Le dernier des Trencavels, Tome 3/Livre dix-septième

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Traduction par Henri Reboul.
Tenon (Tome 3p. 1-20).

LE DERNIER
DES TRENCAVELS
LIVRE DIX-SEPTIÈME.

Le Bûcher.


On avait amené du château de la Bessède un grand nombre d’hérétiques, et le fameux Géraud de Mota, l’un des vicaires du pontife albigeois(1). Les prélats avaient résolu de donner un grand éclat à la cérémonie de leur jugement et de leur exécution. Un tribunal fut dressé au milieu du camp ; les prélats et les barons y occupaient les sièges supérieurs.

Placés au-dessous, deux inquisiteurs interrogèrent les captifs chargés, de chaînes.

On introduisit d’abord un jeune homme, qu’on disait avoir été sauvé miraculeusement des flammes du bûcher.

« Qu’avez-vous à nous déclarer, » lui dit Faugères ?

Le jeune homme répondit, les yeux mouillés de larmes, « Je m’appelle Simplice, et j’ai été le disciple d’Arnaud Hot, On m’a pris avec mon maître auprès de Mirepoix. J’ai témoigné mon repentir et le désir d’abjurer l’hérésie. Le maréchal du comte de Montfort m’a condamné à périr dans les flammes avec mon maître, afin, a-t-il dit, que, si j’étais de bonne foi, le feu servît à l’expiation de mes péchés, et à punir mon imposture si je mentais. Alors j’ai déclaré que je voulais mourir dans la foi de la sainte-Église romaine et j’ai prié Dieu que ce supplice me servi de purgatoire. J’ai donc, été attaché au même poteau que mon maître, qui s’est déclaré jusqu’au dernier moment hérétique parfait. Le même foyer qui l’a consumé n’a fait que brûler mes liens, et roussir l’extrémité de mes doigts(2).

« Ce prodige a fléchi la sévérité de mon juge, et j’ai été envoyé ici pour en rendre témoignage. »

Un murmure flatteur et des actions de grâces se firent entendre dans l’assemblée.

« Simplice, » lui dit Miramont, « remerciez le ciel de cette faveur signalée ; mais votre péché n’est point expié, et Dieu veut que vous fassiez pénitence dans une prison perpétuelle, pour être garanti de toute rechûte. » On interrogea ensuite les disciples de Géraud.

« L’exemple de Simplice, » leur dit Faugères, « doit vous dessiller les yeux : quelqu’un d’entre vous renonce-t-il à l’hérésie ? » Tous gardèrent un profond silence. Le jeune Herbert répondit en leur nom :

« Nous n’avons rien de commun avec Simplice ; sa fourberie est manifeste, Sans doute il s’est trouvé parmi nous des hommes assez faibles pour déserter la cause de Dieu à l’aspect des supplices, mais ce n’est pas en faveur des renégats que Dieu prodigue ses miracles. Aucun de nous ne songe à mendier la prolongation d’une vie dévouée au Seigneur, et qui ne finira que lorsque lui-même en aura marqué le terme. Plus il lui plaira d’abréger la durée de l’épreuve, et plus nous glorifierons son saint nom ! »

« Quel est donc le motif., « dit Pons de St.-Gilles, « qui vous fait préférer les doctrines des Albigeois à celles de l’Église ? »

Herbert répondit : « Nous avons ajouté foi aux discours de nos pasteurs, plutôt qu’à ceux des chapelains, parce qu’en ce temps nul ecclésiastique, nul cardinal, nul évêque, ni prêtre, ne mène la vie des apôtres, et nous avons jugé qu’il valait mieux croire les hommes bons, que ceux qui ne le sont pas. »

« Vous êtes accusé, » dit Faugères à Géraud, « d’enseigner à vos disciples qu’il faut chausser ses pieds avec des sandales ; qu’il n’est pas permis de jurer pour quelque cause que ce soit ; qu’il n’est jamais permis de faire mourir les hommes ; enfin, qu’il suffit de porter des sandales pour pouvoir consacrer le corps de J.-C.(3) »

« Nous portons des sandales, » dit-Géraud, « parce que c’était la chaussure des apôtres ; mais nous cherchons à les imiter par notre conduite intérieure, plus que par nos vêtemens.

