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Le Système d’Aristote/Chapitre XII

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Texte établi par Léon RobinFélix Alcan (p. 188-225).

DOUZIÈME LEÇON


LES SYLLOGISMES MODAUX

On se ferait une idée très inexacte de celui des livres de l’Organon qui est consacré à ce qu’on pourrait appeler les questions les plus purement logiques, c’est-à-dire des Premiers analytiques, si l’on se figurait que cet ouvrage ne contient pas beaucoup d’autres choses que la théorie du syllogisme simple, avec les indications sommaires qu’elle suppose sur les propositions. Après avoir rappelé les principaux traits de la théorie du syllogisme, Zeller continue (p. 229-231) : « Aristote a aussi expliqué tout au long comment la science doit se servir de ces formes du raisonnement [les figures du syllogisme] et quelles sont alors les fautes à éviter. Il montre d’abord quelles sont les thèses les plus difficiles à établir et les plus faciles à réfuter, et réciproquement [Pr. anal. I, 26] ; il donne ensuite les règles à suivre dans la recherche des prémisses qui sont requises pour la démonstration d’une conclusion, étant données la qualité et la quantité de cette dernière [ch. 27-29], et il profite de l’occasion pour faire de la méthode platonicienne de la division l’objet de quelques critiques [ch. 31] ; puis il indique en détail les principes à observer et les procédés à suivre pour construire, avec la matière de la démonstration ainsi trouvée, des syllogismes exacts et réguliers [ch. 32-46]. Il s’occupe en outre de la portée des divers syllogismes, c’est-à-dire l’étendue [explicite ou implicite] de leurs conclusions [Pr. anal. II, 1], des syllogismes à prémisses fausses [ch. 2-4], de la démonstration en cercle [démontrer l’une des prémisses à l’aide de la conclusion et de la converse de l’autre prémisse] [ch. 5-7], de la réciprocation du syllogisme [c’est-à-dire de la destruction d’une des prémisses par l’union de l’autre avec la contradictoire ou la contraire de la conclusion] [ch. 8-10], de la réfutation d’une proposition par ses conséquences [ch. 11-14], des syllogismes que l’on peut obtenir en prenant les opposées des prémisses d’un syllogisme donné [ch. 15], des nombreuses fautes qu’on peut commettre en raisonnant et des moyens de les éviter [p. ex. la pétition de principe] [ch. 16-22]. Il recherche enfin ces moyens de preuve qui ne constituent pas des démonstrations au sens étroit [p. ex. l’induction, l’exemple, le syllogisme fondé sur des signes], pour analyser le procédé caractéristique de raisonnement que chacun d’eux représente [ch. 23-27]. » Nous reviendrons sur l’induction. Mais, si nous sommes forcés de laisser de côté tout le reste de ce qui est traité dans les Premiers analytiques, nous voulons du moins, à l’étude du syllogisme simple, joindre celle des syllogismes modaux. — La théorie des syllogismes modaux, avec les éléments sur la théorie des propositions modales qui y sont joints, constitue une des parties les plus difficiles et les moins connues des Premiers analytiques. Cette théorie, hautement caractéristique de la manière d’Aristote, traite d’ailleurs des questions, dont quelques-unes sont importantes et dont les autres sont curieuses. Il est important de savoir à quelles conditions, en mélangeant des prémisses de diverses sortes, on peut obtenir une conclusion nécessaire ou une conclusion contingente. Et il est au moins curieux de voir quels syllogismes l’introduction de la modalité dans les prémisses peut retrancher ou ajouter aux quatorze types qu’Aristote reconnaît comme concluants dans le syllogisme ordinaire.

Nous passerons rapidement sur la théorie des propositions modales, d’autant que, chemin faisant, nous retrouverons les points importants au moment où Aristote, ayant besoin de s’en servir, les établit. Mous suivrons de près au contraire le texte de l’auteur dans l’étude des syllogismes modaux (Pr. anal. I, 9-22). Car notre but principal est de permettre à qui le voudrait de lire, sans trop de temps ni d’efforts, cette portion ardue des Premiers analytiques.

Aristote ignore l’emploi du mot τρόπος, courant chez les commentateurs, pour désigner les modes ou modalités. Il n’a même donné nulle part, semble-t-il, une définition de la modalité en général. S’il fallait en croire un grand nombre de commentateurs et notamment Ammonius, Philopon et Boèce, un mode serait un adverbe quelconque joint à la proposition simple. Ainsi : Socrate discute, proposition simple, deviendrait une proposition modale quand on dirait par exemple : Socrate discute bien. À ce compte, il y aurait une infinité de modes et de modales[1]. Mais cette conséquence, que les commentateurs en question avouent du reste, soulève une grosse difficulté qui amène à douter de la légitimité de leur définition. S’il y a une infinité de modes, pourquoi Aristote s’occupe-t-il de deux modes seulement, le nécessaire et le contingent ? Comment y a-t-il intérêt à parler de ces deux là, quand il faut bien négliger tous les autres ? Et, si cet intérêt est réel, d’où vient aux deux modes dont il s’agit leur privilège ? La vérité semble bien être qu’Aristote, et avec lui Alexandre, n’auraient jamais souscrit à la définition que nous venons de rappeler. Si Aristote traite de deux modes seulement, c’est sans doute qu’il n’y en a pour lui que deux, et non pas que ces deux ont un privilège. Pour expliquer qu’il y ait deux modes privilégiés, on a cru pouvoir leur reconnaître un caractère qui, croyons-nous, est essentiel à tout mode selon Aristote. Ce caractère, dit-on, c’est que les modes privilégiés concernent, non pas la matière, mais la forme[2]. — Il y a là une idée juste, à condition toutefois qu’on la présente autrement. En disant que la logique est formelle, il est possible d’entendre par là qu’elle n’a pas de valeur objective. Elle n’aurait pas de valeur objective : 1o parce que les notions qui servent de termes dans les raisonnements seraient des créations subjectives de l’esprit et constitueraient, tout au plus, des signes tout à fait inadéquats des réalités auxquelles elles correspondent ; 2o parce que les rapports établis par l’esprit entre les notions, celles-ci fussent-elles objectives, ne seraient pas des rapports de même espèce que ceux qui sont à l’œuvre dans la nature. À prendre les choses de cette façon, Aristote refuserait complètement d’admettre que la logique est formelle, et qu’on puisse établir qu’une certaine détermination relève de la logique en disant que cette détermination est une pure question de forme. Non seulement il croît que les rapports sur lesquels roule la logique sont des rapports naturels, que la nature syllogise comme l’esprit ; mais il ne songe guère à douter que les notions prises pour termes de nos syllogismes puissent ne pas être adéquates. C’est sur un double acte de confiance dans les rapports et dans les notions que repose précisément la méthode de démonstration par les exemples, que nous avons vu Aristote employer dans la théorie du syllogisme ordinaire, que nous allons le voir employer dans la théorie du syllogisme modal. Lorsqu’une conclusion syllogistique s’accorde avec la conclusion tirée par la nature, le syllogisme est logiquement légitime ; si la nature ne conclut pas comme lui, c’est qu’il ne vaut rien. Ainsi, en donnant au mot de formel le sens qui vient de nous occuper, nous ne saurions dire, pour caractériser les modes, qu’ils sont aux yeux d’Aristote quelque chose de formel[3]. — Mais le mot de formel comporte une autre acception encore, et, quoique mal démêlée, c’est cette acception qui est au fond de la pensée que nous examinons et qui la rend en partie juste. Prenons la proposition et le raisonnement en eux-mêmes. Il est entendu qu’ils sont quelque chose d’objectif, et quant à leurs termes, et quant aux rapports de ces termes. Cependant, malgré leur commune objectivité, nous pouvons distinguer l’un de l’autre ces deux éléments de la pensée jugeante et raisonnante. La distinction faite, nous appellerons les termes matière, et nous appellerons forme les rapports. Dans une proposition, par conséquent, la forme ce sera ce qui est exprimé par la copule et nous pourrons dire que ce qui caractérise chez Aristote, soit les modes privilégiés, soit, pour mieux dire, les modes, c’est qu’ils concernent le rapport du prédicat au sujet, qu’ils portent sur la copule. Et nous verrons tout de suite par là, les rapports étant beaucoup plus généraux que les termes, comment il est possible de faire une théorie des modes, puisque le risque de se perdre dans l’infinité sera écarté. Or, que les modes selon Aristote, et non pas à vrai dire des modes privilégiés mais tous les modes, concernent le rapport du prédicat au sujet et portent sur la copule, c’est ce qui nous paraît incontestable[4]. Au reste le fait qu’Aristote, pour dire qu’il y a des modes, dit qu’il y a des propositions contingentes, comme il y a des propositions exprimant simplement le fait que le prédicat existe ou n’existe pas par rapport au sujet, ce fait est suffisamment éloquent (Pr. an. 1, 2 déb., cf. 8 déb.). Car, si la forme, c’est-à-dire l’essence de la proposition, c’est le rapport et la copule, caractériser la modalité en disant que c’est une manière d’être de la proposition, cela revient bien à professer que le mode porte sur la copule.

Voilà donc ce que c’est qu’un mode en générai pour Aristote. Quant aux espèces de modalité, elles sont au nombre de deux, lorsque du moins on ne compte pas pour une espèce de modalité le caractère que prend la proposition simple, en tant que cette proposition est opposée aux autres modales. Les deux modes reconnus par Aristote sont le nécessaire et le contingent. — La notion du nécessaire semble à Aristote, à tort ou à raison, si claire par elle-même que, dans les Premiers analytiques, il ne la définit pas. Il dit ailleurs que le nécessaire est ce qui ne peut pas être autrement, τὸ μὴ ἐνδεχόμενον ἄλλως ἔχειν, et que le premier type en est la nature simple, qui en effet n’a et ne saurait avoir qu’une seule manière d’être (Métaph. Δ, 5 ; cf. Bonitz, Ind. 42 a, 50). — La définition du contingent est plus délicate. Il y revient à plusieurs fois dans les Premiers analytiques (notamment I, 3, 25 a, 37 et 13, 32 a, 18). Le mot que nous traduisons par contingent est τὸ ἐνδεχόμενον. Entre ce mot et celui de δυνατόν, il semble malaisé de faire une différence[5]. Au sens propre, nous disent les Premiers analytiques (I, 13, 32 a, 18) le contingent (ἐνδεχόμενον) est ce qui n’est pas nécessaire, et qui peut être supposé exister sans qu’il y ait à cela d’impossibilité. Or c’est presque littéralement dans les mêmes termes que le possible (δυνατόν) est défini par la Métaphysique (Θ, 3, 1047 a, 24)[6]. Cette définition assurément n’est pas irréprochable, elle contient un cercle évident. Malgré cela, il faut reconnaître que la notion aristotélicienne du contingent est parfaitement précise : le contingent est ce qui peut également être et n’être pas. Tel est du moins le sens propre de la notion. C’est dans un autre sens que l’on dit, en parlant du réel et même du nécessaire, qu’ils sont possibles, et ἐνδέχεσθαι ne doit plus alors se traduire par « être contingent » (Pr. an., fin du texte cité).

