Le capidji-bachi

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LE CAPIDJI-BACHI

Ce fut un beau jour à Galata-seraï, que le 10 de la lune de Rebia ul ewel 12.. de l’hégire, car le sultan daigna y venir visiter les itch-oglans qu’on y élève pour son service particulier.

Pauvres enfans, ceux que le chef des eunuques blancs a choisis pour en faire des itch-oglans ! Jamais cloître ni monastère n’eut une discipline si rigoureuse pour ses novices ; pendant quatorze longues années, on leur enseigne à garder le silence, à tenir les yeux baissés et les mains croisées sur la poitrine, à faire les cinq prières aux heures marquées, à lire dans le Koran et à en retracer les sacrés caractères, à monter à cheval, à lancer le djerid, à se servir de la lance, puis à coudre et à broder, à faire de la musique, à chanter des ghazels persanes, à raser la tête, à faire les ongles, à plier des serviettes et des turbans, à servir dans le bain, à dresser des chiens et des oiseaux, et tout cela sous la cruelle surveillance des eunuques. Puis, quand ils ont passé ce temps d’épreuve, s’ils sont beaux, modestes et silencieux, alors ils commencent leur service auprès de sa hautesse.

On avait préparé un beau djerid pour recevoir le grand-seigneur. Les chevaux arabes, les jeunes et habiles écuyers, les évolutions gracieuses, les costumes variés et pittoresques, tout faisait d’un pareil djerid un admirable spectacle. Bien des combats isolés, des mêlées tumultueuses avaient déjà offert une fidèle image de la guerre, lorsque tous les regards se portèrent sur deux cavaliers que le hasard n’avait pas encore opposés l’un à l’autre. On désirait, mais non pas sans inquiétude, les voir se mesurer. Ils s’appelaient l’un Mustapha, l’autre Ahmed. Mustapha était fils d’un visir, qui avait été étranglé par suite des intrigues d’un ancien berber-bachi, père d’Ahmed. On connaissait leur haine : aussi l’intérêt devint-il général lorsque l’on vit qu’ils se disposaient à s’attaquer ; long-temps ils rivalisèrent sans qu’aucun d’eux eût l’avantage. Ils allaient se séparer sans reconnaître ni l’un ni l’autre un vainqueur, lorsque Ahmed, profitant du moment où Mustapha faisait faire un détour à son cheval, lui lança le djerid avec tant de force et d’adresse, qu’il le renversa. Des cris d’admiration s’élevèrent de tous côtés. Le grand-seigneur lui-même voulut savoir le nom du vainqueur.

Après cet échec, la haine de Mustapha prit le caractère de fixité dont l’âme seule d’un Turc est capable. Elle devint à ses yeux une chose écrite, irrévocable ; car, pour la satisfaire, un Osmanli saura attendre, s’il le faut, la moitié de sa vie, sans que, pendant tout ce temps, un mot, un geste, un signe vienne jamais trahir l’immuable arrêt qu’il a prononcé. Une fois jurée, la vengeance est devenue le but de sa vie, sa vie elle-même. Dans les circonstances ordinaires, il pourra vivre en paix avec son ennemi ; mais toutes ses actions n’ont plus qu’un mobile : arriver sûrement et lentement à la vengeance, dût ensuite le ciel tomber sur sa tête.

Quelques mois après, Mustapha et Ahmed furent ensemble admis au service de sa hautesse. Le lieu où ils avaient été élevés était une prison entourée de hautes murailles comme une place forte, et, depuis leur enfance, ils y avaient été gardés à vue avec autant de soin que les femmes du grand-seigneur dans le harem. Une carrière d’ambition s’ouvrait devant eux. Cette cour brillante du sultan, qui si souvent avait embelli leurs rêves, ils allaient en faire partie : c’étaient de belles tuniques blanches brodées en or, des faisceaux, des haches, des armes étincelantes, des casques surmontés de panaches si élevés qu’ils forment comme un nuage au milieu duquel apparaît le grand-seigneur, qui semble y être porté ; car son cheval ne se voit plus. Combien Mustapha semblait jouir de sa nouvelle existence ! C’était le vendredi et prière publique à la mosquée, les deux beyrams et leurs cortéges resplendissant, des djerids où les nègres du harem faisaient preuve de virilité. Mais, au milieu de cet enivrement, dominait immuable son idée de vengeance : aussi, en se conciliant l’amitié du chef des eunuques, ne songea-t-il qu’à lui faire partager sa haine contre Ahmed, dont le caractère bouillant et fier se pliait à regret aux mœurs du seraï. Le fils du berber-bachi ne tarda pas à être en butte à toutes sortes de persécutions, qui vingt fois furent sur le point de le porter à quelque extrémité ; enfin, un jour qu’il avait à présenter au grand-seigneur le turban sacré dont sa hautesse doit ceindre sa tête lorsqu’elle se met en prière, il eut la maladresse de le laisser tomber. Cet incident troubla un instant l’auguste cérémonie. Ahmed ne pressentit que trop l’odieux traitement qui l’attendait au seraï ; car, là comme par tout l’empire, le bâton règne. Il ne songea plus qu’à se soustraire à l’indigne bastonnade, et, profitant du moment où le grand-seigneur, toute sa cour, tout le peuple étaient absorbés par la sainteté de la prière, il quitta furtivement la mosquée, couvrit son riche costume d’un benich, dont un soldat s’était débarrassé, et alla chercher un asile à l’autre extrémité de Constantinople, chez un ancien serviteur de son père, qui le reçut en tremblant. Long-temps on ne sut ce qu’il était devenu.