« Nous défendons de jurer, parce que cette défense est énoncée clairement et sans réserve dans le livre de Dieu.

« Nous défendons de faire mourir, parce que la vie des hommes appartient à Dieu, et que lui seul a le droit d’en marquer la durée selon sa volonté.

« C’est là ce qui nous fait dire que tous les princes et tous les juges de la terre sont damnés, parce qu’ils condamnent les malfaiteurs à mourir, contre cette parole de l’Écriture : « La vengeance m’appartient, » dit le Seigneur(4), et cette autre, Laissez-les croître jusqu’à la moisson.

« Nous disons que chacun peut consacrer le corps de J.-C., non lorsqu’il porte des sandales, mais lorsque, revêtu de l’habillement des apôtres, il est, comme eux, pur et exempt du péché. »

« Vous êtes accusé, » reprit Faugères, « de rejeter le saint sacrifice de la messe comme étant une institution humaine ? » « Oui, » dit Géraud, « nous soutenons, et toute l’histoire en fait foi, que la messe n’a été établie ni par Dieu, ni par les apôtres, et que ce sont les clercs et les cardinaux qui l’ont inventée pour attirer à eux les oblations des fidèles(5). »

« Vous-ne pouvez ignorer, » dit Pons de St.-Gilles, « que, depuis la mission divine du fils de Dieu, l’Église a toujours prescrit d’obéir aux prélats, non-seulement aux bons, mais encore aux mauvais ; que c’est à l’ordre sacré qu’appartient le pouvoir de consacrer, et non au mérite de la personne(6).

« Comment l’évêque et le prêtre qui sont ennemis de Dieu, » répliqua Géraud, « pourront-ils rendre Dieu propice envers les autres ? Celui qui est banni du royaume des cieux, comment en aurait-il les clefs(7) ?

« Dieu descendra-t-il sur l’autel à la voix d’un impudique, et laissera-t-il manier sa chair et son sang par un réprouvé ? »

« Êtes-vous ariens ou manichéens ? » dit Miramont, « et quelle est spécialement votre confession de foi ? »

« Nous confessons Jésus le Sauveur des hommes, » dit Géraud ; « nous confessons sa doctrine telle que l’ont enseignée les apôtres, et telle que l’ont conservée les imitateurs des apôtres, non ces hommes superbes qui en ont fait un instrument de domination, et qui vêtus de robes de pourpre, habitant les palais, et vivant dans les délices, persécutent les pauvres demeurés fidèles. »

« Les évêques et les papes, » reprit Miramont, « prouvent leur descendance immédiate et non interrompue des apôtres de J.-C. Vous autres, de qui descendez-vous ? »

« Nous descendons, » dit Géraud, « de ces compagnons du pape Silvestre, qui lorsque Constantin donna du bien à l’Église, n’y voulurent point consentir et qui se retirèrent de sa communion en persévérant dans les voies de la pauvreté. Ce fut alors que l’Église ayant défailli dans Silvestre et ses adhérens, la doctrine de vérité se réfugia chez les dissidens(8).

« Les dissidens se sont répandus dans toute la chrétienté. Ils ont vécu pauvres et endurant la faim, la soif, les persécutions ; mais leur père qui est au ciel ne les a point abandonnés. Ils n’ont pas créé des conciles, érigé des sièges somptueux, établi des tribunaux, mais seulement seize églises ou réunions principales, où les fidèles sont divisés comme au temps des apôtres en deux classes, celle des croyans qui est très-nombreuse, et celle des parfaits qui est plus restreinte(9).

« Quant à nous, l’église d’Agénois est notre mère et nous tenons de nos pères les doctrines et les pratiques qu’eux-mêmes avaient reçues de leurs ancêtres(10). »

« Avant vous, » reprit Miramont, « les manichéens seuls ont prohibé le mariage ou plutôt la génération des enfans, et l’usage de manger les chairs des animaux, doctrines dont St.-Paul avait prévu l’introduction par les manœuvres du démon(11). »

« L’Église romaine, « dit Géraud, « n’a-t-elle pas prescrit le célibat à tous ses clercs ? N’a-t-elle pas ordonné des jeûnes ? N’a-t-elle pas eu ses solitaires qui ont renoncé à l’usage des viandes, à l’exemple du prophète Daniel(12) ? Pourquoi nous faire un crime de ce qui est parmi vous estimé comme vertu ?

