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Le folklore flamand/Culte et Folklore

La bibliothèque libre.
Isidoor Teirlinck
Le folklore flamand
Charles Rozez (1p. 23-80).

I. — FOLKLORE MYTHOLOGIQUE


1

CULTE ET FOLKLORE


L’influence de la religion sur les mœurs, les usages, la langue du peuple a été et est encore très grande. C’est pourquoi nous croyons devoir commencer nos études sur le folklore flamand par celle du culte.

Sauf quelques centaines de calvinistes qui habitent le sud de la Flandre orientale (Hoorebeke-Sainte-Marie), les Flamands appartiennent à la religion catholique romaine. Les maisons des Gueux (Geuzen) sont groupées au hameau de Grijsbeke, surnommé le Coin des Gueux (Geuzenhoek)[1].

Examinons le rôle de l’Être suprême dans le folklore.


DIEU (GOD).


1. L’Être suprême a reçu beaucoup de surnoms.
En voici quelques-uns : Notre-Seigneur (Ons Heere), Notre-Petit-Seigneur (Ons Heerke), Notre Cher Petit Seigneur (Ons lieve(n) Heerke), le Tout-Puissant (Almachtige, celui qui peut tout), le Tout-Sachant (Alwetende, celui qui sait tout)[2], le Tout-Voyant (Alziende[3], celui qui voit tout), le Grand-Maître (Groote Meester, Groote Baas, Opperbaas), le Maître des Maîtres (Meester boven Meester), Celui d’en haut (de(n) dië(n) van hierboven). À Gand, on l’appelle parfois du sobriquet peu révérencieux : Cies-ons-Heere (François-Notre-Seigneur).

Le peuple flamand croit à l’existence de la Trinité (Drijvuldigheid), mais ne parle que très rarement de Dieu le Père (God den Vader) et de Dieu le Saint-Esprit (God den Heiligen Geest). Dieu le Fils (God de Zoon) joue au contraire un grand rôle dans sa vie, sous deux formes :

Comme Enfant Jésus [4] (Jeezeke, Deezeke, Tjeezeke, Seezeke, etc.) ;

Comme Homme-Dieu, le Christ, le Précepteur ambulant, errant, le Crucifié, le Sauveur du monde.


2. Les Légendes du Christ.

Nous les rangeons en deux groupes :

a) Légendes du Christ ambulant.

Les Allemands les appellent Wandersagen, et, en effet, ce sont plutôt des contes ou « sagen » (sagas) que des légendes. Dans ces contes, productions de l’humour populaire, nous rencontrons presque toujours saint Pierre[5] comme compagnon de route du Seigneur et celui-ci joue souvent des tours désagréables à l’apôtre naïf. Quelques exemples suffiront pour donner au lecteur une idée exacte de ces contes aimés, répandus dans toutes les localités du pays flamand.


le paysan avare[6].

Un jour, Notre-Seigneur et saint Pierre allèrent se promener. Et après avoir marché longtemps, ils eurent faim. Voyant devant eux une belle ferme, ils entrèrent et demandèrent à manger et à loger.

Mais le paysan n’eut aucune pitié et il les chassa comme on chasse des vagabonds.

À une portée d’arc demeurait une toute petite vieille mère. Ils s’y rendirent et frappèrent.

« Entrez ! »

« Ne pourrions-nous manger ici ? » demanda le Seigneur. « Nous mourons de faim ! »

« Je ne suis qu’une pauvre diablesse[7] ; mais je vais voir tout de même ! »

Elle chercha ; et, dans son garde-manger, elle trouva une croûte de pain sec. Elle la leur donna :

« C’est tout ! » dit-elle.

Le Seigneur et saint Pierre en mangèrent avec beaucoup d’appétit. Et puis le Christ demanda :

« Ne pourrions-nous dormir ici ? »

« Je n’ai qu’un pauvre lit ; mais ça ne fait rien ; prenez-le toujours ; je dormirai sur une chaise. »

Et ils allèrent dormir.

Dans le lit, à propos de rien, ils se disputèrent. Cela irrita la petite mère qui ne put fermer l’œil et qui cria :

« Voulez-vous bien vous taire, vilains tapageurs ? »

Mais ils ne cessèrent point. Et la petite mère saisit un manche à balai et commença à taper, à taper… Saint Pierre, couché devant, reçut tous les coups !

Quand la vieille fut partie, le saint dit :

« Sacré finaud !… Je suis devant et je reçois tous les coups !… Laissez-moi la place de derrière ! »

« Je veux bien ! » répondit le Seigneur.

Et une nouvelle querelle surgit, et la petite mère revint plus irritée.

« J’ai déjà donné une tripotée au premier. À l’autre maintenant ! »

Et elle frappa, elle frappa !… Mais ce fut encore saint Pierre qui reçut les coups.

Celui-ci se tint coi pour le reste de la nuit.

Le lendemain, les deux voyageurs remercièrent la bonne vieille et le Seigneur dit :

« Vous avez bon cœur et vous méritez une récompense : le travail que vous commencerez à faire demain, vous le ferez toute la journée ».

Et là-dessus, ils partirent.

Le lendemain, la petite mère devait aller à Renaix pour y faire un payement. Elle prit son bas dans lequel elle avait ses épargnes, et elle se mit à compter son argent afin de savoir si elle en avait assez.

Eh mais ! l’action de compter ne cessa point ! La petite mère compta toute la journée ! Représentez-vous l’énorme monceau d’argent qu’elle eut là devant elle !

Elle voulut mesurer sa richesse.

Et elle alla chez son voisin le paysan et demanda son muid (meuken)[8]. Elle mesura tout son argent et lorsque ce fut fini, elle rendit la mesure.

Cela parut drôle au paysan.

« Pourquoi devait-elle avoir mon muid ? »

Il l’examina et trouva, dans une fente, une pièce de monnaie.

« Quoi ! de l’argent ?… »

Et il courut chez la vieille et lui demanda ce qu’elle avait fait avec son muid.

« J’ai mesuré mon argent ! »

Et elle lui parla des deux étrangers et de la récompense reçue.

Oui, pour sûr ! les étrangers étaient les deux vagabonds qu’il avait renvoyés si durement. Et alors le paysan se repentit de son action, car notre homme était avare !

Quelque temps après, le Seigneur et saint Pierre repassèrent par là. Et ils se rendirent de nouveau chez le paysan et lui demandèrent à souper et à loger.

L’avare les reconnut et cette fois-ci il les reçut bien. Nos deux gaillards mangèrent et burent tout leur soûl et on leur permit de dormir dans la plus belle chambre (de beste kamer) de la ferme.

Le lendemain, ils remercièrent le paysan et le Seigneur dit :

« Vous avez bon cœur et vous méritez une récompense : le travail que vous commencerez à faire demain, vous le ferez toute la journée. »

Et là-dessus, ils partirent.

Et il arriva que le lendemain, juste à minuit, le paysan sentit un certain malaise. Vite, vite ! il courut aux lieux !… Eh mais ! cela ne cessa point : il fit ce travail toute la journée !

Ce fut sa punition !

Et pardieu ! il l’avait bien méritée.

(Segelsem).

le poulet rôti.

Certain jour, la faim tourmentait Notre-Seigneur et il dit à saint Pierre :

« Va à Jérusalem et rapporte un poulet rôti. »

Saint Pierre obéit.

Mais, au retour, la faim le prit et, succombant à la tentation, il mangea une cuisse du poulet.

Le Seigneur, voyant que la bête n’avait qu’une patte, gronda :

« Qu’est-ce que c’est ?… Il lui manque une cuisse !… Où est-elle restée ? »

« Je n’en sais rien, Maître. Il est certain que j’ai reçu ce poulet comme ça. Je pense qu’ici ces oiseaux n’ont qu’une patte ! »

« Ce n’est pas possible !… Tous les poulets en ont deux, je t’assure !… J’ai fait ces bêtes moi-même ! »

La querelle cessa. On mangea bien et — ventre rempli, cœur réjoui ! — on se tut[9].

Quelque temps après, le Christ et saint Pierre se promenaient dans les environs de Jérusalem. Et comme le disciple aperçut, près d’une haie, des poulets qui se tenaient sur une patte, il s’écria joyeusement :

« Voyez-vous bien, Maître, qu’ici les poulets n’ont qu’une seule patte ?… Et vous en doutiez cependant l’autre jour ! »

« Un instant, Pierre ! »

Le Seigneur fit prrr ! et frappa dans les mains. Et toutes les bêtes se mirent à courir sur deux pattes en même temps !

« Qui de nous deux a raison ? » demanda le Christ en riant.

« Je crois bien, » s’écria saint Pierre, « c’est Dieu qui vous inspire ! Il n’y a rien d’extraordinaire à cela si, l’autre jour, vous aviez fait prrr ! le poulet rôti aurait eu aussi deux pattes ![10]. »

(Denderleeuw : vallée de la Dendre.)

la kermesse.

Ceci se passa dans le temps que Notre-Seigneur se promenait sur la terre.

C’était la kermesse dans un village des environs.

« Maître, » demanda saint Pierre, « puis-je y aller ? »

« Oui ! » dit le Christ.

Lorsque le disciple revint, le soir, le Seigneur lui demanda :

« Tu t’es bien amusé, Pierre ? »

« À merveille !… Ce ne pouvait être autrement : il a fait un temps charmant. »

« Ils n’ont pas parlé de moi, Pierre ? »

« Pas le moins du monde ! Je n’ai pas entendu prononcer votre nom ! »

Le jour suivant, saint Pierre demanda une seconde fois l’autorisation d’aller à la kermesse et le Seigneur la lui accorda.

À son retour, le soir, le disciple parut mécontent. Et le Seigneur lui demanda :

« Tu t’es bien amusé, Pierre ? »

« C’était une misère !… Personne ne s’amusait !… Quel temps détestable aussi : il n’a fait que grêler, pleuvoir, tonner ! »

« Et ils n’ont pas parlé de moi, Pierre ? »

« Oh oui !… Je n’ai entendu que ça ! Tout le monde vous appelait !… »

(Saint-Nicolas)[11].

b) Légendes de la Passion.

Nous en connaissons beaucoup.

Dans le sud de la Flandre orientale (Segelsem, etc.) on raconte que le germe de la noix — un petit organe pointu que l’on voit entre les deux cotylédons — est le clou qui a servi à attacher le Christ sur la croix.

Dans la tête de l’églefin (d’autres disent du brochet), on a cru reconnaître tous les instruments de la Passion : ce sont de petites arêtes ayant forme de lance, d’éponge, de marteau, de clous, de lanterne, d’échelle, etc. ; deux concrétions pierreuses représentent la Mère éplorée et la Madeleine repentante[12].


À Loenhout, on dit


du tisserand.

Lors du crucifiement du Christ, il manqua un clou.

On chercha, on chercha, nais on ne trouva nulle part.

Un tisserand survint.

Voyant que le bourreau ne pouvait finir son travail, il courut chez lui, arracha, de son métier, un gros clou et l’apporta aux Juifs.

Et Jésus, cloué maintenant sur la croix, se tourna du côté du tisserand et lui dit :

« Tisserand, tisserand ! Qu’avez-vous fait ?… Je vous le prédis vous ne serez jamais heureux sur la terre… jamais ! »

Depuis, le tisserand est le plus misérable de tous les hommes[13].


On entend à Grootenberge :


le rouge-gorge.

Pendant que l’on clouait Jésus sur la croix, il y avait, non loin de là, dans une haie, un tout petit oiseau.

Il pleura sur le bord de son nid, quand il vit les épines aigües qui transperçaient la tête du Christ.

« Personne », dit-il, « ne vient adoucir ses douleurs. Je vais tâcher de le consoler. »

Il vola vers la croix et réussit à arracher une épine. Mais, au même moment, une goutte de sang lui tomba sur la poitrine.

Jésus dit :

« Comme souvenir, cher petit oiseau, vous et vos descendants porterez cette tache rouge sur votre poitrine, et les hommes vous appelleront Rouge-gorge[14][15]. »


c) Sagas (Sagen).

En voici une :


le christ brun de louvain.

Dans l’église Saint-Pierre de Louvain se trouve un Christ miraculeux, de teinte brunâtre, dont une seule main est clouée sur la croix.

Ce Christ était d’abord d’un blanc de neige ; il est devenu noirâtre, à cause des nombreux faux serments prêtés en sa présence par les magistrats de la ville.

De riches cadeaux en or et en argent étaient suspendus à cette image Une nuit, des voleurs s’introduisirent dans l’église et voulurent s’emparer de ces dons précieux. À peine le plus intrépide eut-il étendu le bras qu’il se sentit pris par les cheveux. Il fit de grands efforts pour se dégager, ses complices l’aidèrent — rien n’y fit le lendemain, le sacristain trouva le voleur, toujours à la même place, maintenu immobile par une des mains du Christ !


3. Quelques plantes et quelques animaux ont reçu un nom se rapportant à Dieu.

Nous ne donnerons ici que les noms populaires ; nous passerons donc tous ceux qui se trouvent dans les dictionnaires. Chemisettes de Notre-Seigneur (Ons-Heeren-hemdekens) = Convolvulvus sepium L., le Liseron des haies dont la corolle — comme la chemise du Christ, conservée à Trèves[16] — n’a pas de couture (Anvers, Schuermans, app.). Pour la même raison, l’espèce à fleurs rosées, le Liseron des champs (Convolvulus arvensis L.) porte, dans la Flandre occidentale (De Bo), le nom de Chemisette sans couture (Hemdeken-zonder-naad).

