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Le folklore flamand/Le Monde des Sorciers et des Esprits

La bibliothèque libre.
Isidoor Teirlinck
Le folklore flamand
Charles Rozez (1p. 101-154).

III. — LE MONDE DES SORCIERS ET DES ESPRITS.



Cette section étendue du folklore peut être subdivisée en deux groupes :

a. Le Monde des Sorciers et des Devins.

b. Le Monde des Esprits.


LE MONDE DES SORCIERS ET DES DEVINS

(Tooverwereld.)

α) Sorciers.


1. Noms.
— Les sorciers reçoivent les noms de Tooveraars, Toovereers (en Hollande Toovenaars) ; — les sorcières, ceux de Tooveressen et Heksen, Tooverheksen ; d’après De Bo, on emploie le mot Tooverkallen (Fl. occid.) ; Tooverkollen, le mot du dictionnaire, n’est pas connu du peuple. En Flandre occidentale, on dit encore : Tooveriggen, Tooveregen, Tooveringen ; parfois : Meetjes (vieilles mères), Toovermeten, Toovermeetjes, Weerwyvekens, Weerwuvekes (De Bo). Leur reine s’appelle Wanne Thecla (Wolf, 617.)

2. Forme.
— Le peuple raconte beaucoup d’histoires de sorcières ; celles de sorciers sont plus rares ; cela se comprend : les sorciers sont moins nombreux que les sorcières. Celles-ci sont presque toujours de pauvres vieilles (oude meetjes)[1], des femmes misérables, qui vivent solitairement dans une masure écartée et ne se montrent que vêtues de loques sordides. Elles mendient de porte en porte et reçoivent partout un morceau de pain, parce qu’on les craint. Elles n’ont pas d’autres caractères distinctifs, bien que l’on prétende que le curé possède le moyen de les reconnaître sûrement. Nous n’avons su découvrir ce procédé certain ; mais nous avons entendu dire souvent que la première personne rencontrée dans la rue, ou la première qui met le pied dans une maison ensorcelée, est la sorcière recherchée. En Campine, on dit :

« Suivez les traces d’une femme que vous croyez être sorcière ; si elle se retourne, c’en est une ; si elle ne se retourne pas, elle est innocente[2]. »

Les sorcières changent de forme, la nuit, quand elles veulent exercer leur art ou se réunir pour se divertir : ce sont alors des chats miaulants, des corbeaux ou des corneilles ; des pies, des poules noires, des crapauds ou des grenouilles ; parfois des lapins ou des lièvres qui ne peuvent être tués qu’au moyen d’une balle bénite (gewijden scheut, vrijkogel).


2. Ensorcellement.
— Quelles sont les personnes, les choses que les sorcières ensorcellent ou enchantent ?

D’abord et surtout les petits enfants : ils deviennent malades et meurent, ou gagnent un défaut physique incurable. Voici quelques maladies dues à un ensorcellement ; le rachitisme (vieil homme = oude man), la fièvre maligne, les convulsions, le mal caduc ; les poux et les puces ont également une origine magique[3].

Puis les femmes enceintes : celles-ci font une fausse couche, ou accouchent d’un enfant difforme ou mort-né.

Parfois les maris : elles leur nouent l’aiguillette et les rendent impropres à remplir les devoirs d’époux.

Les maisons et les châteaux (ordinairement ceux en ruines) sont enchantés par elles ; surtout les étables, et alors le bétail y languit et y vient à mal ; souvent le lait et la baratte, et dans ce cas la fermière ne parvient plus à séparer le beurre. Elles rendent mauvais les œufs et les font pourrir. Elles empêchent les chevaux d’avancer et de tirer.

Elles hantent et enchantent les champs et les prairies : tout ce qui y croit, ne vaut rien ! Le blé surtout a à souffrir : les sorcières y sément la carie et la rouille. Elles jettent, sur les vergers, des milliers de chenilles et d’autres insectes rongeurs.

Et comment opèrent-elles ?

Par attouchement : elles mettent la main (kwade hand) sur l’enfant, sur l’objet qu’elles veulent ensorceler.

Par leur regard (kwaad oog) : elles regardent l’enfant qui se trouve au berceau, l’homme, la femme qui passent.