À côté des propositions assertoriques (τοῦ ὑπάρχειν), il y a donc des propositions nécessaires (τοῦ ἐξ ἀνάγκης ὑπάρχειν) : « Il est nécessaire que… » et des propositions contingentes (τοῦ ἐνδέχεσθαι ὑπάρχειν) : « Il est possible que… » Lorsqu’on veut opposer les propositions modales, il faut faire attention à deux points. D’abord l’opposition doit porter sur le mode. À la proposition : Il est nécessaire que telle chose ait telle qualité, il ne faut pas donner comme contradictoire : « Il est nécessaire que telle chose n’ait pas telle qualité » ; la vraie contradictoire est : Il n’est pas nécessaire etc. De même pour les contingentes[7]. Mais, pour celles-ci, il y a plus à dire. Une contingente : Il est possible que tout Β soit Α, peut toujours subir une opération qu’Aristote appelle du même nom que la conversion (ἀντιστροφή), mais qu’il faut pourtant se garder de confondre avec elle : c’est la transformation de l’affirmative qui suit le mode en négative, ou réciproquement. Ainsi : Il est possible que tout Β soit Α, et : Il est possible que nul Β ne soit Α, sont deux propositions parfaitement équivalentes et dont chacune est impliquée dans l’autre. Lors donc qu’on veut prendre la contradictoire d’une contingente, il faudrait lui opposer à la fois deux propositions. Chacune de ces propositions commencerait par la négation, ou l’équivalent de la négation, du mode contingent ; mais l’une serait suivie d’une affirmative, l’autre, d’une négative. À la contingente : Il est possible que tout Β soit Α, il faudrait opposer à la fois : Il est nécessaire que tout Β soit Α, et : Il est nécessaire que nul Β ne soit Α (Pr. anal. I, 17). — Pour ce qui est de la conversion, les nécessaires suivent les mêmes lois que les assertoriques (Pr. anal. I, 3 déb.-25 a, 36) : Il est nécessaire que nul Β ne soit Α, Il est nécessaire que nul Α ne soit Β. Le cas des contingentes est différent. Sans doute les affirmatives contingentes suivent les mêmes lois que les affirmatives assertoriques (ib. 25 a, 37-b, 3). Mais, pour les négatives, c’est autre chose. Si les contingentes, qui n’ont des contingentes que le nom et qui portent en réalité sur le nécessaire (comme quand on dit : Il est possible que nul homme ne soit cheval), suivent les mêmes lois que les assertoriques négatives, et lorsqu’elles sont universelles, et lorsqu’elles sont particulières, par contre les vraies contingentes se comportent d’une autre manière. S’il s’agit de contingentes portant sur les faits naturels, non nécessaires mais se produisant le plus souvent, les négatives particulières se convertissent, tandis que les assertoriques ne se convertissent pas ; et, ce qui est bien plus important, les contingentes négatives universelles portant sur les faits naturels ne se convertissent pas (25 b, 3-19) ; non plus d’ailleurs que quelque sorte de vraies contingentes négatives universelles que ce soit (17, 36 b, 35-37 a, 32). C’est un point capital que nous retrouverons plus loin.

Ces préliminaires étant posés, arrivons aux syllogismes modaux.

Les syllogismes, dont les deux prémisses seront des nécessaires, se comporteront, sauf la réserve que nous ferons tout à l’heure, comme les syllogismes dont les deux prémisses sont des assertoriques. En effet les rapports d’inclusion entre les termes sont parfaitement correspondants ici et là, et les lois de la conversion sont les mêmes ; ce qui permet de réduire les syllogismes des deux dernières figures à ceux de la première, de la même façon que pour les syllogismes simples. Toute la différence entre le syllogisme simple et le syllogisme à deux prémisses nécessaires, c’est que, dans celui-ci, les trois propositions seront modifiées par les mots : Il est nécessaire que… ou : Il est nécessaire que… ne pas. La seule réserve à faire porte sur les modes bArOcO et bOcArdO. Pour les démontrer par l’absurde, il faudrait commencer par prendre la contradictoire des conclusions contestées. Or ces contradictoires de propositions nécessaires seraient des propositions contingentes, par exemple : Il est possible que tout Γ soit Β. Les syllogismes où ces contradictoires entreraient auraient donc une prémisse nécessaire et une prémisse contingente. Mais nous n’apprendrons que plus tard (ch. 16) à manier de tels syllogismes. Il faut donc démontrer les deux modes en question par ecthèse, c’est-à-dire en mettant en lumière, à l’aide d’un nom, la partie du mineur dont le moyen est nié (2e figure), ou la partie du moyen dont le majeur est nié (3e figure)[8]. Soit le syllogisme en bArOcO :

Il est nécessaire que tout Β soit Α ;
Or il est nécessaire que quelque Γ ne soit pas Α ;
Donc il est nécessaire que quelque Γ ne soit pas Β.

Appelons Δ la partie de Γ dont Α est nié avec nécessité, nous aurons le syllogisme suivant, en cAmEstrEs :

Il est nécessaire que tout Β soit Α ;
Or il est nécessaire que nul Δ ne soit Α ;
Donc il est nécessaire que nul Δ ne soit Β.

Comme Tout Δ est identique à Quelque Γ du syllogisme primitif, le sens de la nouvelle conclusion est donc que : Il est nécessaire que quelque Γ ne soit Β ; c. q. f. d. — Soit maintenant un syllogisme en bOcArdO :

Il est nécessaire que quelque Γ ne soit pas Α ;
Or il est nécessaire que tout Γ soit Β ;
Donc il est nécessaire que quelque Β ne soit pas Α.

Appelons Δ la partie de Γ dont Α est nié avec nécessité, et convertissons notre mineure de façon à pouvoir écrire : Il est nécessaire que quelque Β soit Γ, et par conséquent : Il est nécessaire que quelque Β soit Δ. Nous aurons le syllogisme suivant, en fErIO :

Il est nécessaire que nul Δ ne soit Α ;
Or il est nécessaire que quelque Β soit Δ ;
Donc il est nécessaire que quelque Β ne soit pas Α.

c. q. f. d. (ch. 8). — Au rapport de Théophraste, dans Alexandre[9], certains préféraient démontrer par l’absurde les syllogismes à deux prémisses nécessaires, en bArOcO et en bOcArdO, en renvoyant seulement cette démonstration à plus tard, soit après le chapitre 16. On comprend par quel scrupule de méthode Aristote a été d’un autre avis.

Occupons-nous maintenant des syllogismes de la première figure, ayant une prémisse assertorique et une prémisse nécessaire.

Si la majeure, affirmative ou négative, est une nécessaire, la conclusion est une nécessaire :

Il est nécessaire que tout Β soit Α ;
Or tout Γ est Β ;
Donc il est nécessaire que tout Γ soit Β.

Telle doit bien être la modalité de la conclusion. En effet, dit Aristote, Γ n’est pas autre chose que Quelque Β, et nous pouvons dire, dans un langage un peu différent du sien que la conclusion n’est que la subalterne de la majeure. — Si c’est la mineure qui est nécessaire (mineure qui est toujours affirmative dans la première figure), que la majeure assertorique soit d’ailleurs affirmative ou négative, la conclusion n’est pas une nécessaire. Cela se démontre d’abord par l’absurde au moyen d’un syllogisme en dArAptI-dArII, si la conclusion doit être affirmative ; au moyen d’un syllogisme en cElArEnt, si elle doit être négative. Soit, en effet, par exemple, une conclusion nécessaire affirmative : Il est nécessaire que tout Γ soit Α, jointe à la mineure du syllogisme primitif : Or il est nécessaire que tout Γ soit Β, elle donne la conclusion : Donc il est nécessaire que quelque Β soit Α. Mais cette conclusion est fausse, car dans notre majeure primitive : Tout Β est Α, Α, au lieu d’être un attribut nécessaire, n’est peut-être qu’un attribut contingent, et il s’est pu que nul Β ne fût Α, ou il peut arriver que nul Β ne soit Α. D’autre part, la démonstration par l’exemple établit aussi que, dans la conclusion : Il est nécessaire que tout Γ soit Α (ou que nul Γ ne soit Α), le caractère de nécessité est usurpé. En effet, avec les trois termes : se mouvoiranimalhomme, on verra que, par exemple, la conclusion affirmative : Il est nécessaire que tout homme se meuve, est contraire à la vérité, la vérité étant seulement que tout homme se meut (ch. 9 déb.-30 a, 33). — Les syllogismes à conclusion particulière suivent les mêmes lois, et les démonstrations seraient les mêmes. Pour prouver qu’un syllogisme en fErIO dont la mineure est nécessaire ne saurait conclure par une nécessaire, il faudrait se servir des termes : se mouvoiranimalblanc (30 a, 33-b, 6).

Considérant toujours des syllogismes dont une prémisse est assertorique et l’autre nécessaire, passons de la première figure à la seconde. Si la prémisse nécessaire est négative, la conclusion est une nécessaire ; autrement ce n’est qu’une assertorique. En effet, dans le premier cas, un syllogisme en cEsArE se ramènera à un syllogisme en cElArEnt, où la nécessaire sera majeure, et un syllogisme en cAmEstrEs se ramènera au même mode cElArEnt, dans lequel la nécessaire sera encore une fois majeure. Dans le second cas, la réduction de cEsArE et de cAmEstrEs à cElArEnt donnera des syllogismes où la nécessaire sera mineure. On peut d’ailleurs démontrer par l’absurde que, dans le cas qui nous occupe, la conclusion ne saurait être une nécessaire. Soient par exemple les deux prémisses suivantes d’un syllogisme en cAmEstrEs : Il est nécessaire que tout Β soit Α. Or nul Γ n’est Α ; admettons que la conclusion soit celle-ci : Il est nécessaire que nul Γ ne soit Β ; convertissons-la et convertissons aussi la majeure de notre syllogisme ; avec ces deux converses, nous aurons le syllogisme suivant :

Il est nécessaire que nul Β ne soit Γ ;
Or il est nécessaire que quelque Α soit Β ;
Donc il est nécessaire que quelque Α soit Γ.

