Le dernier des Trencavels, Tome 2/Livre seizième

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Traduction par Henri Reboul.
Tenon (Tome 2p. 182-198).


LIVRE SEIZIÈME.

Les Assiégeans.


L’arrivée des clercs toulousains au camp des croisés y causa une grande rumeur. Les prélats s’assemblèrent et avisèrent d’abord aux moyens de remédier aux désordres causés par les soldats de Raoul. Puis ils songèrent à préparer une attaque générale contre les murs de la ville sacrilège, où ils ne comptaient plus un seul ami.

La bannière d’Amalric et celles de quelques seigneurs laïcs se trouvaient comme perdues parmi tant de bannières épiscopales et abbatiales, qui flottaient dans toute l’étendue du camp.

À la suite du concile de Bourges(1), où furent renouvelées les sentences d’excommunication contre Raymond, en présence de 14 archevêques, 113 évêques et 150 abbés de toutes les provinces de France, la plupart de ces prélats avaient fait marcher leurs vassaux en Occitanie pour y défendre la cause d’Amalric.

Renaud de Bar, évêque de Chartres, Philippe de Dreux, évêque de Beauvais, ceux de Lisieux et de Bayeux, avaient eux-mêmes amené leurs troupes des contrées de la Seine et de la Loire ; elles s’étaient jointes aux bataillons des archevêques de Bourges, d’Auch, de Bordeaux, et des prélats de l’Occitanie(2). Avec l’évêque de Paris, était arrivé l’archidiacre Guillaume savant dans l’art d’attaquer les villes fortifiées.

La cause de Raymond venait de perdre un grand appui dans la personne d’Arnaud l’archevêque de Narbonne, qui était devenu favorable à ce prince, depuis que la fatalité l’avait fait rival et ennemi des Montfort Ce prélat était allé s’éteindre dans la paisible solitude de Fonfroide, léguant aux moines ses livres et son palefroi(3). Pierre d’Ameil, qui lui succéda, se hâta de faire marcher contre Toulouse tous les chevaliers et hommes d’armes qu’il put rassembler.

Amalric, qui avait attendu la réunion de toutes ces forces avant de déployer son activité, annonça aux prélats que le signal des combats allait être donné, et ayant fait la même notification aux barons et aux chevaliers, ceux-ci renouvelèrent entre les mains des prélats le serment qu’ils avaient déjà fait au cardinal légat, de ne laisser à Toulouse ni homme, ni femme, ni garçon, ni fille, et de n’épargner ni le sexe, ni l’âge(4).

L’archidiacre Guillaume avait mis tous les soins de son art à construire une machine appelée belette, qui, traînée à travers les tranchées et les fossés jusqu’au pied des murailles, mettait à l’abri les travailleurs occupés à en miner et démolir les fondemens(5).

Dès que les Toulousains la virent s’approcher, ils remplirent plusieurs vases d’une poudre combustible ; et, y ayant mis le feu, ils les jetèrent sur la belette, qui fut bientôt couverte d’une flamme liquide et inextinguible(6).

Les croisés accoururent, et un combat sanglant fut livré autour de la machine embrasée.

Plusieurs braves chevaliers y périrent. Le légat et les évêques, placés en arrière, faisaient entendre leurs voix et leurs exhortations, promettant la couronne du martyre et les joies du paradis à ceux qui succomberaient pour la cause de l’Église.

« Seigneur prélat, » dit à l’évêque de Nîmes le baron de Valats, « vous aurez de la peine à nous persuader qu’on monte ainsi tout droit au ciel en mourant sans confession(7). »

D’autres guerriers se joignirent à Valats pour faire observer la situation critique où se trouvait engagée l’armée assiégeante, à raison de l’incendie de la mustèle. Amalric y eut égard et la retraite fut ordonnée.

De nouvelles attaques partielles étant aussi demeurées sans résultat, Amalric voulait tenter de réunir en un seul corps les bandes éparses qu’avaient amenées les prélats ; mais ceux-ci contrarièrent ce projet dans la crainte de perdre leurs petites armées.

L’un d’eux ouvrit un jour cet avis : « Si nous ne pouvons atteindre ces impies dans l’enceinte de leurs murailles, sachons au moins les punir par la privation de ces richesses qui font leur orgueil, et les induisent à la damnation.

« Ces fertiles campagnes, ces moissons, ces vignes, sont pour eux des causes de révolte et de ruine. Dévastons ces domaines, réduisons les habitans de cette ville endurcie à une pauvreté qui peut-être leur ouvrira les voies de la résipiscence(8). »

Le prélat proposa à la suite de ce préambule une série de moyens qui furent approuvés et mis en exécution.