Au moyen d’un cadeau : elles offrent une pomme, une poire, un autre fruit, un morceau de pain, etc.

Au moyen d’un pou : elles le mettent sur la tête d’un tout petit enfant (plat kind).

Par imprécation : ce moyen n’est que rarement employé, il trahirait la sorcière ; celle-ci n’en use que dans les localités où elle n’est pas connue.

Au moyen de formules magiques ou incantations (tooverspreuken, tooverwoorden).

Rarement par envoûtement : dans ce cas, elles torturent l’image en cire de la personne poursuivie et transpercent avec des aiguilles cette effigie ; quelquefois l’image est remplacée par une simple chandelle de suif.

Au moyen de philtres ou breuvages magiques (tooverdranken) : elles emploient souvent la racine de Mandragore, appelée en Flandre occidentale Galgejong, Duiveljong (enfant de la potence, enfant du diable) ; il y en a qui croient que la plante provient du sperme des pendus. Celui qui arrache cette racine magique, tombe mort ; c’est pourquoi les sorcières font faire cette besogne dangereuse par un chien noir qu’ils attachent à la plante ; à l’heure de minuit, elles excitent l’animal qui, en voulant fuir, arrache la Mandragore et tombe comme foudroyé ; les sorcières ramassent alors, sans aucun danger, la racine convoitée, et l’emploient dans leurs breuvages[4].


4. Autres actions de sorcières.
— Elle peuvent se rendre invisibles ; elles s’enduisent, dans ce but, le corps d’un certain onguent (tooverzalf, heksenzalf).

Elles peuvent se rendre invulnérables.

Elles peuvent ouvrir les portes, entrer partout ; le chemin qu’elles suivent ordinairement cependant est la cheminée.

Elles connaissent les endroits où sont enfouis des trésors cachés ; elles savent comment il faut manier la baguette de noisetier (hazelroede), la baguette divinatoire[5]. C’est aussi au moyen de cette baguette qu’elles découvrent les sources cachées et les dépôts de houille souterrains.

Elles peuvent endormir les gens ; elles possèdent un doigt de voleur (dievenvinger) sur lequel neuf messes ont été dites ; dans ce but, le doigt est placé, à l’insu du curé, sur l’autel. Un doigt de voleur, consacré de cette façon, brûle comme une chandelle et, s’il est allumé dans une maison, tous les gens qui s’y trouvent, s’endorment profondément ; pendant ce temps, la sorcière fait main basse sur l’or et l’argent[6].

Elles possèdent un sou magique ou volant (hekepenning ou vliegende penning, vliegende pauw)[7], une pièce qui revient toujours dans la poche du propriétaire. Guido Gheselle, l’auteur flamand bien connu, un chercheur infatigable, écrit :

« Hé là ! mes enfants, qui veut un sou volant ! — Allez la nuit à 11 heures à un carrefour et asseyez-vous sur une petite chaise sans dossier (eenen blokstoel) près d’une petite table ; sur celle-ci vous mettrez un sac de toile bien noué qui contient un chat. Bientôt apparaissent le prince des ténèbres avec tous ses courtisans, habillés en grands seigneurs, et ils vous demandent ce que vous vendez. Vous répondez : « Un lièvre ! » — « Combien doit-il coûter ? » — « Un sou ! » — Le noir monsieur vous met dans la main la pièce demandée et il vous prie de ne pas regarder en arrière pendant votre retour, sinon vous auriez le cou tordu. Vous les saluez tous et vous partez avec votre sou, et vous courez très fort. Les diables font, derrière vous, toutes espèces de diableries, de sorcelleries et un bruit infernal ; ils gémissent et soupirent, hurlent et rugissent, criaillent et tempêtent ; tout est en feu et en flamme, il tonne et fait des éclairs, mais vous ne pouvez regarder en arrière, sinon gare à votre cou…[8] »


Elles font apparaître, de force, les trépassés, afin de les interroger sur certains points importants.

Toutes ont commerce avec le diable.

Elles traient, par leurs artifices, les vaches.

Elles peuvent faire[9] des animaux : Wolf[10] raconte deux histoires de fillettes, qui pouvaient, l’une, transformer de petites boules de terre, l’autre, des feuilles en souris.