Mais dans la proposition : nul Α n’est Γ, converse de notre mineure primitive, Γ n’est peut-être pas un prédicat nécessairement nié de Α et peut-être s’est-il pu que tout Α fût Γ, ou est-il possible dans l’avenir que tout Α soit Γ. Enfin on peut encore recourir à la démonstration par un exemple. Si nous posons : Il est nécessaire que tout homme soit animal ; Or nul être blanc n’est animal, la conclusion ne devra pas être : Il est nécessaire que nul être blanc ne soit homme. Car il est possible que quelques êtres blancs soient hommes, et cela parce qu’il est possible aussi que quelques êtres blancs soient des animaux, quand même en fait il se trouverait qu’aucun être blanc n’est animal (ch. 10 déb.-30 b, 40). — Pour ce qui est des syllogismes à conclusion particulière, si la prémisse nécessaire est négative et universelle, la conclusion sera une nécessaire. Même démonstration que dans le cas où les deux prémisses sont universelles, c’est-à-dire réduction à la première figure : fEstinO-fErIO. Si la prémisse nécessaire est affirmative et universelle (bArOcO), la conclusion n’est pas une nécessaire. Cela se démontre à l’aide de la même triade de termes qui nous a servi quand les deux prémisses étaient universelles : animalhommeêtre blanc. Si la nécessaire est négative mais particulière (bArOcO), la conclusion pas nécessaire. Cela se démontre à l’aide des mêmes termes, dit Aristote. Mais d’autres termes seraient préférables, par exemple : infailliblesagehomme (31 a, 1-17).

Pour en finir avec les syllogismes dont l’une des prémisses est nécessaire et l’autre assertorique, reste à nous occuper de ceux de ces syllogismes qui appartiennent à la 3e figure. Lorsque les deux prémisses sont universelles et affirmatives, si l’une quelconque est une nécessaire, la conclusion est une nécessaire. En effet, on aura des syllogismes, l’un en dArAptI, l’autre voisin de dArAptI. Si c’est la majeure qui y est nécessaire, la conversion de la mineure donnera un syllogisme de la 1re figure, dont nous savons qu’il conclut par une nécessaire. Si c’est la mineure qui est nécessaire, le syllogisme sera, pour ainsi dire, en dApAmIp : on ne touchera pas à cette mineure, on convertira la majeure, on la transposera pour en faire la mineure et l’on aura le même syllogisme de la 1re figure que dans le cas précédent ; on n’aura qu’à convertir la conclusion. — Lorsque la prémisse nécessaire est négative, la conclusion est une nécessaire. En effet un tel syllogisme sera en fElAptOn (car, dans la 3e figure, il n’y a pas de mineure négative) ; il se réduira à un syllogisme en fErlO, où la prémisse nécessaire sera majeure et où la conclusion ne sera en somme, pouvons-nous dire, que la subalterne de la majeure. — Si la nécessaire est affirmative et l’autre prémisse négative, la conclusion n’est pas une nécessaire. En effet, dans un tel syllogisme, la nécessaire sera mineure (puisque dans la 3e figure la mineure est affirmative) ; en la convertissant, on aura un syllogisme de la 1re figure (fElAptOn-fErIO), dont nous savons que la conclusion ne peut pas être une nécessaire (cf. 30 a, 33). En outre on peut recourir à une démonstration par l’exemple avec les termes : éveilléanimalcheval. Soit : Nul cheval n’est éveillé ; Or il est nécessaire que tout cheval soit animal. La conclusion : Il est nécessaire que nul animal ne soit éveillé, serait contraire à la vérité. Tout ce qui peut être vrai, c’est qu’il se trouve que nul animal n’est éveillé (ch. 11 déb. à 31 b, 10).

Arrivons aux syllogismes dont l’une des prémisses est particulière. Les deux prémisses étant affirmatives, si la nécessaire est l’universelle, la conclusion sera nécessaire. En effet les syllogismes répondant à ces conditions seront en dIsAmIs et en dAtIsI. Ils se ramèneront tous les deux à des syllogismes en dArII, où la nécessaire universelle sera majeure. — Si la nécessaire est la particulière, une fois le syllogisme ramené à la 1re figure (dArII), la nécessaire ne pourra être que mineure. Du reste, on peut aussi faire une démonstration par l’exemple avec les termes éveillébipèdeanimal. La conclusion : Il est nécessaire que quelque bipède soit éveillé, qu’on prétendrait déduire, soit en dIsAmIs, soit en dAtIsI, est évidemment contraire à la vérité, puisque celle-ci est seulement que quelques bipèdes sont éveillés. — Si la prémisse nécessaire est l’universelle négative, la conclusion sera une nécessaire. Car le syllogisme sera en fErIsOn ; il se ramène par conséquent à un syllogisme en fErIO, où la nécessaire sera majeure. — Si c’est l’affirmative, soit universelle (bOcArdO), soit particulière (fErIsOn), qui est la nécessaire, alors la conclusion n’est pas une nécessaire. En effet, le syllogisme en fErIsOn une fois ramené à fErIO, la nécessaire sera mineure. Et d’autre part, pour le syllogisme en bOcArdO, et aussi bien d’ailleurs pour le syllogisme en fErIsOn, une démonstration par l’exemple est facile. Dans le premier cas, nous aurons les prémisses suivantes : Quelque homme n’est pas éveillé ; Il est nécessaire que tout homme soit animal. La vérité ne nous permet pas de conclure : Il est nécessaire que quelque animal ne soit pas éveillé. La vérité permet seulement la conclusion : Quelque animal n’est pas éveillé. Dans le second cas, nous aurons les prémisses : Nul être blanc n’est éveillé ; Il est nécessaire que quelque être blanc soit animal. Pour rester dans le vrai il ne nous est pas permis de conclure : Il est nécessaire que quelque animal ne soit pas éveillé, mais simplement : quelque animal n’est pas éveillé. — Enfin, si la nécessaire est négative mais particulière (bOcArdO), la conclusion n’est pas une nécessaire. En effet, soient les prémisses : Il est nécessaire que quelque animal soit bipède, Or tout animal se meut. La seule conclusion vraie est : Quelque être qui se meut est bipède, et non pas : Il est nécessaire que quelque être qui se meut soit bipède (11, 31 b, 11-13, 32 b, 3).

Nous devons maintenant aborder la partie la plus délicate de la théorie des syllogismes modaux, celle où interviennent les propositions contingentes. Lorsque nous concluons que : Il est possible que tout Γ soit Α, notre raison peut être que Α est un attribut possible de Β et que Β est, assertoriquement, un attribut de Γ, ou bien que Α est un attribut possible de Β et que Β est un attribut possible de Γ. Bien que, dans ce second cas, le raisonnement ait quelque chose de plus compliqué, en ce qu’il superpose une possibilité à une autre, tandis que, dans le premier, une seule possibilité intervient, cependant, au point de vue de la théorie des syllogismes modaux, un syllogisme à deux prémisses contingentes est moins compliqué qu’un syllogisme où il entre une prémisse contingente et une prémisse assertorique. C’est pourquoi nous commencerons par les syllogismes à deux prémisses contingentes (32 b, 23-37, fin du ch. 13). Aristote étudie d’abord les syllogismes à deux prémisses contingentes de la première figure, puis les syllogismes dont l’une des prémisses seulement est contingente, dans la première figure également. Viennent ensuite les mêmes syllogismes de la seconde et enfin de la troisième figure.

Considérons donc les syllogismes à deux prémisses contingentes de la 1re figure. Les modes bArbArA et cElArEnt sont des syllogismes parfaits et évidents, parce que ce qui se peut de l’attribut, lequel se peut du sujet, se peut du sujet. De même les modes dArII et fErIO. Comme on peut transformer une contingente négative en une affirmative, le mode AE est recevable, parce qu’on le transforme en AA[10] ; de même le mode EE qui devient EA (ou, si l’on veut, AA) ; de même le mode AO, qui devient OI ; de même enfin à coup sûr, bien qu’Aristote ne le dise pas[11], le mode EO, transformable en AI (ch. 14 déb. — 33 a, 34). — Si la majeure est particulière, quelle que soit sa qualité et quelles que soient d’ailleurs la quantité et la qualité de la mineure, il n’y a pas de conclusion. Posons que : Quelque Β est Α. Peut être Β a-t-il plus d’extension que Α ; autrement dit, peut-être certains Β ne sont-ils pas Α. Si Γ est pris parmi ces certains Β, tout Γ aura beau être Β, Γ ne sera pas pour cela Α. S’il s’agit de propositions contingentes, on ne pourra pas dire : Il est possible que tout Γ soit Α, ni, non plus : Il est possible que nul Γ ne soit Α, parce que telle est la nature des contingentes que cette négative est simplement une autre forme de l’affirmative et qu’elle ne peut avoir de sens que si cette affirmative en a un[12] (33 a, 34-6, 17). — En somme, lorsque les prémisses sont universelles (ou plutôt lorsque la majeure est universelle), qu’il y ait d’ailleurs une affirmative dans les prémisses ou qu’elles soient négatives toutes deux, il y a syllogisme ; seulement, dans le dernier cas, le syllogisme est imparfait, puisqu’il faut, pour le rendre concluant, quelque chose de plus que les prémisses, savoir la transformation de l’une d’elles, la mineure, en une affirmative (33 b, 18-24, fin du ch. 14).

Cette règle est encore très simple. Les syllogismes de la 1re figure dont l’une des prémisses est contingente et l’autre assertorique sont plus compliqués. Si la majeure est contingente, on a des syllogismes à conclusion contingente (comme cela a toujours lieu d’ailleurs dans les syllogismes où l’une des prémisses est assertorique et l’autre contingente), et ces syllogismes sont tous parfaits et évidents. Aristote se contente d’en donner des exemples en désignant les termes par les lettres consacrées, en faisant la majeure tour à tour affirmative et négative. — Si c’est la mineure qui est contingente, alors les syllogismes valides sont tous imparfaits, et de plus, dans ceux qui doivent conclure négativement, la conclusion, au lieu d’être une contingente au sens propre, énonce seulement une non nécessité pour tous ou pour quelques-uns (ch. 15 déb. — 33 b, 40).