Ongles de Notre-Seigneur (Ons-Lieven-Heeren-nageltjes) = Capsella bursa-pastoris L., la vulgaire Bourse-à-pasteur, à cause de ses silicules en forme d’ongles (Fl. occ. : De Bo).

Orteils de Notre-Seigneur (Ons-Lieven-Heeren-teentjes) = les espèces communes du genre Orchis (surtout Orchis latifolia L. et Orchis maculataL.) : l’éperon de la fleur ressemble à un petit orteil (Sottegem).

Larmes de Notre-Seigneur (Ons-Lieven-Heeren-traantjes) = plusieurs plantes : 1° Polygonum orientale L., la Renouée d’Orient, une plante ornementale avec des fleurs qui ressemblent à des larmes de sang, d’où l’autre nom populaire : Druppeltjes-bloed, Gouttes de sang (Fl. occ. : De Bo) ; — 2° Saxifraga umbrosa L., le Désespoir des peintres, avec des taches de sang sur les cinq pétales ; — 3° Orchis maculata L., l’Orchis maculé, qui a aussi de petites taches rougeâtres sur les divisions du périanthe[17].

Fleurs de Notre-Seigneur, Herbe de Notre-Seigneur (O. L. Heeren-bloemekens, O. L. Heeren-kruid) = Anagallis arvensis L., le Mouron rouge des champs (Asper : Volk en Taal, I, 90)[18].

Fleurs de Jésus (Deezekesbloemen) = Myosotis palustris L., Ne m’oubliez pas (Sint-Antonius-Brecht : Volksleven, I, 20).

Œil-de-Christ (Christusoog) = 1° Agrostemma githago L., la Nielle des blés ; — 2° Lychnis coronaria[19] L., une jolie plante des jardins : deux caryophyllées à fleurs ressemblant à des yeux. (Flandres.)

Lis du Christ (Christuslelie) = Lilium speciosum Thunb., un des beaux Lis cultivés (De Bo et Samyn).

Petit Canard de Notre-Seigneur (O. L. Heeren-aandeke) = Gyrinus natator L., le Tourniquet ou Gyrin, insecte nageur commun. Les Coccinelles ont reçu parfois le nom de Bêtes à bon Dieu (O. L. Heeren-beestjes[20]. (Fland. occ. ; De Bo).


4. Proverbes, locutions, dictons populaires dans lesquels intervient le nom de Dieu[21].

Il y en a tant, que nous sommes forcé de ne donner que les plus caractéristiques.

Si l’on veut renforcer le sens d’un mot, on y ajoute Gods ou Godsch. Par ex. : Die jager heeft vandaag geen spier Gods geschoten (ce chasseur n’a pas tiré un brin de Dieu aujourd’hui : traduction littérale) ; — ge zoudt geen Gods kriezelken van hem krijgen (vous ne recevriez de lui pas même une miette de Dieu)[22] ; elken Godschen dag doet hij dit werk (chaque jour de Dieu il fait ce travail)[23]. Dans le Haspengouw (environs de Tirlemont et de Saint-Trond), on dit : Alle Godsige dagen (tous les jours de Dieu). Een godsgenadige drinker est un grand buveur et s’il pleut pendant eene godsgrondige week, il pleut longtemps sans interruption (Haspengouw).

Un étourdi s’écrie : God schept den dag en ik ga er deur (Dieu crée le jour et je le[24] traverse), et il vit, gelijk ons Heer in Frankrijk (comme Notre-Seigneur en France). Un hypocrite[25] doet ons Heer nen vlassen baard aan (met au Seigneur une barbe de lin, c’est-à-dire une fausse barbe), et on lui donnerait le Seigneur zonder biechte (déconfès). Un irréligieux weet van God noch zijn gebod (ne connaît ni Dieu ni sa loi) ; un homme qui se plaint sans nécessité, steekt Gods oogen uit (crève les yeux à Dieu), et un lourdaud est : zoo dom als het peerd van Christus (aussi stupide que le cheval du Christ, c’est-à-dire l’âne) !

Notre-Seigneur est un homme si bon et il laisse passer tant de choses (Ons Heer is toch zulk ’ne goeie vent en hij laat zooveel toe !), dit-on pour expliquer qu’ici-bas on commet tant de mal impunément. Les farceurs ajoutent souvent : que le Seigneur devient trop vieux, qu’il a trop à se mettre dans la tête et qu’il ne peut plus s’occuper de toutes ces choses !

On résout une question en disant : we zullen ’t God en den mulder laten scheen (nous laisserons le jugement à Dieu et au meunier).

Si l’on mange un mets ordinaire après un morceau délicieux, par exemple une tartine après du rijstpap (riz au lait), on dit : ge moogt Sint-Pieter op ons Heer niet leggen (vous ne pouvez mettre saint Pierre sur le Seigneur, dans l’estomac, bien entendu !)

Si l’on cite une parole ou une idée d’un mort, on ajoute à son nom : God wil zijn zielke hebben (que Dieu ait son âme !) ; ou : Bij den Heere moog hij rusten (qu’il repose auprès du Seigneur !).

Le soir, les enfants, avant d’aller au lit, se rendent auprès de leurs parents qui font sur eux un signe de croix, en disant : God zegene en God beware u ! (que Dieu vous bénisse et vous garde !)

Dans l’église, les marguilliers qui font la quête, disent, après avoir reçu l’obole : God zal ’t u loonen (Dieu vous récompensera).


Des exclamations avec le mot Dieu ne manquent pas. En voici quelques-unes :

Als ’t God belieft ! — Om Gods wille ! — In Gods naam ! — Gods lieve tijd ! — Op Gods genade ! — Lieven Heere-God ! — Lieven-Heere-Christus ! — Gods christene ziele ! — God van den hoogen hemel ! — God, hemelsche deugd ! — Wel ! God-den-Heere ! ― Etc., etc.

S’il plaît à Dieu ! — Pour la volonté de Dieu ! — Au nom de Dieu ! — À la merci de Dieu ! — Cher-Seigneur-Dieu ! — Dieu, cher temps ! — Cher-Seigneur-Christ ! — Dieu, âme chrétienne ! — Dieu du ciel haut ! — Dieu, vertu céleste ! — Hé ! Dieu-le-Seigneur.


Des exclamations aux souhaits bizarres, extraordinaires qui, dans l’esprit de celui qui les forme, doivent servir de preuves convaincantes, il n’y a qu’un pas :

God straffe mij ! — Zoo waar als er een God leeft ! — Ons Heere doe mij in de eerde zinken ! — Ons-Lieven-Heerke mag dat bier (en men drinkt) veranderen in vergif ! — Ik zweere[26] bij God en al zijn heiligen ! — Mijn zielke Gods ! Mijn dood Gods ? Bij God ! Bogot ! Begottelinge ! Godverdekke ! Godverdekkelinge ! Potverblomme ! etc., etc.

Dieu me punisse ! — Aussi vrai qu’il y a un Dieu ! — Que Notre-Seigneur me fasse descendre sous terre (m’enterre) ! — Notre cher Seigneur peut changer cette bière (et on boit) en poison ! — Je jure par Dieu et tous ses saints ! — Ma petite âme de Dieu ! Ma mort de Dieu ! Pardieu ! etc.

et des centaines d’autres jurons et demi-jurons (gebroken vloeken, jurons brisés) que nous ne croyons pas devoir reproduire ici.

LA SAINTE FAMILLE.


Elle se compose de Marie, de l’Enfant Jésus, de Joseph et d’Anne[27].


Marie.

1. C’est notre chère Dame (Onze-Lieve-Vrouwe, Ons-Lief-Vrouwken, etc.), la Mère de Dieu (Moeder Gods) — dans l’esprit du peuple, aussi puissante que Dieu.

Son culte est répandu dans tout le pays.

Son image (Lieve-vrouwenbeeld) se trouve partout ; dans et sous les arbres, dans de petites chapelles de bois ou de pierre, dans des niches au-dessus des portes et des grilles, dans les façades, dans les maisons (sur les armoires, sur la cheminée, dans la plus belle chambre, dans la chambre à coucher, etc).

À l’église, on lui consacre un autel spécial (Onze- Lieve-vrouwenautaar) ; on y voit son image entourée de fleurs (naturelles ou artificielles), portant une couronne d’or (dorée) ou d’argent, et un manteau de velours large et retombant, ordinairement bleu, brodé d’or et d’argent. Elle a ses servantes (Lieve-vrouwenmeiden ou —meissens) qui l’habillent, la parent et qui — vêtues de blanc, immaculées — la portent dans les processions.

Le plus beau des mois lui est dédié — le mois de mai (de maand van Maria, le mois de Marie). On peut prétendre, avec Grimm, que la Vierge remplace, dans la mythologie du peuple flamand, les déesses païennes Frigga et Freya, Junon et Vénus[28].

Aussi, grand est le nombre de légendes qui se rapportent au culte de Marie.


Légendes de Marie :

le sommet de la tige du jonc.
(Het Biestopje).

Dans les environs de Bruxelles[29], on raconte que le sommet de la tige du jonc est noir pour la raison suivante :

Pendant la fuite en Égypte, Marie, Jésus et Joseph se réfugièrent dans un fossé car ils entendaient derrière eux leurs persécuteurs, les soldats d’Hérode. Le bout pointu du jonc, audacieusement, blessa l’œil de Jésus, qui se mit à pleurer très fort. Les soldats, heureusement, n’entendirent pas ses cris, et passèrent. Le jone fut maudit par Marie et depuis lors la pointe est noire et brûlée[30].


la paille du lit de marie.
(Onzer-Lieve-Vrouwen-bedstroo).

Notre chère Dame, lorsqu’elle était petite, devait dormir sur une couchette très dure ; ses parents étaient pauvres et, de plus, faisaient très souvent l’aumône à de plus misérables qu’eux.

Certain jour, sainte Anne dit :

« Le lit de mon enfant est réellement trop dur ! Ne trouverais-je dans les champs une litière plus souple et plus douce ? »

Elle sortit et se trouva dans une contrée aride. Elle y vit beaucoup de serpolet.

« J’ai trouvé, s’écria-t-elle ; je vais cueillir toutes ces fleurettes et mon enfant dormira doucement sur elles ! »

Elle le fit.

Dans les campagnes, on voit les enfants chercher avidement cette jolie fleur et la cueillir avec plaisir.

« Notre chère Dame s’est reposée sur elle ! » disent-ils [31].


le petit verre de notre-dame.
(Onzer-Lieve-Vrouwen-glazeken).

Il y avait une fois un voiturier. Son chariot, trop lourdement chargé, s’était embourbé et l’homme avait beau fouetter ses chevaux, il ne parvenait pas à sortir du bourbier.

Notre chère Dame passa justement par là et, voyant les efforts du voiturier, elle cut pitié de lui et dit :

« Je suis lasse de marcher et j’ai soif ; donnez-moi un peu de vin à boire et je dégagerai votre chariot. »

« Très volontiers, bonne Dame ; mais je n’ai pas de verre pour y verser le vin ».

La Vierge ne répondit rien ; elle se retourna et cueillit, dans la baie, une blanche fleurette, qui ne ressemblait pas mal à un petit verre ; elle la donna au voiturier et dit :

« Versez votre vin dans ceci. »

L’homme remplit le petit verre jusqu’au bord et l’offrit à la dame :

« Que Dieu vous bénisse, ma bien chère Dame. »

La Vierge vida le petit verre et, au même moment, le chariot fut dégagé et le voiturier put continuer son chemin.

C’est depuis lors que cette blanche fleurette a reçu le nom de Petit verre de notre chère Dame[32].

2. Beaucoup de sagas ou légendes, se rapportant à des localités connues, ont ici leur place. Nous n’en donnons que deux.

notre-dame d’alsemberg.

De la part de Dieu, un ange vint auprès d’Elisabeth de Hongrie et lui dit qu’elle devait se rendre en Brabant, chez Marie, fille de l’empereur Philippe et épouse du duc Henri le Généreux, et lui demander un endroit pour y ériger une église en l’honneur de la sainte Vierge. Sainte Elisabeth vint en Brabant et fit connaître son message à la duchesse. Marie se montra bien disposée ; mais elle ne savait quel champ elle devait choisir. Pendant qu’elle hésitait, un ange lui apparut et lui dit que l’église devait être construite à Alsemberg, à l’endroit où croissait du lin vert et non mûr. Cette même nuit, un ange enjoignit à trois jeunes filles, propriétaires du champ, de céder celui-ci en l’honneur de Marie, mère de Dieu. Ces jeunes filles y consentirent, demandant seulement à pouvoir attendre que le lin fût mûr. L’ange répondit : « Allez demain et récoltez le lin, il est mûr ! »

Et ce fut vrai[33].


notre-dame de la blanche branche.
(O.-L.-Vrouw ten witten Tak).

À Renaix, sur un coteau boisé et pittoresquement situé, se trouve la chapelle de Notre-Dame de la blanche Branche. Le peuple raconte qu’un jour, sur un tilleul (d’autres disent sur un chêne ou sur un peuplier), poussa une branche entièrement blanche. Ce phénomène étonna les gens de l’ endroit, qui abattirent l’arbre ; ils y trouvèrent, cachée, une image de la Vierge que l’on conserve religieusement dans la petite chapelle[34].