Cependant Mustapha, homme souple et persévérant, réussit au seraï et fut nommé capidji-bachi, un jour qu’il rendit avec à propos je ne sais quel service au grand-seigneur. Les capidji-bachi sont le télégraphe de l’Orient : ce sont des ordres en chair et en os ; c’est par eux que la volonté du sultan vole mystérieuse à travers vingt royaumes et s’exécute là où elle doit être exécutée. Mustapha était donc sur un beau chemin : il pouvait, sans trop d’illusion, entrevoir la dignité visirielle ; mais un caprice l’avait élevé, par un caprice aussi il fut oublié. Il vieillit dans sa charge de capidji.

Ahmed avait fui en criminel ; car fuir le seraï, fuir le service du sublime monarque, du distributeur des couronnes, fuir le lieu qu’il habite, le séjour de gloire et de félicité, il n’y avait pas assez de supplices pour punir un crime aussi énorme, ou bien un délire aussi complet. Il se hâta de s’éloigner de Constantinople. La Porte faisait alors la guerre aux Persans, et il se dirigea vers Bagdad, où se trouvait le camp de l’armée ottomane. Il semblait pressentir que c’était la guerre qui devait réaliser ses rêves d’ambition. Il se dépouilla du ton de cour qu’il avait pris au seraï et qui l’aurait infailliblement fait reconnaître ; car Constantinople a aussi son idiome aristocratique, langue privilégiée au milieu de toutes les langues, cette politesse exquise qui révèle partout les grands de la terre. Il oublia tout cela et prit assez habilement le ton arrogant et plein d’insouciance d’un soldat de fortune. Le turban de Tripoli mis de côté, les pistolets et l’yatagan à la ceinture, la pipe raccourcie pour le voyage et la mandoline au fil d’archal, un petit cheval d’Anatolie, c’est avec cet équipage qu’il arriva à Damas.

Noble et sainte ville que Damas ! Un pacha y règne en tremblant. Les kawas ne traversent pas ses rues avec insolence. Elle n’accepte du despotisme que ce qui lui plaît ; elle compose avec lui et le supporte, s’il est fidèle au traité, et le brise aussitôt qu’il s’en écarte. Puis c’est le rendez-vous des pèlerins, c’est la ville qui conduit à la Mecque, et elle ne semble respecter son pacha que parce qu’il a le titre de prince du pèlerinage. Ahmed attendit quelques jours le départ de la caravane de Bagdad. C’est une armée que cette caravane quand elle marche, c’est une ville dans le désert quand elle s’arrête. Sa route est comme celle d’une flotte immense ; car il lui faut aussi louvoyer avant d’arriver au but. Les sources se trouvent rarement sur une ligne directe ; alors elle tire des bordées pour les trouver, tout en cherchant à se rapprocher de Bagdad ; longue et pénible navigation ! car c’en est une ; le désert semble vous isoler plus encore que la mer, cet horizon de sable qui vous entoure est plus triste que l’horizon des flots. Le sable est plus monotone : il est immobile. Les flots s’agitent autour de vous et par leurs mouvemens vous rappellent encore un reste de nature vivante. Mais, dans le désert, rien ne vient vous avertir que la vie existe encore hors de vous ; et puis le désert entre Damas et Bagdad est un désert artificiel, un désert de la main des hommes, plus triste que les déserts d’Afrique, que la nature a faits. Une ruine dans le désert ! c’est l’idée du néant accouplée à celle de la destruction.

Après quarante jours de marche, Ahmed arriva à Bagdad, brillant reste de deux époques, qui rappelle à-la-fois le règne de Babylone et le temps des mille et une Nuits. Depuis qu’elle n’est plus Babylone, elle a changé de maître, de religion, de nom ; mais elle n’a jamais changé de mœurs. Elle impose les siennes à toutes les formes politiques ou religieuses auxquelles elle se soumet. Ahmed se rendit aussitôt au camp situé à une heure de la ville. Hussein-Pacha y commandait.