Avant le lever de l’aurore, les croisés étaient réunis pour entendre d’abord la messe et prendre un léger repas. Ils se divisaient ensuite en plusieurs bandes qui s’approchaient de la ville, autant qu’il était possible, sans réveiller les habitans. Là ils se dispersaient dans les terres, et revenaient lentement vers le camp, en foulant les herbes et les blés, arrachant les vignes et les arbres. Les hommes d’armes protégeaient leur marche rétrograde, et venaient à leur suite, prêts à repousser les sorties qu’auraient pu tenter les Toulousains. Ainsi ces malheureux bourgeois eurent la douleur de voir leurs possessions dévastées par les manœuvres et les conseils de ceux qui se disent les pasteurs des peuples.

Leurs chefs avaient peine à contenir leur fureur ; mais, craignant quelque embûche, ils les retenaient abrités derrière leurs murailles. Il ne resta pas un seul arbre, ni même un buisson, dans la campagne qui environne Toulouse.

Le bruit vint se répandre au camp des croisés que le comte de Foix préparait un armement. À cette nouvelle quoique non inattendue, la plupart des chefs ne peuvent dissimuler leur inquiétude. Ils se rassemblent en conseil ; le légat les préside. Les évêques, venus avec leurs vassaux des provinces éloignées, proposaient la retraite. Celui de Toulouse, Foulques, fait éclater son indignation : « Est-ce ainsi, » s’écria-t-il, « que la cause de Dieu doit être servie ? Où sera la confiance du soldat, si nous lui donnons l’exemple et le signal de la crainte ? Nous touchons au moment du succès ; la guerre qui dure depuis tant d’années est près de se terminer. Une seule ville reste à conquérir ; elle est épuisée d’hommes, d’armes, de subsistances. Un vieillard faible et sans courage y commande, et vous consentiriez par une retraite imprudente à perdre le fruit de tant de travaux, à remettre les choses au point où elles étaient avant votre réunion ? Doutez-vous que l’hérésie se propage, si elle n’est combattue par le fer et le feu ? Voulez-vous attendre dans vos foyers que cette hydre y fasse entendre ses serpens, et que les routiers viennent vous chasser de vos siéges, après que les bons hommes auront attiré à eux les offrandes des fidèles ? Devant qui proposez-vous de fuir ? Devant un seul de ces seigneurs que vous avez vaincus tant de fois, quand ils étaient tous réunis ! vous qui avez dispersé les armées nombreuses du comte de Toulouse et du roi d’Aragon ! Si nous levons le siège de Toulouse, que ce soit pour aller punir celui qui a l’audace de venir l’interrompre. Allons atteindre dans ses montagnes cet ennemi de Dieu, et ne permettons pas que le sol de nos plaines soit infecté par la présence des hérétiques. »

Amalric prit la parole : « J’espère, » dit-il, « que les sentimens de l’évêque de Toulouse sont passés dans vos âmes, et que personne ne songe à déserter la cause sainte que nous avons embrassée ; mais le conseil que nous donne Foulques n’est point sorti de la tête d’un guerrier, et je ne puis l’approuver. Nos troupes sont mieux disposées pour la défense que pour l’attaque. Je pense qu’il en est de même de celles de nos ennemis. L’exemple de Toulouse vous le prouve. Ne leur donnons pas l’avantage qu’ils cherchent à perdre : concentrons nos forces et faisons de nouveaux retranchemens. La position de Montaudran ne peut être mieux choisie. Si cette manœuvre nous expose à voir quelques bataillons du comte de Foix entrer dans Toulouse, ils y entreront comme dans un piège, dont ils ne pourront plus sortir. »

L’avis du fils de Montfort fut généralement approuvé. L’évêque Foulques y accéda.

« Prélats, » ajouta-t-il, « et vous barons, c’est la sagesse des guerriers qui doit servir de règle dans les affaires de la guerre. Suivons les conseils du seigneur de Montfort, mais un autre projet me sourit, et c’est sans doute Dieu qui me l’inspire. J’irai moi-même au devant de Roger ; son âme farouche n’est point inaccessible à la crainte religieuse. Je sais qu’il a eu la barbarie d’attacher de sa main au gibet le frère du comte de Toulouse qui s’était dévoué à notre cause, mais je ne puis croire qu’il maltraite un prêtre, un évêque. Il a repoussé le reproche d’hérésie ; sa politique est toujours prête à faire des transactions utiles à ses intérêts et à son repos. J’ose espérer de dessiller ses yeux ; et, si mes efforts sont vains, je serai, du moins, parvenu à connaître quelqu’un de ses projets et la force de son armée. »

Plusieurs prélats admirèrent le courage de Foulques, d’autres cherchèrent à le dissuader : enfin, son offre est acceptée. Parmi ceux qui se présentent pour l’accompagner, il fait choix du frère Réginald, de l’ordre de Citeaux, et du templier Ferréol, qui étaient ses affidés. Il s’achemine avec eux vers Pamiers, espérant y trouver le comte de Foix. Roger était déja à Boulbonne ; il achevait d’y réunir ses troupes ; et s’était établi dans l’abbaye, séjour de délices, situé au confluent du Lers et de l’Ariège.