3. Quelques plantes et quelques animaux sont consacrés à Marie.

Le peuple connaît :

Le Glaive de Notre-Dame (Mariaszweerd) = Gladiolus byzantinus Miller, une espèce de glaïeul, ainsi nommé à cause de la forme des feuilles (c’est aussi l’étymologie du latin gladiolus et du français glaïeul). Fl. occ. : De Bo.

La Paille du lit de Notre-Dame (O.-L.-Vrouwen-bedstroo) = Thymus serpyllum L., le Serpolet. Voir plus haut.

La Fleur de Notre-Dame (O.-L.-Vrouwen-bloem) = 1° La grande Marguerite (Segelsem) ; 2° Stellaria holostea L.[35], la Stellaire holostée (Vallée de la Dendre) ; 3° le Myosotis des marais (sud de Bruxelles : Droogenbosch, Vollezeele) ; 4° Pulicaria dysenterica Gärtn., la Pulicaire antidyssentérique (Fl . occ. : De Bo) ; 5° le Phlox paniculé, que l’on emploie souvent pour orner les rues lors de la procession du 15 août (O.-L.-Vrouw-halfoogst, Notre-Dame-demi-août). Volk en Taal, II, 100.

Le Chardon de Notre-Dame (O.-L.-Vrouwen-distel) = 1° Cirsium oleraceum Scop., le Cirse maraîcher (vallée de la Dendre) ; 2° Eryngium maritimum L., le Panicaut maritime (De Bo) ; 3° Silybum Marianum Gärtn., le véritable Chardon de Marie, dont les feuilles portent des taches blanches, dues au lait de la Vierge ; une jolie légende se rapporte à cette dernière plante.

L’Épine de Notre-Dame (O.-L.-Vrouwen-doorn) = Dipsacus sylvestris L., une espèce de Chardon à foulon (Fl. occ., De Bo).

La Chemisette de Notre-Dame (O. L. Vrouwen-hemdeken) = Convolvulus sepium L., le Liseron des haies, appelé plus souvent O. Heeren-hemdeke (Anvers-ville : V. plus haut).

La Fleurette de l’Annonciation (O. L. Vrouwen-boodschap-blompje) = Muscari botryoïdes Mill., le Muscari raisin (Fl. occ. : Samyn) : la plante fleurit dans le mois de mars (25 mars, fête de l’Annonciation).

Le petit Verre de Notre-Dame. V. légende plus haut.

Le Froment de Notre-Dame (O. L. Vrouwen-tarwe) = Triticum compositum L., le Blé de miracle, avec épis ramifiés (Fl. occ. : Debo).

Le Trône de Notre-Dame (O. L. Vrouwen-troonkruid) = Sedum reflexum L., l’Orpin réfléchi (Fl. occ. : Debo).

La Bête à Notre-Dame (O. L. Vrouwen-beestje) = les espèces du genre Coccinelle, Bête à bon Dieu.

Le Poisson de Notre-Dame (O. L. Vrouwen-visch) = Sciaena umbra : sur ses écailles, les pêcheurs croient voir l’image de la Vierge (Fl. occ. : Debo).

Ajoutons qu’à Molenbeek-Saint-Jean, la planète Vénus, la brillante, s’appelle l’Anneau d’alliance de la Vierge (Trouwring van O. L. Vrouw).


Sainte Anne et Saint Joseph.

La mère et l’époux de la Vierge ne jouent qu’un rôle effacé dans le folklore flamand.

Joseph[36] est considéré comme le patron des maris débonnaires et tolérants. Le peuple donne aux niais les noms de : Djoos, Dzeppe, Seppe (transformations de Joseph).

C’est aussi le patron de la Belgique. Les menuisiers surtout l’honorent. La scie de saint Joseph (sint-Jozefszaag) est une scie à dents larges et aiguës que l’on manie à une seule main (Debo, Rutten).

On parle de saint Joseph dans un conte[37] que l’on peut lire chez Joos, III, p. 163.

Enfin, le Lis de saint Joseph (sint-Jozefslelie) est le Lis blanc commun (Lilium candidum L.), parce que l’on représente ordinairement le saint[38], tenant cette fleur dans la main.



LES ANGES.


1. Chacun reçoit, à la naissance, un ange gardien (engelbewaarder). Dans une prière rimée, que les enfants récitent le soir, on parle de seize gardiens :

’s Avonds, als ik s’apen ga, — volgen mij zestien engelkes na : — Twee aan mijn hoofdeinde, — twee aan mijn voeteinde, — twee aan mijn rechterzij, — twee aan mijn linkerzij, — twee die mij dekken, — twee die wij wekken, — twee die mij leeren — den weg des Heeren, — twee die mij wijzen — naar’s hemels paradijzen[39].

Le soir, quand je vais dormir, — me suivent seize petits anges : — deux à mon chevet, — deux à mes pieds, — deux à mon côté droit, — deux à mon côté gauche, — deux qui me couvrent, — deux qui m’éveillent, — deux qui me montrent ― le chemin du Seigneur, — deux qui me montrent — les paradis du ciel.

(Segelsem et ailleurs.)

2. Le flamand connaît de nom les anges Raphaël, Gabriel, surtout Michaël, Michel, appelé ordinairement Michiel, Machiel — le patron légendaire de Bruxelles, le vainqueur du dragon, le Siegfried chrétien.

On célèbre sa fête le 29 septembre.

Quand les enfants veulent se lever à une heure fixe, par exemple, à 5 heures du matin, ils appellent à leur aide saint Michel et disent le soir :

Sint-Machiel, — bewaar mijn ziel, — wil mij morgen wekken metterdaad, — niet te vroeg of niet te laat, — maar als de klok vijfuren slaat.

Saint Michel, — gardez mon âme, — veuillez m’éveiller bien demain, — pas trop tôt, pas trop tard, — mais quand la cloche sonne cinq heures.

(Haspengouw : Rotter.)

Voici une variante du Limbourg :

Heilige(n) engel Sint-Michiel, — ik beveel u mijn lijf en ziel, — en gij, o heilige bewaarder goed, — wilt mij morgen wekken metterspoed, — niet te vroeg noch niet te laat, ― als de klok vijf uren slaat.

Saint ange saint Michel, — je vous recommande mon corps et mon âme — et vous, ô saint et bon gardien, — veuillez m’éveiller à la hâte, — pas trop tôt ni trop tard, — quand la cloche sonne cinq heures.

(’t Daghel, 1885, page 64.)[40]

Dans le sud de la Flandre orientale (Segelsem), les mères font tourner, devant la poitrine, les deux mains de leur petit, en chantant :

Draaie, draaie, wielken, — t’ avond komt Machielken ; — komt Machielken t’ avond niet, — hi en komt van g’heel de weke niet ![41]

Tourne, tourne, petit rouet, — ce soir vient petit Michel ; — si petit Michel ne vient pas ce soir, — il ne viendra pas de toute la semaine.



LES SAINTS.


La matière que nous pourrions utiliser ici est tellement vaste, et la place dont nous disposons, si exiguë, que nous devons nous borner à deux saints : saint Pierre et saint Jean[42].


Saint Pierre (Sint-Pieter, Sint-Peeter).

Le peuple le connaît sous quatre formes :

Comme renieur du Christ ;

Comme apôtre et compagnon de voyage du Sauveur errant et enseignant[43] ;

Comme portier du ciel (Saint Pierre avec la clef : Sint-Peeter met zijn sleutel[44].

Comme pêcheur.

Nous rencontrons ce saint très populaire dans un grand nombre de contes.

En sa qualité d’apôtre, il fait des voyages dans toutes les contrées du monde. Nous renvoyons le lecteur à la page 24 de ce livre.

Il garde l’entrée du paradis ; c’est le Heimdall de la mythologie chrétienne. Dans le conte (répandu partout) de Smeeke-smee (Smetje-smee, Smetje, Smidje, Jantje-smet), le maréchal-ferrant, un finaud qui a déjà trompé le diable et Lucifer même, parvient à tromper aussi le portier du ciel.

Voici ce joli conte :


maréchal-petit-maréchal[45].

Maréchal-petit-Maréchal était autrefois très riche : il avait des ouvriers par douzaines et gagnait de l’argent par monceaux.

Maintenant il était pauvre : plus d’argent, plus d’ouvrage, plus d’ouvriers, plus de charbon, plus de fer — plus rien !

Un jour qu’il regardait tristement au-dessus de la demi-porte[46] de la forge abandonnée, il pensa :

« Pour redevenir riche, je vendrais bien mon âme au diable ! »

Et voilà le diable devant lui :

« Voulez-vous faire ce que vous pensez là ? »

« Mais oui ! »

« C’est entendu ! Vous m’abandonnez votre âme et moi, je vous donner du fer — assez pour donner du travail à douze ouvriers pendant douze ans ! »

« Bon ! »

Le diable disparut. Et voilà qu’un grand, grand chariot, attelé de quatre noirs chevaux et chargé de fer, s’arrêta devant la forge.

Et Maréchal-petit-Maréchal redevint riche.

*
* *

Un jour Notre-Seigneur et saint Pierre passèrent par là et s’arrêtèrent devant la forge : l’âne du Christ devait être ferré.

Maréchal-petit-Maréchal se mit à l’œuvre et en un rien de temps les fers furent remis.

« Combien ? » demanda le Seigneur.

« Mais rien du tout j’aime à rendre service aux gens qui voyagent. »

« Très bien ! Vous avez bon cœur. Faites trois souhaits : ils vous seront accordés ! »

Maréchal-petit-Maréchal réfléchit :

« Demandez le ciel, » lui dit saint Pierre à l’oreille.

« D’abord… » dit Maréchal-petit-Maréchal, « celui qui se mettra dans mon fauteuil, ne pourra le quitter sans ma permission. »

« Accordé ! » dit le Seigneur.

« Puis… celui qui grimpera sur mon cerisier, ne pourra descendre sans ma permission. »

« Accordé ! » dit le Seigneur.

« Enfin… »

« Mais demandez donc le ciel ! » insista saint Pierre.

« Enfin… », dit Maréchal-petit-Maréchal, et il montra sa bourse vide, « celui qui sera là-dedans, ne pourra sortir sans ma permission. »

« Accordé ! », dit le Seigneur, et il s’en alla avec son âne et saint Pierre.

*
* *

Les douze années s’écoulèrent.

Et le diable se présenta à la forge :

« Maréchal-petit-Maréchal, je viens chercher votre âme ! »

« Attendez donc ! je suis trop noir pour accompagner le diable. Je vais me laver et m’habiller un peu… Reposez-vous un instant dans mon fauteuil. »

« Ça, je le veux bien ! »

Et le diable le fit.

« Me voici ! » dit Maréchal-petit-Maréchal, « allons ! »

Mais le diable ne put se relever.

Et alors Maréchal-petit-Maréchal appela ses ouvriers. Ils vinrent avec des lattes et des bâtons de fer rougis — et ce fut une fameuse rossée !

Maréchal-petit-Maréchal riait, la bouche ouverte jusqu’aux oreilles.

« Ah ! laissez-moi partir ! » cria le diable.

« Je veux bien ! » répondit Maréchal-petit-Maréchal, « mais il me faut encore douze ans ! »

« Soit ! »

Et le diable, devenu libre, partit comme une flèche.

*
* *

Les douze années s’écoulèrent encore une fois.

Et le diable se présenta à la forge :

« Maréchal-petit-Maréchal, je viens chercher votre âme ! »

« Attendez donc ! Je suis trop noir pour accompagner le diable. Je vais me laver et m’habiller un peu. Reposez-vous… »

« Non non !… Votre fauteuil, je le connais ! Voyez, je boite encore ! »

« Restez debout alors… ou bien, montez sur mon cerisier : les cerises vous rafraîchiront. »

« Ça, je le veux bien ! »

Et le diable le fit.

« Me voici ! » dit Maréchal-petit-Maréchal ; « allons ! »

Mais le diable ne put descendre.

Et alors Maréchal-petit-Maréchal appela ses ouvriers. Ils vinrent avec des lattes et des bâtons de fer rougis — et ce fut une fameuse rossée !

Maréchal-petit-Maréchal riait, la bouche ouverte jusqu’aux oreilles.

« Ah ! laissez-moi descendre ! » cria le diable.

« Je veux bien ! » répondit Maréchal-petit-Maréchal ; « mais il me faut encore douze ans ! »

« Soit ! »

Et le diable, devenu libre, partit comme une flèche.

*
* *

Les douze années s’écoulèrent encore une fois.

Et le diable — Lucifer en personne ! — se présenta à la forge :

« Maréchal-petit-Maréchal, je viens chercher votre âme ! »

« Attendez donc ! Je suis trop noir pour accompagner le diable. Je vais me laver et m’habiller un peu. Reposez-vous… »

« Non, non !… On m’a parlé de votre fauteuil et de votre cerisier ! Vous ne me tromperez pas. »

« Restez debout alors ! »

« Ça, je le ferai ! »

Et Lucifer resta debout.

« Me voici !  » dit Maréchal-petit-Maréchal, « allons ! »

Et ils allèrent.

En chemin, ils virent une énorme tour.

« Que c’est grand, que c’est grand ! » s’écria Maréchal-petit-Maréchal.