Hussein-Pacha n’était pas un de ces favoris de cour plus eunuques que les Arabes du seraï, leurs rivaux : ce n’était pas un de ces fléaux d’Orient, qui font du pouvoir une marchandise, qui prennent du sultan un pachalik en manière de ferme, doublent à leur profit pour deux ans les produits d’une province, qu’ils rendent ensuite à la Porte, déserte et dévastée. Ce n’était pas non plus un de ces chefs remuans, qui lèvent audacieusement la tête, comme pour en faire une sorte d’étendard de mécontens, spéculant sur la crainte qu’ils inspirent au grand-seigneur, pour obtenir un exil avec un riche pachalik. Hussein était un brave et vigoureux pacha, dédaigné par les eunuques de harem, par les mignons de seraï, lorsque l’état était calme ; mais autour duquel tout l’empire semblait se réfugier, lorsque la tempête menaçait ; et alors le brave pacha sortait de sa jolie et modeste maison du Bosphore, reprenait son sabre du Khorassan et ne rentrait dans sa retraite qu’après avoir conjuré l’orage : c’était chose inexplicable qu’ayant déjà rendu tant de services à l’empire, il eût encore sa tête sur ses épaules. Chacun avouait qu’outre toutes ses grandes qualités, il avait un bonheur miraculeux.

Ahmed marcha droit à sa tente, plein de confiance dans sa générosité, et espérant volontiers qu’il aurait gardé quelque bon souvenir de son père, qui, barbier du sultan, avait bien voulu protéger le sauveur de l’empire. C’était une belle tente verte, à bordures dorées. Un tapis de Perse lui servait de porte. Une jolie natte égyptienne était étendue sur toute sa longueur. Au fond était un divan rouge à franges vertes. Le pacha était seul assis à l’angle du divan. Une foule de kawas et d’officiers l’entouraient à distance, debout et dans une attitude respectueuse. Ahmed s’avança vers le divan, au côté opposé au pacha, porta la frange à sa bouche et à son front, n’osant pas encore baiser la robe du maître, et revint silencieusement se remettre à l’extrémité, vers la porte ; alors Hussein leva les yeux vers lui. C’était une noble figure de vieillard. Il y avait dans ses regards, qui révélaient encore des illusions de gloire, malgré sa barbe blanche, une expression inépuisable de bonté, qui, réunie au génie, fait l’homme semblable à la Divinité.

Jeune soldat, que me veux-tu ? dit le pacha à Ahmed.

« Le palais de Khosroes et ses molles splendeurs n’ont pu remplir une âme dévorée du désir de la gloire : aussi j’ai demandé à la fortune d’échanger avec moi le luxe du seraï impérial pour la poussière des camps. »

Ce fut par cette citation d’un poète persan que répondit Ahmed, désirant n’être entendu que du visir.

Le pacha eut un mouvement de surprise, promena un regard d’aigle sur ses kawas, pour s’assurer qu’aucun d’eux n’avait compris, puis fit un geste qui leur ordonnait de s’éloigner. Approche-toi, dit-il en s’adressant à Ahmed. Mais tout-à-coup, jetant un regard d’inquiétude sur les armes qui brillaient à la ceinture du jeune aventurier, il sembla révoquer son premier ordre par une sorte d’hésitation. Sa grande âme avait honte de soupçonner un assassinat ; mais il ne connaissait que trop les habitudes du seraï, sa politique ombrageuse, sa prudence meurtrière. Ahmed comprit l’hésitation du pacha, jeta ses armes dans un coin avec négligence, comme pour s’en débarrasser, et s’avança.

— Parle ! d’où viens-tu ? Serait-il vrai que tu sortes du seraï ? Quoique tu viennes d’un lieu funeste et mystérieux, ta jeunesse m’a séduit. Je ne puis croire qu’elle serve à cacher une perfidie.

— Seigneur, je suis fils d’Ibrahim-bey, berber-bachi de notre auguste souverain. J’aurais pu vieillir à l’ombre du seraï ; mais j’ai préféré combattre sous les drapeaux d’Hussein-Pacha, l’ami de mon père.

— Oui, par Dieu ! enfant, je fus l’ami de ton père : c’était un brave courtisan. Je crois qu’il a rendu plus d’une fois inutile l’ouvrage du copiste qui avait passé deux jours à enjoliver le firman de ma mort ; mais, mon fils, quel malin génie s’est emparé de toi et t’a fait sortir du nid de miséricorde et de félicité ?

— Mes rêves, seigneur, me poursuivaient de chevaux hennissans, de sabres recourbés, de lances longues et acérées. J’étais dans une mêlée, au milieu des cris des combattans ; je me réveillais et je pleurais cruellement lorsque je ne voyais plus qu’un seraï silencieux et sans gloire.

Le pacha sourit amèrement.