Occupons-nous d’abord du cas où la conclusion est affirmative. Aristote renouvelle sans la prouver l’affirmation que les syllogismes dont il s’agit sont imparfaits, et, avant d’entreprendre la démonstration des conclusions imparfaites, il établit une sorte de lemme[13], qui va lui permettre de simplifier cette démonstration en remplaçant une contingente par une assertorique. Nous pouvons avoir des liaisons de la forme : Si Α est possible, Β est possible, aussi bien que de la forme : Si Α est, Β est ; et, une liaison de la première forme étant posée, il y aurait contradiction à ce que Α fût possible sans entraîner la possibilité de Β. Α représente ici un couple de deux prémisses. Or, pour qu’une conclusion possible résulte de prémisses possibles, il n’est pas nécessaire que ces prémisses soient vraies ; il suffit qu’elles soient possibles, quoique fausses (34 a, 1-33). Cela posé, soit un syllogisme à conclusion affirmative dont la majeure est assertorique et la mineure, contingente :

Tout Β est Α ;
Or il est possible que tout Γ soit Β ;
Donc il est possible que tout Γ soit Α.

Nous avons à démontrer la conclusion par l’absurde. Mais, en vertu de la remarque qui précède, nous pourrons prendre pour mineure de notre syllogisme par l’absurde, au lieu de la contingente : Il est possible que tout Γ soit Β, l’assertorique : Tout Γ est Β. Il est indispensable que nous le fassions, puisque autrement notre syllogisme par l’absurde serait du même type que le syllogisme à démontrer. Et nous pouvons le faire, car, s’il est vrai que notre mineure assertorique est fausse (attendu que a posse ad actum non valet consequentia), elle reste possible. La conclusion, qui doit énoncer une possibilité, ne sera donc pas altérée du fait de notre mineure, et, si la conclusion exprime en termes de possibilité quelque chose d’impossible, cette impossibilité ne pourra venir que de la majeure. Voici donc notre syllogisme par l’absurde, syllogisme de la 3e figure :

Il n’est pas possible que tout Γ soit Α ;
Or tout Γ est Β ;
Donc il n’est pas possible que quelque Β soit Α.

La conclusion est absurde, puisqu’elle contredit notre première majeure : Tout Β est Α ; donc notre première conclusion est démontrée. Au reste notre syllogisme de la 3e figure peut à son tour se démontrer par l’absurde en bArbArA. Nous dirions :

Il est possible que tout Β soit Α ;
Or tout Γ est Β ;
Donc il est possible que tout Γ soit Α

(34 a, 34-34 b, 6)[14].

Nous venons de justifier les syllogismes à mineure contingente, lorsque la conclusion est affirmative. Lorsque la conclusion est négative, avons nous dit, la conclusion n’est plus une véritable contingente : elle énonce seulement une non-nécessité. Voici comment cela s’établit. Nous prendrons un exemple, au lieu des simples lettres que donne Aristote. Soit le syllogisme suivant :

Nul sage n’est envieux ;
Or il est possible que tous les hommes soient sages ;
Donc il est possible que nul homme ne soit envieux.

Ce syllogisme doit être démontré par l’absurde. Nous prendrons comme mineure l’assertorique, fausse mais non impossible : Tous les hommes sont sages. Pour majeure, il nous faut la contradictoire de la conclusion contestée. Cette contradictoire ne peut pas être : Il est possible que tous les hommes soient envieux ; car ce ne serait là que notre conclusion transformée de négative en affirmative, comme peut toujours l’être une contingente. La contradictoire cherchée sera donc : Il n’est pas possible que nul homme ne soit envieux, c’est-à-dire plus clairement : Il est nécessaire que quelques hommes soient envieux. Notre syllogisme par l’absurde sera donc le suivant (3e figure) :

Il est nécessaire que quelques hommes soient envieux ;
Or tous les hommes sont sages ;
Donc il est nécessaire que quelques sages soient envieux.

Mais la plus vraie contradictoire de la majeure de ce dernier syllogisme n’est pas la conclusion contestée : Il est possible que nul homme ne soit envieux. Cette contradictoire la plus vraie, c’est : Il n’est pas nécessaire que tous les hommes soient envieux. C’est donc cette proposition-ci seulement que nous avons démontrée. Donc, d’une manière générale, les syllogismes comme celui dont nous avons cherché à démontrer la conclusion ne peuvent établir qu’une non-nécessité. Mais la non-nécessité est bien différente de la contingence. Le non-nécessaire peut n’être pas possible : il n’est pas nécessaire que 2 et 2 fassent 5 ; cela est même impossible. Une proposition de la forme : Il n’est pas nécessaire que… exclut seulement la nécessaire affirmative : Il est nécessaire que… ; mais elle n’exclut pas : Il est impossible que 2 et 2 fassent 5, ni même : Il est possible que 2 et 2 fassent ou même ne fassent pas 5[15]. D’ailleurs, reprend Aristote, on peut démontrer par des exemples que les syllogismes du type qui nous occupe ne peuvent prouver, ni la contingence (car leur prétendue conclusion est quelquefois une proposition qui, prise dans sa vérité, est une nécessaire), ni la nécessité (car leur prétendue conclusion est quelquefois une proposition qui, dans sa vérité, est une contingente). Reste donc qu’ils sont capables d’établir la non-nécessité et rien d’autre. Voici les exemples d’Aristote[16]. Le syllogisme suivant donne une conclusion qui, en vérité, est une nécessaire :

Nul être pensant n’est corbeau ;
Or il est possible que tout homme soit un être pensant ;
Donc il est possible que nul homme ne soit corbeau.

La vérité est : Il est nécessaire que nul homme ne soit corbeau. Inversement, un autre syllogisme donne une conclusion qui, dans sa vérité, est une contingente :

Nulle science ne se meut ;
Or il est possible que tout homme soit science ;
Donc il est possible que nul homme ne se meuve.

Un type de syllogisme qui paraît conclure indifféremment par la nécessité ou par la contingence ne peut, en réalité, conclure ni par l’une ni par l’autre. Il ne saurait donc, à vrai dire, conclure que par la non-nécessité (34 b, 19-35 a, 2).

Nous venons de voir quels sont les modes concluants à conclusion universelle. Passons à ceux de la même espèce qui ne concluent pas, ou du moins ne concluent pas sans qu’on transforme une des prémisses. Si, dans la mineure, la proposition qui dépend du mode est négative (AE), ou si la proposition qui, dans la mineure, dépend du mode et, d’autre part, la majeure assertorique, sont négatives toutes doux (EE), il n’y a pas de conclusion, à moins qu’on ne transforme les mineures en affirmatives. Si la négation dans la mineure porte sur le mode : Or il n’est pas possible que…, que la majeure assertorique soit négative ou même qu’elle soit affirmative, il n’y a aucune manière d’obtenir une conclusion ; car on ne peut pas alors changer la qualité des mineures, et des syllogismes en cElErEnt ou même en cAlErEnt sont inadmissibles. On montrerait, en prenant par exemple les termes blancanimalneige et blancanimalpoix, que de tels syllogismes concluraient aussi bien le faux et le vrai (35 a, 3-24).

Lorsque, avec une majeure contingente et universelle, soit affirmative, soit négative, la mineure est une assertorique affirmative particulière, tout se passe comme si la mineure était universelle (dArII, fErIO). — Lorsque la majeure est une assertorique universelle et la mineure une contingente particulière, que les prémisses diffèrent ou non en qualité, il y a toujours syllogisme, à condition de transformer, au besoin, la mineure de négative en affirmative. Mais le syllogisme est toujours imparfait, et il faut le démontrer par l’absurde. — Si la majeure est particulière, qu’elle soit affirmative ou négative, assertorique ou contingente, quelle que soit alors la nature de la mineure, il n’y a pas de conclusion. En effet, dans tous ces cas, en prenant les deux triades de termes que nous avons indiquées dernièrement, on aurait de prétendus syllogismes, qui concluraient aussi bien le faux et le vrai (35 a, 25-b, 19).

En somme, avec une majeure universelle, il y a toujours une conclusion ; avec une majeure particulière, il n’y en a jamais[17] (35 b, 20-22, fin du chap. 15).

Les syllogismes où l’une des prémisses est nécessaire et l’autre contingente se comportent, naturellement, d’une façon analogue à ceux que nous venons d’étudier. — Avec une majeure nécessaire et une mineure contingente, toutes les deux affirmatives et universelles, on obtient un syllogisme à conclusion contingente, mais imparfait et qu’il faut démontrer par l’absurde (ch. 16, 35 b, 37-36 a, 2). — Si, toutes les autres conditions restant les mêmes, la majeure est négative, la conclusion est une assertorique négative. La démonstration par l’absurde ne va pas sans quelque complication. Voici ce type de syllogisme :

Il est nécessaire qu’aucun Β ne soit Α ;
Or il est possible que tout Γ soit Β ;
Donc nul Γ n’est Α.

Voici maintenant la démonstration par l’absurde. On y prend pour majeure la converse de la majeure primitive et, pour mineure, la contradictoire de la conclusion à démontrer :

Il est nécessaire que nul Α ne soit Β ;
Or tout Γ soit Α ;
Donc il est nécessaire que nul Γ ne soit Β.

La conclusion est la contradictoire de la mineure primitive (36 a, 7-15). — Une majeure contingente et une mineure nécessaire, toutes deux affirmatives et universelles, donnent un syllogisme à conclusion contingente, parfait et évident (36 a, 2-7). — Si, les autres conditions restant les mêmes, la majeure est négative, le syllogisme est parfait ; en conséquence, la conclusion suit la nature de la majeure (cf. 36 a, 21) et est une contingente négative ; elle ne saurait être une nécessaire négative (cf. 35 b, 3236) :

Il est possible que nul Β ne soit Α ;
Or il est nécessaire que tout Γ soit Β ;
Donc il est possible que nul Γ ne soit Α.