« Je sais me faire plus grand que ça ! » répondit orgueilleusement Lucifer.

« Plus grand que ça ?… Je n’en crois rien ! »

« Voyez donc ! »

Et, en effet, Lucifer se fit plus grand que la tour.

« Savez-vous vous faire petit aussi ? » demanda Maréchal-petit-Maréchal.

« Aussi petit qu’une souris ! »

« Allons donc !… Et vous pourriez entrer dans cette petite bourse ?… Je n’en crois rien ! »

« Voyez ! »

Et Lucifer se transforma en souris et entra dans la petite bourse.

Les cordons furent serrés et alors Maréchal-petit-Maréchal retourna à la forge et appela ses ouvriers. Ils vinrent avec des marteaux et tapèrent, tapèrent. Ce fut une fameuse rossée !

Maréchal-petit-Maréchal riait, la bouche ouverte jusqu’aux oreilles.

« Ah ! laissez-moi sortir ! » cria Lucifer.

« Je veux bien… mais, à l’avenir, vous me laisserez tranquille ! »

« Soit ! »

Et Lucifer, devenu libre, partit comme une flèche.

*
* *

Enfin, Maréchal-petit-Maréchal mourut.

Et il dut aller en enfer.

Il frappa.

Et le diable, qui avait eu les deux premières rossées, vint ouvrir.

« Ah ! c’est Maréchal-petit-Maréchal ! » s’écria-t-il avec effroi. « Non, non ! il n’y a pas de place pour vous ici… Nous vous connaissons trop bien ! »

Et il ferma la porte.

Maréchal-petit-Maréchal prit la route du ciel.

Il frappa.

Saint Pierre vint ouvrir.

« Ah ! c’est Maréchal-petit-Maréchal ! »

« Oui, saint Pierre, cher saint Pierre ! »

« Non, vous n’entrerez pas ici… Vous vous souvenez ?… Vous n’avez pas voulu choisir le ciel ! »

Et le saint voulut fermer la porte.

Mais Maréchal-petit-Maréchal, très agile, sauta d’un bond dans le paradis et s’assit sur son tablier.

« Non, non ! » s’écria saint Pierre, « il faut sortir ! »

« Vous ne pouvez me faire sortir, » dit Maréchal-petit-Maréchal «‬ je me trouve ici sur mon bien (ik zit hier ор ’t mijne !) »

Saint Pierre fut désarmé !

« Sacré malin ! » dit-il.

Et Maréchal-petit-Maréchal resta au paradis, et il y est encore.

Et arriva un cochon avec un groin.

Et mon conte est fini ![47]

(Segelsem)

Saint Pierre a renié le Christ, trois fois avant le chant du coq ; c’est pourquoi on l’appelle souvent : Saint Pierre mauvais apôtre (Sint-Pieter kwaaien Apostel). — On dit du coq que l’on voit représenté à côté du disciple :

Waarom heeft Sint-Peeter bij hem (zich) nen haan ? — Om te kraaien ! — Waarom moet die(n) haan kraaien ? - Omdat Sint-Peeter het niet en kan ![48]

Pourquoi saint Pierre a-t-il auprès de lui un coq ? — Pour qu’il chante ? — Pourquoi ce coq doit-il chanter ? — Parce que saint Pierre ne le sait pas !


Quelques plantes portent le nom du saint :

Fleur de saint Pierre (Sint-Pietersbloem) = 1° Agrostemma githago, L., la Nielle des blés (Fl. occ. : De Bo) ; 2° Melandrium diurnum Dmrt., le Compagnon rouge (Segelsem) ; — Dodoens donne ce nom à la grande Marguerite.

Bois de saint Pierre (Sint-Pietershout) = le genre Equisetum, Prêle (Fl . occ. : De Bo).

Thé de saint Pierre (Sint-Pieterstheekruid) = Hypericum perforatum L., le Millepertuis, une plante commune officinale (Denderwindeke).

Lis de saint Pierre (Sint-Pieterslelie) = Lilium croceum L., un lis rougeâtre souvent cultivé (Fl . occ. : De Bo).

Petrussen = Phlox paniculé (Volk en Taal, II, 100).


On dit :

Mettre saint Pierre sur le Seigneur (Sint-Pieter op ons Heer leggen). Voir plus haut.

Avoir saint Pierre en poche (Sint-Pieter in zijnen zak hebben), avoir la clef de la maison.

Saint Pierre y mettra sa béquille (Sint-Pieter zal er zijn kruk in steken), saint Pierre fera réussir l’affaire.

Voici un conte dans lequel saint Pierre pêcheur joue un rôle :


comment l’églefin reçut son nom.
(Hoe de Schelvisch zijnen naam kreeg).

Saint Pierre était occupé à pêcher, et la pêche était si bonne qu’il tirait difficilement le filet hors de l’eau. Jamais saint Pierre n’avait pris autant de poisson !

Il allait relancer le filet, quand il vit un poisson arrêté par les mailles. Saint Pierre le prit et voulut le jeter dans sa barque ; il n’en eut pas le temps : le poisson s’échappa de ses mains et retomba à l’eau.

« Sacré coquin ! s’écria Saint Pierre, irrité ; à l’avenir vous vous appellerez poisson-coquin (schelmvisch). ‬»

Depuis lors les hommes appellent, en effet, ce poisson schelmvisch. Saint Pierre l’avait si bien serré, que l’on voit, maintenant encore, derrière la tête de l’animal, des deux côtés, les empreintes profondes des doigts du saint[49].


Saint Jean (Sint-Jan).

Le peuple ne fait aucune différence entre les divers saints de ce nom : Saint Jean-Baptiste, le précurseur du Messie ; Saint Jean-l’Évangéliste, l’apôtre préféré du Christ ; Saint Jean-l’Agneau, évêque de Tongres, et d’autres encore. Le premier cependant jouit de la plus grande réputation. La veille de sa fête (24 juin), on allume des feux de joie, les feux de Saint-Jean (Sint-Jansvuur)[50].

Quelques plantes lui sont consacrées :

Pomme de saint Jean (Sint-Jansappel) = petite pomme sauvage, précoce, Malus communis, var. praecox. On raconte que saint Jean de Tongres, surnommé l’Agneau à cause de sa douceur, était, avant de devenir évêque de Tongres, un cultivateur riche et marié. Un jour qu’il travaillait, comme d’habitude, aux champs, il vit, à ses côtés, un pèlerin qui venait de la Palestine. (D’autres prétendent que c’était un ange du ciel.) Le pèlerin dit :

« Vos actions sont agréables à Dieu. C’est pourquoi il vous a choisi comme évêque de Tongres. »

Ces paroles étonnèrent saint Jean qui répondit, en enfonçant son bâton dans le sol :

« Ce bois sec portera des fruits, avant que votre prédiction ne s’accomplisse ! »

À peine avait-il prononcé ces paroles que le bâton se revêtit d’une écorce verte, poussa des feuilles, des rameaux et porta des pommes mûres. Celles-ci ont reçu le nom de pommes de saint Jean[51].

Baie de saint Jean (Sint-Jansbees ou bezie) = la Groseille commune à grappes, rouge ou jaune (Hageland et Haspengouw)[52].

Fleur de saint Jean (Sint-Jansbloem) = la grande Marguerite[53] (Fl. occ., De Bo ; Segelsem).

Cerise de saint Jean (Sint-Janskers) = une variété de Guigne (cerise douce), très grosse, rouge et précoce (sud de la Fl . orient. : Segelsem). On l’appelle dans la Fl. occ. (De Bo) : Sint-Jansparette. Dans les environs de Louvain, les cerises de saint Jean sont les bigarreaux.

Herbe de saint Jean (Sint-Janskruid) = Sedum telephium L., l’Orpin à feuilles larges (Fl. occ. : De Bo). La véritable herbe de saint Jean est le Millepertuis, une plante mythique, encore employée en médecine.

Sarment de saint Jean (Sint-Jansranke) = Glechoma hederacea L., le Lierre terrestre (Fl. occ. : De Bo).

MINISTRES DU CULTE.


À tout seigneur, tout honneur ! Nous parlerons, en premier lieu, de

1. Monsieur le Curé (Mijnheer Pastoor ; en Flandr : Mijnheer de Paster).

Le paysan flamand est moqueur, et le curé même n’échappe pas à ses railleries. Il lui donne les sobriquets suivants :

Drijtip, tikkenhaan, tik, tikkenhoed, totenhoed, drijtik, drijtoot (tous ces mots signifient tricorne), zwarterok (robe noire), man met de kruin (homme à la tonsure), paap, kraai, raaf (corbeau), etc.

On n’aime pas la servante du curé (meid, meissen, pastoorsmaarte) : c’est une bavarde, une rapporteuse, une médisante (vuiltong, vuilblik). Les contes, trop grivois, dans lesquels le curé et sa servante jouent un rôle prépondérant, sont excessivement nombreux et nous n’osons en donner un exemple. Nous nous bornerons à quelques anecdotes inoffensives.

Le peuple déteste les longs services religieux, les grands sermons. C’est l’origine de l’anecdote suivante :


où dois-je le mettre ?

Un curé, dans un sermon, après avoir longuement parlé de la vie d’un saint et de ses miracles, s’écria à la fin de son discours :

« À quelle place, dans le ciel, dois-je le mettre ? »

« Dois-je le mettre avec les anges ? »

« Non ! Beaucoup plus haut ![54] »

« Dois-je le mettre avec les archanges ? »

« Non ! beaucoup plus haut ! »

« Dois-je le mettre avec les Séraphins ! »

« Non  beaucoup plus haut ! »

« Dois-je le mettre avec les Chérubins ! »

« Non ! beaucoup plus haut ? »

Ici, il fut interrompu par un fidèle impatient qui se leva :

« Mettez-le ici, sur ma chaise,… je m’en vais tout de même »[55] !

(Sottegem.)

la servante doit tonner !

Certain curé n’était pas content, mais pas content du tout de la manière de vivre de ses paroissiens. Pour les effrayer, il inventa ceci : pendant le sermon suivant, la servante, cachée au-dessus de la nef, qui était formée de planches peu résistantes, devait imiter, avec ses gros sabots, le tonnerre du grand Dieu.

Ainsi dit, ainsi fait[56] !

Le dimanche, le curé monta en chaire et fit un sermon violent contre la turpitude de ses ouailles. Au moment où il parlait de la vengeance terrible de Dieu, on entendit, au-dessus de la nef, un bruit infernal.

« Écoutez le tonnerre de Dieu !… Il frappera les pêcheurs endurcis ! »

Eh mais ! les planches vermoulues cédèrent, la servante passa à travers et resta suspendue à mi-corps, se débattant et se trémoussant.

Le curé s’aperçut de l’accident et s’écria :

« Ne regardez pas en haut, ne regardez pas en haut !…… Vous deviendriez tous aveugles !… »

Et personne n’osa regarder en haut.

Malheureusement, il se trouva un borgne dans l’église, et il se dit :

« J’ai déjà perdu un œil ; je vais risquer l’autre aussi ! »

Et il le risqua !

Quel éclat de rire, mes enfants, quel éclat de rire !

Mais c’est le curé qui fit une grimace !

(Molenbeek-Saint-Jean)

Même les enfants qui rencontrent un curé, font entendre des cris railleurs :

Mijnheer Pastoor, — met een belleken aan uw oor ![57]

Monsieur le curé, — avec une sonnette à l’oreille !

(Molenbeek-Saint-Jean.)

Et le soir, ils allument une petite chandelle (een keerske van nen cent), la plantent sur le sol et chantent, en dansant en rond :

Keesken in de lanleere ! — is mijnheer Pastoor niet thuis ? — ’k zou hem geere spreken — ’t avend in zijn huis ! — Hij zegt da’k ne kloddeman ben, hij zegt da’k ne roddeman[58] ben !

Petite chandelle dans la lanterne ! — monsieur le curé, n’est-il pas chez lui ? — je voudrais lui parler — ce soir dans sa maison ! — II dit que je suis un chiffonnier, — il dit que je suis un chiffonnier !

(Molenbeek-Saint-Jean.)

2. Le Sacristain ou le Clerc (Koster, Köster) est le principal aide du curé.

On ne l’aime pas beaucoup, parce qu’on le considère, à tort ou à raison, comme un hypocrite et un rapporteur. On l’appelle quelquefois : Keersenrolder (Segelsem), parce qu’il roule (fait) les cierges bénits. Ceci explique pourquoi l’on dit aux enfants qui oublient de se moucher : Vous avez volé la mèche du sacristain (G’hêt kosters wieke gestolen)[59]. Aux environs de Pâques (souvent à Pâques même), le sacristain faisait sa tournée chez les paroissiens et exigeait son œuf de Pâques (Paaschei) ; cet usage (peut-être un vestige des dîmes) n’existe plus ; néanmoins, beaucoup de paysans envoient encore, quand ils tuent un cochon, un cadeau (eene zende), composé de saucisses et de carbonnades, au curé et au sacristain. C’est probablement aussi cet usage qui a donné naissance à l’ironique chant enfantin :

Bim, bom, beieren[60] ! — de koster mag geen eieren ! — wat mag hij dan ? — spek in de pan ! — de koster is ne lekkre man[61] !

Bim, bom, beieren ! — le sacristain n’aime pas les œufs ! — qu’aime-t-il donc ? — du lard dans la poêle ! — le sacristain est un friand !

