Le Talisman du pharaon/15

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Librairie Beauchemin, Limitée (p. 79-82).


XV

LE RETOUR DE L’ENFANT
PRODIGUE


Sautant à bas de son cheval, Pierre de Kervaleck se précipita dans sa tente, les bras ouverts, ne voyant rien, ni personne que sa fille qui était là, saine et sauve et qu’il allait embrasser.

— Oh ! Yvaine, lui dit-il, dès le seuil, comme j’ai été inquiet ! Que c’est mal…

Sa fille se jeta dans ses bras, et l’étreignit longuement, lui murmurant à l’oreille, câline :

— C’est, le retour de l’enfant prodigue, père, ne grondez pas !… Je ne sortirai plus jamais seule. J’ai couru un grand danger, mais si vous saviez qui m’a protégée et ramenée ici !…

Ce n’est qu’à ce moment que l’explorateur s’aperçut de la présence du jeune Égyptien, qui avait assisté, muet et souriant, à toute cette scène.

— Père, continua Yvaine, il est certain que nous trouverons le Talisman du Pharaon, puisque, avec le papyrus, la Providence nous envoie le fils de Férid-Pacha !…

— Sélim, s’écria l’égyptologue qui s’avança, la main tendue, oh ! soyez le bienvenu !

Une sincère poignée de mains termina la présentation. Après le dîner, réunis tous trois dans la spacieuse tente du savant, Yvaine dit la trahison d’Ahmed, et la poursuite, et la chute, et l’intervention de Sélim.

La jeune fille avait retenu le nom de von Haffner, et quand elle en parla à son père, un nuage passa sur le front du savant.

Ainsi, il avait un ennemi en cet archéologue Allemand qu’il connaissait de réputation et dont il avait lu les savants ouvrages… von Haffner convoitait le papyrus : il était introuvable, car M. de Kervaleck le portait toujours sur lui, caché dans une poche secrète de sa ceinture, si habilement dissimulée qu’Ali même, qui avait souvent pris soin de ses vêtements, ne s’en doutait pas. Surtout qu’usant d’un pourtant bien vieux subterfuge, le savant affectait de faire grand cas d’une cassette d’acier à fermoir secret, vide en réalité.

— Savez-vous, Sélim, dit Yvaine d’un ton enjoué, que votre arrivée a été miraculeuse et que, si nous étions au temps passé, j’aurais pu vous croire le génie protecteur de cette région !…

— Il n’y a rien d’extraordinaire dans mon intervention, répondit Sélim de sa voix bien timbrée, avec un sourire qui rendait très doux ses beaux yeux sombres, l’explication en est bien simple : je possède, à Gisèh, une maison très ancienne où j’aime à m’isoler pour revivre, tout seul, des heures de rêve qui me sont chères… et quelquefois j’aime à galoper dans ce désert sublime, hanté jadis par les générations disparues, où je m’isole, avec mes souvenirs…

Le cœur d’Yvaine battait bien fort en entendant ces paroles, mais quand ses yeux rencontrèrent ceux de Sélim, elle comprit que son rêve, à lui, était son propre rêve et que leur espoir était le même ! Il n’avait pas oublié, lui non plus, et à la pensée que Sélim l’aimait, elle sentait son âme fondre de joie…

— Vous savez sans doute, dit M. de Kervaleck, que je cherche le Talisman du Pharaon… Et comme Sélim lui prêtait une oreille attentive, il conta dans tous ses détails la trouvaille du papyrus et fit part de sa résolution de trouver l’anneau antique.

— Si vous voulez, termina-t-il, prendre part à mes travaux, je serai très heureux de votre collaboration.

Sélim regarda Yvaine.

Le teint de la jeune fille était coloré par un vif incarnat et ses longs cils baissés voilaient l’éclat, sans doute trop grand de son doux regard bleu…

Sélim sourit, heureux et accepta.