« C’est, » répondit Miramont, « que nous permettons le célibat sans en faire un commandement absolu, et que nous consentons qu’on se prive des viandes, pourvu qu’on ne les considère pas comme impures, puisqu’elles sont l’ouvrage de Dieu, non du mauvais principe comme vous affectez de le croire. Nous savons que quelques-uns d’entre vous modifient ces doctrines et permettent aussi le mariage, mais qu’en admettant la première fin du mariage, qui est celle d’avoir des enfans, ils rejettent absolument la seconde qui est celle de servir de remède à la concupiscence(13). »

« Les égards pour la concupiscence nous touchent peu, » répondit Géraud, « nous cherchons à être purs non à le paraître ; le même degré de perfection n’est pas permis à tous ; mais nous honorons de notre estime ceux de nos frères que nous ne pouvons suivre. »

« Cette pureté dont vous vous glorifiez, » dit Miramont, « est bien démentie par les pratiques infâmes que vous autorisez afin de prévenir la génération des enfans, et par ce genre d’eucharistie que vous tenez des manichéens(14). »

« Quelle eucharistie ? » dit Géraud. « Il y a, » répondit Miramont, « des choses tellement exécrables, qu’on n’ose même y penser loin qu’on puisse les exprimer(15) ; et c’est l’une de ces choses que St.-Augustin reprochait aux manichéens : certes, ils ne pouvaient la nier, puisque ce saint homme était demeuré neuf ans complice de leurs erreurs(16).

« Que peut-on penser, » dit Géraud, « d’un homme à qui il a fallu neuf ans de participation à de telles turpitudes, pour en découvrir l’horreur ? »

Miramont demeura un moment interdit. « C’est en vain, » dit alors Faugères, ce que vous récuseriez le cri du peuple qui a attaché ce caractère d’infamie au nom que vous avez emprunté d’un pays, où vos doctrines ont pris naissance et où réside votre pape, c’est-à-dire de la Bulgarie(17). »

« Vos injures, « répondit Géraud, « ne nous touchent pas plus que la crainte de vos bûchers. »

« En prenant le nom de cathares, » reprit Miramont, « c’est-à-dire, de purifiés et purificateurs, avez-vous en effet la prétention de séparer, dans les herbes et les légumes qui vous servent d’aliment, la substance divine qui s’y trouve d’avec la substance contraire, et d’éliminer cette dernière en la mangeant ? »

« Nos esprits, » dit Géraud, « ne sont pas assez subtils pour former de pareilles conceptions, et nous laissons ce soin aux orateurs de vos conciles. Nous cherchons à purifier nos âmes, non nos alimens ; nous écartons de nous les impuretés mondaines que l’Évangile réprouve et qui vous sont si chères, le luxe, la richesse, les plaisirs de la table et ceux de l’incontinence. » « Et ce sont ces visions de pureté imaginaire, » s’écria Miramont, « qui vous ont fait oublier la sainteté du caractère sacerdotal établi par J.-C., jusqu’au point de reconnaître pour vos ministres des simples laïques. »

« Celui, » dit Géraud, ce qui profane un saint caractère, ne saurait le conserver. Nous pensons que la pureté est la première de toutes les conditions requises pour approcher de celui qui est le type de toute pureté, et qui a permis aux seuls hommes purs de faire son corps sur la terre.(18) C’est pourquoi nous tenons pour maxime que tout bon laïque est prêtre, et que la prière d’un mauvais prêtre ne sert de rien(19).