— Enfant qui croit que la gloire suit le guerrier poussant son cheval au milieu des combats ! La gloire, c’est au seraï qu’on la trouve, belle, attrayante, voluptueuse, parée. Ici on ne la voit que sale, échevelée, couverte de poussière et de sang, cachant derrière elle l’envoyé de la Porte, qui punit les revers et se venge des triomphes. — Puis, quittant aussitôt la pente qui l’entraînait à d’aussi tristes pensées. — Par Dieu, mon fils, si tu es venu vers moi à l’ombre du nom de ton père, tu ne peux manquer d’être le bien-venu. Je ne te céderais pas à notre glorieux sultan, m’envoyât-il, pour te redemander, son grand-visir lui-même à la tête de vingt hortas de janissaires.

Ahmed s’inclina en s’approchant du pacha, porta avec amour sa main à ses lèvres et à son front ; puis allait retourner à sa place, lorsque le pacha le prit par le bras.

— Assieds-toi, mon fils, n’as-tu pas vécu au seraï, respiré le même air que notre auguste souverain ? Va ! tu peux t’asseoir devant un visir ; car, que je sois aveugle si ta jeunesse, ta figure, tes nobles illusions ne m’ont pas intéressé. — Puis une pensée sinistre revint encore épouvanter son âme. — Mais non, ajouta-t-il tout haut, comme pour répondre aux soupçons qui le tourmentaient, la Porte ne confie pas à de jeunes mains l’exécution de ses sanglantes volontés. Lorsqu’il lui faut un assassin pour se débarrasser d’un visir incommode, elle va choisir parmi ces vieux courtisans dont le sein sait cacher un firman de mort sans en frémir, dont la main est habile à choisir l’instant favorable, et frapper un seul coup, mais mortel. Oh ! oui, il faut avoir beaucoup vécu pour une pareille mission. Non, mon enfant, dit-il en voyant qu’Ahmed se troublait, non, je n’ai plus aucune défiance, je ne veux plus en avoir. Je saurais que tes vêtemens cachent le fatal écrit, que le grand-visir t’a donné ses secrètes instructions avec le poison qui doit finir mes jours, je ne pourrais résister au penchant qui m’entraîne vers toi.

Une émotion profonde fut la seule réponse d’Ahmed.

— Oh ! oui, enfant, tu as une âme noble, reprit le pacha, comme pour chercher des idées qui souriaient également à l’imagination du vieillard et aux illusions du jeune aventurier, l’air du seraï, cette atmosphère d’eunuques, n’a pas flétri ton cœur. Le nom du vieux janissaire a retenti à tes oreilles. La gloire n’est donc pas une chimère, puisqu’elle fait entendre aussi sa voix dans l’enceinte redoutée, au-delà de la Porte impériale ; car c’est là qu’a germé dans ton cœur le désir d’apprendre le glorieux métier sous le vieux Hussein. Grâces à Dieu, tu es venu dans un bon moment. Ces têtes rouges de Persans paraissent enfin vouloir accepter le combat ; demain, si Dieu le veut, tu combattras à mes côtés.

Cette réception avait décidé de la fortune d’Ahmed. Il est vrai qu’il combattit avec courage, qu’il prit Bassora aux Persans ; mais tous ces succès étaient dans sa réception, ou plutôt ne les eût-il pas obtenus, l’amitié du pacha seule eût été un sûr garant de son élévation. En effet la Porte le nomma bientôt émir des émirs ou pacha à deux queues, sans savoir qui elle élevait à cette dignité. Que lui importait en effet ? Hussein-Pacha l’avait demandé. Il est des momens pour un visir où rien ne lui est refusé. La Porte n’est là en quelque sorte que pour sanctionner ses volontés. Les plus nobles faveurs vont chercher jusqu’à ses moindres esclaves ; cependant j’ai entendu dire que cette époque est celle où ses ennemis commencent à se réjouir.

Quinze ans s’étaient écoulés : Mustapha vivait toujours à Constantinople, simple capidji-bachi. Il ignorait l’élévation d’Ahmed : il l’aurait peut-être oublié, si sa haine ne le lui avait rappelé. Un jour il vit un homme qui venait d’Alep : il l’écouta avec indifférence raconter les hauts faits d’Ahmed-Pacha, gouverneur de cette sainte ville. Mais quel ne fut pas son trouble, lorsque cet homme ajouta mystérieusement qu’on soupçonnait que ce pacha était un ancien itch-oglan, fugitif du seraï, celui qu’on avait toujours cherché en vain ! Mustapha rentra brusquement chez lui, appela Suleïman, son homme de confiance, et lui ordonna de se préparer aussitôt pour aller à Alep. « Un pacha y gouverne, ajouta-t-il : on dit que c’est Ahmed, mon ennemi ; tu verras si c’est vrai, et reviens me le dire. »

Puis, quand il fut seul : « Le fils du berber-bachi visir ! cet Ahmed dont la gloire et le nom me fatiguaient déjà sans le connaître ! C’était comme un pressentiment ; et moi, obscur capidji ! ah ! non, le destin ne peut me persécuter ainsi. S’il s’est refusé à réaliser mes rêves d’ambition, il ne viendra pas au moins me faire sentir tout mon néant, en faisant briller à mes regards la splendeur de mon ennemi »

Suleïman revint deux mois après d’Alep. Il avait vu le pacha : c’était en effet le fils du berber-bachi. « C’était écrit là-haut, dit alors froidement Mustapha ; mais Dieu est grand, » c’est-à-dire qu’il comptait sur la grandeur de Dieu pour se venger du triomphe de son ennemi. Il avait songé que plus son sort était devenu éclatant, plus sa vengeance serait éclatante. Cette idée l’avait consolé de l’élévation d’Ahmed : elle contenait toute sa résignation.