Quelques-unes se divertissent autrement : elles viennent, chaque nuit, dans les prairies, y montent sur les chevaux qui, le matin, sont couverts de sueur et paraissent exténués de fatigue.

Elles volent dans les airs, sur un bâton, sur un bouc ou dans un crible ou tamis (heksenteems, heksenzeef). Au moyen de leur balai, elles accumulent les vents et les orages.

D’autres recherchent les cadavres et tâchent d’ensorceler le veilleur ; si celui-ci est seul, elles y parviennent facilement ; s’il y en a deux, c’est impossible[11].


5. Initiations.
— Pour connaître tous les secrets de la sorcellerie, il faut vendre son âme au diable[12].

Il arrive parfois que le hasard fait découvrir ces secrets : Ainsi, un fils de meunier de Borsbeek trouva un jour une lettre magique (tooverbriefken — billet magique) ; il lut les mots et connut l’art du sorcier. Dans le conte : Jan de Tooveraar, un garçon trouve le mot magique (tooverwoord) dans un grimoire (tooverboek) et, par la vertu de ce mot, il peut faire tout ce que font les sorciers[13].


6. Réunions.
— La nuit, à certains jours fixés, les sorcières s’enduisent le corps d’un onguent magique qu’elles ont reçu de leur maître, le diable, ou qu’elles ont préparé elles-mêmes, brassé dans leur marmite ou leur chaudron (heksenketel) ; après, elles se mettent à califourchon sur un bâton, une fourche, un manche à balai, s’envolent par la cheminée et arrivent au lieu de réunion où elles rencontrent les diables, avec lesquels elles dansent, boivent et font des choses infâmes. Parfois elles se font porter par un bouc, l’être puant et impur[14], ou par un tamis magique qui alors fait office de vaisseau aérien.

Ce voyage se fait à l’heure de minuit. Tusschen twaalf en één is alle kwaad gespuis te been ! (entre minuit et 1 heure tous les mauvais esprits sont sur pied, dit le peuple) (Haspengouw, Rutten).

Ces lieux de réunions sont inconnus[15]. Ordinairement elles vont loin, très loin, en Allemagne souvent, ou dans de vieilles masures et de vieux moulins hantés. Parfois le rendez-vous se donne dans une prairie ou sur une hauteur, dans un bois ou dans une bruyère, sur des tumuli ou à un carrefour.

Elles y font entre elles et avec le diable toutes espèces d’obscénités ; elles y boivent ; on y fait de la musique — le musicien est souvent un musicien ivrogne et attardé — et elles y dansent ; l’herbe que leur pied a foulée, meurt et ne repousse plus jamais[16].

Elles sont aussi en route quand sévit un orage. Elles sifflent et hurlent, enlèvent les tuiles, les ardoises, les toits, déracinent les arbres, renversent les maisons et les moulins, jettent des pierres de foudre (dondersteenen), lancent les éclairs, détruisent les fruits des champs !


7. Nourriture.
— Elles mangent du pain de sorcière (looveressenbrood), le champignon vénéneux.

Elles brassent des philtres, et tout mets auquel elles touchent, est ensorcelé (enchanté). L’euphorbe malfaisante leur donne du lait (tooveressenmelk).


8. Désensorcellement.
— Le moyen le plus souvent employé consiste à s’emparer de la sorcière présumée et à la forcer d’enlever le sortilège. On use à cet effet de violence : la sorcière est enfermée et si elle prétend — ce qui est toujours le cas ! — ne pas s’être vendue au diable, on la torture de façon atroce ; « on la met près du feu » (men zet ze bij het vuur !)[17], c’est-à-dire on lui lie bras et jambes, on la place sur une chaise, devant le feu, on lui ôte sabots et bas — si elle en porte ! — et on grille ses pieds nus sur les charbons ardents !

On désenchante aussi au moyen d’exorcismes, de formules spéciales, qui chassent le mal et ses effets (door belezen, aflezen, bezweren). L’exorciste[18] par excellence est le curé qui, malheureusement, se prête encore parfois à jouer cette comédie indigne de sa profession et de son caractère religieux. Le curé[19], d’après la croyance populaire, peut détruire l’effet de tout maléfice. Mais c’est le guérisseur, le rebouteux ou le signeur, comme on dit au pays wallon, que l’on consulte le plus souvent.