Ses coureurs rencontrèrent à Hauterive les trois missionnaires et leur fournirent une escorte jusqu’à Boulbonne. Avant leur arrivée, le bruit s’était répandu qu’un évêque, un moine, un templier, sont députés vers le comte. On s’empresse sur leur passage. Les cathares les contemplent d’un œil farouche, et ne peuvent retenir leurs murmures. Foulques s’entend traiter par quelques-uns d’entre eux d’évêque des démons. « Sans doute, » dit-il avec audace, « il est trop vrai que les Toulousains sont des démons, et que je suis leur évêque(9). »

Enfin, ils arrivent auprès du prince. « Que voulez-vous, « leur dit Roger, » et que nous apportez-vous ? Êtes-vous enfin las d’excommunier et de proscrire ? »

« Nous venons, » dit Foulques, « vous apporter la paix ; nous venons faire tomber de vos mains des armes parricides, et vous préserver une dernière fois des malheurs destinés à ceux qui déchirent le sein de leur mère. J’adjure ici les mânes de plusieurs de vos aïeux qui sont ensevelis dans ce monastère. Puissent-ils secouer la poussière de leurs tombeaux pour vous arracher à votre perte ! Raymond est aux abois ; les barons et les évêques de France le tiennent assiégé, et ce ne sera plus désormais le fils de Montfort qui lui disputera sa dernière ville, c’est le roi des Français qui va être investi par le St.-Siège du soin de consommer la vengeance de l’Église(10).

« Pourquoi vous obstiner à défendre une cause désespérée ? On sait que votre croyance est celle de l’Église, et que des considérations d’état vous ont seules conduit parmi ses ennemis Eh bien ! Écoutez aujourd’hui la raison d’état, et que ce soit, s’il le faut, la prudence humaine qui vous rende à l’Église. Renoncez à l’anathême ; et l’anathême s’éloignera de vous. Revenez à votre mère, et elle ouvrira les bras pour vous recevoir.

« Race de vipères, » dit le comte, « le miel est sur vos lèvres, mais le poison est dans votre pensée. J’ai eu la faiblesse autrefois de me fier à vos discours, j’ai poussé la déférence jusqu’à me rendre à Rome et solliciter d’un prêtre étranger le maintien des droits que je tiens de Dieu et de mes ancêtres, C’était toi-même, évêque artificieux et perfide, qui étais mon accusateur, Crois-tu que j’aie oublié tes paroles, suscitées par l’enfer, lorsque tu voulais démontrer au pape que mes sujets étaient hérétiques, par cela seul qu’on les avait brûlés vivans à Monségur ? Argument horrible et digne seulement d’un tel avocat et d’un tel juge ! Aujourd’hui ne te flatte plus de me séduire ; j’aime mieux la haine des prélats que leur miséricorde, et je veux mourir les armes à la main, Si Raymond avait suivi plutôt mes conseils, il y a long-temps que vous seriez dispersés, et que vos sifflemens ne se feraient plus entendre. »

La rage se peignait sur les traits des trois députés. Foulques retint ses adjoints, et mordant ses lèvres avec un sourire amer : « Eh bien ! » dit-il au comte, « il ne me reste plus qu’un conseil à vous donner, c’est de marier promptement vos trois filles.

« Tout le monde sait, » dit le comte, « que je n’ai point de filles et que je n’en ai jamais eu. »

« Tu en as trois bien dangereuses, » reprit l’évêque, « ce sont, la superbe, l’avarice et l’impudicité. »

« S’il en est ainsi, » dit le comte sans s’émouvoir, « je donne ma superbe aux Templiers, mon avarice aux moines de Citeaux, et mon impudicité aux prélats de l’Église(11). »

Cette réponse dérida le front des barons et des chevaliers qui étaient avec le comte, et que l’audace de Foulques avait irrités jusqu’à la fureur.