« Nous qualifions de mauvais prêtre quiconque possède des biens en propre, parce que ceux-là ne peuvent être les successeurs légitimes des apôtres, qui violent la défense faite par J.-C. aux apôtres de posséder des biens en ce monde(20). »

« Nous savons, » dit Faugères, « qu’il existe de grandes divisions parmi vous, que vos doctrines sont loin d’être uniformes, et qu’en vous séparant de l’Église vous êtes tombés dans la confusion, comme autrefois les constructeurs de la tour de Babel(21). »

« Nous sommes réunis, » dit-Géraud, « par la sincérité de nos cœurs et par la communauté des souffrances ; nos consciences d’ailleurs sont libres, et nous pensons qu’une conscience pure est le meilleur de tous les interprètes des livres saints. »

« Plusieurs d’entre vous, » dit Faugères, « ont porté l’endurcissement jusqu’à nier que le corps et le sang de J.-C. puissent être faits par la vertu de la divine parole et le ministère du prêtre. Mais la sentence de mort, prononcée contre quiconque ne croirait pas à la présence réelle(22), les a fait changer de langage. Quelle est votre doctrine maintenant, et votre hérésie se renferme-t-elle dans les bornes de celle de Bérenger, qui, en niant la vérité du corps, ne contestait pas le sacrement, ou l’apparence et la figure ? Ou bien niez-vous à la fois la vérité de la chair et du sang et leur sacrement, figure ou apparence, laissant ainsi le peuple de Dieu sans sacrifice(23). »

« Nous sommes tous d’accord, » répondit Géraud, « qu’il ne peut y avoir ni de sacrifice, ni même de prière agréable à Dieu, si le prêtre qui sacrifie ou qui prie est un homme impur et vivant dans les habitudes, du péché mortel. Nous ne faisons pas consister l’orthodoxie dans des propositions subtiles qui servent seulement à voiler la fraude et la cupidité.

La haine de ces vices, l’amour de Dieu et de nos frères, voilà quel est notre symbole. »

« Et pourtant, » dit alors Miramont, « il est manifeste que plusieurs de vos ministres ont cherché à obtenir du St.-Siège une autorisation qui leur a été refusée. Aux yeux de ceux-là, le seul tort de l’Église a été ce refus d’approuver leur secte. »

Rostang d’Oppède, l’un des compagnons de Géraud, répondit à l’inquisiteur ; « J’ai été moi-même l’un de ceux qui se rendirent à Rome, il y a environ douze ans, pour obtenir la révocation des censures prononcées contre les disciples de notre prophète Valdo par le pape Lucius III, Notre vie était éprouvée, nos doctrines étaient simples ; et nos habitudes ne différaient de celles des clercs ordinaires que par la pratique de la pauvreté apostolique qu’on traitait d’affectation(24).

« Je prends Dieu à témoin que le pape nous reçut avec un dédain superbe, qu’à peine il daigna s’enquérir de nos doctrines, et ne trouva d’autre reproche à nous faire que cette habitude de porter des souliers coupés par dessus, et des capes semblables à celles des religieux, tout en conservant la longue chevelure des laïques(25). Mais nous ne tardâmes pas à être instruits que notre véritable tort était de ne pas ménager dans nos prédications les vices du clergé, et le trafic des choses saintes. Nous nous retirâmes le cœur serré, comme si nous avions mis le pied sur le seuil du palais de l’Antéchrist.

« Toutes ces affectations de vertu, de patience, de courage en présence des supplices, » dit alors Faugères, « ne vous sauveront pas de la peine due aux ennemis de l’Église en ce monde, et de la damnation éternelle dans l’autre. Nous savons que St.-Bernard a fait un grand étalage de ces vertus prétendues dont vous vous glorifiez ; mais il n’en a pas été plus touché que vos prédécesseurs ne l’ont été de ses miracles(26).

« Nous croirons de ces vertus plus encore qu’à ce qu’on en a dit, car le démon ne se soucie pas par où il tienne les hommes(27), et tout cet appareil ne sert qu’à couvrir l’orgueil, la haine et l’aigreur contre l’Église. Pensez-vous que nous soyons les dupes de votre indifférence pour les supplices ? Ce n’est là qu’une suggestion de Satan comme celle qui porta Judas à se tuer lui-même. Il n’y a, de vrais martyrs que ceux qui souffrent dans l’unité(28).

Géraud l’interrompit : « Votre unité, » dit-il, « est celle des hommes de proie et de sang ; nous n’avons pas comme les barons des domaines qui puissent assouvir votre rapacité ; prenez donc nos vies, car c’est ce qui nous reste, et rendez-nous à notre père : la crainte des démons ne nous touche point ; nous les aurons laissés en ce monde.