(Sollegem.)

Voici encore quelques formulettes ironiques :

Kosters koe, die heeft gekipt ; — ’tis ne grijzen, — ’t is ne grijzen ! — Kosters koe die heeft gekipt, — ’t is ne grijzen zonder steert !

La vache du sacristain a vêlé : — c’est un gris[62], — c’est un gris ! — La vache du sacristain a vêlé, — c’est un gris sans queue.


Koster z’n hoed, die is gebuild, — zijn kastornen, — zijn kastornen ! — Koster z’n hoed, die is gebuild, — Zijn kastornen — ’t is zijn schuld !

Le chapeau du sacristain est bossué, — son castor, — son castor ! — Le chapeau du sacristain est bossué, — son castor — c’est sa faute !

(Sud de la Fl. or. : Folk en Taal, I, 8.)

Ora pro nobis !De koster heet Jacobus, — De(n) hond leet in de biezen dood, — ’t stetjen af en ’t gatteke bloot !

Ora pro nobis  — Le sacristain s’appelle Jacques, — le chien gît mort dans les joncs, — la queue enlevée et le c.. nu !

(Sint-Antonius-Brecht : Volksleven, I, 53.)

Ora pro nobis !De köster heet Jacobus ; — hoe heet z’n vrouw ? — Mieke, de vuile mouw ! — Hoe heet ze kind ? — Holleke, bolleke, snotvink.

Ora pro nobis ! — Le sacristain s’appelle Jacques ; — comment s’appelle sa femme ? — Mieke, la sale manche ! — Comment s’appelle son enfant ? — Petit trou, petite boule, petit morveux.

(Anvers, id.)

De koster van Cappellen, ― die eet zoo geren mastellen, — hij bijt er altijd beetjes van, — hij laat er altijd scheeljes van, — Prit, prat, zei zijn g..t, — gelijk een houten botervat !

Le sacristain de Cappelle, — mange volontiers des mastelles, — il en mord à petits morceaux, — il lâche toujours de petits p.ts, — Prit, prat, dit son c., — comme une baratte de bois !

(Wambeke : Volkskunde, I, 271.)

Sa femme aussi (Kosteres, Köstès, Kosterinne) est exposée aux sarcasmes populaires. Les enfants chantent :

Kosters hinne[63] is nog nie dood, — z’heet de papeie, — z’heet de papeie ! — Kosters hinne is nog nie dood, — z’heet de papeie — in haren poot !

La poule du sacristain n’est pas encore morte, — elle a la pépie, — elle a la pépie ! — La poule du sacristain n’est pas encore morte, — elle a la pépie — dans sa patte !

(Segelsem.)

Dans quelques contes et anecdotes, le sacristain semble être plus malin que le curé ; dans d’autres, il joue le rôle de benêt.

 

sacristain, tenez à la foi !
(Koster, houd aan uw geloove !)

Le curé et son sacristain étaient allés administrer un malade.

Il faisait nuit sombre et, au retour, ils tombèrent dans un étang profond.

Sur le point de se noyer, le curé cria :

« Sacristain, tenez(-vous) à la foi ! »

Mais le sacristain qui était nageur habile, se trouvait déjà près du bord et répondit :

« Monsieur le curé, faites cela vous-même ; moi, je me tiens à l’herbe[64] ! »

Et il sortit de l’eau.

Mais le curé se noya !

(Sottegem.)

histoire d'un curé qui ne savait pas le latin.

Il y avait, dans certain village, un curé qui, dans ses sermons, n’employait jamais un mot de latin.

« Notre curé ne sait pas le latin ! » disaient les paysans ; « c’est sûr ! sinon il le ferait bien entendre en chaire… Puisqu’il ne sait pas le latin, — qu’il quitte la paroisse ! »

Cela donna des soucis au curé.

Un jour qu’il faisait une promenade avec son sacristain, qui était un fin matois, un lièvre passa devant eux :

« Hazera loopa ! »[65] dit le sacristain.

« Ça, c’est du latin ! » pensa le curé ; « je le retiendrai ! »

« Ekstera booma ! »[66] dit le sacristain en montrant une pie sur un arbre.

« Ça, c’est encore du latin ! » pensa le curé ; « je le retiendrai aussi ! »

Un peu plus loin un veau tomba dans un fossé.

« Kalvera kwakku ! »[67] dit le sacristain.

« Je connais déjà beaucoup de latin », pensa le curé ; « attendons à dimanche ! »

Arrivé chez lui, il annota soigneusement les mots que le sacristain lui avait appris.

Deux jours après, ils firent une nouvelle promenade.

Passant à côté d’une ferme, ils aperçurent une poule, occupée à pondre.

« Hoendera legeira[68] ! » dit le sacristain.

Plus loin un pêcheur pêchait et le sacristain s’écria :

« Visscherel vangdel[69] ! »

Et près d’un grand château :

« Kasteela hooga[70] ! »

Et le curé retint le tout ! Oui ! maintenant il savait le latin, car il considérait son sacristain comme très instruit. Le dimanche suivant, le curé, fier comme un coq, monta en chaire et commença son sermon :

« Mes chers paroissiens ! Hazera loopa, ekstera booma, kalvera kwakka, hoendera legeira, visscherel vangdel, kasteela hooga ! »

Les paysans se mirent à rire et tous furent contents ; car personne n’oserait encore prétendre que leur curé ne savait pas le latin.

(Volkskunde, I, 254)[71].


PARODIES.


Plain-chant sauvage (wilde kerkzang).

C’est le plain-chant parodié.

L’humour populaire transforme souvent, d’une façon compréhensible mais bizarre, le latin inintelligible que l’on chante à l’église.

Voici quelques exemples de ces transformations :

Dominus vobiscop ![72] — Heft den hond zijn koddeke op, — en geeft er een pletsken op !

Dominus vobiscop ! — Lève la queue du chien — et donnes-y une petite tape !

(Segelsem.)

Pendant les Rogations (Kruisdagen), le curé et son sacristain, précédés d’un enfant de chœur portant la croix et suivis d’une centaine de paysans (vieillards, femmes et enfants surtout), bénissent les champs et chantent alternativement :

Koster, eet ge geeren stokvisch ? — Liever abberdaan, Mijnheer ! — Koster, zijn de krieken al rijp ? — Neen, Mijnheer, z’en bloeien nog maar !

Sacristain, aimez-vous le stockfisch ? — Je préfère la morue, Monsieur ! — Sacristain, les cerises sont-elles déjà mûres ? — Non, Monsieur, elles fleurissent encore !

(Molenbeek-Saint-Jean)

On entend à Brecht :

Köster, staan der nog noten in ’t bosch ? — Ja, Mijnheer, ze zijn al vos ! — Dan, leg ze maar in ’t sacristijn ! — Neen, Mijnheer, het zijn de mijn !

Sacristain, y a-t-il encore des noisettes dans le bois ? — Oui, Monsieur, elles sont déjà rousses ! — Alors, mettez les dans la sacristie ! ― Non, Monsieur, ce sont les miennes !


Dans la revue Volkskunde (I, 241), M. Gittée, le folkloriste bien connu, fait connaître une pièce intéressante, laquelle, dit-il, est répandue dans le peuple sous le nom de Wilde vespers (Vêpres sauvages). Nous en extrayons deux passages, le premier et le dernier.

Deux villageois remplissent, l’un l’office de curé, l’autre celui de sacristain, et chantent à tour de rôle :


I.

Koster van lirum, — koster van larum, — koster van Lambrecht ! — Ja, meneer, ’k ben uwen dienaars knecht ! — Zie ne keer naar den Oosten, — en zie ne keer naar den Westen, — of dat er niemand nie(t) en komt van Sint-Jacob. — Ja, meneer, z’hên me wel bedacht, — z’hên me daar nen haan gebracht. — De(n) haan was over ’t waterke, — pikatorium — seevan directionem — pine sestig – klink, klank : klorium[73].

Sacristain de lirum, — sacristain de larum, — sacristain de Lambert ! — Oui, Monsieur, je suis votre serviteur ! — Regardez vers l’Orient, — et regardez vers l’Occident, — si personne ne vient de Saint-Jacques ? — Oui, Monsieur, ils ont pensé à moi, — ils m’ont apporté un coq. — Le coq était au delà de l’eau, — pikatorium, — klink, klank, klorium !


II[74].

Koster van lirum, — koster van larum, — koster van Lambrecht ! — Ja, meneer, ’k ben uwen dienaars knecht ! Zie ne keer naar den Oosten, — zie ne keer naar den Westen, — of dat er niemand nie(t) en komt van Sint-Jacob. — Ja, meneer, z’hên mij wel bedacht, — z’hên me daar een mot gebracht. — De mot was rot, — het peerd was ’t weerd, — de koei was moei, — het veel was eel, — het kalf was half, — het zwijn was mijn, — het schaap was aap, — de hond was str...t, — de kat was nat, — de zwaan was aan, — en de(n) haan was over ’t waterke, — pikatorium — seevan directionem — pine sestig — klink, klank, klorium[75] !

Sacristain de lirum, — sacristain de larum, — sacristain de Lambert ! — Oui, Monsieur, je suis votre serviteur ! — Regardez vers l'Orient, — et regardez vers l’Occident, — si personne ne vient de Saint Jacques — Oui, Monsieur, ils ont pensé à moi, — ils m’ont apportée une truie, — la truie était pourrie, — le cheval le valait, — la vache était fatiguée, — le poulain était noble, — le veau était incomplet (demi), — le porc était le mien, — le mouton était singe, — le chien était de m…, — le chat était mouillé, — le cygne était attaché (?) — et le coq était au delà de l’eau, — pikatorium, — klink, klank, klorium !


prières parodiées ou prières sauvages.
(Wilde gebeden, wangebeden).

On parodie surtout les prières généralement connues : le Pater, l’Ave, le signe de la Croix.


signe de la croix.

Moeder ! — Vader ! — ’k heb honger ! — Waar ! — Daar !

Mère ! (On met la main sur le front.) — Père ! (Id. sur la poitrine ou le menton.) — J’ai faim ! (Id. sur le côté gauche ou sur la joue gauche) — Où ? (Id. sur le côté droit ou sur la joue droite.) — Là ! (Id. dans la bouche ouverte.)


pater.

Onze Vader, die in de hemelen zijt, — de pastoor was zijn toepe kwijt, — hij ging er achter zoeken, — ze lag vol heetekoeken !

Notre Père qui êtes aux cieux, — le curé avait perdu son bonnet, — il alla le chercher, — il était rempli de crêpes !

(Waregem.)

Onze vader Pier Verzelen, — we zullen l’avond knollekes stelen, — komt de(n) boer, we zullen loopen — komt hij niet, — al zijn knollekes zijn te nie  !

Notre père Pierre Verzelen — nous volerons des navets ce soir ; si le paysan vient, nous nous enfuirons, — s’il ne vient pas, — tous ses navets seront pris !

(Asper.)

Onze vader, die in de hemelen zijt, — Peetje was zijn palope kwijt, — hij ging er achter zoeken, — hij vond een brokke koeke, — hij stak ze in zijnen mond, — ’t was al koeistr...t !

Notre Père, qui êtes aux cieux, — vieux père avait perdu sa palope (?), — il alla la chercher, ― il trouva un morceau de gâteau — il le mit en bouche, — ce n’était que de la bouse de vache !

(Sud de la Fl. Or.)

Pater noster, — de paster smeet de koster, al over zijn hoofd, — dat de broek van zijn gat schoof !

Pater noster, — le curé frappa le sacristain, — par-dessus la tête, — que le pantalon glissa de son c…

(Sud de la Fl. Or.)

Onze vader, die in de hemelen zijt, — ’k ben mijn wijf en mijn kinders kwijt, — van de kwaden, amen ; — ’k wilde dat ze nie meer weer en kwamen !

Notre Père, qui êtes aux cieux, — je suis quitte de ma femme et de mes enfants, — du mal, amen : — je voudrais qu’ils ne retournent plus !

(Sud de la Fl. Or.)

Onze vader, die in de hemelen zijt, — in den hemel staat een mijt, — in de hel staat een put, — waar de duivel zijn broek uitschudt.

Notre Père, qui êtes aux cieux, — dans le ciel est un tas (de bois), — dans l’enfer est un puits, — dans lequel le diable vide son pantalon.

(Godsenhoven.)

Onze vader, die der zijt, — zet de schotel niet te wijd, — komt de pater, — dan ben ik ze kwijt !

Notre Père, qui y êtes, — ne mettez pas le plat trop loin, — si le moine vient, — j’en suis quitte !

(Godsenhoven).

Onze vader, die in de hemelen zijt, — zet de schotel niet te wijd, — brok de brokken niet te dik, — dat moeder zich niet verslikk’ !

Notre Père, qui êtes aux cieux, — ne mettez pas le plat trop loin, — ne faites pas les morceaux trop gros, — afin que mère ne s’engoue pa !

(Orsmaal.)

ave.

Wees gegroet, — mijn billeke bloedt, — wie zal ’t genezen ? — Tante Treze, — met een groote stekelbeze !

Je vous salue, — ma cuisse saigne, — qui la guérira ? — Tante Thérèse, — avec une grande groseille !