A. De Cock, dans son excellent ouvrage sur la médecine populaire en Flandre, dit qu’il connaît des guérisseurs à Denderleeuw, Denderwindeke, Nederhasselt, Borgt-Lombeek, Wambeek, Lebbeke. Nous connaissons des guérisseurs à Segelsem et à Opbrakel — dans ce dernier village, il y en a plusieurs qui se font concurrence ; dans notre jeune âge, nous avons entendu parler très souvent d’un fameux exorciste de Renaix, un bossu[20], qui faisait des miracles : il remplaçait tous les médecins et vétérinaires de l’endroit. Il désenchantait surtout les étables. — Dans Volksleven, III, 117, on parle du fameux guérisseur Peerken uit het Boekweitstroo ; dans Volk en Taal, II, 37, de l’exorciste Meester van Kruis[21].

Pour désensorceler, on a aussi recours aux pélerinages[22].

Par envoûtement, on peut « passer » le mal au sorcier ou à la sorcière qui en est la cause. À cet effet, une sorcière exorciste prend du plomb, le fond et le verse dans de l’eau froide où le métal prend rapidement la forme humaine. Alors elle demande, au malheureux ensorcelé, dans quelle partie du corps de la personne qui est la cause du mal, celui-ci doit être « banni » (gebannen). Le malade indique cette partie et la sorcière coupe, avec un canif, quelques signes magiques dans la figurette de plomb ; elle fait connaître l’endroit habité par celui (ou celle) qui a jeté le sort, et, de cette manière, le mal passe du corps du malade dans celui du sorcier (ou de la sorcière), cause du sortilège[23].

Voici comment, à Laken, on punit la sorcière qui trait, pendant la nuit, le lait de la vache. Il faut traire la bête immédiatement après, mettre le lait obtenu sur le feu et le battre au moyen d’un bâton. La sorcière reçoit tous les coups ! Il est arrivé que la voleuse de lait était tellement rossée qu’elle devait rester au lit pendant toute une semaine[24].

Quelques herbes détruisent les effets de la sorcellerie. Dans certains endroits, on emploie la Rue[25] contre les convulsions et l’épilepsie, deux maladies communiquées par sortilèges. Le Buis bénit, le Millepertuis et le Sceau de Salomon[26] désenchantent aussi.

Quelques animaux aussi sont employés dans ce but. À Denderwindeke, on préconise le remède suivant contre le mal caduc :

« Tuez une vieille et noire corneille, coupez le bec et les pattes, enlevez les intestins et remplacez les par de l’anis et par le cœur, le foie et la bile de l’oiseau. Mettez-la ainsi au four et laissez brûler dans un feu ordinaire ; mélangez les cendres à la nourriture du malade[27]. »

Dans la Campine anversoise, on emploie comme anti-sortilège un petit sachet rempli de sel de cuisine que l’on porte sur la poitrine[28].


9. Moyens préservatifs.
— Les moyens les plus énergiques sont :

Le signe de la croix qui chasse le diable et les sorcières ;

L’eau bénite : celui qui en prend, le matin et le soir, ne saurait être ensorcelé ;

Le buis bénit : placé sous le seuil de la porte, il empêche toute sorcière d’entrer ;

Des tuiles ou des rameaux croisés, placés dans l’étable[29] ;

Du sel bénit, placé sous le seuil (Aarschot).

Les pratiques précédentes trouvent leur origine dans la religion même ; les suivantes sont basées sur la superstition proprement dite :

On ne doit jamais prier une sorcière d’entrer dans la maison ; elle ne saurait entrer sans y être sollicitée.

Si elle met la main (hare kwade hand) sur vous, ripostez en frappant plus haut qu’elle ; vous détruisez ainsi le sortilège.

Deux ossements de cadavre, volés dans le cimetière et croisés sous la porte, préservent de tout mal.

Tout objet que l’on accepte d’une sorcière, doit être payé.

On ne peut ramasser un fruit (pomme, poire, noix, etc. dans une rue : il est presque toujours ensorcelé !

Pendant les neuf jours des couches, la mère ne peut rien prêter, ni rien emprunter ; sinon les sorcières tiennent en leur pouvoir elle et son enfant.