« Prélats, » ajouta-t-il, « nous le confessons ; il n’y a rien de commun entre vous et nous. Vous autres, vous joignez champ à champ et maison à maison(29). Les plus parfaits d’entre vous, comme les moines et les chanoines réguliers, s’ils ne possèdent pas des biens en propre, les ont du moins en commun. Nous qui sommes les pauvres de J.-C., sans repos, sans domicile certain, nous errons de ville en ville comme les brebis au milieu des loups dévorans, et nous souffrons persécution comme les apôtres et les martyrs.

« Pour moi, j’ai quitté père, mère, femme et enfans, l’or, argent, le manger, le boire, les délices, les voluptés, content d’avoir ce qu’il faut pour la vie d’un jour à l’autre. Je suis pauvre, je suis pacifique, je pleure, je souffre la faim et la soif, mon unique récompense est d’être persécuté pour la justice et d’avoir mérité de recevoir la mort des mains des impies(30). »

Il s’adressa alors à ses disciples : « Dieu soit loué, » dit-il, « de la grâce immense qui nous est accordée ; aucun de vous ne reniera le Seigneur. Je serai plus heureux que J.-C. lui-même, qui sur le nombre des douze apôtres eut le regret de compter un traitre et un trembleur. Notre jour de gloire est arrivé ; allons échanger cette vie de misères contre les délices éternelles dévolues aux serviteurs de J.-C. Je vous bénis en son nom et vos péchés vous sont remis. »

Il les bénit du mouvement de ses yeux et de sa tête ; des chaînes pesantes l’empêchaient de soulever ses mains.

Géraud et ses disciples furent tous condamnés au supplice du feu, comme hérétiques parfaits. Ils se mirent aussitôt à chanter des psaumes et des cantiques en action de grâces. Le bûcher était prêt, ils y montèrent avec des transports de joie, la mort seule mit un terme à leurs chants.

Des cris d’alarmes se firent alors entendre ; les coureurs entraient au camp en toute hâte, annonçant l’arrivée de l’ennemi. On commençait à apercevoir des tourbillons de poussière et des troupes de lanciers sur les hauteurs de Vieille-Toulouse et de Ste.-Agnès.

L’assemblée se disperse, chacun court à son poste. Amalric donne des ordres pour la défense du camp. Les évêques se rendent dans leurs quartiers. Ils haranguent leurs chevaliers, leurs hommes d’armes, et, se reposant sur eux du soin de combattre, ils se retirent dans l’église pour y réunir leurs prières, non sans avoir préparé les moyens d’effectuer leur retraite, si la nécessité l’exigeait.


NOTES
DU LIVRE DIX-SEPTIÈME.
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(1) Le château de la Bessède fut pris en 1227 par les croisés ; l’archevêque de Narbonne, l’évêque de Toulouse étaient présens. Pons de Villeneuve et Olivier de Termes étaient dans la place. Quelques habitans s’échappèrent avec une partie de la garnison, pendant la nuit ; tout le reste fut passé au fil de l’épée ou pendu. Le diacre des hérétiques, Géraud de Mola, et ses compagnons, furent brûlés vifs.

Guill. de Puylaur., Chron., c. 37.

(2) Ce fut Simon de Montfort qui prononça lui-même ce jugement à Castres, en 1209.

Voy. Fleury, Hist. ecclés., l. 76, §. 46,
et Hist. de Langued. de dom Vaissette ;
t. 3., pag. 177.

(3) On appela long-temps les albigeois et surtout les vaudois insabbalés ; les erreurs qui leur étaient imputées, telles que les indique cet interrogatoire, sont celles qui se trouvent énoncées dans la réfutation d’Alanus et l’histoire de Pierre de Vaucernai, homme assez simple, disait Bossuet, et assurément très-sincère, mais on peut ajouter ayant la simplicité et la sincérité du tigre.

Voy. Histoire des variations, l. 11, §. 81 et 82.

(4) Bossuet, Hist. des var., l. 11., §. 103.

(5) Quod deus non statuit missam, sed cardinales et clerici, amore magnarum oblationum.

Preuves de l’Hist. de Langued. t. 3, p. 455.

