfe. C’est assez.

Maître Adam cultiva la rime,
Sans doute sur ses gazons verts ;
La muse volontiers s’escrime
Dans les champs au soleil ouverts.


XXXIV

Sous le rayon de lampe éclairant son visage,
L’aïeul, habile au jeu, compte et marque des ……
Et le rose baby, gâté selon l’usage,
Dans un accès joyeux frappe ses petits ……
La mère, au coin de l’âtre, activant son aiguille,
Sans ralentir le ….. le suit d’un œil charmé,

Tandis que, sous ses doigts, le père de famille,
Qui rêve au lendemain, laisse un livre fermé.
Lili, sur son cahier, penchée outre mesure,
Retouche sa dictée avec attention,
Biffe un accent, un ….., répare avec usure
La moindre négligence et toute omission.
Pour elle-même, pas de faiblesse coupable !
Aussi dans son buvard que de bons ….. rangés !
Mais le repas du soir est prêt ! Allons ! à table !
Un souper cuit à ….. n’attend pas sans dangers.
S’il est manqué, pourtant, l’oncle, curé d’Ypare,
Facile sur ce ….., s’en apercevra-t-il ?
Non ! car, tout aux sermons en trois ….. qu’il prépare,
Il n’a ….. le goût fin ni l’odorat subtil.


XXXV

Qu’on la batte en plein jour : Elle est silencieuse.
Elle ne souffle mot, si l’on s’y perd la nuit.
Berne avec ses vieux ours n’est pas plus ennuyeuse ;
Et Genève, du moins, respire et fait du bruit.

Qu’on l’aborde trop jeune : on s’y fane bien vite
Et le printemps lui-même y semble être un été.
Qu’on s’y'mêle trop tard : alors on y gravite,
Ainsi qu’un astre éteint dans un ciel déserté.

Qu’on l’entende siffler : on incline la tête,
Saluant malgré soi son passage mortel.
Pour les héros souvent c’est la dernière fête,
C’est la sanglante fin d’un suprême cartel.

Qu’on la vanne en plein air : elle s’échappe et vole
Comme un essaim folâtre en léger tourbillon ;
L’enfant y fait long somme après un jour d’école,
Le front moite et le teint tout neige et vermillon :

Qu’on l’entr’ouvre devant mainte et mainte fillette,
Si lourde qu’elle soit, elle s’allégera…
Est-ce un crime d’aimer quelque peu la toilette,
Les pompons, les bijoux, les fleurs et caetera ?

Qu’on la lance trop fort au sortir de la classe
Contre cette façade aux volets grands ouverts
Et… clac ! sauve qui peut…! quand la vitre se casse
Le maître du logis prend cela de travers !


XXXVI

C’est un oiseau moqueur au chatoyant plumage
Mêlé de rose fauve et de brillant azur.
Il copie aisément des autres le ramage ;
Mais le sien, sur la branche, est discordant et dur.

Il est noir, il est blanc ; on le taille, on l’imite,
On en fait des bijoux de certaine valeur.
Son prix ne franchit par une sage limite
Et le deuil sérieux en aime la couleur.

Cette lettre, pour sûr, n’est pas une voyelle
Mais bien une consonne au profil arrondi :
An, mois, semaine et jour se doivent passer d’elle
Et dimanche l’ignore autant que samedi.

Quand, avec la grammaire aux prises, dans l’école,
L’enfant va conjuguer non sans émotion,
Dès le début, le seuil, c’est par cette parole
Que commence toujours sa récitation.

C’est l’espace franchi par la chose lancée ;
Cette chose elle-même avec son lancement ;
Le bourgeon qui devient la tige nuancée ;
L’eau qui jaillit dans l’air avec bruissement.

Dans les métiers, les arts, ce petit mot s’emploie :
Jeton, coup de filet, canal pour le mouleur,
C’est, en fauconnerie, une simple courroie ;
C’est l’outil du plombier, la canne du fondeur.


XXXVII

Que chacun à son gré se …… sur son siège
… mon discours commence et je parle longtemps.
Je vous préviens d’avance et ne tends pas de piège ;
Tant pis pour les grincheux et pour les mécontents !
M’écoutez-vous ? Oui-dà ! le joueur de bouillotte
A retiré sa ……, ô mémorable trait !
Le cordonnier suspend la …… d’une botte ;
Et celle d’un habit laisse un tailleur distrait.
De même au chapelier la …… de sa forme ;
De même à l’Auvergnat la …… du chaudron ;
Et, quittant à son tour sa …… au bord énorme,
L’ouvrier des pécheurs vient, s’essuyant le front !
Mais ce n’est point assez : J’appelle pour m’entendre
Le soldat amateur du bouquet de son ……
Le marin qui, joyeux, à terre va descendre
Trouvant très à propos d’avoir fini son ……
À d’autres ! approchez ! je n’ai point le …… même
Des auditeurs nombreux que j’appelle à l’envi :
Je veux la qualité ! la fine fleur ! la crème :
Banville, ……, Dumas, Deroulède, Halévy !
C’est trop peu des vivants : À moi, morts de l’histoire,
Que vois-je ? Robert ……, l’empoisonneur anglais !
Mais que voulais-je dire à ce vaste auditoire ?
Je ne m’en souviens plus : mes esprits sont troublés !