Ou :

Wees gegroet, — mijn vinger bloedt, — wie zal hem genezen ? — Tante Treze — Die oude, leelijke stekelbeze !

Je vous salue, — mon doigt saigne, — qui le guérira ? — Tante Thérèse, — cette vieille, laide groseille !

(Waregem.)

Wees gegroet, vol van gratie, — een kwaad wijf is ’n man zijn tentatie ; — boven alle vrouwen, — die ze heeft moet ze houwen !

Je vous salue, pleine de grâces, — une méchante femme est le chagrin du mari, — au-dessus de toutes les femmes, — qui l’a, doit la garder.

(Godsenhoven.)

Voici le Pater et l’Ave de l’amateur de genièvre (genevelist) :

Onze vader, — die in alle herbergen zit, — geheiligd zijn de(n) bitteren en de(n) klaren, — laat ons toekomen den genever, — geef ons heden onzen dagelijkschen druppel, — en vergeef ons onze schulden, — die wij in de herbergen staan hebben, — de bazen, die ons slechten drank getapt hebben, — en leid ons niet in de kroegskens — maar verlos ons altijd — van ledige glazen — Amen.

Notre Père, — qui êtes (assis) dans toutes les auberges, — que l’amer et le clair[76] soient sanctifiés, — que le genièvre nous arrive, — donnez-nous notre goutte quotidienne, — et pardonnez-nous nos dettes — que nous avons dans les auberges, — comme nous pardonnons, — aux patrons, qui nous ont donné de la mauvaise boisson, — et ne nous conduisez pas dans les petites tavernes, — mais délivrez-nous toujours — des verres vides. — Amen.


Wees gegroet, — heilige Genever, — gebenedijd zijt gij boven alle dranken — en gebenedijd is de vrucht des stokers. — Heilige Genever, — bid voor onzen armen dronkaard, — nu en in de Goede duif — een groote druppel aan 3 cenien. — Amen.

Je vous salue, — saint Genièvre, — vous êtes béni entre toutes les boissons, — et béni est le fruit du distillateur — Saint Genièvre, — priez pour le pauvre ivrogne. — Maintenant au bon Pigeon — une grande goutte à trois cents, — Amen.

(Anvers : d’après une feuille volante.)
Nous donnons enfin, à titre de curiosité historique, un pater et un ave du temps de la révolution de 1830.

In den Haring, — in den Paling, — in den Abberdaan, — het gaat er op aan ! [77] — De koning, die in Holland zijt, — uw naam, die is vermaledijd. — Hij mag niet meer komen in ons rijk. — Zijn wil geschiede in ons land niet meer. — Hij heeft ons ontnomen ons dagelijksch brood — en wij vergeven hem die schulden niet. — Hij zal Potter niet meer doen lijden — en wij zijn verlost van den rotten kaas. — Amen ! — In den Haring, — in den Paling, — in den Abberdaan, — en het is er mee gedaan !

Au (nom du) Hareng, — et de l'Anguille, — de la Morue, — et cela commence ! — Roi, qui êtes en Hollande, — votre nom est maudit. — Il ne peut plus venir dans notre royaume. — Sa volonté ne soit plus faite dans notre pays. — Il nous a pris notre pain quotidien, — et nous ne lui pardonnons pas ces offenses. — Il ne fera plus souffrir Potter, — et nous sommes délivrés du fromage pourri. — Amen ! — Au (nom du) Hareng, — et de l’Anguille, — et de la Morue, — et c’est fini !


Wees gegroet, — Marianne van Pruisen ! — De kaas is met u. — Besuikerd zijt gij boven alle vrouwen, — en vermaledijd is de vrucht, — uws lichaams, Frederik. — Heidensche Marianne, — moeder Kaas, — bid voor ons, arme patriotten, — uw en in de ure onzer verlossing — Amen ![78]

Je vous salue, — Marianne de Prusse ! — Le fromage est avec vous. — Vous êtes sucrée entre toutes les femmes, — et maudit est le fruit — de vos entrailles, Frédéric. — Marianne païenne, — mère Fromage, — priez pour nous, pauvres patriotes, — maintenant et dans l’heure de notre délivrance. — Amen.


catéchisme parodié, catéchisme sauvage.
(Wilde catechismus).

Des parodies de phrases du catéchisme existent aussi.

En voici quelques exemples :

Wat is ’t geloove ? — mijn moeders koove ! — Wat is d’hope ? — nen pot sarope ! — Wat is de liefde ? — ne struik andiefde ? — Wat is ’t berauw ? — nen hinnenklauw ! Qu’est-ce que la foi ? — la coiffe de ma mère. — Qu'est-ce que l’espérance ? — un pot de sirop. — Qu’est-ce que la charité ? — une touffe d’endives. — Qu’est-ce que la contrition — une patte de poule !

(Segelsem.)

Wat is vasten ? — Drij (of vier of vijf, enz.) boterhams eten en naar den vierden lasten !

Qu’entend-on par jeûner ? — Manger trois (ou quatre ou cinq, etc.) tartines et tâter où est la quatrième.

(Segelsem).

Hoeveel Goden zijn er ? — Drie : Pierke God, Jantje God en de(n) derde(n) — achter ’t stampkot !

Combien de Dieux y a-t-il ? — Trois : Pierre-Dieu, Jean-Dieu — et le troisième derrière le moulin à piler.

(Sottegem).

Wat is ’t hauwelijk ? — Schrikkelijk en grauwelijk — en voor vele nie(t) hauwelijk ![79]

Qu’est-ce que le mariage ? — Effrayant et terrible, — et pour beaucoup pas tenable !

(Sottegem.)

Nous donnons encore :

Wat is de hoop — Een pot siroop. — Wat staat er sijn ?[80] — een pot azijn. — Wat staat er tusschen ? — een pot vol musschen. — Wat staat er achter ? — een domme koeiwachter.

Qu’est-ce que l’Espérance ? — un pot de sirop. — Qu’y a-t-il à côté ? — un pot de vinaigre. — Qu’y a-t-il entre (les deux) ? — un pot rempli de moineaux. — Qu’y a-t-il derrière ? — un stupide vacher.

(Flandre orientale.)

Wat is de hoop ? — nen pot vol siroop ? — Wat is er in ? — een gebraden hin. — Wat ligt er bezijen ? — een mesken om te snijen. — Wat ligt er achter ? — een dikke vette pachter.

Qu’est-ce que l’espérance ? — un pot plein de sirop. — Qu’y a-t-il là-dedans ? — un poulet rôti. — Qu’y a-t-il à côté ? — un petit couteau pour couper. — Qu’y a-t-il derrière ? — un fermier gros et gras.

(Béeringen.)

Wat is het Heilig Olijsel ? — vier wielen en nen dijsel !

Qu’est-ce que l’Extrême-Onction ? — Quatre roues et un timon !

(Lebbeke.)

Wat heeft Christus voor ons geleden ? — Geheel zijn leven lang — gevêren op een plank — op den put van Vogelenzang ![81]

Qu’est-ce que Jésus-Christ a souffert pour nous ? — Toute sa vie — il a navigué sur une planche — sur le puits de Vogelenzang !

(Rupelmonde.)

Voici, une des nombreuses anecdotes qui ont trait à cette matière :

Un vacher, pas malin du tout, ne savait pas retenir les noms des trois personnes divines. Le curé, le rencontrant un jour à la prairie, lui dit :

« Écoutez, mon garçon, vous avez là trois vaches : la noire, c’est Dieu le Père ; la blanche, Dieu le Fils ; la tachetée, Dieu le Saint Esprit. Vous retiendrez ça, n’est-ce pas ? »

« J’essayerai, Monsieur le curé ! »

Quelques jours après, le curé le rencontrant de nouveau à la prairie, lui demanda :

« Combien de personnes divines y a-t-il ? »

« Deux, Monsieur le curé. »

« Comment ! deux ? »

« Oui, deux : Dieu le Père… » et il montre la vache noire, « Dieu le Saint-Esprit…, » et il montre la tachetée.

« Et Dieu le Fils, où est-il ? »

« À l’étable, M. le curé il a vêlé ! »

(Sottegem)[82].

Nous regrettons de devoir passer tout ce que le peuple pense et dit des Enfants de chœur, du Fossoyeur (souvent aussi Sonneur de cloches et Metteur de chaises), du Suisse, du Souffleur d’orgues, des Quêteurs et des Marguilliers, etc. — du Pape, des Évêques, etc. — et de l’armée nombreuse des Moines et Nonnettes, des Béguines et des Bigotes, qui cependant donnent ample récolte au folkloriste. Nous croyons néanmoins devoir donner quelques dictons et proverbes curieux ou bizarres, se rapportant aux ministres du culte.

Le curé ne dit pas deux messes pour le même argent (de pastoor doet geen twee missen voor éen geld) — et il mesure son travail d’après son salaire : monnaie de cuivre — service de cuivre, monnaie d’argent — service d’argent (koperen geld — koperen zielmis, zilveren geld — zilveren zielmis !)

Il a l’habitude d’aller à l’église (hij is gewend van naar de kerk te gaan), se dit d’une personne qui laisse, derrière soi, la porte ouverte (comme celle de l’église).

Le plus grand péché, à Rome, c’est de ne pas avoir d’argent (de grootste zonde, te Roomen, is geen geld te hebben).

On dit d’un homme peu religieux qui ne demeure pas loin de l’église : près de Rome — loin de Dieu (hoe nader bij Roomen, hoe grooter geus : près de l’église — grand gueux !)

Chacun sait que les curés et les moines sacrifient souvent à leur ventre. Le peuple le leur reproche :

Il est aussi gros qu’un moine qui a vu boire de l’eau (hij is zoo vet, zoo dik als ne(n) pater van water te zien drinken !) ; il sait boire comme un templier (hij kan drinken als een tempelier) ; il fait comme les moines : il mange tant qu’il en sue, et il travaille si peu qu’il en gagne froid (hij doet als de paters : hij eet dat hij zweet en hij werkt dat hij kou krijgt) ; une très bonne boisson vient du tonneau du moine (komt van ’t patersvat).

On critique souvent leur inaction :

Si le métier de bûcheron était un ordre, on n’y trouverait pas beaucoup de moines (ware houtkappen een orde, men zou er niet veel paters vinden).

On dit d’une personne qui prêche bien, mais qui agit mal :

« Ah oui ! c’est comme dit le curé : écoutez mes paroles, mais n’imitez pas mes actions ! »

Enfin :

Les moines sont bons, mais le couvent ne vaut rien ; — la vertu est au milieu, dit le diable, et il se trouvait entre deux capucins ; — « un, c’est un ! », dit le diable, et il lança un prêtre en enfer ; mais Lucifer se prit à rire : « il ne faut pas les compter, mon fils, ils arriveront ici tous tout de même ! (ze moeten hier toch altemaal komen !) ».



CHOSES SACRÉES.

(Gewijde zaken).

Nous ne parlerons que de la croix et des cloches[83].


Croix.

Le peuple appelle croix :

La croix avec ou sans l’image du Christ, le crucifix (kruisbeeld, kruis-lieven-heere) ;

Le signe de la croix (kruisteeken, kruis, kruisken).

On trouve la croix :

Sur tous les établissements religieux (églises, couvents, etc.) ;

Sur les tombes et les pierres tumulaires ;

Au coin des rues, surtout aux carrefours ; le passant salue cette croix en ôtant sa casquette et en se signant ; les cercueils doivent s’arrêter aux carrefours ; à Maldegem, on croit que si on ne le faisait pas, l’esprit malin arracherait le cadavre du cercueil, qui entrerait, vide, à l’église ;

Dans les maisons, au-dessus de la cheminée ; on y attache ordinairement un rameau de buis ; c’est ce crucifix de famille que le mourant baise, qu’on met entre les mains et sur la poitrine du trépassé, qu’on porte devant le cercueil lors de l’enterrement ;

Le long des chemins, à l’endroit où un homme est décédé subitement ou accidentellement ; s’il y a un arbre, on y fait une double incision en forme de croix.

On se signe (men maakt een kruisken) le matin, avec de l’eau bénite ; avant et après les repas ; le soir avec de l’eau bénite ; les enfants demandent une « croix » à leurs parents avant d’aller au lit (vragen een kruisken aan vader en moeder).

On se signe avant de faire un acte important : les faucheurs, les voituriers, les tisserands, les sarcleurs, etc. commencent leur travail en se signant. Dans certaines localités, le voiturier fait, avant le départ, le signe de la croix sur le front de ses chevaux, ou il trace, avec le pied, dans le sol, une croix devant les chevaux attelés.

On se signe quand il fait des éclairs, quand il tonne.

On chasse le mauvais esprit au moyen du signe de la croix ; dans beaucoup de contes, on fait fuir le diable ou la sorcière en se signant.

En entrant à l’église, en en sortant, les fidèles font le signe de la croix avec les doigts trempés dans l’eau du grand bénitier.

Les écoliers se signent avant et après la classe. Il y a quelques années, on entendait dans les écoles la prière suivante :


Kruiske, kruiske, goed begin, — de H. Geest is mijn(en) zin, — ’k bidde voor Onzen-Lieven-Heere, — omdat[84] ik wel zou mogen leeren, — ’k bidde voor Onze-Lieve-Vrouwe, — omdat ik wel zou mogen onthouen ![85]

Petite croix, petite croix, bon commencement, — le Saint-Esprit est mon esprit, je prie notre cher Seigneur, — pour que j’apprenne bien ; — je prie notre chère Dame, pour que je retienne bien !