On ne pourrait pas arriver à démontrer par l’absurde la soi-disant conclusion : Il est nécessaire que nul Γ ne soit Α. En effet, la contradictoire de cette soi-disant conclusion est : Il est possible que quelque Γ soit Α. Jointe avec la mineure de notre syllogisme, elle donne un syllogisme de la 3e figure, dont la conclusion est (cf. ch. 22 déb.) : Il est possible que quelque Β soit Α, proposition qui, bien loin de contredire la majeure de notre syllogisme primitif, ne fait au contraire que la traduire sous un aspect complémentaire. Si c’est avec la majeure du syllogisme primitif qu’on joint la proposition : Il est possible que quelque Γ soit Α, on constitue les prémisses, toutes deux contingentes, d’un syllogisme de la 2e figure. Or un tel syllogisme ne conclut pas (cf. 17 déb.) (36 a, 15-25). — Lorsque la mineure est négative et contingente, en transformant cette négative en affirmative, on a un syllogisme imparfait semblable en tout à celui que nous avons reconnu le premier (36 a, 25-27). Si la négation, dans la mineure, porte sur le mode (Il est impossible qu’aucun Γ soit Β), le syllogisme est impossible (36 a, 27 sq.). — Lorsque, les deux prémisses étant négatives, la mineure est contingente, on obtient, en transformant cette mineure en une affirmative, un syllogisme en cElArEnt, à conclusion contingente et imparfaite ; si la mineure est la nécessaire, il n’y a pas de conclusion. Cela se démontre à l’aide des deux triades de termes dont nous nous sommes servis tout à l’heure : on obtient avec l’une une conclusion fausse et, avec l’autre, une conclusion vraie (36 a, 28-31).

Lorsque l’une des prémisses est particulière (ce ne peut être, dans la 1re figure, que la mineure), si c’est la nécessaire qui est négative (et majeure, car, dans la 1re figure, la mineure est toujours affirmative), la conclusion est une assertorique négative et le syllogisme, étant imparfait, doit être démontré par l’absurde. Voici ce type de syllogisme :

Il est nécessaire que nul Β ne soit Α ;
Or il est possible que quelque Γ soit Β ;
Donc quelque Γ n’est pas Α.

Dans la démonstration par l’absurde, on prend pour majeure la converse de la majeure primitive et, pour mineure, la contradictoire de la conclusion à démontrer :

Il est nécessaire que nul Α ne soit Β ;
Or tout Γ est Α ;
Donc il est nécessaire que nul Γ ne sait Β.

(36 a, 32-39). — Si, les autres conditions restant les mêmes que dans le cas précédent, c’est la mineure qui est nécessaire, la conclusion n’est pas une assertorique, mais une contingente ; car le syllogisme, de même que dans le cas correspondant où les deux prémisses sont universelles, est parfait, et la nature de la conclusion, dit Aristote, se démontre de même (36 b, 2)[18]. — Lorsque, les deux prémisses étant affirmatives, c’est la mineure qui est contingente et particulière, la conclusion est une contingente, comme dans le premier syllogisme (cf. p. 208) du présent chapitre 16 (36 b, 2) ; mais elle est particulière au lieu d’être universelle[19].

Avec une majeure particulière, nécessaire ou contingente, et une mineure universelle, nécessaire ou contingente, quelle que soit la qualité des prémisses, il n’y a pas de conclusion. De même, si les prémisses sont toutes deux des indéterminées ou des particulières. L’invalidité de ces divers syllogismes se démontre par des exemples, qui donnent indifféremment des conclusions vraies et des conclusions fausses. Aristote indique les triades de termes dont il faudrait se servir dans chaque cas (36 b, 3-18).

Les divers types de syllogismes avec une prémisse nécessaire et l’autre contingente peuvent tous être mis en parallèle avec les syllogismes dont l’une des prémisses est assertorique et l’autre, contingente. La seule différence est que, avec une assertorique négative (majeure), la conclusion était contingente, tandis que, avec une nécessaire négative (majeure), la conclusion peut être présentée comme assertorique, aussi bien que comme contingente. Tous ces syllogismes, ajoute Aristote, sont imparfaits[20] ; ils se complètent par les différents types de syllogismes que nous avons employés à cet effet (par exemple des syllogismes de la 3e figure) (36 b, 19-25 ; cf. p. 203-208).

Nous en avons fini avec les syllogismes de la première figure ; passons à ceux de la seconde. Deux prémisses contingentes, soit affirmatives, soit négatives, soit universelles, soit particulières, ne donnent jamais de conclusion. Lorsqu’une des prémisses est assertorique ou nécessaire, si cette assertorique ou cette nécessaire est négative et universelle, il y a toujours syllogisme ; autrement, non (ch. 17 déb. — 36 b, 34).

Afin de pouvoir démontrer ces règles, Aristote a besoin d’un lemme, à savoir que la contingente négative (universelle) ne se convertit pas : Il est possible que nul Β ne soit Α ; la converse serait : Il est possible que nul Α ne soit Β. Mais cette dernière proposition se transforme de plein droit en l’affirmative : Il est possible que tout Α soit Β. Or il n’est pas nécessaire qu’un attribut, affirmé d’un sujet, se réciproque avec ce sujet[21]. Il peut même arriver que l’attribut de la prétendue converse doive, en partie, être nié de son soi-disant sujet : Il est possible que nul homme ne soit blanc ; mais : Il est nécessaire que quelques êtres blancs ne soient pas des hommes, bien loin qu’on puisse dire : Il est possible que nul être blanc ne soit homme. — On pourrait songer à une démonstration par l’absurde. On dirait : supposons fausse la converse : Il est possible que nul Α ne soit Β. Sa contradictoire sera : Il n’est pas possible que nul Α ne soit Β. Or cette contradictoire signifie : Il est nécessaire que quelque Α soit Β ; d’où se tire, par conversion simple, la proposition : Il est nécessaire que quelque Β soit Α, laquelle contredit la proposition que nous avions à convertir. Donc la proposition : Il n’est pas possible que nul Α ne soit Β, est fausse, et sa contradictoire : Il est possible que nul Α ne soit Β, est bien, comme il fallait l’établir, la vraie converse. Mais, malgré la première apparence, cette prétendue démonstration par l’absurde est sans valeur. En effet la proposition : Il est nécessaire que quelque Α soit Β, n’est pas la traduction unique et incontestable de la proposition : Il n’est pas possible que nul Α ne soit Β. Car cette dernière proposition comporte, bien qu’avec peine au point de vue de la langue, et, dans tous les cas, elle devrait comporter, un autre sens. La converse que nous cherchons est une contingente ; il faudrait donc, pour bien faire, que sa contradictoire fût aussi une contingente, c’est-à-dire enveloppât, elle aussi, la dualité, l’ambiguïté, du oui et du non. C’est pourquoi, outre le sens que nous avons vu, la proposition : Il n’est pas possible que nul Α ne soit Β, doit être encore capable du suivant : Ce n’est pas une possibilité que nul Α ne soit Β, c’est-à-dire : On n’a pas le droit d’affirmer que nul Α ne soit Β, et on n’en a pas le droit parce que, précisément, il est nécessaire (et non pas contingent) que quelque Α ne soit pas Β. Ainsi la proposition : Il n’est pas possible que nul Α ne soit Β, implique : Il est nécessaire que quelque Α ne soit pas Β, aussi bien qu’elle implique : Il est nécessaire que quelque Α soit Β. Par conséquent, ces deux dernières propositions sont, au même titre, les contradictoires de la prétendue converse qu’on veut démontrer. Pour que la démonstration par l’absurde aboutît, il faudrait que l’on tirât une absurdité de la négative : Il est nécessaire que quelque Α ne soit pas Β, » aussi bien que de l’affirmative : Il est nécessaire que quelque Α soit Β[22]. Or de la négative il ne résulte rien qui contredise la proposition à convertir. En somme on ne saurait prouver, fût-ce par l’absurde, que les contingentes négatives se convertissent. Elles ne se convertissent pas (36 b, 35-37 a, 31).

Pourvus de ce lemme, revenons aux syllogismes de la 2e figure. Deux prémisses contingentes universelles, dont l’une est négative, ne donnent pas de conclusion. Soient ces deux prémisses : Il est possible que nul Β ne soit Α ; Il est possible que tout Γ soit Α. La négative ne peut se convertir, et, par conséquent, on ne peut ramener ce prétendu syllogisme à un syllogisme de la 1re figure (cEsArE-cElArEnt). On ne saurait d’ailleurs recourir à une démonstration par l’absurde. La conclusion à démontrer serait : Il est possible que nul Γ ne soit Β. Prenant pour majeure celle du syllogisme contesté et, pour mineure, la contradictoire de la conclusion contestée, nous aurions :

Il est possible que nul Β ne soit Α ;
Or il est possible que tout Γ soit Β ;
Donc il est possible que nul Γ ne soit Α.

Or cette conclusion n’est pas la contradictoire, elle n’est que l’aspect complémentaire de la proposition : Il est possible que tout Γ soit Α (37 a, 32-37). — D’une manière générale, tout syllogisme de la 2e figure, à deux prémisses contingentes, devrait avoir une conclusion contingente, soit affirmative, soit négative. Or on démontre par des exemples que la prétendue conclusion contingente affirmative est, dans sa vérité, une proposition qui énonce une impossibilité et que la prétendue conclusion contingente négative est, dans sa vérité, une proposition nécessaire négative :

Il est possible que tout homme soit blanc ;
Or il est possible que tout cheval soit blanc ;
Donc il est possible que tout cheval soit homme.
Il est possible que tout homme soit blanc ;
Or il est possible que nul cheval ne soit blanc ;
Donc il est possible que nul cheval ne soit homme.

Quand on donnerait une autre place à la négative dans les prémisses, quand les prémisses seraient négatives toutes deux, on pourra toujours démontrer, en se servant de la même triade de termes, qu’il n’y a pas de conclusion. Pareillement, si l’une des prémisses est particulière ou indéterminée, ou si les deux prémisses le sont. Donc il n’y a pas de syllogisme de la 2e figure à deux prémisses contingentes (37 a, 38-b, 18, fin du ch. 17).

Qu’advient-il lorsqu’une des prémisses est assertorique ? Admettons que l’une d’elles est négative. Si cette négative est la contingente, il n’y a pas de conclusion, quelle que soit d’ailleurs la quantité des prémisses. Cela se démontre à l’aide de la triade précédente. Si c’est l’assertorique qui est négative, il y a syllogisme ; car, par la conversion de cette assertorique (cEsArE), et, s’il le faut, en outre parla transposition des prémisses et la conversion de la conclusion[23] (cAmEstrEs), on aura un syllogisme de la première figure (cElArEnt). — Quand les deux prémisses sont négatives, on transforme la contingente en une affirmative. — Si les prémisses sont affirmatives toutes deux, pas de conclusion. Cela peut se démontrer à l’aide des deux triades de termes : bien portantanimalhomme, et : bien portantchevalhomme[24]. En effet, avec ces triades, on construira des syllogismes concluant par des propositions qui sont, dans leur vérité, l’une assertorique et l’autre impossible, quand elles devraient être contingentes toutes deux, et, d’autre part, l’une des soi-disant conclusions est vraie, l’autre fausse (ch. 18 déb.37 b, 38).