Mustapha fut long-temps à étudier les dispositions de la Porte envers son ennemi. Il connaissait trop bien les doctrines qui s’y observent, pour chercher à être le premier à faire naître contre lui des soupçons. La Porte n’accepte que ceux qu’elle conçoit elle-même. Ceux qu’on cherche à lui inspirer retombent sur le délateur. Ce fut un cruel supplice pour lui ; car long-temps Ahmed-Pacha conserva un grand crédit près du divan.

Enfin, un soir que Mustapha était retiré dans son harem, deux hommes frappèrent violemment à la porte de son hôtel : ils avaient le costume élégant de mamelouk, et portaient une canne haute et à pommeau d’argent. C’étaient des kawas du grand-visir. Leur maître demandait Mustapha-Bey : ils avaient ordre de l’emmener avec eux. Mustapha se disposa à la hâte et les suivit en silence, cachant son émotion ; car être appelé à cette heure et avec cet empressement chez le grand-visir, c’est une haute faveur ou une disgrâce éclatante, qui doit être l’issue d’une pareille audience : c’est la mort ou la fortune qui vous convie.

Ils traversèrent nombre de rues silencieuses et qui semblaient être abandonnées à une population de chiens hideux. N’étaient les pas lourds du bekdji et le bruit lugubre de son bâton ferré sur le pavé, on pourrait se croire dans une ville encore debout, mais veuve de ses habitans. Personne dans les rues, obscurité aux fenêtres, silence partout. On dort, ou bien, si l’on ne dort pas, on se tait, et l’on se tait d’un silence sans lumière ; la clarté serait encore du bruit ; elle attire des regards.

Puis il fallut traverser le port. Ils se placèrent en silence dans un kaïk qui les attendait. Constantinople, à cette heure, apparaît comme un tableau ébauché. La pointe du seraï, son vaste amphithéâtre, ses élégans minarets, sont vaguement indiqués et semblent attendre du pinceau une forme plus précise et plus pure.

Ils arrivèrent à l’autre rive et parcoururent encore des rues tortueuses, mornes et muettes. De loin en loin, un fanal passait, jetant une lueur blafarde ; et l’on n’avait vu que le fanal, tant celui qui le portait se couvrait de silence et se cachait dans l’ombre ; enfin Mustapha entra chez le grand-visir.

C’était dans une salle reculée du palais. Une seule lampe, placée sur une espèce de tabouret, répandait une clarté douteuse. Le pacha était seul, et sa figure exprimait cette sombre mélancolie que donne la satiété du pouvoir, quand on sait ce qu’il coûte, qu’on s’y attache comme à une dernière planche de salut, comme le criminel aux colonnes du temple qui le protége contre la vengeance des lois.

— Mustapha-Bey, asseyez-vous, dit le visir au capidji.

Mustapha porta la robe du pacha à sa bouche et à son front, se mit à genoux devant le divan sur le tapis de la salle, et attendit en silence les ordres du lieutenant impérial.

Le visir reprit la pipe qu’il avait laissé glisser sur le divan, ralluma son tabac, qui ne conservait plus qu’une parcelle de feu près de s’éteindre ; avala trois gorgées de fumée, puis regarda en silence le capidji. Enfin il lui dit :

— Avez-vous cru qu’un capidji n’avait qu’à orner les beyrams d’un riche costume de plus, qu’il n’avait d’autre devoir que de se montrer à la Porte et solliciter des faveurs pour des amis reconnaissans ?

— Seigneur, répondit Mustapha, alarmé d’un pareil début, la Sublime-Porte n’a pas daigné depuis long-temps jeter les yeux sur le malheureux qui jouit à cette heure de votre glorieuse présence.

— Je ne vous adresse pas de reproches ; mais répondez. Avez-vous réfléchi à tous les devoirs que le titre de capidji vous impose ? Savez-vous qu’il en est un surtout, terrible, inexorable ? Savez-vous à quelles conditions subsiste intact le brillant empire d’Osman ? Avez-vous entendu dire que la Sublime-Porte ne peut pas toujours punir les traîtres à la face du soleil, que, pour le maintien de notre sainte religion, il faut souvent des coups portés dans l’ombre ? Enfin, quand une pareille mission devient nécessaire, savez-vous que c’est à un capidji qu’on la confie ?

— Je le sais, répondit Mustapha avec assurance.

