Le concile œcuménique

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Le concile œcuménique
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LE CONCILE ŒCUMÉNIQUE.

La convocation d’un concile œcuménique par le Souverain-Pontife a produit dans le monde entier une impression immense. Personne ne peut le nier. À peine les lettres apostoliques adressées aux évêques catholiques romains[1], aux évêques schismatiques des rites orientaux[2] et aux protestants[3], ont-elles été connues, que tous les journaux se sont empressés de les reproduire et les ont commentées conformément à leurs espérances ou à leurs craintes. Les gouvernements se sont montrés émus ; les assemblées politiques, et en particulier le Corps législatif de France[4], en ont fait l’objet de leurs délibérations : les libres-penseurs et les francs-maçons ont annoncé le dessein de se réunir de leur côté dans une assemblée solennelle. Partout on a rencontré des hommes favorables ou hostiles à la grande manifestation de la vie chrétienne ; nulle part, on n’a trouvé d’indifférents.

Ce mouvement, cette agitation, dans le camp des enfants de l’Église et dans celui de ses adversaires, attestent quelle est l’importance de la décision du Pape. On a beau dire que le catholicisme est mort, que le règne de la libre pensée et de la morale indépendante a détrôné définitivement celui de la religion, force est de reconnaître que le prétendu cadavre est encore plein de vie, et que l’heure n’est point arrivée de l’ensevelir à jamais dans l’obscurité de la tombe. En dépit de tous les dédains et de toutes les injures, on sent qu’une réunion de vieillards, distingués par leurs vertus et par leur science, venus de tous les points de l’univers pour discuter sur de graves questions, n’est point un événement ordinaire et sans portée.

Tous s’occupent donc du Concile ; tous ont les yeux tournés vers Rome. Cependant bien peu se font une idée précise d’une semblable assemblée, de sa nature, de son autorité, de l’action qu’elle peut et doit exercer sur le monde. Si l’on excepte les ecclésiastiques et ceux des fidèles qui ont fait une étude approfondie de la constitution et de l’histoire de l’Église, on ne trouve à peu près personne qui ne tombe dans quelque erreur sur cette matière. Il ne faut pas s’en étonner. Les bons catholiques, que l’annonce du Concile a vivement réjouis, et qui sont prêts à en écouter la voix comme celle de Dieu même, ne peuvent avoir la notion distincte d’un fait qui ne s’est pas produit depuis trois cents ans. Les incrédules ne savent que blasphémer ce qu’ils ignorent, ou tourner en ridicule, sans nul respect pour la liberté des consciences, les convictions et les espérances des chrétiens. Les journaliste, en dehors de la presse catholique, parlant de tout sans idées nettes, sans préparation, souvent sans études, ne font que rendre l’ignorance encore plus grande. On a peine à s’imaginer quelles erreurs grossières commettent sur ce point les rédacteurs et les correspondants des journaux, même de ceux qui se donnent pour les plus sérieux et les mieux informés. Il faudrait parfois un volume pour réfuter un seul de leurs articles ; ils le savent, et c’est ce qui fait leur force. Ces journaux sont lus par des gens qui, ne pouvant contrôler leurs assertions, sont jetés nécessairement dans l’ignorance ou dans le doute.

Cet état de choses et les conséquences déplorables qu’il entraîne ont engagé plusieurs écrivains catholiques à composer sur les conciles œcuméniques des ouvrages dont on ne peut trop recommander la lecture. En même temps, de nombreux évêques ont élevé la voix ; dans leurs mandements, leurs instructions pastorales, leurs lettres, ils ont fait connaître à leurs ouailles les enseignements de la vérité ; quelques-uns d’entre eux ont publié des livres remarquables par le talent avec lequel ils sont rédigés et revêtus en outre de l’autorité de ceux qui les ont écrits[5].

La Semaine religieuse a publié, dans les nos des 14 et 21 février dernier, l’Instruction pastorale de Mgr l’Évêque de Nantes pour le Carême : cette instruction a pour objet le Concile œcuménique. Incessamment elle va commencer une série d’articles sur cette grave question du moment. On y déterminera d’abord quelle est la nature d’un concile général et quelle en est l’autorité ; puis, après avoir raconté rapidement l’histoire des conciles œcuméniques, on montrera quel a été le rôle de ces grandes assemblées, l’influence qu’elles ont exercée dans le monde, les bienfaits dont la société leur est redevable. Puisse cette étude avoir pour résultat d’affermir davantage encore, s’il est possible, les catholiques dans leur foi et leurs espérances, de dissiper les doutes que les affirmations continuelles de la presse antireligieuse ont soulevés dans bien des esprits, et surtout de faire évanouir les craintes singulières et peu chrétiennes que des personnes même pieuses conçoivent et nourrissent sur la conduite possible des évêques ! Puisse-t-elle convaincre tout le monde que l’Esprit-Saint assiste les évêques réunis en concile sous la présidence du Pape, qu’il communique l’infaillibité à leurs décisions et a leurs doctrines, et que dès lors ce qu’ils enseignent est la vérité même !

  1. Bulle Æterni Patris, du 29 juin 1868.
  2. Lettre Arcano divinæ Providentiæ, du 8 septembre 1868.
  3. Lettre Jam vos omnes, du 13 septembre 1868.
  4. Séances du Corps législatif, 30 juillet 1868 et 2 avril 1869.
  5. Parmi ces diverses publications nous citerons : Les Conciles Généraux, par Mgr Plantier, évêque de Nimes ; — le Concile œcuménique, par M. l’abbé Jaugey ; — le Concile, par Mgr de Ségur ; — l’Infaillibilité et le Concile général, par Mgr Dechamps, archévêque de Malines ; — une Lettre de Mgr Dupanloup ; — la Société devant le Concile, par M. l’abbé Martinet ; — le Concile œcuménique et le situation actuelle, par M. l’abbé Christophe.