Pour ce qui est des syllogismes à conclusion particulière, si la prémisse assertorique est la négative, on la convertit et l’on obtient un syllogisme de la 1re figure, comme dans le cas où la conclusion est universelle. Si les deux prémisses sont négatives, et si celle des deux qui est universelle est l’assertorique, en transformant la contingente en une affirmative, en convertissant la négative assertorique et, au besoin, en transposant les prémisses, on aura un syllogisme de la 1re figure (fEstInO ou fImEsnO-fErIO). Dans le cas où, les autres conditions restant les mêmes, l’assertorique serait particulière, il n’y aurait pas de syllogisme : on le démontrerait à l’aide des mêmes triades de termes que précédemment[25]. Par le même procédé on ferait voir que deux prémisses particulières ne donnent pas de conclusion (37 b, 39-38 a, 12, fin du ch. 18).

Nous nous trouvons maintenant en présence des syllogismes de la 2e figure dont l’une des prémisses est une nécessaire et l’autre, une contingente. Admettons que l’une d’elles est négative. Si c’est la nécessaire, et que celle-ci soit la majeure, on la convertira et on aura un syllogisme de la 1re figure. Si la nécessaire négative est mineure, il faudra de plus transposer les prémisses et convertir la conclusion. Mais la conclusion n’est pas seulement une contingente, c’est aussi bien une assertorique. Cela se démontre par l’absurde. Les prémisses du syllogisme étant : Il est nécessaire que nul Β ne soit Α ; Il est possible que tout Γ soit Α. supposons que la conclusion ne soit pas : Nul Γ n’est Β ; ce sera donc : Quelque Γ est Β. Cette proposition, comme mineure, avec la proposition : Il est possible que nul Β ne soit Α comme majeure, donnera la conclusion : Il est possible que quelque Γ ne soit pas Α, ce qui contredit la conclusion du syllogisme primitif[26] (ch. 19 déb.38 a, 26). — Lorsque la prémisse nécessaire est affirmative, qu’elle soit d’ailleurs majeure ou mineure (cf. 38 b, 4 sq.), et si la contingente est négative, il n’y a pas de syllogisme. 1o La conclusion ne saurait être une contingente. Soient en effet les prémisses : Il est possible que nul homme ne soit blanc ; Il est nécessaire que tout cygne soit blanc. La vérité exigerait que la conclusion fût : Il est nécessaire que nul cygne ne soit homme. 2o La conclusion ne saurait pourtant être une nécessaire. Car, pour obtenir une conclusion nécessaire, il faut que les deux prémisses soient des nécessaires. Or, dans l’espèce, nous ne trouvons même pas réalisée la condition qui permet d’obtenir, comme conclusion, non pas une nécessaire, mais une simple assertorique, à savoir que celle des deux prémisses qui est une nécessaire, pendant que l’autre est une contingente, soit négative[27]. 3o Nous ne pouvons pas obtenir une conclusion assertorique négative. Car, des deux prémisses suivantes : Il est possible que nul animal ne se meuve ; Il est nécessaire que tout être éveillé se meuve, on ne peut pas conclure que : Nul être éveillé n’est animal, puisque la vérité est que tout être éveillé est nécessairement un animal. 4o Enfin, puisque nous avons vu que, avec les termes homme, blanc et cygne, la conclusion qu’exigerait la vérité serait une nécessaire négative, il est clair que nous ne saurions obtenir, comme conclusion, aucune des trois sortes d’affirmatives qui s’opposent à la nécessaire négative et qui sont condamnées à être fausses dès que cette négative est vraie, ni la nécessaire, ni l’assertorique, ni la contingente affirmatives[28] (38 a, 26-b, 5). — Si les deux prémisses sont négatives, on transformera la contingente en une affirmative, qu’elle soit d’ailleurs mineure (cEsArE), ou majeure (cAmEstrEs), et l’on aura un syllogisme de la 1re figure (38 b, 6-13). — Si les deux prémisses sont affirmatives, il n’y aura pas de syllogisme. En effet la conclusion ne peut être ni une assertorique négative, ni une nécessaire négative, puisqu’il n’y a pas de proposition, soit de l’une, soit de l’autre espèce, parmi les prémisses. D’autre part on ne saurait conclure par une contingente négative. Car, des prémisses suivantes : Il est nécessaire que tout cygne soit blanc ; Il est possible que tout homme soit blanc, la vérité exigerait que l’on tirât comme conclusion : Il est nécessaire que nul homme ne soit cygne, proposition nécessaire négative. Enfin, puisqu’une conclusion nécessaire négative s’imposerait au nom de la vérité, il est clair qu’on ne peut songer à aucune des trois sortes de conclusion affirmative que celle-ci condamne à la fausseté : nécessaire, assertorique, contingente (38 b, 13-23).

Envisageons les syllogismes à conclusion particulière. Si la prémisse nécessaire est négative et universelle (car la nécessaire négative particulière ne se convertit pas), il y a syllogisme [comme plus haut, 38 a, 13-26]. Si la prémisse nécessaire est affirmative, il n’y a pas de syllogisme [comme plus haut, 38 a, 26-b, 5]. De même, si les deux prémisses sont affirmatives [comme plus haut, 38 b, 13-23]. Si les deux prémisses sont négatives et que la nécessaire soit l’universelle, il y a syllogisme [comme plus haut, 38 b, 6-13]. Si les deux prémisses sont des particulières ou des indéterminées, il n’y a pas de syllogisme ; cela se démontre par la même triade de termes que plus haut [38 b, 13-23] (38 b, 24-37).

En somme, pour qu’il y ait syllogisme avec une nécessaire et une contingente, il faut que la nécessaire soit universelle et négative[29]. Les syllogismes, dont l’une des prémisses est nécessaire et l’autre contingente, se laissent mettre en parallèle avec ceux dont l’une des prémisses est assertorique et l’autre contingente. Ils sont d’ailleurs imparfaits et doivent être réduits à la 1re figure (38 b, 38-39 a, 3, fin du ch. 19).

Les syllogismes de la 3e figure sont beaucoup plus souvent concluants que ceux de la 2e. Si les deux prémisses sont contingentes, ou si l’une est contingente, l’autre, assertorique, la conclusion est contingente. Si l’une des prémisses est contingente et l’autre, nécessaire, quand la nécessaire est affirmative, la conclusion est contingente ; quand la nécessaire est négative, la conclusion est une assertorique négative (ch. 20 déb.39 a, 13).

Lorsque, dans un syllogisme dont les deux prémisses sont contingentes, toutes les deux, ou l’une d’elles, sont affirmatives, le syllogisme est concluant. Il est en effet du mode dArAptI ou du mode fElAptOn, et se ramène aisément à dArII ou à fErIO (39 a, 14-23). — Quand les deux prémisses sont négatives, on en transforme une en affirmative (39 a, 23-28). — Parmi les syllogismes dont l’une des prémisses est particulière, Aristote reconnaît les modes dAtIsI, dIsAmIs et fErIsOn. Quant à bOcArdO, il n’en dit rien. Pour le démontrer par l’absurde, il faudrait prendre la contradictoire d’une contingente négative (39 a, 28-38). — Lorsque les deux prémisses sont négatives, on transforme l’une d’elles en une affirmative (39 a, 38-b, 2). — Avec deux particulières ou deux indéterminées, il n’y a pas de conclusion. En effet, avec les deux triades : animalhommeblanc, et chevalhommeblanc (le moyen est ici le dernier des termes énoncés), on construit des syllogismes, dont le premier conclut par une proposition qui est, dans sa vérité, une nécessaire affirmative, et le second, par une proposition qui est, dans sa vérité, une nécessaire négative (39 b, 2-6, fin du ch. 20).

Avec l’une des prémisses contingente et l’autre assertorique, il y a conclusion, toujours contingente, dans les mêmes cas que quand les deux prémisses sont contingentes. Seulement chacun des modes concluants (affirmatifs), par exemple dArAptI et fElAptOn, est double, puisque les prémisses peuvent se combiner de deux façons différentes. Si la mineure est contingente et négative, ou si les deux prémisses sont négatives, ou transforme la mineure contingente en une affirmative (car il n’y a pas dans la 3e figure de mineures négatives) (ch. 21 déb.39 b, 25).

Lorsqu’une des prémisses est particulière, si toutes les deux sont affirmatives, on a des syllogismes en dAtIsI et dIsAmIs. Si c’est l’universelle qui est négative, on a le mode fErIsOn. Si c’est la particulière qui est négative, la conclusion se démontre par l’absurde (bOcArdO) :

Quelque Γ n’est pas Α ;
Or il est possible que tout Γ soit Β ;
Donc il est possible que quelque Β ne soit pas Α.

Prenant la contradictoire de la conclusion, il vient :

Il est nécessaire que tout Β soit Α ;
Or tout Γ est Β ;
Donc il est nécessaire que tout Γ soit Α.

Conclusion qui contredit la majeure du syllogisme primitif[30] (39 b, 26-39).

Avec deux prémisses particulières ou indéterminées, il n’y a pas de conclusion. Cela se démontrerait à l’aide des deux triades qui ont servi à la fin du chap. 20. Aristote ne dit rien[31] des modes à conclusion universelle qu’il faudrait rejeter : il se contente d’assurer qu’on pourrait en démontrer l’invalidité en recourant, encore une fois, aux deux mêmes triades de termes (40 a, 1-3, fin du ch. 21).

Restent enfin les syllogismes de la 3e figure dont l’une des prémisses est nécessaire et l’autre contingente. Lorsque les deux prémisses sont affirmatives, la conclusion est une contingente. Lorsque celle des deux prémisses qui est négative est la nécessaire, la conclusion peut se présenter comme une assertorique, aussi bien que comme une contingente. La conclusion, pas plus que dans les autres figures, ne peut jamais être une nécessaire, même négative (chap. 22 déb.40 a, 11).