— Mais savez-vous encore qu’on meurt souvent d’une pareille mission ? Il faut réussir ou payer de son sang un coup manqué.

— Seigneur, la Sublime-Porte n’a qu’à parler. Eût-elle condamné le schérif de la Mecque, ou bien le scha de Perse, dans deux mois ils n’existeront plus.

— Non, c’est un esclave infidèle du sultan qu’il faut frapper ; c’est Ahmed, pacha d’Alep.

Mustapha frémit et se contint.

— Ce perfide visir s’est traîtreusement attiré l’amitié de toutes les corporations de la ville. Schérifs ou janissaires, tous se rangent autour de lui et sans doute au besoin marcheraient sous ses ordres contre l’armée impériale ; car il porte loin son ambition. Il a su s’attacher toutes les tribus arabes, rebelles autrefois. Une pareille conduite donne de justes ombrages à la Porte, et elle a résolu d’arrêter, quand il en est encore temps, les suites de desseins aussi pervers. Mais un coupable est toujours sur ses gardes ; il a donc fallu recourir à des moyens secrets. Prenez un déguisement, approchez de l’indigne visir et frappez-le sans remords, comme une victime marquée par le doigt du seigneur. Allez, voici le firman de sa mort.

Mustapha sortit. Une heure après, il était couché sur son divan ; il dévorait le firman de ses regards. Si le grand-seigneur lui eût cédé l’empire, et s’il avait eu dans ses mains le firman d’investiture, il ne l’eût pas regardé avec plus de complaisance. Il le touchait, il le faisait bruire à ses oreilles, pour s’assurer par tous ses sens que tout cela n’était pas un songe. Il l’admirait, il le contemplait, il le trouvait beau. Il l’était en effet. Admirable chancellerie que la chancellerie turque ! Qu’elle envoie la mort ou la fortune, ses firmans sont toujours écrits dans un style riche et harmonieux. Elle condamne ou élève avec rime et cadence. Le chiffre impérial est toujours pompeusement dessiné, toujours une encre alternativement bleue comme l’azur, rouge comme le sang, étincelante comme l’or, sert à tracer ces élégans caractères, soit qu’ils fassent un pacha, soit qu’ils proscrivent une tête.

À quelques jours de là, une caravane cheminait sur la route de Constantinople à Alep : ce n’était pas une de ces caravanes formidables, avec leurs mille chameaux et leur appareil belliqueux, destinées qu’elles sont à franchir le désert, malgré les myriades d’Arabes qui le sillonnent avec des yeux de lynx, avec l’avidité d’un corsaire grec : c’était une caravane pacifique, assemblage bizarre de voyageurs de toutes sortes, qui disparaissaient, changeaient et se renouvelaient à chaque station ; c’était une famille entière qui émigrait, des soldats de fortune qui cherchaient un pacha qui les attachât à son destin, des pèlerins qui allaient prier au tombeau du Christ, ou bien baiser la pierre noire de la Cabaah, des marchands aventureux, aux spéculations vagabondes ; c’étaient des juifs, des Turcs, des chrétiens. Tous les cultes y étaient représentés, le christianisme et ses sectes variées, l’islamisme et son inexorable unité, le judaïsme qui imprime comme un stygmate sur le front de ses adeptes. Sans discordes, sans passions tumultueuses, tous semblaient avoir oublié un instant le fanatisme de leurs croyances, de leurs castes, de leurs professions, pour en faire le sacrifice à la sûreté commune.

Un personnage était entouré de la vénération générale ; rien cependant n’annonçait chez lui le pouvoir si redouté en Orient. Il était sans esclave, sans domestique ; mais, au besoin pas un membre de la caravane qui ne se fût empressé de le servir. Il montait un rawan blanc. Son enteri était en étoffe rayée de Damas ; son benich était en drap rouge ; une pelisse bleu de ciel le couvrait entièrement ; sa tête, qui révélait une profonde austérité et une préoccupation fixe et immuable, était couverte d’un turban, dont les plis égaux et droits annonçaient un homme de la loi : c’était un scheik.

Si, dans une ville turque, vous voyez un homme sans suite, sans kawas, que les vrais croyans saluent profondément, en portant la main à terre, puis à la bouche, puis au front, que les femmes osent contempler avec des regards d’admiration et de respect, que le pacha reçoit comme son égal, en le faisant asseoir auprès de lui et en lui donnant sa propre pipe, vous pouvez dire hardiment : « Cet homme est un scheik ; » car, dans une ville turque, un scheik tient dans sa main toutes les volontés, agit sur toutes les imaginations : c’est plus qu’un moine espagnol. Sa parole est celle d’un prophète inspiré ; son pouvoir tient du miracle. Il fait pâlir le despotisme turc et sait calmer, quand il le veut, les insurrections d’Orient.

