Le cow-boy renégat/08

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Éditions Police Journal (Aventures de cow-boys No. 5p. 21-23).

CHAPITRE VIII

TANCRÈDE POMERLEAU


Il était 8 heures du soir.

Le soleil venait de se coucher à l’horizon.

C’était le crépuscule.

Ou la brunante, comme on dit au pays de Québec.

Ou encore, comme on disait autrefois chez les cowboys canadiens-français, l’heure entre poivre et sel…

Baptiste Verchères était à écrire à son pupitre.

Il se frotta les yeux.

Et marmonna :

— On n’y voit plus goutte…

Alors il se leva et alluma les 2 lampes à l’huile de charbon.

Comme il se rasseyait, Baptiste vit Arthur, du poney-express, entrer avec un inconnu.

Il dit, railleur :

— Tu as mal aux doigts, Arthur ?

— Mais non.

Alors pourquoi ne t’en sers-tu pas ?

— Mais…

— Mais…

— Oui, pourquoi ne t’en sers-tu pas pour frapper aux portes avant d’entrer ?

— Ah, c’est ça… ?

— Oui.

L’inconnu parla pour la première fois.

Il dit :

— Trêve de plaisanteries…

J. B. sortit une vieille et grosse farce barbue :

— Je n’ai pas le déshonneur de vous connaître.

Arthur présenta :

— Pomerleau, Tancrède Pomerleau…

Délibérément insultant, J. B. fit rêveur :

— Drôle de nom, POM-GORLOT… Et monsieur pomme alias gorlot, que faites-vous avant d’aller téter les pissenlits par la racine ?

Arthur dit :

M. Pomerleau est détective.

Le détective ajouta :

— Privé.

— Pauvre homme, il est privé, il a faim. Arthur, va donc lui chercher un verre d’eau et une galette de sarrazin…

Le flic s’impatienta.

Il exprima son mécontentement :

— Je représente les intérêts de l’organisation des poneys-express, dit-il, et dans l’affaire du vol des soixante et quinze mille dollars, je ne vous cache que je trouve votre conduite louche, chef.

— Mais comment donc ?

— D’abord Lortie s’est promené librement dans la bourgade. Vous ne vous êtes même point donné la peine de l’arrêter…

— C’est tout ?

— Oh non.

— Envoyez à votre force…

— À 2 ou 3 reprises, vous avez laissé Lortie s’échapper…

— Autre chose ?

— Oui.

— Quoi ?

— Vous avez tué Roderskine et une autre fois laissé filer votre protégé Lortie…

J. B. demanda, finaud :

— Vous me blâmez d’avoir abattu Roderskine qui était le complice de l’incendiaire assassin ?

— Oui.

Arthur dit :

— Nous savons pourquoi vous avez tué ce gas.

— Tiens, tiens…

— Oui, Rabinovitch nous a dit que Roderskine était sur le point de trahir Lortie et que c’est pour cette raison que vous l’avez assassiné.

Pomerleau accusa directement :

— Verchères, vous êtes le complice de Lortie.

Baptiste regarda ses deux interlocuteurs à tour de rôle.

Et dit :

— POM-GORLOT, tu es un idiot.

Il ajouta :

— Et toi, Arthur, je te couronne roi de l’imbécilité perpétuelle.

À ce moment un petit hennissement court se fit entendre du dehors.

Suivi d’un second moins court.

Et d’un 3e plus long.

— Excusez-moi, mes amis soupçonneux, dit Baptiste, sarcastique, mais croyez-le ou non, je m’en vais interviouver un cheval.

— Non, dit Arthur.

— Non, répéta Pomerleau.

J. B. demanda :

— Non quoi ?

— Vous ne sortirez pas seul.

Déjà J. B. avait ses colts aux mains :

— Au nom de la loi, dit-il, je vous arrête, pour menaces et entraves contre un agent de la paix. Laissez tomber vos armes sur le plancher.

Elles tombèrent.

Le chef lança des menottes à Pomerleau

— Emmenottez-vous tous deux.

Quand ce fut fait Verchères les conduisit en cellule.

Referma la porte.

Et les embarra.

Pomerleau cracha :

— Ça ne finira pas là. Je suis un dick…

— Privé, oui, je sais, privé de toute autorité officielle.

J. B. sortit du poste de police…