Le premier livre de l’enfant s’appelait : Petite croix ABC (Kruisken ABC), parce qu’il y avait une croix devant la lettre A.

Dans beaucoup de localités (notamment en Flandre), les bigotes se signent quand elles entendent un juron.

Beaucoup de marchandes font le signe de la croix, en recevant leur première recette (étrenne).

Dans tout le pays flamand, on fait, au moyen de la pointe du couteau, une croix sur la face inférieure du pain qu’on entame. À Anvers, on y fait trois fois le signe. Souvent la mère fait une croix dans la farine qu’elle répand sur la pâte préparée ; parfois dans la pâte même dont elle fait des crêpes ou des gaufres. Souvent on taille une croix (qui sert de marque) dans la face supérieure du kramik, avant de le mettre au four. Quelquefois on fait le signe au-dessus de la pelle de bois (ovenpaal) avant d’y mettre le premier pain.

Pour écarter l’esprit du mal et les sorcières, on badigeonne une croix blanche sur le mur ou la porte de l’étable, ou sur les volets de la maison, ou à côté des soupiraux. En fermant l’étable ou les volets des fenêtres, on y fait, le soir, le signe de la croix, en disant : « Je chasse le mal et je laisse entrer le bien ! »

Si un poulain ou un veau entre, pour la première fois, dans l’étable, on fait le signe de la croix sur le front de la bête : celle-ci pourrait être ensorcelée !

Devant la mortuaire, on étend une croix de paille et on la fixe avec une brique rouge (Flandre or.). Dans la province d’Anvers, on place une croix contre le mur, ou deux pierres en forme de croix avec une croix de paille entre elles. Dans les environs de Malines, on fixe une petite croix dans le sol ou on la cloue sur un arbre. Avant d’enlever le cadavre, on lui fait le signe de la croix sur le front.

Beaucoup de personnes se signent avant le jeu. Les enfants qui jouent aux billes, font une croix sur le sol et disent, pendant que l’adversaire tire :


Kruisken, bid, — dat hij er over schit (schiet).

Petite croix, prie, — pour qu’il tire au-dessus !


Ils ont aussi une bille, marquée d’une croix, qui fait gagner celui qui la possède (winknisper ou winmarbol).

Les couvreurs en chaume (stroodekkers) font une croix de paille sur un des coins du faîte (Campine).

Dans les Flandres, après les semailles[86], les paysans font, dans un carré bien uni, une croix avec la traverse du manche de la bêche. D’autres plantent quelques fèves, quelques pousses de colza en forme de croix, dans un des coins du champ. À Brecht, on met une croix de paille sur les graanmijten (gerbes de blé entassées à proximité de l’habitation) et dans le Haspengouw, les lieuses de gerbes (schoovenbindsters) disposent le lien qui réunit les épis, en forme de croix.

Dans la prairie, où l’on sèche le lin roui, on fait, au moyen des tiges de la plante, une croix que l’on retourne aussi soigneusement que le reste du lin étendu.

Les briquetiers construisent souvent, à la fin de leur travail, une croix de briques, et elle est tenue en honneur aussi longtemps que l’assise dont elle fait partie, n’a pas été enlevée.

La croix-bijou est souvent portée sur la poitrine ou on la suspend sous la boucle d’oreilles.

Faire un kruisgebed (prière-croix), c’est prier les bras étendus comme le sont ceux du Christ sur la croix (Fl. occ. : De Bo.)

Un illettré met une croix au bas d’un document en guise de signature.

Le peuple croit donc fermement que la croix protège. Et cependant, certaines choses, disposées en croix, constituent un mauvais présage : la fourchette et le couteau croisés produisent la désunion dans le ménage.


Faisons mention de quelques proverbes et dictons :

« Une croix » (een kruisken) est synonyme de : difficulté. Il a eu beaucoup de croix dans son ménage (hij heeft veel kruisen in zijn huishouden gehad).

Toute maison a sa croix (ieder huisken heeft zijn kruisken) ; une maison sans croix est une maison du diable (een huis zonder kruis is een duivelshuis) ; rarement une croix arrive seule (zelden komt een kruis alleen).

On doit être patient dans le malheur, car celui qui veut éviter une croix, en rencontre deux (hij, die een kruis wil ontloopen, ontmoet er twee).

Veut-on se moquer de quelqu’un, on le renvoie avec un petit drapeau et une croix (men zendt hem met een vaanken en een kruisken weg : Schuerm.)

On fait une croix sur une affaire manquée (men maakt een kruisken over een mislukte zaak).

Un homme excessivement pauvre ne possède ni sou ni croix (heeft noch duit noch kruis).

Un hypocrite sait tant prier qu’il fait descendre Notre-Seigneur de la croix (hij kan Ons-Heer van ’t kruis lezen !)

Une croix (le signe X = 10) vaut dix ans : il porte cinq croix sur le dos (hij draagt vijf kruiskens op zijnen rug), c’est-à-dire il est âgé de 50 ans.


Voici une légende se rapportant à la croix (eene kruissage) :

À Gammérages (Galmaarde), près de Grammont, on conserve religieusement une croix d’argent qui contient un morceau de la vraie croix du Christ. Cette relique fut apportée de la Palestine par Philippe-le-Bon, qui la remit au sire de Gammérages, son valeureux compagnon d’armes.

Environ cent ans plus tard, lors des guerres de Flandre, un prêtre cacha la croix dans un endroit inconnu. Malheureusement il mourut sans avoir révélé où se trouvait la relique.

Celle-ci fut découverte de la manière suivante :

Deux frères de Gammérages avaient, dans une rixe, tué un de leurs amis et durent s’enfuir à l’étranger. Après avoir erré pendant plusieurs années, ils arrivèrent en Prusse, et y rencontrèrent un saint solitaire. Il lui racontèrent leur forfait et lui demandèrent conseil. L’homme leur dit que, par l’intercession de leurs parents, leur crime leur était pardonné et que, sous peu, ils recevraient les lettres de grâce. Puis il leur demanda s’ils ne connaissaient pas un village, nommé Saint-Paul-de-Gammérages et un étang qu’il leur décrivit minutieusement. Les frères répondirent qu’ils connaissaient très bien ce lieu, puisqu’ils y étaient nés. Alors le solitaire dit :

« Ayez confiance et retournez dans votre pays ; creusez, le jour de votre arrivée, (dans) la vase de l’étang, vous y trouverez la croix disparue ; et, pour vous donner pleine et entière confiance, je vous dirai qu’à votre rentrée dans le Brabant, le messager, porteur des lettres de grâce, viendra à votre rencontre. »

Et ces choses arrivèrent.

À peine les frères eurent-ils mis le pied sur le territoire brabançon, qu’ils virent le messager promis. Ils vinrent à Gammérages et se mirent à creuser dès le lendemain ; mais, ne trouvant rien, après plusieurs jours de peines, ils cessèrent le travail. Cependant, comme les habitants du village avaient remarqué, pendant l’hiver aussi bien que pendant l’été, que les oiseaux chantaient leurs plus belles chansons au bord de l’étang, les deux frères se remirent à creuser et trouvèrent enfin la croix.

Plus tard, en temps de guerre encore, la croix fut reperdue. Lorsque la paix fut faite, quelques habitants virent, la nuit, une lueur éclatante qui, partant de l’église, disparaissait au-dessus d’une source appelée Houwereck. Ils cherchèrent et trouvèrent la précieuse relique et, à côté de celle-ci, deux cierges allumés !

Depuis lors, on plonge, le premier jour des Rogations, la croix dans cette eau sacrée.

La Société des archers de Gammérages porte la croix dans son drapeau ; c’est une des plus anciennes confréries du pays[87].


Cloches (Klokken).

Dans les clochers ou les tours des églises, on trouve une ou plusieurs cloches. La personne qui les met en mouvement se nomme le sonneur (klokluider).

Toute cloche, avant d’être mise en branle pour la première fois, doit être baptisée ; on lui donne, à cette occasion, une marraine et un parrain, choisis parmi les notabilités de l’endroit. Souvent une inscription rappelle le souvenir de cette cérémonie[88]. Tout le monde connaît la Klokke Roelant. Il est dangereux de sonner une cloche non baptisée ; si on le fait, elle s’envole par une des ouvertures de la tour (galmgaten, helmgaten) et s’enfonce dans le sol en y formant un gouffre, appelé Klokkeput.

On sonne la cloche pour appeler les fidèles aux services religieux. Presque toujours, dans la plupart des localités, on sonne deux fois avant la messe et on tinte une seule fois. Sonner (luiden), c’est faire tomber le battant sur la face interne de la cloche, de côté et d’autre ; la cloche elle-même est en mouvement. Tinter (kleppen, klippen), c’est faire tomber[89] sur la face externe de la cloche, une espèce de marteau qui se soulève après chaque coup ; la cloche reste immobile.

On tinte pendant la consécration pour avertir les fidèles qui n’assistent pas à la messe.

On sonne ordinairement le matin, à midi (ou à 11 heures), le soir (à 9 ou 10 heures) ; c’est la cloche qui éveille le paysan, qui lui rappelle que le repas l’attend, qui lui indique l’heure du repos (morgenklok, roen- ou middagklok, avondklok).

Lorsque le curé porte le viatique au malade, la cloche donne trois fois trois coups secs et rapides avant son départ de l’église ; les mêmes coups se donnent avant et après toute sonnerie, si l’un des paroissiens est décédé. Dans ce dernier cas, on sonne le glas (de doodklok luidt). Toutes ces sonneries du reste se font d’une manière caractéristique suivant l’état de fortune du trépassé et elles se reconnaissent facilement.

Le tocsin tinte (de alarmklok, stormklok, brandklok klept of tampt) en cas de guerre et d’incendie ; c’est la cloche qui appelle au secours.

Les cloches sonnent à toute volée les jours de fête.

Dans certains villages existe encore la coutume dangereuse de sonner les cloches pendant les orages afin d’écarter la foudre.

Le mercredi de la semaine sainte (kromme woensdag, mercredi courbe, injuste)[90], les cloches quittent la tour et s’envolent à Rome ; elles reviennent la veille de Pâques et apportent aux enfants sages des œufs de Pâques (Paascheieren).

Nous avons entendu chanter, par les enfants, la chanson suivante, mauvaise rimaille incompréhensible :

Binge, bange, bolle ! — de klokke luidt met holle, — al over eenen dooden man ; — nen dooden man in d’eerde, — nen rijken man te peerde, — nen armen man te voete ! — Danke, Joozeke-Jezus zoete ! — Jeezeke is gaan eiers leggen — boven zijne Kroone ! — Sinte Madelijne, — doet de zonne schijnen, — doet den regen overgaan, — dat de kinders naar school gaan : — wie zal de kinders leeren ? — Onze-Lieve-Heere ! — Wie zal de kinders onthouwen ? — Onze-Lieve-Vrouwe ! — Wie zal de kinders misse doen ? — Peetje mee zijnen gelapten schoen !

Binge bange bolle ! — La cloche donne des sons creux (?) — au-dessus d’un homme mort ; — un homme mort dans la terre, — un homme riche à cheval, — un homme pauvre à pied ! — Merci, doux petit Jésus ! — Jésus est « allé » pondre des œufs au-dessus de sa couronne ! — Sainte Madeleine, faites luire le soleil, — faites passer la pluie, — afin que les enfants aillent à l’école. — Qui instruira les enfants ? — Notre cher Seigneur ? — Qui fera retenir aux enfants ? — Notre chère Dame ! — Qui dira la messe pour les enfants ? — Vieux père avec son soulier raccommodé.

(Segelsem.)

Nous clôturerons ce chapitre, nécessairement un peu long, par deux sagas (klokkensagen).


la cloche engloutie.
(De verzonken klok).

À Deuren, un hameau de Op-Oeteren, se trouve un marais au milieu duquel on voit un puits profond. Là s’élevait anciennement une église, dédiée à saint Tool. Cette église fut engloutie, il y a des siècles. Deux hommes courageux essayèrent, un jour, de retirer la cloche. À cet effet, ils se munirent de crochets, de cordes, de longues perches. Ils travaillèrent ferme jusqu’au soir et parvinrent à soulever la cloche. L’un des deux s’écria :

« Au nom de Dieu, nous l’avons ! »

Mais l’autre ajouta :

« Que ce soit aussi au nom du diable ! »

Les cordes se rompirent et la cloche retomba dans le gouffre avec un fracas épouvantable.

Elle repose encore dans la profondeur et, la nuit de Noël, elle sonne une heure[91].


la cloche de maxensele.

L’église de Maxensele possédait une belle cloche : on ne trouvait rien de meilleur dans les environs.

Les habitants en étaient tout fiers !

Malheureusement elle n’était pas baptisée ; mais les paysans de l’endroit pensaient que, quoique non consacrée, elle sonnait assez bien.

Leur négligence fut punie.

Un jour de novembre, le sacristain constatait que la cloche était partie.

Оù ?

Personne ne le savait.

L’après-midi cependant, quelques enfants qui avaient joué dans le bois, accoururent hors d’haleine :

« La cloche ! » s’écrièrent-ils ; « nous avons vu la cloche ! »

« Où cela ? »

« Dans le Mazelegracht !… Oui, oui, elle y est ! » [92]

La nouvelle se répandit dans tout le village. Et voilà tout le monde qui court du côté du Mazelegracht.