« Vous voyez, seigneur évêque, » reprit le comte en souriant, « que je n’ai pas plus oublié que vous nos anciennes habitudes du gai savoir. Parlons avec franchise : votre projet est de connaître nos desseins et nos moyens ; vous serez satisfaits. Je vous donne rendez-vous à Foix : on va vous y conduire, non comme prisonnier ou otage, mais avec tous les égards dont vous avez rarement donné l’exemple envers les nôtres. Quant à moi, il faut que je parte à l’instant même pour Toulouse, et les règles de la prudence ne permettent pas que je vous y laisse arriver avant moi. »

Roger donna aussitôt ses ordres pour le départ des députés et la marche de l’armée.

Cependant les croisés réunissaient leurs bandes et construisaient des retranchemens autour de Montaudran, sous la direction de l’archidiacre Guillaume. Les prélats s’établirent au village. Près d’eux siégeait le terrible tribunal érigé par le St.-Siège et organisé par Foulques et Dominique. Faugères de Miramont, et Pons de St.-Gilles, de l’ordre des frères prêcheur, exerçaient alors ce ministère de sang. On venait d’apprendre la prise du château de la Bessède, et l’on attendait l’arrivée de plusieurs victimes dévouées aux flammes.

Un évènement imprévu vint préparer ces malheureux villageois aux scènes d’horreur qui se méditaient. Au moment où les inquisiteurs commençaient leur repas, un bourgeois entre effaré, se jette à leurs pieds, dit qu’il a vu sortir de sa maison un cathare déguisé. « Quel motif a pu l’y amener ? » dit l’un des prêtres.

« Hélas ! , » répond le bourgeois, « ma mère est mourante, et je crains que le ministre albigeois n’ait cherché à l’exhorter dans ses derniers momens. »

« Allez, » dit Faugères, « tout sera éclairci. Les inquisiteurs quittent aussitôt la table, prennent des habits laïques et s’introduisent sans bruit chez la femme malade. Ils lui adressent leurs exhortations en termes vagues, et parviennent, sans beaucoup de peine, à lui faire avouer qu’elle est de la communion albigeoise. Ils se déclarent alors, et la menacent, si elle n’abjure son hérésie, de la livrer aux flammes temporelles avant celles de l’enfer. La femme résiste, et remercie le Seigneur de la soumettre à une épreuve qui lui fera échanger le supplice d’un moment contre une éternité bien heureuse. Les inquisiteurs sortent ; sa sentence est prononcée ; les agens de mort allument le bûcher hors du village, et y portent dans son lit cette malheureuse mère à qui un reste de forces permet de témoigner non sa résignation, mais sa joie.

Le fils, désespéré d’avoir causé son supplice par imprévoyance, se jette dans le bûcher et y périt avec elle.

Cependant, les deux frères prêcheurs s’étaient remis à table pour achever leur repas, en rendant grâces à Dieu et au bienheureux Dominique, d’avoir secondé leur zèle(12).


NOTES
DU LIVRE SEIZIÈME.
Séparateur


(1) Ce concile se tint en 1225, trois ans après la mort de Raymond. Le fils de ce prince et Amalric de Montfort y plaidèrent eux-mêmes leur cause, et Raymond fut condamné comme il devait s’y attendre.

L’archevêché de Narbonne était alors vacant ; les archevêques de Lyon, de Sens et de Rouen, s’y disputèrent si vivement la primauté, qu’on ne put les mettre d’accord ; le concile prit alors la forme d’une assemblée particulière.

Histoire de Languedoc, t. 3, p. 348.

(2) Cette énumération appartient à l’armée qui vint au secours de Simon de Montfort en 1211.

Fleury, Hist. ecclés., l. 77, ann. 1211.

(3) Arnaud mourut à Fonfroide le 29 septembre 1225.

Histoire de Languedoc, t. 3, p. 349.

Pierre d’Ameil ou d’Amiel, Petrus Amelii, fut son successeur ; celui-ci était chanoine et grand archidiacre de Narbonne, et camérier de l’église de Béziers.

Ce fut à ce prélat que le chapitre de Narbonne adressa, en 1241, une fort singulière remontrance où il était accusé de négliger les droits et les devoirs épiscopaux, de passer sa vie à cheval au détriment de son propre corps et à la honte de ses diocésains, d’excommunier les gens pour mettre à prix leur absolution, d’absoudre pareillement les hérétiques moyennant salaire, de recevoir les présens des juifs au préjudice des chrétiens, de s’approprier les fruits des diocèses vacans, de ne tenir aucun compte des anciens statuts, et d’imposer des charges nouvelles, soit aux clercs, soit aux églises de son diocèse, pour rendre sa table plus somptueuse, enfin d’affecter un langage hautain, insultant et quelquefois scandaleux ; et alia quam plurima.