XXXVIII

Il est de tons divers chez la folle jeunesse :
Mais la neige des ans le blanchira plus tard,
À moins que sa couleur d’autrefois ne renaisse
Grâce au philtre menteur connu de maint vieillard.

Elle est grasse, elle est noire, et quand elle est bien pleine
Elle frisonne et chante à réjouir le cœur.
Alors, tendant la main, la vieille Madeleine
Lui tourmente la queue et prend un air vainqueur.

Il est vide ; on l’emplit. Parfois même on le bourre ;
Aussitôt bruyamment il se met à ronfler,
Et chacun applaudit. On s’approche, on l’entoure ;
Et le gâteau des Rois commence à se gonfler.

Sur le timide front des blanches épousées,
On l’étendait jadis avec un soin pieux,
Tandis que, rougissant, par toutes jalousées,
Elles joignaient les mains et baissaient leurs beaux yeux.


XXXIX

Nina me dit ; « Mon ……, allons courir la grève ! »
Je la suis. L’Océan soulève ses flots verts
Et les grands acacias, de leur gousse qui crève,
Laissent tomber les ……, de peau brune couverts.
Un enfant amoureux de luisants coquillages
Pousse devant les …… son rire d’écolier ;
Un botaniste épris de fruits et de feuillages
Va détacher les …… d’un beau carossolier.
Un géomètre fou de lignes, de figures,
Dessine sur le sable un …… vaste tournant ;
Un joueur décavé consulte les augures
Pour savoir si le …… lui sourit maintenant ;
Rose admire au soleil le …… de sa Jeannette,
Un bijou d’or, oui, d’or ! acheté de hasard ;
Le magister branlant ajuste sa lorgnette
Sur un …… de vipère, un terne bézoard.
Tout au …… du village, une vieille difforme,
Bien heureuse de vivre et très gourmande encor,
Épluche pour sa soupe un …… de bœuf énorme,
Orgueil de son jardin, veiné de pourpre et d’or.
Mais la cloché a tinté. Dans le …… de l’église
Le chant sacré s’élève en un lugubre ……
Et Jacques suit la bière où l’on a mis Denise
Les larmes dans les yeux et la mort dans le ……


XL

Je l’aime plein, très plein lorsque l’hiver déchaîne
Ses mortelles rigueurs sur les déshérités.
Ils y trouvent alors le bois, le pain, la laine
Et, contre tous leurs maux, toutes les charités.

Je l’aime creux, bien creux quand, pour dormir à l’ombre,
Je demande un asile aux rudes châtaigniers.
La mousse sous mes pieds étend son velours sombre ;
Sur mon front, l’écureuil enrichit ses greniers.

Je l’aime entre deux maux : étisie et pléthore,
Avec échine forte et poumons vigoureux,
Et cœur paisible et chaud où le sang s’élabore
Et pour tout dire enfin, ce qu’on nomme « un bon creux. »

Je l’aime pour y faire un séjour en automne,
Quoiqu’on ait, pour s’y rendre, un chemin malaisé.
La brise de la Vienne y souffle monotone,
Le maire et son adjoint sont à Montamisé.


XLI

Celle-ci déshonore et gêne le cordage ;
Celle-là, dans les mers, plonge de tout son poids ;
Cette autre est simplement un petit coquillage ;
Et chaque matelot les connaît à la fois.

Homme et jurisconsulte, il sert le roi, la reine,
S’éteint dans la disgrâce et dans l’obscurité.
Chose, il est arraché de l’ombre souterraine,
Et conquiert en brûlant un crédit mérité.

Parfois elle contient l’animal en son germe,
Enveloppe soyeuse et léger mur de chaux ;
Et parfois végétale, elle enveloppe, enferme
La semence, la graine, ainsi qu’en des berceaux.

Il est fier et l’on sait que son mâle courage
Le pousse vers la lutte et ne recule pas !
Il protège et défend son timide entourage ;
Mais il le tient soumis, et sa cour marche au pas !

L’une, baie exotique, est aux poissons mortelle
Et fait périr l’insecte ennemi de la peau.
L’autre, indifféremment de ruban, de dentelle,
Parmi les fraîches fleurs, est à plus d’un chapeau.