C’est vrai !… La cloche est là, dans le fossé, à demi engloutie : le bord est encore visible.

Que faire ?

On attache des cordes autour de la cloche, on y attelle quatre chevaux solides et hu !

Hu hu !

La cloche se dégage un peu. Les habitants applaudissent.

Hu hu !

Les chevaux tirent, les cordes se tendent. La cloche remonte, remonte ! Le peuple crie :

« Elle vient !… hu ! »

Les chevaux ont de l’écume autour de la bouche, ils reniflent, ils tirent, tirent !… Les cordes se tendent plus encore ; le conducteur frappe, son fouet se rompt.

Hu hu ! crie-t-il, et il vomit un juron.

Le sol tremble, s’ouvre, engloutit la cloche, les chevaux, le conducteur, et se referme pour toujours !

Allez la nuit de Noël, à minuit, au Mazelegracht et vous entendrez la cloche qui sonne douze coups[93].


  1. Voy. Volk en Taal, III , 18-67-90. Il y encore quelques Flamands schismatiques. On les appelle Stevenistes (Stéphanistes), du nom d’un certain Stevens, vicaire-général de l’évêché de Namur. Ils ne croient pas à l’authenticité du Concordat de 1801. Ils se réunissent à Leerbeek (entre Hal et Ninove) et ont des adhérents à Leerbeek, Kaster, Herfelingen, Leeuw-Saint-Pierre, Nederbrakel, etc.
  2. C’est pour ne rien oublier que Ons Heere annote toutes les actions de l’homme dans son grand-livre (grootboek).
  3. On représente souvent Dieu au moyen d’un grand œil ouvert, placé dans un triangle. Cette image se trouve dans beaucoup d’estaminets avec la devise : Dieu me voit (God ziet mij !).
  4. L’enfant est inséparable de la mère, Maria met het kind Jezus. Voy. plus loin.
  5. Exceptionnellement saint Jean.
  6. Cette traduction, et toutes celles qui suivent, sont quasi-littérales.
  7. Een arme duvelinne !
  8. Une ancienne mesure de capacité pour les grains.
  9. Buikske vul, berteke rust !
  10. Volkskunde, II, 88. Communication de A. De Cock.
  11. A. Joos, I, 69.
  12. Volkskunde, II, 40.
  13. Joos, I, 35.
  14. Joos, I, 38. On raconte aussi que la plante, appelée Rotse (Renouée persicaire = Polygonum persicaria L. et Renouée à feuilles de Patience = Polygonum lapathifolium L.), a les feuilles maculées de rouge parce que le sang du Christ les a arrosées. Voy. aussi Joos, I, 34, 36 ; Wolf, 670.
  15. Wolf, p. 427. Voy. aussi p. 261 : La Noix miraculeuse de Riempst.
  16. Ou a Argenteuil, la chose est contestée !
  17. Comp. Herrgottsthränchen, le nom de la plante dans l’Eifel (Jessen).
  18. Comp. le nom Heil aller Welt (Silésie : Jessen).
  19. Chez Toxites : Christusauge, dans la Frise orientale, Schonooge (Jessen).
  20. On dit plus souvent : Lieve-vrouwen-beestjes.
  21. Voy.. les Idioticons de De Bo, Schuermans, Tuerlinckx, Rutten ; aussi Volk en Taal, II, 49, III, 205, 233.
  22. Haspengouw.
  23. De Bo.
  24. Le jour évidemment !
  25. Entendu à Nederzwalm, dans le même sens : Hi zou ons Heere smelten in een oordjestasse ! Il fondrait N. Seigneur dans une tasse à argent (petit vase dans lequel les cabaretiers, les boutiquiers mettent leur menue monnaie).
  26. Les farceurs disent : Ik smeere = Je fais bombance !
  27. Nous écartons Joachim, le mari de sainte Anne : le peuple ne connaît pas même son nom.
  28. Grimm, Mythologie.
  29. Droogenbosch.
  30. Voy. une autre légende du jonc, chez Joos, I, 37.
  31. Joos, III, 128. Cette plante, très odorante, est le Thymus serpyllum L. Nos anciens auteurs flammands employaient déjà ce mot : Onzer-Lieve-Vrouwen-bedstroo. Jessen a : « Unser lieben Frauen Bellstroh, Marienbettstroh. »
  32. Convolvulus sepium L. = Liseron des haies. Oomen, 10 ; Rond den Heerd. C’est une jolie légende de la Flandre occidentale que l’on rencontre aussi chez Gebbart, 273. — Autres légendres de la Vierge : Volk en Taal, III, 136 ; Joos, I, 38, 67, 68, 71. Grimm (Märchen) parle aussi de : Muttergottes gläschen = Convolvulus arvensis L., le Liseron des champs (Jessen).
  33. Historie der hertogelijke kerk van Alsemberg, 1869. Dans cette église, très remarquable, on conserve quelques tableaux qui représentent le miracle du lin mûr ; et sur les clefs de voûte, on voit Marie placée entre deux bottes de lin. La Saga de N.-D. de Lebbeke est exactement la même. Voy. Wolf, 267, 268.
  34. Autres sagas de la Vierge (Mariasagen) : O. L. Vrouw ter Mote, à Deerlijk (Biekorf, II, 135) ; O. L. Vrouw ten heiligen Eeke, à Beerse ; O. L. Vrouw van Gaverland ; O. L. Vrouw ter Hulpe, à Eessen ; O. L. Vrouw ten Bukenboom, à Lommen ; O. L. Vrouw van Kerselare, à Edelare ; Lelie onder de doornen, à Oevel ; O. L. Vrouw van Duffel, etc. — Consultez encore : Volksleven, II, 100, 123, III, 76, 77 ; — Joos, III, 161 ; — Wolf, 417, 418, 419, 420, 421, 422, 657 ; 140, 167 à 175 ; — De Reume, Les Vierges miraculeuses de la Belgique.
  35. Chez Jessen : Jungferngras et Jungfrauengras.
  36. Exceptionnellement le peuple parle de : Joseph den Decomer (le Joseph de la Bible).
  37. Nous croyons cependant que ce n’est pas un conte réellement populaire ; c’est plutôt une adaptation chrétienne d’un des nombreux contes qui parlent d’enfants martyrs et de marâtres. Saint Joseph y joue le rôle d’un génie bienfaisant. Voy. le second volume du folklore flamand : Contes populaires flamands.
  38. D’après Jessen : Sint Josephs Ilga = Lilium bulbiferum L., un lis à fleurs rougeâtres, fréquemment cultivé dans les jardins. — Un de nos vieux auteurs flamands, Lobelics, appelle : Sint Joseps bloemen, le Tragopogon porrifolius L., une espèce de Barbe de bouc.
  39. ’t Daghet, 1885, 62-63-64, 69.
  40. À Segelsem (Flandre orientale), on n’invoque plus saint Michel ; on dit simplement :

    Myn[en] engel bewaarder zoet
    Wil mij wekken metterspoed,
    Nie te vroeg of nie te laat :
    Als de klok vijf uren slaat,
    Wil ik wakker worden en opslaan.

  41. Cette petit formulette ressemble à une invocation de sorcière.
  42. Nous attirons surtout l’attention des folkloristes sur les saints suivants : Saint Antoine, saint Jacques, saint Liévin, saint Nicolas, sainte Amelberge, sainte Catherine, sainte Gudule, saint Thomas, saint Martin, saint Gilles, saint Eloi, etc. ; — aussi sur certains personnages de la Bible : Adam et Ève, Jonas, Job, etc..
  43. Voy. plus haut : Wandersagen.
  44. C’est ainsi que les iconographes le représentent ordinairement.
  45. Voy. Monseur, Misère et Pauvreté, Folklore wallon, p. 56.
  46. Une porte dont la moitié supérieure peut s’ouvrir, l’inférieure restant fermée : Halfdeur.
  47. En er kwam een verken met ’nen snuit, en mijn vertelselken is uit !… C’est la phrase finale ordinaire. Voir un article intéressant de Pol De Mont et de A. Gittée dans Volkskunde, I, 20. 51, 183 : Hoe onze volksvertelsels eindigen. — Autres contes se rapportant à saint Pierre : Volkskunde, 1892, 17 ; Volk en Taal, II, 252 ; Joos, I, 81, 82, 40.
  48. Volksleren, III, 15.
  49. Ce conte est basé, comme on voit, sur une étymologie populaire : Schelvisch = schelmvisch. La véritable étymologie est : schel = enveloppe écailleuse. Voy. Volksleven, II, 40 ; Wolf, 706.
  50. Voy. la partie de notre ouvrage qui traite du calendrier.
  51. Cette dénomination se retrouve dans beaucoup de langues cependant (en allemand, en latin). Voy. Wolf, 225. Saint Guidon, patron d’Anderlecht, fit le même miracle : son bâton devint chêne. Le bâton de sainte Alène, patronne de Forest-lez-Bruxelles, devint noisetier. Pour les transformations de bâtons secs en plantes vivantes, lire : Is. Teirlinck, Plantlore, I, p. 151.
  52. Voy. Jessen
  53. Voy. Jessen
  54. Neen, reel, veel hooger !
  55. Ik trek er toch van deur !
  56. Zoò gezeid, zoò gedaan !
  57. Variante :

    Mijnheer Pastoor,
    Met zijn bellekes aan zijn oor
    Met zijn wierookvat aan zijn g.t,
    Och wat vuile Mijnheer Pastoor is dat.

    (Anvers : Volkskunde, I, 271.)

  58. Volksleven, 1894, 1, donne une légère variante : voddeman y est : bulleman. Vodden et bullen du reste sont synonymes.
  59. Segelsem.
  60. Onomatopée : son de la cloche.
  61. À St-Antonius-Becht, le dernier vers est : De koster is ne lekkre Jan ! (Volksleven, I, 53) ; à Brecht : Mee eenen witten boterham ! ; à Turnhout : Mee eenen lekkren boterham !
  62. Le veau !
  63. Calembourg : Kosters hinne et kosterinne.
  64. « Mijnheer de paster, houd gij zelfmaar aan uw geloove : ik houd mij aan ’t gès ! » Voy. aussi Volkskunde, 1894.
  65. Transformation des mots haas, lièvre, loopen, courir.
  66. Ekster, pie ; boom, arbre.
  67. Kulf, veau ; kwak ! onomatopée : bruit d’une chose qui tombe à l’eau.
  68. Hoenders, poules ; leggen, pondre ; eieren, œufs.
  69. Visscher, pêcheur ; vangen, prendre.
  70. Kasteel, château ; hoog, haut.
  71. Dans : De Messe van Requiem op Paschen, le sacristain est un nigaud et le curé aussi (Volk en Taal, III, 180).
  72. Dominus vobiscum !
  73. Les quatre derniers vers : latin de cuisine, potjeslatijn !
  74. Nous passons neuf couplets !
  75. Cette parodie nous paraît être une véritable satire contre la dime. Voy. Gittée, Volkskunde, I, 250 ; ’t Daghet, I, 187 ; Hoffman von Fallersleben, Hor. belg.
  76. Le genièvre clair, clairet.
  77. C’est le signe de la croix.
  78. Consultez : Volk en Taal, II, 58-59 ; Volkskunde, 1892, 53 ; Rutten, 195, 282-203.
  79. Houwelijk, mariage, et houwelijk, houdelijk, tenable : calembourg.
  80. Bezijden.
  81. Chant d’oiseau : une enseigne de cabaret.
  82. À lire surtout, l’intéressant article de Gittée, dans Volkskunde : Volshumor in Geestelijke zaken. IV, de Wilde Catechismustes, p. 51, 1891.
  83. Devraient être examinés ici folkloristiquement : Amulettes (scapulaire, médailles, etc.), hosties (hosties sanglantes), Encens, Cendres béniles, Eau bénite, Chandelles bénites (cierge pascal, clou pascal, cierges des autels, cierges dans les maisons, etc.), Livre de prières (images), Chapelet, etc. — Nous devrions parler aussi des Lieux sacrés : du ciel, de l’église, du cimetière, des endroits sacrés de la Bible (Paradis terrestre, Jérusalem, Bethléem, etc.), des Profanations et des Sacrilèges ; mais cela nous mènerait trop loin.
  84. Opdat.
  85. Volk en Taal, V, 2. — Une légère variante : Volksleven, I, 36.
  86. Il y en a qui font une croix dans le grain destiné à être semé (zaaigraan) ; d’autres sèment quelques grains en forme de croix.
  87. Wolf, n° 155.
  88. ’t Daghet, 38, 1885.
  89. C’est le même marteau qui sonne les heures.
  90. Ainsi appelé, parce que, ce jour, les juifs ont condamné le Seigneur.
  91. Volkskunde, III, 174.
  92. Fossé de Mazele = Maxensele par contraction.
  93. Joos, I, 97. On entend une saga analogue à Wambeek, Liedekerke, Assche. Dans ce dernier bourg, on montre au mont Moret, la place où se trouve engloutie une cloche : Elle sonne, la nuit de Noël, à minuit. On raconte à peu près la même histoire à Beveren, Aarsele, Eernegem et Heist. Voy. aussi Wolf, nos 197, 461, 462, 463, 464, 575, 580. Volksleven, V, 113, 114.