Aussi, à chaque station, c’était à qui étendrait le tapis de Hadji-Jousef-Effendi, préparerait son repas, allumerait sa pipe, afin d’obtenir un mot, un regard de bienveillance ; et lui, recevait tous ces services avec une impassible dignité, souriant quelquefois aux Musulmans. Quant aux chrétiens et aux juifs, il les voyait lorsqu’ils s’offraient à ses regards, comme s’ils n’existaient pas, malgré la posture humble et rampante que ces malheureux étaient obligés de prendre à son aspect. Son silence, qui n’était interrompu que par des phrases solennelles et sentencieuses, laissait un libre champ aux conjectures sans fin qui circulaient dans la caravane. — C’était un ancien visir, dégoûté des grandeurs humaines, qui ne pensait plus qu’à Dieu et à son prophète ; — c’était le schérif de la Mecque, qui venait de rendre une visite au grand-seigneur ; — c’était un profond magicien, qui savait le Koran par cœur et lisait l’avenir dans chacun de ses versets ; — c’était un saint martyr qui avait langui vingt ans dans les prisons du Frankistan, pays des infidèles ; — et chacune de ces suppositions était accompagnée des formules de l’enthousiasme le plus ardent. — Que Dieu prenne de mon existence pour augmenter ses jours. — Que sa mère soit heureuse comme Mariam. — Que la terre de son tombeau lui soit légère après sa mort, et que son ange protecteur ait alors à se réjouir. —

Puis, quand la caravane s’arrêtait dans une ville, c’étaient cent échos qui se répandaient dans toutes les rues, proclamant la présence du saint personnage, invitant les fidèles à venir se sanctifier de sa vue, et la foule aussitôt l’entourait, le pressait, baisait sa robe, avide qu’elle était de croyances et d’émotions religieuses. Elle accourait dans l’espoir d’entendre une sentence inconnue, un récit miraculeux, d’apprendre de nouveaux moyens d’échapper aux infirmités humaines, car ces âmes simples et naïves accordent tout à ceux qu’elles croient aimés de la Divinité. Ainsi qu’elle, ne doivent-ils pas avoir des soulagemens pour tous les maux ?

On arriva à Alep. Le scheik se rendit au téké des derviches mewlevi. Alors en Turquie, où l’individu isolé se trouvait placé sans défense vis-à-vis le despotisme, des corporations, semblables à des asiles, lui étaient ouvertes pour échapper à son isolement ; celles des janissaires et des derviches étendaient leur réseau sur tout l’empire : ce n’est pas que leur appui fût toujours sûr ; mais c’était beaucoup pour la sécurité, si c’était peu pour une sûreté réelle. On n’en obtenait pas quelquefois une heure de répit des kawas du visir ; mais les jours que l’on devait vivre, on les vivait dans une insouciante tranquillité, parce que l’on ne se sentait pas seul.

Il n’est si petite ville de l’empire qui n’ait son téké de derviches. Le peuple se plaît aux cérémonies mystiques qu’ils célèbrent : c’est une musique d’une inspiration toute religieuse, c’est une espèce de danse grave et solennelle, dont les mouvemens rapides et circulaires jettent l’adepte dans une inspiration divine. Au reste on assure que ces rites sont destinés à occuper les regards du peuple, pour qu’il ne les porte pas sur les dogmes et la conduite des derviches, qui, dit-on, n’ont d’autre croyance que celle d’un déisme pur.

Hadji-Jousef-Effendi se présenta au chef des derviches avec une lettre symbolique. Quelques lignes mystérieuses y étaient tracées, et un instant après tous les derviches venaient respectueusement baiser la robe du scheik.

Hadji-Jousef n’était autre que Mustapha-Bey, le capidji-bachi. La Porte, habile à cacher ses secrets, sait pénétrer ceux des autres. Il n’est pas de secte mystérieuse, d’association cachée, où elle ne domine invisible. Mustapha, chargé de l’exécution d’un ordre fatal, avait, pour déguiser sa mission, adopté l’extérieur révéré d’un scheik : aussi le grand-visir lui avait remis une lettre du mollah de Coniah, telle que le personnage le plus saint de l’islamisme aurait pu seul en obtenir.

Un mois s’était écoulé, et la réputation du scheik prétendu occupait toute la ville. Il attendait avec patience l’heure de la vengeance, sans songer à la hâter par une précipitation passionnée. Un jour qu’étendu sur le divan du kiosk situé au milieu du jardin du téké, il rêvait au moment solennel qui s’approchait, un bruit de chevaux et de voix d’hommes vint troubler le silence habituel de ces paisibles lieux, et le tirer de la rêverie où il était plongé.

C’était le kiahia du pacha qui lui rendait visite, pour l’inviter, de la part de son maître, à venir le voir au seraï.


Mustapha, presque sans émotion apparente, conservant la nonchalante position qu’il avait, promit, avec une sorte de fierté indifférente et impassible, de se rendre chez le pacha le lendemain après la prière de midi.