On recherche souvent les diners qu’il prépare,
Il est à l’âne et fait le plaisir des rieurs.
Il est en pâte encore ; ou du clocher qu’il pare ;
Ou du village… mais j’en passe… et des meilleurs.


XLII

« Quelle pièce de bois ! dit Gervaise étonnée
Devant un noble chêne aux branches en faisceaux ;
Ce serait un beau … pour mon oncle Thonnée ! »
L’oncle de Gervaise est constructeur de vaisseaux.
Plus loin le …. sauvage aux senteurs pénétrantes
Ne lui met en esprit que sauces et ragoûts.
Gervaise est fort pratique et suit le cours des rentes ;
La poésie et l’art ne sont point dans ses goûts.
Elle …. de son père, un vieux juif sec et blême,
La science du chiffre ; et sa mère en a fait
Une coquette folle éprise d’elle-même,
Soigneuse de son …. et visant à l’effet :
Si vous me demandez où sa cour est tenue
Je vous renseignerai : Dans la ville de ….
Sa maison neuve perche en haut d’une avenue
Et, dans ses murs, n’a pas une glace sans ….


XLIII

Au bord du lac Léman, je le vois apparaître,
Mais à Côme au Bourget
Il demeure étranger
Comme à leur verte rive où le troupeau vient paître.

L’esprit de l’homme en a,
Mais l’œil ne peut la voir battre dans l’étendue.
De même, en ont aussi la bécasse, la grue,
La dinde, et caetera !

John en but tant et tant de taverne en taverne,
Qu’enfin dans ce poison
Il noya sa raison !
Et c’est la bête, en lui, qui domine et gouverne.

Le jeune fiancé
Souvent, pour désigner sans nom celle qu’il aime,
A recours à ce mot où, dans un trouble extrême,
Tout son cœur est lancé.

Enfin, elle est tantôt lumineux zoophyte,
Et tantôt bas-côté
Clou, même, en vérité !
Et celle des moulins du moindre vent profite.


XLIV

À l’école de … il avait fait merveille
Et se croyait chasseur plus adroit que pas un !
Il s’en allait donc fier, la toque sur l’oreille,
Foulant à pas pressés le pâtural commun.
Près de là, des soldats, l’œil fixe, la main ferme,
S’exerçaient sur le … tapissé de gazon.
Il passa dédaigneux, tourna la vieille ferme
Et, gourmandant son chien, consulta l’horizon.
Rien ! et Finaut battait en vain chaque broussaille
Depuis le grand matin ! Le chasseur devint las
Et son attention, comme un train qui déraille,
Distraite, à …. d’aile, au loin s’enfuit, hélas !
Son esprit, remontant d’âge en âge au vieux monde,
Carthage, Rome … lui contaient leurs secrets.
Et pendant ce temps-là, le chien faisant sa ronde,
Allait de faute en faute et manquait ses arrêts !
Mais, réveillé soudain par un bruit sur la branche,
Et, sans même viser, …. alors le songeur.
Qui tombe de là-haut ? C’est une chatte blanche
Qu’à la ferme prochaine on va pleurer. Horreur !
Le meurtrier se trouble et fait piteuse mine
Devant ce corps sans vie et ce poil rebroussé.
Comme il préférerait, dans son humeur chagrine,
Qu’un voleur à la …. eût vidé son gousset !


XLV

Si vous craignez l’hiver dans quelque ville obscure
Où chaque rue exhale une odeur de moisi,
S’il faut à vos poumons tiède température,
Allez-y !

Si, dans la basse-cour, on l’a bien cultivée
Comme on cultive ailleurs la poule du faisan,
Et si la cuisson fut savamment activée,
Mangez-en !

Si vous tremblez de faire un faux pas en montagne,
Je vous offre la mienne. Acceptez ; la voilà.
N’importe qui vous suive ou qui vous accompagne,
Prenez-la !

Si vous cherchez un siège à manœuvrer commode,
En harmonie avec la table et le buffet,
Ce tissu résistant est encore à la mode :
On en fait.

Si vous redoutez l’ail, le piment, le vinaigre,
Si, pour un grain de sel, vous avez dit : « Assez ! »
Prenez-en les tronçons recueillis par un nègre
Et sucez !

Si vous aimez dans l’ombre à frapper en silence,
Mais sans causer pourtant de blessure ou de mort,
Ou dans vos mains, un jour, si le verrier la lance,
Soufflez fort !

Si vous gagnez ses bords en quelque steppe aride
Encombré par la neige et battu par le vent,
Naviguez d’un bras fort, d’un mouvement rapide….
En avant !


XLVI

À l’abri de ses murs, Segrais, Huet, Malherbe,
Ont trouvé leur berceau, comme le fit Choron ;
Leur pied d’enfant battait le pavé frangé d’herbe
Et d’avance leur gloire astiquait son clairon.

