Le confessionnal des pénitents noirs/04

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L’Édition populaire (p. 19-21).

DANS LES RUINES.


Vivaldi ignorant tout ce qui s’était passé à Villa-Altieri, était encore sous le coup de l’impression profonde, produite sur son esprit par les avis du moine mystérieux.

Il s’était décidé à se rendre vers minuit dans les ruines de Paluzzi, avec des torches. Il prit le parti d’emmener avec lui son domestique Paolo qui était un Napolitain fin, gai, curieux, adroit et dévoué. Rieur et brave, Paolo était dégagé de toute superstition.

Ils arrivèrent près de la voûte bien connue et prirent le parti de cacher leurs torches dans le creux d’un rocher qui bordait la route, de manière à les avoir sous la main en cas de nécessité. Puis Vivaldi prit position avec Paolo sous la voûte.

En ce moment, ils entendirent sonner minuit à l’horloge d’un monastère éloigné.

Soudain, Vivaldi crut entendre du bruit. Il prêta l’oreille et tout à coup il entendit marcher près de lui, tandis qu’une voix forte et stridente, qu’il reconnut pour être celle du moine, lui cria, dans l’ombre :

Vous venez trop tard : il y a plus d’une heure qu’elle est partie. Songez à vous !

Quoique frappé par ces paroles, dont il cherchait le sens, Vivaldi s’élança du côté d’où venait la voix et essaya de saisir l’inconnu. Paolo tira au hasard un coup de pistolet et courut aux torches.

— Monsieur, s’écria-t-il, il est monté par le petit escalier. J’ai vu le bas de sa robe.

— Suis-moi, dit Vivaldi, en montant.

Arrivés sur une terrasse qui dominait la voûte, il élevèrent une torche au dessus de leurs têtes, en cherchant partout des yeux.

— Ne vois-tu rien ? demanda Vivaldi.

— Monsieur, sous une arcade, à gauche, je crois avoir vu passer quelqu’un.

Vivaldi dirigea la torche vers l’endroit indiqué. Tous deux s’avancèrent vers une rangée d’arcades attenant à un bâtiment d’une construction singulière.

— Monsieur, reprit Paolo en dirigeant du doigt l’attention de son maître, c’est par cette porte-là que j’ai vu passer quelqu’un.

Vivaldi tira son épée, et tous deux, franchissant la porte, s’engagèrent dans un passage étroit, dont ils ne voyaient pas le bout. Ils avançaient avec précaution, s’arrêtant de temps en temps, pour écouter. Après quelques minutes de cette marche silencieuse entre deux murailles resserrées, Paolo saisit son maître par le bras :

— Monsieur, lui dit-il à voix basse, ne distinguez-vous pas, là-bas, dans l’obscurité, un homme ?…

Vivaldi, projetant la lumière en avant, aperçut vaguement quelque chose de semblable à une figure humaine, immobile à l’extrémité du passage : son vêtement paraissait de couleur noire, mais les ténèbres ne permettaient de discerner aucun trait.

Ils pressèrent le pas ; mais arrivés à l’endroit où la figure s’était montrée, ils ne trouvèrent plus rien. Ils étaient alors au bord d’un petit escalier qui conduisait à des caveaux souterrains. Vivaldi descendit rapidement, toujours suivi de Paolo qui, à peine arrivé au bas, dit à son maître :

— Le voilà, monsieur, je le vois encore ; il s’échappe par la porte qui est là, devant nous.

En effet, le bruit d’une porte roulant sur ses gonds se faisait entendre dans l’éloignement. Cette porte à peine ouverte, se referma aussitôt. Vivaldi s’élança vers La porte mal fermée et parvint à l’ouvrir.

— Ah ! dit-il, cette fois tu ne m’échapperas plus.

Mais entré dans la chambre, il n’y trouva personne. Il fit le tour des murs et les examina ainsi que le sol, sans découvrir aucune issue par où un homme aurait pu s’échapper. Il n’aperçut d’autre ouverture qu’une fenêtre, fermée par une forte grille, et si étroite qu’elle laissait à peine passer un peu d’air.

Vivaldi demeura frappé d’étonnement.

— Voilà qui est incompréhensible, dit-il. Il y a là quelque chose de surnaturel ! Approche la lumière ; examinons encore.

Paolo obéit, mais ils eurent beau visiter les parois, ils ne purent découvrir aucune trace de passage, ni de cachette.

Pendant qu’ils étaient occupés ainsi, la porte se referma soudain avec un fracas qui fit retentir la voûte. Vivaldi et Paolo restèrent frappés de stupeur, puis ils se précipitèrent sur la porte pour l’ouvrir. Mais ce fut en vain. Elle était très épaisse, garnie de lames de fer, comme une porte de prison.

Ils examinèrent, de nouveau la pièce où ils se trouvaient. Dans un coin, ils découvrirent alors un objet qui leur révéla le sort probable de quelque malheureux enfermé comme eux dans ce réduit. C’étaient des vêtements souillés de sang.

Vivaldi éleva Paolo jusqu’à la fenêtre grillée contre laquelle celui-ci usa inutilement ses forces. Ils crièrent, l’un et l’autre, sans plus de succès. Enfin, lassés de leurs vaines tentatives, ils y renoncèrent et se laissèrent tomber à terre, découragés, en se demandant quel était l’être étrange qui les avait attirés dans ce guet-apens et dans quel effroyable but.