Deux prémisses affirmatives, que la nécessaire soit majeure ou non, donnent des syllogismes en dArAptI-dArII (40 a, 11-18). — Avec une prémisse affirmative et une négative, que ce soit la nécessaire qui soit l’affirmative ou que ce soit la contingente, on a des syllogismes en fElAptOn-fErIO. Par la conversion de la mineure, qui procure la réduction à la 1re figure, la mineure est inévitablement particularisée. C’est pour cela que la conclusion est particulière dans la 1re figure, et c’est parce que la conclusion est particulière dans la 1re figure, qu’elle ne saurait aussi être que particulière dans la 3e. — Lorsque la nécessaire négative est mineure, il n’y a pas de conclusion. En effet, d’une part, des deux prémisses suivantes : Il est possible que tout cheval dorme ; Or il est nécessaire que nul cheval ne soit homme endormi, la vérité voudrait que l’on conclût : Il est nécessaire que tout homme endormi dorme. D’autre part, de ces deux autres prémisses : Il est possible que tout cheval dorme ; Or il est nécessaire que nul cheval ne soit homme éveillé, la vérité voudrait que l’on conclût : Il est nécessaire que nul homme éveillé ne dorme. Or ces deux conclusions, exigées par la vérité, excluent la conclusion que les règles demanderaient, savoir une conclusion contingente négative. Puisque les conclusions vraies sont nécessaires, il ne saurait y avoir place pour une conclusion contingente, et, puisque les conclusions vraies sont, l’une négative, mais l’autre affirmative, on ne saurait dire qu’une conclusion négative est de droit[32]. — Si la mineure est négative, mais contingente, les prémisses donnent la combinaison AE, inadmissible dans la 3e figure. Mais, en transformant la mineure contingente en une affirmative, on obtient un syllogisme en dArAptI-dArII (40 a, 18-38)[33]. — Dans les syllogismes à conclusion particulière, la conclusion est contingente si les deux prémisses sont affirmatives ; elle est assertorique négative, si la prémisse nécessaire est négative ; tout se passe ici comme précédemment [22 déb., à 40 a, 11] (40 a, 39-b, 6). — Si les deux prémisses sont affirmatives, on aura les modes dAtIsI et dIsAmIs, qu’on démontrera en dArII (40 b, 6-8). Si la mineure universelle négative est nécessaire, il n’y a pas de conclusion (comme 40 a, 35-38, et même démonstration). Si la mineure universelle négative est contingente, en la transformant en une affirmative, il y a syllogisme [comme ci-dessus 40 a, 33][34] (40 b, 8-16)".

Nous venons de suivre Aristote pas à pas dans son étude des syllogismes modaux. Cette étude eût demandé beaucoup de corrections et de simplifications. Nous nous bornerons à la résumer en rassemblant et en condensant les règles, trop éparses et trop prolixes, qu’Aristote a données chemin faisant.

Il n’y a rien à dire des syllogismes à deux prémisses nécessaires, puisqu’ils se comportent en tout comme les syllogismes à deux prémisses assertoriques. Considérons donc, pour commencer :

I. — Les syllogismes dont l’une des prémisses est nécessaire et l’autre, assertorique.

1re figure. Lorsque la prémisse nécessaire est majeure, la conclusion est une nécessaire ; lorsque la prémisse nécessaire est mineure, la conclusion est une assertorique. Le premier point se démontre en remarquant que la conclusion n’est en réalité que la subalterne de la majeure : le second, par l’absurde et par l’exemple.

2e figure. Pour que la conclusion soit une nécessaire, il faut que, dans les prémisses, la nécessaire soit une négative universelle ; car c’est à cette condition seulement que cette prémisse pourra être majeure, après réduction à la 1re figure. — Démonstration par l’absurde ou par des exemples pour le cas où, la prémisse nécessaire étant mineure dans la 1re figure, la conclusion est une assertorique.

3e figure. Pour que la conclusion soit une nécessaire, il faut que la prémisse nécessaire soit universelle, et, dans le cas où l’une des prémisses est négative, il faut que la prémisse nécessaire soit, non seulement universelle, mais encore négative ; car c’est à ces conditions que la réduction à la 1re figure donnera des syllogismes où la nécessaire soit majeure.

II. — Syllogismes dont les deux prémisses sont contingentes.

1re figure. La conclusion est toujours contingente ; pour qu’il y ait conclusion, il faut et il suffit que la majeure soit universelle, quelle que soit d’ailleurs la qualité des propositions, puisqu’on peut toujours transformer une proposition contingente négative en une contingente affirmative.

III. — Syllogismes dont l’une des prémisses est contingente et l’autre, assertorique.

1re figure. La conclusion est toujours contingente ; seulement, lorsqu’elle est négative, elle n’énonce à vrai dire qu’une non-nécessité. Si la prémisse contingente (prémisse universelle, car il faut qu’elle soit telle pour pouvoir être majeure dans la 1re figure) est majeure, la conclusion est contingente, comme subalterne de la majeure. Si la prémisse contingente est mineure, le syllogisme est imparfait, et il faut le démontrer par l’absurde. De plus, si la conclusion doit être négative, cette conclusion pose seulement la non-nécessité : ce n’est pas une vraie contingente.

La mineure ne pouvant jamais être négative dans la 1re figure, il n’y a pas de conclusion avec une mineure assertorique négative ; s’il y a une conclusion avec une mineure négative contingente, c’est parce qu’on transforme la mineure négative en une affirmative ; sous cette réserve, il y a toujours une conclusion avec des prémisses quelconques, dès que la majeure est universelle.

IV. — Syllogismes dont l’une des prémisses est contingente et l’autre, nécessaire.

1re figure. La conclusion n’est pas toujours une contingente ; c’est parfois, si l’on préfère la présenter ainsi (cf. ch. 16 fin), une assertorique.

Lorsque la contingente est mineure, le syllogisme est imparfait et la conclusion est contingente ; cependant, lorsque la mineure contingente, qui doit toujours en fin de compte être affirmative, est jointe à une majeure négative, la conclusion peut être présentée comme une assertorique négative.

Lorsque la prémisse contingente est majeure, le syllogisme est parfait, et la conclusion est une contingente.

Avec une mineure négative contingente, on peut obtenir une conclusion, grâce à la transformation de cette mineure en une affirmative.

V. — Syllogismes de la 2e figure avec deux prémisses contingentes, ou une prémisse contingente et l’autre, soit assertorique, soit nécessaire.

Lorsque les deux prémisses sont contingentes, il n’y a jamais de conclusion. Pour qu’il y ait syllogisme, il faut que ce soit la prémisse assertorique, ou la prémisse nécessaire, qui soit universelle et négative ; car cette prémisse peut seule devenir majeure dans les modes cElArEnt et fErIO de la 1re figure, auxquels se ramènent les syllogismes de la 2e figure ; elle le peut seule, car les négatives universelles contingentes ne se convertissent pas. — L’invalidité des syllogismes en bArOcO se démontre par des exemples exclusivement. — Dans les syllogismes où les deux prémisses seraient négatives, la contingente se transformerait en une affirmative.

Dans les syllogismes où la prémisse nécessaire est une universelle négative, la conclusion est une assertorique.

VI. — Syllogismes de la 3e figure, avec deux prémisses contingentes, ou une prémisse contingente et l’autre, soit assertorique, soit nécessaire.

Lorsque les deux prémisses sont contingentes, la conclusion naturellement est contingente. À part cela, et aussi qu’on peut obtenir une conclusion lorsque la mineure est négative, ou lorsque les prémisses sont négatives toutes deux (car l’une d’elles, contingente négative, peut toujours être transformée en affirmative), — les modes concluants sont les mêmes et se démontrent de la même manière que dans le syllogisme assertorique, par réduction à la 1re figure. Le mode bOcArdO, dont Aristote ne dit rien, ne peut sans doute se démontrer par l’absurde.

Lorsque l’une des prémisses est contingente et l’autre assertorique, la conclusion est contingente. Les modes concluants sont les mêmes que dans le syllogisme assertorique, sauf que chacun se dédouble, puisque la contingente peut être, soit majeure, soit mineure, et qu’il y a des syllogismes à mineure négative contingente, ou à deux prémisses négatives. Aristote oublie qu’il ne peut démontrer par l’absurde le mode bOcArdO.

Si l’une des prémisses est contingente et l’autre nécessaire, les modes concluants sont les mêmes que dans le cas précédent Les conclusions affirmatives sont contingentes. Pour ce qui est des conclusions négatives, elles sont contingentes, si, dans les prémisses, c’est la nécessaire qui est affirmative ; elles sont, si l’on veut, assertoriques, lorsque, dans les prémisses, la nécessaire est négative.


