Le Vote des femmes/Après la Révolution

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V. Giard & E. Brière (p. 89-92).


APRÈS LA RÉVOLUTION


Les femmes, qui en donnant dans les salons l’essor aux idées philosophiques avaient préparé la révolution et tant aidé à la faire, furent indignées en se voyant exclues du droit commun et condamnées par les révolutionnaires autocrates à rester dans la société nouvelle des parias.

Puisqu’il n’y avait pas de justice pour elles, il ne devait y en avoir pour personne ?… Et ces dupes de la révolution, ne songèrent plus qu’à devenir des femmes de plaisir ayant pour unique souci de paraître belles ; à leur dissolvant contact, les hommes se déprimèrent, rentrèrent vite sous le joug en se donnant pour maître Bonaparte.

Napoléon sanctionna la servitude féminine que la révolution avait conservée. Lors de la promulgation du Code, les femmes ne furent comprises dans la législation nouvelle, sous le titre générique de français, que dans les chapitres ayant trait à la compression, aux charges ; pour tout ce qui avait trait au droit et à la liberté, le mot français ne s’appliquait pas à elles.

Bonaparte, avait pour idéal la polygamie et déclarait que la femme puisqu’elle donne des enfants, est la propriété de l’homme comme l’arbre à fruit est celle du jardinier. « Il y a, disait-il, une chose qui n’est pas française, c’est qu’une femme puisse faire ce qui lui plaît. »

Les femmes, cependant, manifestaient un fol enthousiasme pour le tyran. À son retour après ses victoires, toutes voulaient le contempler et jeter des fleurs sous ses pas.

Mme de Staël (Germaine Neker) elle-même avait été son admiratrice avant de devenir l’ennemie qu’il exila, en même temps qu’il condamna au séjour forcé de Lyon, les duchesses de Chevreuse et de Luynes qui avaient refusé de faire partie du cortège de l’impératrice.

Napoléon si hostile à l’égalité de l’homme et de la femme, autorisa pourtant la publication d’un journal féministe qui parut en 1808 sous ce titre : l’Athené des Dames, il était exclusivement rédigé par des femmes et avait pour directrice : Mme Sophie Senneterre de Renneville.

Après la restauration, les femmes publièrent un manifeste, formulèrent un plan d’émancipation où elles revendiquaient les droits politiques.

Les Saint-Simoniens firent espérer qu’ils allaient aider à l’affranchissement féminin ; mais, en exaltant l’amour libre, en faisant découler l’égalité des sexes de la liberté de l’amour, ils prouvèrent que ce n’était que la liberté illimitée de l’égoïsme et de l’immoralité de l’homme, qu’ils réclamaient.

Le sociologue Fourier, avait lui, très nettement posé le principe de l’égalité de l’homme et de la femme, en faisant dépendre les progrès sociaux du progrès des femmes vers la liberté.

Dans la « théorie des quatre mouvements », il explique que « si les philosophes de la Grèce et de Rome dédaignaient les intérêts des femmes et croyaient se déshonorer en les fréquentant, c’est que depuis le vertueux Socrate jusqu’au délicat Anacréon, ils n’affichaient que l’amour sodomite et le mépris des femmes ».

Ces goûts bizarres n’ayant pas pris chez les modernes, Fourier ajoute qu’il y a lieu de s’étonner que nos philosophes aient hérité de la haine que nos anciens savants portaient aux femmes et qu’ils aient continué à ravaler le sexe féminin, alors, que les femmes se montrent supérieures aux hommes, quand elles peuvent déployer leurs moyens naturels ».

Pendant que les derniers Saint-Simoniens annonçaient le règne de la femme, chantaient le compagnonnage de la femme, Mmes Laure Bernard et Fouqueau de Pussy écrivaient dans Le Journal des Femmes des articles offensants pour les Saint-Simoniens.

Mme Poutret de Mauchamps fondatrice de la Gazette des Femmes (1836-1839) réclama l’électorat pour les femmes qui payaient 200 francs d’impôts ; et, elle pria Louis-Philippe de se déclarer roi des Françaises comme il se déclarait roi des Français.

En 1846, M. Émile Deschanel proposa que les veuves et les filles majeures, inscrites sur les rôles des contributions comme propriétaires foncières, fussent électrices. On était à ce moment-là, sous le régime censitaire, pour pouvoir voter, il fallait payer 200 francs d’impôts. M. Émile Deschanel ne faisait donc que revendiquer le droit commun pour les femmes, lorsqu’il proposait de faire les propriétaires électeurs.