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Le diable est aux vaches/La fin approche

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XXVIII

La fin approche


Le Sauvage, voyant revenir Baptiste avant l’heure convenue, devina le motif qui l’amenait.

Aussi pour couper au plus court, il se porta au-devant de lui et se hâta de déclarer : « Bonne ! Ça va comme sur des roulettes, et je répondrais déjà de tout si je ne craignais que le sort fût aussi logé dans ta grange et dans ton fourrage. Pour le faire sortir, il faudrait hacher en morceaux le foin et la paille des vaches. »

— J’ai une vieille affaire pour hacher la paille…, que j’ai achetée à l’encan à la Pointe-Lévi, risqua Baptiste…

— Bonne !…

A ce moment, deux des petits gars de Baptiste apportaient de la grange l’un une brassée de paille, coupée à la faucille, l’autre une brassée de long et gros mil de terre neuve, coupé très mûr.

Ces deux rations étaient destinées à la seule vache qui donnât encore un peu de lait, pour le petit dernier qui relevait de la coqueluche.

Le Sauvage examina ces fourrages, les palpa, les flaira, fit une grimace, puis dit à M. Pinette :

— Tu n’auras pas grand lait avec ça, mon vieux. Le sort est encore pas mal là-dedans, surtout pour les vaches. Le mil peut faire pour les chevaux. Ils vont dehors, eux : ça fait évader le Méchant. Mais pour les vaches, surtout si tu n’as pas de trèfle, de blé-d’Inde, ou de légumes (lesquels sont moins sujets aux sorts), hache ton mil et ta paille, puis une fois hachés, ébouillante-les ; c’est plus sûr !… Ensuite laisse reposer ça plusieurs heures avant de le donner aux vaches ; avant de le faire manger, sens-le, ton fourrage. Si y sent fort, c’est que le Méchant en est sorti et a laissé son odeur. C’est le temps de le donner aux vaches. Ensuite, donne à chaque vache sept poignées de son : trois poignées de la main gauche et quatre poignées de la main droite.

Pour faire ça, ferme-toi les yeux durs, ou regarde en arrière pour ne pas voir ce que tu prendras dans le quart ou la poche ; mais prends tes poignées aussi grosses que tu pourras, puis jettes-les dans le fourrage ébouillanté. C’est pas battu pour achever de combattre le Méchant qui cherche à se fourrer jusque dans le corps des animaux. Si, à part ça, tu veux donner de la moulée sèche, surtout aux vaches que tu tires, n’importe quelle main peut faire…