  1. Voir Rondelet, Théorie logique des propositions modales, p. 10 et 12-14. — Ammonius in Hermen. 214, 25 sqq.230, 10 Busse ; Philopon, An. pr. 304, 28-30 éd. Wallies ; Boèce, in Hermen. 1re éd. II, 12 déb. (Migne, 64 II, col. 362 G).
  2. Ibid., p. 59-66 ; Alexandre, An. pr. 20, 2-4 ; 270, 1-28, 329, 31 sqq.
  3. Zeller, p. 223, a grandement raison de dire que la nécessité et la contingence qu’Aristote a en vue dans sa théorie des modales concernent les choses, et non pas un aspect subjectif de la pensée qui juge.
  4. Rondelet, qui croit qu’Aristote, tout en n’ayant pas eu la conscience de cette opinion, en a eu pourtant le soupçon, renvoie, pour prouver l’existence de ce soupçon, à deux passages des Pr. an., dont le meilleur ne nous semble pas très probant. Aristote dit bien dans ce passage, I, 3, 25 b, 21, que le mot ἐνδέχεται est à mettre sur le même rang que le mot ἔστι (τὸ γὰρ ἐνδέχεται τῷ ἔστιν ὁμοίως τάττεται). Malheureusement tout ce qu’il s’agit d’établir dans le passage, c’est qu’une proposition où figure ἐνδέχεται est une proposition affirmative, comme celle où figure ἔστι. De même, et plus clairement peut-être, dans le second passage, I, 13, 32 b, 1-3. Et il y a encore assez loin de là à l’idée que le mot ἐνδέχεται n’est, au fond, qu’un adverbe portant sur la copule. Voir Rondelet, p. 65, n. 1.
  5. Waitz, I, 375-377 (ad 25 a, 37), que nous sommes un peu surpris de voir approuvé par Bonitz (Metaph., ad Θ, 3, 1047 a, 20), croit, il est vrai, apercevoir entre l’un et l’autre une différence capitale : l’ἐνδεχόμενον serait ce qui est logiquement possible, ce que nous pouvons concevoir sans contradiction, tandis que le δυνατόν serait ce qui est ontologiquement possible, ce qui peut être sans qu’il y ait incohérence dans les choses. Waitz va même jusqu’à identifier l’ἐνδεχόμενον d’Aristote avec le problématique de Kant. Mais ce rapprochement, à lui seul, est un sûr indice d’erreur. Et d’ailleurs comment Waitz ferait-il pour donner un sens subjectif, ou du moins mental, au mot ἐνδέχεσθαι dans un passage tel que celui-ci, du ch. 13, livre I, des Pr. anal. ? Il y a, y dit Aristote, deux sortes d’ἐνδέχεσθαι, celui qui concerne les choses de la nature, les choses qui arrivent le plus souvent sans être nécessaires, comme lorsqu’on dit : ἐνδέχεσθαι τὸ πολιοῦσθαι ἄνθρωπον (32 b, 16), et celui qui concerne les faits de fortune et de hasard, comme lorsqu’on dit : ἐνδέχεσθαι τὸ βαδίζειν ζῷον ἢ βαδίζοντος γενέσθαι σεισμόν (32 b, 11). De même encore pour le passage célèbre de l’Hermêneia, où il est dit des événements, en les opposant précisément à nos discours et à nos pensées, ὁπότερ’ ἔτυχε καὶ τὰ ἐναντία ἐνδέχεσθαι (9, 19 a, 32 : … ἐπεὶ ὁμοίως οἱ λόγοι ἀληθεῖς ὥσπερ τὰ πράγματα, δῆλον ὅτι ὅσα οὕτως ἔχει ὥστε ὁπότερ’ κτλ.) ? Il n’y a donc pas de différence à faire, au moins sous cet aspect, entre ἐνδεχόμενον et δυνατόν.
  6. Pr. an., loc. cit. : λέγω δ’ ἐνδέχεσθαι καὶ τὸ ἐνδεχόμενον, οὗ μὴ ὄντος ἀναγκαίου, τεθέντος δ’ ὑπάρχειν, οὐδὲν ἔσται διὰ τοῦτ’ ἀδύνατον· τὸ γὰρ ἀναγκαῖον ὁμωνύμως ἐνδέχεσθαι λέγομεν. Métaph., loc. cit. : ἔστι δὲ δυνατὸν τοῦτο, ᾧ ἐὰν ὑπάρξῃ ἡ ἐνέργεια οὗ λέγεται ἔχειν τὴν δύναμιν, οὐδὲν ἔσται ἀδύνατον. λέγω δ’ οἷον, εἰ δυνατὸν καθῆσθαι καὶ ἐνδέχεται καθῆσθαι, τούτῳ ἐὰν ὑπάρξῃ τὸ καθῆσθαι, οὐδὲν ἔσται ἀδύνατον… Voir le commentaire de Bonitz (Metaph. II, p. 387) sur ce dernier texte ; il appelle l’attention sur le cercle que comporte la définition aristotélicienne du contingent.
  7. Voir Hermen. ch. 12 et Rondelet, p. 101 sq.
  8. Voir Waitz, ad 28 a, 23 et 30 a, 8 (I, 390 sq. et 394 sq.).
  9. Cf. Rondelet, p. 223, n. 3 ; Alex., Pr. an. 123, 18-24, éd. Wallies.
  10. Et non en AI, comme l’admet, sans qu’on voie pourquoi, Rondelet, p. 241.
  11. Voy. Waitz, ad 33 a, 34 (I, 407) et Rondelet, loc. cit.
  12. Aristote, grâce à cette remarque, peut s’en tenir au cas où la mineure est affirmative. Le cas où elle est négative est plus délicat, parce que le moyen terme paraît être pris une fois universellement, d’où possibilité d’une conclusion. Et on aurait de la peine à démontrer ce qu’Aristote évidemment a ici en vue, à savoir que, même dans ce cas, dès que la majeure est particulière, il n’y a pas de conclusion, parce que véritablement il n’y a pas de moyen terme. La règle scolastique, que la mineure doit être affirmative dans la 1re figure, se démontre par la quantité du majeur et non par celle du moyen ; voy. par ex. Logique de Port-Royal, 3e partie, ch. 5, vers le début.
  13. Ce lemme a échappé à Rondelet, p. 253.
  14. Le sens des cinq lignes (34 b, 2-6) consacrées à cette dernière démonstration par l’absurde, est assez difficile à établir. Waitz (ad 34 b, 3, p. 411) pense qu’il s’agit d’une autre forme de la première démonstration. Mais il est obligé d’admettre qu’Aristote s’est trompé. Comme, au point où nous en sommes, nous ne savons rien encore de la valeur d’un syllogisme en fElAptOn dont une des prémisses est contingente et l’autre assertorique, Aristote peut avoir songé à lever tout scrupule en faisant remarquer qu’un tel syllogisme se démontre au besoin par l’absurde. Et peu importe qu’il y ait a une telle démonstration des difficultés, puisqu’Aristote a bien entrepris de démontrer par l’absurde le mode bOcArdO. Cf. 21, 39 a, 32.
  15. Voir Pacius, In Anal. pr. lib. I, Commentarius analyticus, in cap. XV, 2e éd. Francfort, 1597, p. 148 a (trad. dans Rondelet, p. 230).
  16. Observons que du reste ces exemples ne le satisfaisaient pas pleinement, puisqu’il a noté qu’il conviendrait de prendre des termes meilleurs, 35 a, 2 ; cf. Waitz, ad loc. (p. 412).
  17. Toutefois la majeure aurait beau être universelle, il n’y aurait pas de conclusion, si la mineure était une assertorique négative ; voy. 35 b, 8 et Waitz, ad 35 b, 21 (p. 414).
  18. Si, au lieu d’être négative, la majeur était affirmative ; la conclusion serait aussi une contingente.
  19. Aristote ne parle pas du cas où la mineure serait négative ; car il est évident qu’il faut alors transformer cette négative en une affirmative et cela nous ramène au cas précédent.
  20. Non pas tous, mais seulement ceux dont la mineure est une contingente. Cf. Philopon, An. pr. 205, 38 éd. Wallies (Schol. 166 a, 31).
  21. Sauf dans des cas exceptionnels, il n’y a pas de conversion, au moins pas de conversion simple, de l’universelle affirmative.
  22. Cf. Waitz, Organon, I, 419 sq.
  23. Cf. Waitz, ad 37 b, 29 (p. 421).
  24. Dans les triades destinées à constituer des syllogismes de la 2e figure, Aristote met en tête de la triade le moyen, parce qu’il est le terme le plus étendu ; cf. Pr. anal. I, 5, 27 a, 20).
  25. Un syllogisme en OEO, une fois ramené à la combinaison OAO, pourrait, par transposition des prémisses, devenir un syllogisme en bArOcO. Aristote regarde sans doute ce mode comme indémontrable par l’absurde, et d’ailleurs il faudrait encore, avant d’entreprendre la démonstration, convertir la conclusion. Il est vrai qu’Aristote admet que les contingentes négatives particulières se convertissent quelquefois. Voy. plus haut p. 195 et Pr. anal. I, 3, 25 b, 17.
  26. On ne voit pas de quel droit Aristote substitue la contingente : Il est possible que nul Β ne soit Α à la nécessaire : Il est nécessaire que nul Β ne soit Α. On pensera peut-être qu’il aurait dû prendre pour majeure de son syllogisme par l’absurde cette proposition nécessaire : car la conclusion : Il est nécessaire que quelque Γ ne soit pas Α, aurait contredit elle aussi, ajoutera-t-on, la mineure : Il est possible que tout Γ soit Α. Mais cette contradiction, unilatérale et incomplète (cf. 17, 37 a, 24), est sans valeur, et ainsi le défaut n’aurait fait que se déplacer. Aristote ne peut pas plus présenter une nécessaire unique (c’est-à-dire prise à part de sa contradictoire) comme contredisant une contingente, qu’il n’avait le droit de regarder une contingente comme impliquée dans une nécessaire et de dire que ce qui est nécessaire est a fortiori contingent. La démonstration par l’absurde pourrait bien ici être impossible. Et, si la conclusion d’un syllogisme dont la mineure est contingente peut être, dans certains cas, autre chose qu’une contingente, c’est par un autre procédé qu’il conviendrait de l’établir.
  27. Waitz, ad 38 a, 37 (p. 421 sq.).
  28. Ibid., ad 38 b, 3 (p. 422 sq.).
  29. Car voici ce qu’on peut dire dans le système d’Aristote : si la nécessaire est particulière, elle ne peut être que mineure en passant à la 1re figure, et d’ailleurs il faudra, pour jouer ce rôle, qu’elle soit affirmative ; donc il faudrait convertir, pour en faire la majeure dans la 1re figure, la prémisse contingente négative de la 2e figure : conversion impossible. Si la prémisse nécessaire est universelle affirmative, elle ne pourra être que mineure dans la 1re figure, puisque, dans cette figure, la majeure seule peut être négative. Ainsi il faudrait convertir la prémisse négative contingente du syllogisme de la 2e figure pour en faire la majeure du syllogisme de la 1re, etc.
  30. Aristote entreprend ici, indûment et malgré ce qu’il a dit au ch. 17, 37 a, 9-30, de prendre la contradictoire d’une contingente négative ; cf. supra, p. 195 et 213.
  31. Cf. Waitz, ad 40 a, 2 (p. 425).
  32. Il faut, 40 a, 36-38, corriger le texte de Waitz et lire : ὕπνος-ἵππος-καθεύδων ἄνθρωπος puis ὕπνος-ἵππος-ἐγρηγορώς ἄνθρωπος (au lieu de rattacher, comme fait Waitz, καθεύδων et ἐγρηγορώς à ἵππος) ; cf. Philopon, An. pr., le lemme 235, 22 sq. et 236, 3-9, éd. Wallies (Schol. 169 a, 24). Aristote a pensé ses deux syllogismes dans la 1re figure, et non dans la 3e connue nous les présentons : on s’en apercevra si l’on convertit nos mineures, qui offriront alors un sens bien plus naturel. C’est parce qu’Aristote songeait à la 1re figure, que les moyens sont, dans le texte, énoncés entre les deux autres termes.
  33. Aristote n’examine pas le cas où les deux prémisses sont négatives. Il n’y fait même pas allusion, quoi qu’en pense Waitz, ad 40 a, 33 (p. 426). Lorsque la mineure est contingente, on est évidemment ramené au cas précédent. Autrement, il n’y a pas de conclusion.
  34. Peu importe que ce soit la mineure qui soit universelle, ou la majeure ; ce qui est requis, c’est que la mineure puisse devenir affirmative. Lorsque la mineure contingente est universelle, elle donne, par transformation, un syllogisme en dIsAmIs ; si elle était particulière, elle donnerait un syllogisme en dAtIsI.