On ne peut faire tourner une chaise sur un pied, ni poser les couteaux en croix, ni renverser la salière, ni faire aller le berceau vide. Tout cela est très dangereux et amène le malheur dans la maison.

Pour se préserver du mal, les paysans de la Flandre connaissent et portent sur eux la Prière de Charles-Quint (het gebed van Keizer Karel) et ceux de la Campine ont une foi robuste dans l’efficacité de la Bénédiction de la maison (Huiszegen) dont voici la dernière partie :


Onder uwe bescherming staat dit huis, — Jesus, Maria, Joseph ; — Die u zoeken aan het kruis, — Jesus, Maria, Joseph ; — Behoedt dit huis voor pest en brand, — Jesus, Maria, Joseph ; — Voor tooverij, onheil en schand, — Jesus, Maria, Joseph ; — Geeft ons uw zegen t’allen tijd, — Jesus, Maria, Joseph ; — En hierna de zaligheid, — Jesus, Maria, Joseph ; — Steekt uit uw rijke, milde hand, — Jesus, Maria, Joseph ; — Behoudt ons in genadestand, — Jesus, Maria, Joseph ; — Bid God voor ons, Maria. — Amen. — Onze Vader, die in de hemelen zijt, enz. — Wees gegroet, Maria, enz. — Gebed. O Heere Jesus-Christus, uw dierbaar bloed, uw lijden, kruis, nagelen en bittere dood, uwe lans, geeselen, tranen en wonden moeten mijne arme ziel in haren uitersten nood troosten, als ik de bittere dood zal sterven. Amen !

Cette maison se trouve sous votre protection, — Jésus, Marie, Joseph ; — Ceux qui vous cherchent à la croix, — Jésus, Marie, Joseph ; — Préservez cette maison de peste et d’incendie, — Jésus, Marie, Joseph ; — De sorcellerie, malheur et déshonneur, — Jésus, Marie, Joseph ; — Donnez-nous votre bénédiction en tout temps, — Jésus, Marie, Joseph ; — et plus tard la béatitude, — Jésus, Marie, Joseph ; — Tendez-nous votre main riche et généreuse, — Jésus, Marie, Joseph ; — Gardez-nous en état de grâce, — Jésus, Marie, Joseph ; — Priez Dieu pour nous, Marie. — Amen !

Notre Père qui êtes aux cieux, etc. — Je vous salue, Marie, etc. — Prière. O Seigneur Jésus-Christ, votre cher sang, vos souffrances, votre croix, vos clous, votre mort amère, votre lance, vos fouets, vos larmes et vos blessures consolent ma pauvre âme dans ses dernières peines, lorsque je mourrai de mort amère. Amen ![30].


L’Évangile de saint Jean possède aussi de grandes et mystérieuses vertus !


10. Contes et Sagas.
— D’abord deux contes :

Jan le sorcier.
(Van Jan den Tooveraar).

Il y avait « une fois » un père qui avait un benêt de fils ; les années étaient mauvaises et le vieux dit :

« Jan, mon garçon, allez dans le monde et cherchez votre pain[31], je ne puis plus vous nourrir. »

Jan fit son paquet et partit.

Après avoir marché pendant deux jours, il rencontra un riche monsieur qui lui demanda :

« Pourquoi êtes-vous si triste, mon garçon ? »

— « Mon père m’a envoyé dans le monde pour y chercher mon pain. Je cherche depuis deux jours et je n’ai pas encore trouvé une seule croûte ! »

« Venez avec moi ; dans mon château, vous n’aurez qu’à étendre la main pour manger tout ce qui vous plaira. »

Jan alla au château, y devint valet de chambre et y mena une vie de prince.

Certain jour monsieur dut faire un voyage lointain.

« Jan, » dit-il, « veillez bien pendant mon absence ; tous les jours vous ferez la ronde, afin de voir si rien ne manque. Mais ne mettez pas le pied dans cette chambre-ci : sinon vous êtes perdu ! »

Monsieur partit.

Et Jan fit la ronde tous les jours ; mais chaque fois qu’il passait devant la chambre mystérieuse, il avait le désir d’entrer. Enfin il ne sut plus résister à la tentation et il entra.

Que trouva-t-il ?

Des livres, rien que des livres !

