Le cow-boy amoureux/4
CHAPITRE IV
BATTLING RENAUD
Le posse était dans le bunkhouse quand les cow-boys du AB*10,000 revinrent avec à leur tête Battling Renaud. Celui-ci demanda à un des membres du posse :
— Vous êtes venus pour découvrir le meurtrier de Boyer ?
— C’est évident.
— Où est Verchères ?
— Avec mademoiselle.
— Et Troyat ?
— En prison.
— HEIN ???
— Oui, il a été pris en flagrant délit de trichage aux cartes.
— C’est là un frémoppe contre Vic.
Sans ajouter un traître mot il se rendit à la maison.
Charmaine était encore à causer avec les deux hommes quand son gérant général entra.
— Verchères, dit Renaud, où est Vic ?
— À un endroit qu’il a richement mérité d’habiter.
— Ainsi c’est vrai ?
— Que Troyat est un escroc ? Mais oui.
Charmaine intervint :
— Je viens de m’engager un remplaçant à Troyat.
— Qui ça ?
— Moi, monsieur, dit Nap.
Battling demanda :
— Vos références, l’ami.
Sèchement Charmaine déclara :
— Je les ai vues, et elles me suffisent…
— Voyons, Charmaine, si votre père vivait, il ne vous laisserait pas parler ainsi.
— Non, je sais, vous avez exploité au coton le fait que vous lui aviez sauvé la vie. Il voulait vous donner la mienne en échange, mais attendez, je n’ai encore rien décidé à ce sujet.
Alors Renaud perdit la tête.
Il s’avança, menaçant, vers Nap qui l’attendait de pied ferme.
Pauvre Battling, il eut le tort de tenter de frapper Ravelle.
Celui-ci s’empara de son bras, le tordit, se le passa par-dessus son épaule et lança Renaud contre une commode où il s’assomma.
— JIU JITSU !
Battling se releva bientôt et voulut reprendre la lutte.
Mais Charmaine l’en empêcha :
— Si vous ne vous tenez pas tranquille, M. Renaud, dit-elle, je vous mets poliment à la porte.
Se tournant vers Nap elle dit :
— Maintenant que faut-il faire ?
— Prévenir tous les cow-boys que je suis leur seul et unique boss, responsable à vous seulement, mamzelle.
Baptiste sortit.
Rassembla les employés.
Quelques minutes plus tard, debout sur sa galerie, Charmaine dit d’une voix claire et sèche :
— Cow-boys, j’ai décidé quelque chose, vous n’aurez plus dorénavant à accepter d’ordres de M. Renaud. À celui-ci j’assigne d’autres devoirs. Votre nouveau contremaître ici présent, Napoléon Ravelle, est mon seul représentant auprès de vous. Obéissez-lui en tous temps, et si vous avez des plaintes à formuler contre lui, c’est à moi qu’elles doivent être adressées.
Ravelle se leva alors :
— Cow-boys, dit-il, déjeuner dans la bunkhouse à 4.30 heures demain matin, et départ pour la plaine à 5 heures.
Indigné, Battling parut.
Comme il voulait parler, par le truchement d’une jambette, Baptiste le fit tomber.
Se penchant alors sur lui, il lui enleva un brin de paille attaché à sa botte et le lui montra en chantonnant :
« Ils tirèrent à
la courte paille
pour savoir qui,
qui,
qui serait tué… ! »
Les deux hommes se regardèrent longtemps.
Ce furent les yeux de Renaud qui capitulèrent.
Il déguerpit en disant :
— Les choses n’en resteront pas là. Je vais de ce pas faire libérer Vic Troyat par un juge de paix.
Nap dit :
— Chef ?
— Oui… ?
— J’aimeirais bien que vous resteriez, vous et votre posse, pour demain. Je ne connais pas les aitres de cette plaine, et je ne suis pas sûr de tous mes cow-boys.
— Entendu.
— Vous restez ?
— Je reste.
À la fin de la veillée, Charmaine dit à Ravelle :
— Merci, mon ami.
— Merci pourquoi ?
— Pour m’avoir délivrée de Renaud et de ses sottes ambitions matrimoniales.
Nap remarqua :
— Il vous pesait tant que ça sur les rognons ?
— Oui et davantage.
Ils se sourirent.
Et dans ces deux subtils sourires il y avait deux promesse à la fois voluptueuses et indéfinissables…