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Le dernier Rêve (Fernand Séverin)

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Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 255-256).


Le dernier Rêve


Au fond endolori des suprêmes vesprées
Où meurent en silence et les yeux s’évitant,
Les débris à leur fin des races ulcérées,
Ils l’ont crucifié dans le rose occident !

Pâle de plus en plus des fuites de la sève,
Avec, dans le lointain des beaux yeux mi-fermés,
Le solitaire orgueil d’être le dernier rêve,
Il revoit par l’esprit les siècles bien-aimés.

Il penche du fardeau de la proche agonie,
Sous l’or vague et soyeux des cheveux ruisselants,
La mystique beauté de sa face bénie,
Et voici pénétrer la lance dans ses flancs !

Et c’est sur la muette et coupable indolence
Des peuples assoupis à l’ombre de la croix,
Le rouge épuisement des veines par la lance
Et les derniers frissons des membres déjà froids.


Soudain il s’est raidi sur son arbre de honte
Avec de longs sanglots et des yeux révulsés,
Et maintenant le corps s’affaisse, et l’âme monte
Rejoindre dans l’Éther les rêves trépassés.

Et désormais la nuit pèsera sur la terre
De jour en jour plus dense aux hommes plus méchants,
Et cette pourpre éteinte en un ciel de mystère,
C’est le dernier reflet du dernier des couchants.