(6) Bossuet, Hist. des variat., l. 11, §. 81.

Les catholiques, dit Bossuet, prouvent que l’obéissance est due même aux pasteurs qui sont mauvais, et que, quel que soit le canal, la grâce ne laisse pas de se répandre sur les fidèles. Dans cette doctrine, quoique orthodoxe, on reconnaît bien moins le doigt de Dieu que celui du prêtre.

(7) Claude Scyssel, archevêque de Turin, met ce discours dans la bouclie d’un vaudois.

Bossuet, variat., l. 11, §. 100.

(8) Bossuet a extrait ces paroles de divers auteurs qui ont écrit sur les vaudois. Scyssel dit que le chef de ces dissidens, au temps de Constantin, s’appelait Léon. On voit que les clameurs des hérétiques avaient précédé celles du Dante qui, dans le 19e chant de l’enfer, dit au sujet des simoniaques :

Ahi Costantin, di quanto mal fu madre,
Non la tua conversion, ma quella dote
Che da te prese il primo ricco padre !

Inferno, c. 19, v. 115, e segg.

(9) Rainier qui avait été cathare 17 ans, et qui écrivait en 1250, comptait même alors dans les seize églises de la secte 4000 cathares ou ministres, et un nombre infini de croyans.

Bossuet, variat., l. 11, §. 93 et 141.

(10) Radulf Ardens, auteur du onzième siècle, représente les hérétiques d’Agénois, comme se vantant de mener la vie des apôtres, ne voulant ni jurer, ni mentir, condamnant l’usage des viandes et du mariage, rejetant l’ancien testament et une partie du nouveau, disant que le sacrement de l’autel est du pain tout pur, méprisant le baptême et la résurrection des corps.

Bossuet, variat., l. 11, §. 42.

Trente de ces hérétiques de Gascogne pénétrèrent en Angleterre en 1160, et y prirent le nom de publicains ou poplicains ; ils furent examinés au concile d’Oxford.

Bossuet, variat., l. 11, §. 43.


Perrin parle aussi d’un manuscrit vaudois de 1120, intitulé : l’antéchrist ; l’anachronisme est manifeste, quant à la qualité de vaudois ; mais la doctrine des pauvres de Lyon leur était bien antérieure.

Variat., l. 11, §. 126.

(11) 2. Timothée, c. 4 ; v. 23.

(12) Daniel, 1, 2, 12.

(13) Boss., variat., l. 11 §. 11.

(14) Boss., variat., l. 11 §. 15.

(15) Id. ibid., §. 15.

(16) Le mot, dit Bossuet, en est très-infâme, mais l’origine en est certaine.

Variat., l. 11, §. 24.

Les patariens, dit aussi Bossuet, étaient les plus infâmes de ces nouveaux manichéens, lesquels, dit St.-Augustin, ne se permettent pas le mariage, se permettaient toute autre chose, et dans leurs procédés n’avaient proprement en horreur que la conception.

Variat., l. 11, §. 61.

Quant à leur origine orientale, on voit dans l’histoire d’Anne Comnène, ces gazares, cathares, bulgares ou bogomiles, qui ne faisaient aucune estime du corps et du sang consacrés, accusés aussi par cette princesse de réduire en fantôme l’incarnation de J.-C., et d’enseigner des impuretés que la pudeur de son sexe ne lui permettait pas de répéter.

Id. ibid., §. 133.

St.-Bernard parle ainsi des impuretés attribuées aux albigeois : on dit qu’ils font en secret des choses honteuses. On dit, ajoute Bossuet, c’est qu’il ne les savait pas encore avec certitude, et c’est pourquoi il n’ose en parler positivement ; ceux qui les ont sues en ont parlé : mais cette distinction de St.-Bernard nous fait voir combien est certain ce qu’il leur objecte.

Id. ibid., §. 67.

Quelle logique ? bon Dieu ! et quelle charité ? Raison, probité, génie, il suffit d’une prévention fanatique pour étouffer tout cela.

(17) St.-Augustin et Bossuet, variat., l. 11, §. 22.

(18) Les vaudois n’accordaient d’abord aux laïques purs que la prédication, puis ils leur conférèrent le droit d’ordonner et de consacrer. On a vu, dit un de leurs historiens (Pylicdorf), un de ces hérétiques, pur laïque, faire selon sa pensée le corps de N. S., pour se communier lui-même et communier ses complices.