Cette pièce curieuse est citée en entier dans les preuves de l’Histde Langued. t. 3, p. 306.

(4) Ce serment fut prononcé entre les mains du légat, par les trente-trois comtes qui accompagnèrent au siège de Toulouse Louis de France, fils de Philippe-Auguste.

Lesquals on jurat que entot le dit Tolosa no demorara home, ne fema, ne enfan, ne filla, que tot nou sia mettut a mort sans spragnar alcun, tan sia vieil ni jove. Ne en tota la dita villa no demorara peyra sobre peyra que tot nou sia demolit et deroquat.

Preuves de l’Hist. de Langued. t. 3, p. 258.

(5) Cette machine appelée en langue romane mostella, mustela, est décrite par l’historien cité ci-dessus dans son récit du siège de Beaucaire.

V. id. p. 73.

Il est aussi beaucoup question dans l’histoire de cette guerre d’une autre machine appelée chatte, cata, et en roman gata, qui était beaucoup plus volumineuse et servait principalement à lancer des pierres. Ces inventions ne différaient guères que par leur nom de celles mises en usage par les anciens ; peut-être en étaient-elles des imitations grossières, bien que l’art de s’entretuer soit celui qui s’est le mieux, conservé pendant les siècles de barbarie.

(6) Ce passage de l’historien roman du comte Raymond est remarquable : « Una granda ola de terra plena de podra et lo foc a mettut dins la dita ola. » Un grand vase rempli de poudre et on a mis le feu dans ledit vase. Ce passage se rapporte évidemment au feu appelé grégeois, et fait voir que la matière de ce feu était pulvérulente. Cette poudre différait de la nôtre eu ce qu’elle n’était pas explosive.

Voy. Preuves de l’Hist. de Lang. t. 3, p. 78.

(7) Voyez le discours tenu par Valats, dans l’historien cité ci-dessus, pag. 91. Celui que notre auteur a conservé fut adressé à l’évêque de Nîmes par un nommé Folcand de Bressi ; sa naïveté est remarquable : Digas, segnor evesque, ont aves trobat, ni trobas que home sans confession quand mort sia salvat.

Id. pag. 71.

L’indulgence plénière et la rémission de tous les péchés, a été aussi accordée par le pape Clément XI à tous ceux qui mourraient en combattant pour l’extermination des protestans des Cévennes. Un pape prêchant et sanctifiant l’extermination, au commencement du dix-huitième siècle, doit nous paraître plus incurable qu’infaillible.

(8) Ceci est extrait de la chronique de Guill. de Puylaurent, ch. 38. Le chroniqueur ne nomme point de charitable évêque, qui tanquam imitator Dei, non mortem sed conversionem affectabat.

(9) C’est pendant le siège de la Bessède, que Foulques fit cette réponse aux clameurs des hérétiques : Auditis, inquiunt, quod vos appellant diabolorum episcopum ; utique respondit ille, et verum dicunt, ipsi enim sunt diaboli et ego sum episcopus ipsorum.

Guill. de Pod. Laur., ch. 37.

(10) Amauri de Montfort fit, en 1224, une cession conditionnelle de tous ses droits sur le comte de Toulouse, au roi Louis VIII. La proposition en avait été faite auparavant et la cession ne fut pas consommée immédiatement.

Hist. de Langued., t. 3, p. 339.

(11) Cette anecdote est de la dernière année du douzième siècle ; le colloque eut lieu entre Foulques de Neuilly, et Richard roi d’Angleterre.

Voy. Fleury, Hist. ecclés., l. 75, §. 12.

(12) Ce récit fait par un dominicain (le père Percin), est extrait des archives du couvent de ces moines à Toulouse, il se termine ainsi : Fratres vero venerunt ad refectorium et quœ erant parata comederunt, gratias agentes Deo et beato Dominico.

Voy. Percin, Monum. et mém. de l’Acad.
de Toulouse, t. 4, pag. 50.

St.-Dominique était mort en 1221 ; l’inquisition ne fut définitivement constituée qu’au concile de Toulouse en 1229 ; mais elle était déjà pratiquée même avant la croisade albigeoise ; on en voit les premiers statuts dans les actes du concile de Vérone, en 1184. Dominique perfectionna cette ébauche et ses moines furent, dès leur origine, dévoués aux fonctions du St-Office : c’est une dérision que de prétendre l’en disculper comme c’est aujourd’hui la mode. Lui et les siens en faisaient gloire.


FIN.