Il s’éveille aux éclats de la diane sonore,
Avant que l’aube froide ait fait un mouvement ;
Il bruisse, il s’agite, et se vante et s’honore
D’avoir, en un clin d’œil, fait tout son « tremblement ! »

Il a de l’Orient la passive indolence ;
Il aime à bien dormir, et la graisse lui plaît.
Mais qu’un devoir l’arrache à cette somnolence :
C’est un chef ! et sa veine alors n’a plus de lait.

Dieux ! qu’il est assommant ! Mais faites-en lecture ;
S’il est bon, quelquefois, de bâiller à propos
Et si toute insomnie enfante une torture,
Ce philosophe amène un somme et du repos.

Surtout, gardez-vous bien de le doubler, ma chère :
Tout propos de malice est un brûlot fumant !
En subir est fâcheux. Mais devenir commère,
Soupçonner et noircir, ah ! c’est presque infamant !


XLVII

« Je termine, mon …., un modeste voyage
Aisément accompli sur les rives du …. ;
Dans ma bourse il n’a fait ni trou ni nettoyage :
Mes pieds ont payé seuls ; un cheval est trop ….
Je ne vous dirai point qu’en cette promenade
J’ai fait …. friande et me suis régalé :
Rien que la …. des veaux et l’amère salade !
Cela ne coûte guère et c’est vite avalé.
J’ai parcouru la Creuse à la fraîche verdure
Et jeté sur l’Allier des regards en passant ;
Dans l’Indre, quelquefois, je couchais sur la dure ;
Le …. m’a traité mieux, j’en suis reconnaissant.

Je visite aujourd’hui sa vieille cathédrale,
Aussi vaste qu’un monde avec ses nefs sans jour,
Ses vitraux merveilleux qui colorent la dalle,
Sa …… et ses piliers, ses voûtes et sa tour.
L’extase m’éblouit ! Mais reprends, pauvre hère,
Le fardeau qu’à porter le ciel t’a condamné !
La faculté célèbre où j’occupe une ……
Ouvre demain ses cours. Le départ a sonné ! »


XLVIII

« Sais-tu combien de fois il est dans un hectare ? »
Le bambin ne dit mot ! Quel petit être ignare !

Ce supplice avait cours au temps de nos aïeux ;
Depuis, il a passé de mode. Eh bien ! tant mieux.

Le fagoteur en fait d’essences très diverses
Et se moque, sous bois, des plus rudes averses.

Tout le monde y prétend ; et chacun au hasard
S’intitule de droit Raphaël ou Mozart.

On s’en sert constamment à Bayonne, à Grenoble.
Cet objet, toutefois, n’est pas d’un genre noble.

Je refuse d’en prendre et dédaigne ce soin.
Avec les gens d’honneur, il n’en est pas besoin.

Trente-sept habitants ! ce n’est pas une foule !
Sa commune est Beaucaire, et non loin le Gers coule.


XLIX

Il a voué sa vie à plus d’une chimère,
Épuisant le nectar jusqu’en sa … amère.
Il a vu satisfait chacun de ses désirs
Sous la chaîne qui … une âme aux vains plaisirs.
Il gémit à présent sur un … de souffrance.
On dans ses regards qu’il n’a plus d’espérance.
Qu’importent les trésors sous ses mains entassés !
Les cupides flatteurs autour de lui pressés !
Le blason des aïeux, héros portant de gueules !
Et la fleur de … d’or sur celui des aïeules !
Qu’importent ! Le passé, comme un épi trop mûr,
S’égrène dans la nuit au bord du gouffre obscur !
À l’horloge des temps, le grand … de justice
Tinte ! Et le moribond, vidant tout le calice,
Balbutie en pleurant, hagard, épouvanté :
« Mensonge du bonheur ! tout n’est que vanité ! »


L

Elle perce, au levant, les vapeurs de la terre
Et jette sur les prés une rose lueur.
Devant elle pâlit la flamme du cratère
Et la fleur qui s’éveille a repris sa couleur.

C’est elle qui reçoit les blanches gouttelettes,
Quand la roue en grinçant fait d’innombrables tours
Et qui les restitue aussitôt, rondelettes,
Au ruisseau détourné de son paisible cours.

Le marin vous dira : « C’est mon heure embaumée
Qui sonne au crépuscule avant le premier quart ! »
Il évoque à cette heure une famille aimée
Et, pour y songer mieux, se promène à l’écart.

La tige de lin frêle en fournit la matière,
Et de pieuses mains la brodent finement ;
Si, pour la terminer, il faut l’année entière,
Qu’importe ! Ce travail est leur gloire, vraiment !

Elle et Lui ne font qu’un : champenoise à sa source,
Au sol qu’Elle enrichit Elle donne son nom.
Lui, fournit une arène à sa paisible course
Et ses produits nombreux ne sont pas sans renom.