Bossuet, variat., l. 11, §. 68.

(19) Cette maxime était celle des vaudois, selon leur historien Rainier, qui soutenait aussi que la transubstantiation devait se faire en employant le langage vulgaire, et qu’elle ne se faisait pas dans la main de celui qui consacrait indignement, mais dans la bouche de celui qui la recevait dignement.

Selon Scyssel, ils faisaient dépendre l’autorité du ministère ecclésiastique, du mérite des personnes, d’où ils concluaient qu’il ne faut pas obéir au pape, ni aux prélats, parce que ceux-ci étant mauvais, et n’imitant pas la vie des apôtres, ils n’ont de Dieu aucune autorité ni pour consacrer ni pour absoudre ; que pour eux ils avaient seuls ce pouvoir, parce qu’ils observaient la loi de J.-C. ; que l’Église n’était que parmi eux, et que le siège romain était cette prostituée de l’apocalypse, et la source de toutes les erreurs.

Boss., id. ibid., §. 98.

(20) Pierre de Vaucernay et Boss., variat., l. 11 ; §. 88.

(21) St.-Bernard a signalé cette division dans ses sermons.

Bossuet, variat., l. 11, §. 69.

(22) Ce fut en 1160, que la peine de mort fut prononcée contre ceux qui nieraient la présence réelle.

Perrin, Hist. des Vaudois, et Boss., l. 11, §. 90.

(23) Paroles de Pierre le vénérable, adressées aux henriciens et aux disciples de Pierre de Bruis.

Id. ibid., §. 65.

(24) Suivant le rapport de Conrad aimé d’Ausperg.

Bossuet, variat., l. 11, §. 83.

Pierre Valdo, marchand de Lyon, avait commencé comme St.-Bruno. La mort subite d’un de ses confrères le frappa tellement, qu’il distribua ses biens aux pauvres, et se fit un grand nombre de disciples, auxquels il enseignait la pauvreté volontaire a l’imitation de J.-C. et des apôtres.

On va voir, dit Bossuet, ce que peut la piété mal conduite. Les disciples de Valdo formèrent une secte, où on ne voyait d’abord aucun dogme particulier, mais seulement, dit Ébrard de Béthune, l’affectation d’une superbe et oisive pauvreté. Puis (dit Pylicdorf), ils s’avisèrent que les apôtres n’étaient pas seulement pauvres, mais prédicateurs, et leurs prédications, qui n’étaient point autorisées, les entraînèrent dans les erreurs qui les firent condamner.

Boss., id. ibid., §. 73.

(25) Conrad d’Arsperg, et Boss., id. ibid., §. 83.

(26) Leurs mœurs, dit St.-Bernard, sont irréprochables ; ils ne font de tort à personne ; leurs visages sont mortifiés et abattus par le jeûne ; ils ne mangent point leur pain comme des paresseux, et travaillent pour gagner leur vie.

Bern., Sermon 65 ; et Boss., variat., §. 143.

Les miracles que fit St.-Bernard pour convertir les albigeois étaient, dit Bossuet, plus éclatans que le soleil ; Id. ibid., §. 35, et cependant ils demeurèrent sans résultat.

(27) Cet argument est de Bossuet.

Variat., §. 143.

(28) Ainsi raisonnait St.-Bernard, qui, dit Bossuet, était trop instruit dans les profondeurs de Satan, pour ignorer que cet esprit malin, savait faire imiter jusqu’au martyre. Ne nous étonnons donc plus, ajoute l’évêque de Meaux, de voir de martyrs de toutes les religions, et même dans les plus monstrueuses.

Id. ibid., §. 248.

(29) L’annaliste Enervin met ces paroles dans la bouche des hérétiques albigeois.

Bossuet, variat., l. 11, §. 58.

(30) Les confessions des albigeois rappelaient à Bossuet les paroles de Fauste le manichéen, qui se trouvent ici dans la bouche de l’enthousiaste Géraud de Mota.

August., conten. Faustum, l. 5, c. 1 et
Bossuet, variat., §. 59.


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