Le cow-boy amoureux/4

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Police Journal Enr (Aventures de cow-boys No. 2p. 10-13).

CHAPITRE IV

BATTLING RENAUD


Le posse était dans le bunkhouse quand les cow-boys du AB*10,000 revinrent avec à leur tête Battling Renaud. Celui-ci demanda à un des membres du posse :

— Vous êtes venus pour découvrir le meurtrier de Boyer ?

— C’est évident.

— Où est Verchères ?

— Avec mademoiselle.

— Et Troyat ?

— En prison.

— HEIN ???

— Oui, il a été pris en flagrant délit de trichage aux cartes.

— C’est là un frémoppe contre Vic.

Sans ajouter un traître mot il se rendit à la maison.

Charmaine était encore à causer avec les deux hommes quand son gérant général entra.

— Verchères, dit Renaud, où est Vic ?

— À un endroit qu’il a richement mérité d’habiter.

— Ainsi c’est vrai ?

— Que Troyat est un escroc ? Mais oui.

Charmaine intervint :

— Je viens de m’engager un remplaçant à Troyat.

— Qui ça ?

— Moi, monsieur, dit Nap.

Battling demanda :

— Vos références, l’ami.

Sèchement Charmaine déclara :

— Je les ai vues, et elles me suffisent…

— Voyons, Charmaine, si votre père vivait, il ne vous laisserait pas parler ainsi.

— Non, je sais, vous avez exploité au coton le fait que vous lui aviez sauvé la vie. Il voulait vous donner la mienne en échange, mais attendez, je n’ai encore rien décidé à ce sujet.

Alors Renaud perdit la tête.

Il s’avança, menaçant, vers Nap qui l’attendait de pied ferme.

Pauvre Battling, il eut le tort de tenter de frapper Ravelle.

Celui-ci s’empara de son bras, le tordit, se le passa par-dessus son épaule et lança Renaud contre une commode où il s’assomma.

— JIU JITSU !

Battling se releva bientôt et voulut reprendre la lutte.

Mais Charmaine l’en empêcha :

— Si vous ne vous tenez pas tranquille, M. Renaud, dit-elle, je vous mets poliment à la porte.

Se tournant vers Nap elle dit :

— Maintenant que faut-il faire ?

— Prévenir tous les cow-boys que je suis leur seul et unique boss, responsable à vous seulement, mamzelle.

Baptiste sortit.

Rassembla les employés.

Quelques minutes plus tard, debout sur sa galerie, Charmaine dit d’une voix claire et sèche :

— Cow-boys, j’ai décidé quelque chose, vous n’aurez plus dorénavant à accepter d’ordres de M. Renaud. À celui-ci j’assigne d’autres devoirs. Votre nouveau contremaître ici présent, Napoléon Ravelle, est mon seul représentant auprès de vous. Obéissez-lui en tous temps, et si vous avez des plaintes à formuler contre lui, c’est à moi qu’elles doivent être adressées.

Ravelle se leva alors :

— Cow-boys, dit-il, déjeuner dans la bunkhouse à 4.30 heures demain matin, et départ pour la plaine à 5 heures.

Indigné, Battling parut.

Comme il voulait parler, par le truchement d’une jambette, Baptiste le fit tomber.

Se penchant alors sur lui, il lui enleva un brin de paille attaché à sa botte et le lui montra en chantonnant :

« Ils tirèrent à
la courte paille
pour savoir qui,
qui,
qui serait tué… ! »

Les deux hommes se regardèrent longtemps.

Ce furent les yeux de Renaud qui capitulèrent.

Il déguerpit en disant :

— Les choses n’en resteront pas là. Je vais de ce pas faire libérer Vic Troyat par un juge de paix.

Nap dit :

— Chef ?

— Oui… ?

— J’aimeirais bien que vous resteriez, vous et votre posse, pour demain. Je ne connais pas les aitres de cette plaine, et je ne suis pas sûr de tous mes cow-boys.

— Entendu.

— Vous restez ?

— Je reste.

À la fin de la veillée, Charmaine dit à Ravelle :

— Merci, mon ami.

— Merci pourquoi ?

— Pour m’avoir délivrée de Renaud et de ses sottes ambitions matrimoniales.

Nap remarqua :

— Il vous pesait tant que ça sur les rognons ?

— Oui et davantage.

Ils se sourirent.

Et dans ces deux subtils sourires il y avait deux promesse à la fois voluptueuses et indéfinissables…