Cependant un observateur attentif aurait pu remarquer une contraction dans sa lèvre inférieure, une teinte de plus dans la pâleur habituelle de son visage, un mouvement involontaire de sa main droite vers sa poitrine, où il cachait le firman homicide.

Il était midi au palais de Scheik-Abou-Bekr, résidence du pacha d’Alep. Un triple rang de kawas tapissait la grande salle du seraï dans un silence respectueux et solennel. Ahmed-Pacha, à l’angle de la salle, faisait sa prière sur un tapis, la face tournée vers la Mecque. Qu’il était noble et majestueux ! ce pouvoir sans bornes dont il était entouré, cet acte religieux auquel il se livrait, sa tête qu’animait une indicible dignité, ces mouvemens marqués par la prière, tantôt humbles jusqu’à se prosterner, tantôt fiers jusqu’à parler à Dieu, la face haute et les yeux tournés vers le ciel ; puis ces fenêtres resplendissantes, ces murailles nues et sombres, ce beau divan, ce bassin dont le léger murmure semblait caresser le silence : c’était une scène grande et belle à voir. Mais malgré le respect de ce lieu, la sainteté du moment, un homme pénètre brusquement dans l’asile redouté. Les kawas ont déjà porté la main à leurs yatagans. Ils se pressent vers l’audacieux, mais ils ont reconnu le scheik attendu, ils reculent avec respect et le saluent profondément. Mustapha, en entrant, vit le pacha en prière, alla lui-même prendre un tapis au pied du divan, l’étendit près de celui d’Ahmed, et unit sa prière à la sienne avec une gravité imposante qui émut fortement tous les spectateurs.

La prière terminée, les deux personnages, marchant vers le divan, s’assirent en silence. Le pacha prit la parole.

— Croyez-vous, mon père, que les lieux où résonne le bâton argenté du kawas, où le lieutenant du grand-seigneur s’asseoit au milieu des aians de la province, ne soit pas digne de votre sainte présence ? Croyez-vous que vos paroles ne peuvent porter de fruit dans un cœur rempli des préoccupations du pouvoir ?

— Visir, j’avais résolu de te voir, mais j’attendais, répondit Mustapha avec une froide énergie.

— Jusqu’à présent le moment n’était donc pas heureux et de bon augure ? reprit le pacha avec une expression craintive et superstitieuse.

— Tout ce qui est précipité n’est jamais heureux.

— Mais, puisque vous êtes venu aujourd’hui vous asseoir sur mon divan, sans doute que vous avez lu dans les constellations que notre entrevue devait avoir le meilleur résultat ?

— Oui visir, je l’espère.

Les kawas étaient à dix pas… Les yeux du scheik étincelaient, sa main fit briller un poignard comme un éclair inattendu au milieu d’une profonde obscurité, et il l’enfonça dans le cœur du pacha.

— Souviens-toi de l’itch-oglan Mustapha, dit le scheik en le frappant.

— Enfans, exterminez le misérable, s’écria le pacha frappé à mort et rendant l’âme.

Vingt yatagans se croisèrent sur la tête du scheik ; mais lui, monté sur le divan, opposait aux poignards le firman redouté qu’il étendait des deux mains… Les kawas baissèrent la tête avec respect… L’ordre était exécuté.

Mustapha paraissait radieux et presque surnaturel, lorsque du haut du divan il n’opposait à des esclaves armés, dont il venait d’égorger le maître sous leurs yeux, qu’un simple morceau de papier. Tandis que tous rentraient dans la poussière, lui, placé sous la sauve-garde même de l’ordre qu’il avait exécuté retournait au téké sans crainte comme sans orgueil, expédiait un Tartare à la Porte, et reprenait simplement sa vie ordinaire, laissant à d’autres le soin d’administrer la province en attendant un pacha.

Le Tartare à son retour apporta les ordres de la Porte, qui nommait Mustapha-Bey pacha à trois queues et gouverneur d’Alep.

Deux ans après, un groupe de Turcs à l’air grave et insouciant contemplait une tête que l’on venait de placer dans un enfoncement de la première porte du palais impérial à Constantinople. Cette tête paraissait anciennement coupée, la peau était ridée et jaune comme un vieux parchemin. Elle avait fait un long voyage avant de parvenir jusque-là ; et pour la conserver, on l’avait salée.

Au-dessus de cette tête était un écrit ainsi conçu :

« Au nom de Dieu le clément et le miséricordieux.

« Mustapha-pacha, esclave perfide du grand-seigneur, malgré les regards de bonté que sa hautesse avait laissé tomber sur lui du haut de son étrier impérial, a mérité ce châtiment pour avoir tyrannisé et soulevé contre son pouvoir les différentes corporations de la ville d’Alep où il était gouverneur, et pour n’avoir pas su s’attirer l’amitié des tribus arabes qui habitent cette province.

« Que cet exemple soit une leçon pour les serviteurs infidèles. »


édouard disaut.