« Ça vaut bien la peine ! » pensa Jan ; mais ses regards tombèrent sur un grand, grand livre en parchemin. Et ce livre contenait des caractères très drôles, comme s’ils avaient été écrits par quelqu’un qui n’aurait jamais vu une école. Jan n’en connaissait pas d’autres : il se mit à lire dans ce grimoire, car c’en était un, et voilà qu’il rencontre un mot magique qui lui plut. Vite, vite il l’apprit par cœur et s’enfuit.

Il revint chez lui.

« Père, » dit-il, « j’ai trouvé un gagne-pain ; je sais me changer en toutes sortes de bêtes ! »

« Et vous appelez ça un gagne-pain ! » rit le père ; « mais alors vous ressemblez au héron posé sur la glace[32] ! »

« Ne riez pas, père ; laissez-moi vous dire. Je me change en bœuf, par exemple, et vous me conduisez en ville où vous me vendez. N’est-ce pas un gagne-pain ? »

« Je crois que oui, » dit le père ; « mais l’action n’est pas très honnête ; soit ! tous les voleurs ne meurent pas en prison ! »

« Mais, père, n’oubliez pas d’enlever mon licou après la vente ! »

Aussitôt dit, aussitôt fait !

Jan se changea en un beau bœuf et fut conduit au marché ! Et même avant d’arriver à la porte de la ville, Jan fut vendu. Son père reçut soixante-quinze pièces et se sentit si heureux qu’il oublia d’enlever le licou.

Jan fut forcé d’accompagner l’acheteur et il fut mis à l’étable. Là il se tordit et se secoua afin d’enlever le licou.

Le domestique vint sur ces entrefaites et lui présenta une brassée de foin ; cet homme, voyant que l’animal était mal attaché, voulut remettre le licou. Mais le bœuf parla :

« Je ne mange pas de foin ! »

« Pas de foin ? » répéta le domestique qui s’enfuit en criant :

« Le bœuf parle, le bœuf parle ! »

Jan détacha complètement le licou et se sentit libre.

La fois suivante, Jan se changea en cheval. Jamais on ne vit aussi beau cheval au marché. Mais il arriva que le seigneur du château qui recherchait partout son valet de chambre, remarqua le cheval qui justement n’était pas ferré. Il pensa que ce pouvait être son ancien domestique. Il acheta donc la bête et se rendit chez le maréchal ferrant de l’endroit afin de faire mettre des fers ; car il savait que les sabots, étant ferrés, le cheval ne pouvait plus s’enfuir.

Mais le maréchal ne voulait pas travailler ce jour, parce que c’était la foire. Le seigneur donna le cheval à un galopin qui tint la bête par le licou ; puis il tâcha, par des promesses d’argent, de décider le maréchal à travailler.

« Camarade, le mors de mon licou est en argent ; il est pour vous ! » dit le cheval à l’oreille du galopin. Celui-ci détacha le licou et Jan, encore cheval, fut libre.

Mais le sorcier ne crut pas la partie perdue. Il se métamorphosa en frelon et se mit à la poursuite du cheval. Jan, voyant que son maître fut sur le point de l’atteindre, prit la forme d’un lièvre et courut à travers champs. Mais le seigneur devint levrier. Alors Jan se changea en pinson et s’envola dans l’air ; mais son maître devint épervier et le poursuivit encore. Jan se transforma en une bague d’or qui tomba sur le sol. Une petite fille la vit, la ramassa et la mit à son doigt.

Immédiatement le sorcier reprit la forme humaine et demanda à la petite fille de lui laisser voir la bague. Comme l’enfant l’ôtait de son doigt, le bijou tomba et devint un grain de blé. Le monsieur se changea en coq et se préparait à manger le grain ; mais Jan, devenu subitement renard, détacha d’un coup de dents la tête du coq sorcier. Et il trouva la chair si agréable à manger qu’il resta renard. Et s’il ne l’est plus maintenant, c’est qu’il est dégoûté de cette nourriture !

(Begijnendijk[33].)

les deux bossus.
(De twee Bulten.)

Une sorcière (meetje) vivait dans un vieux têtard creux et y chantait toujours :

« Dimanche-lundi !… Dimanche-lundi !… »

C’était bien beau !

Un bossu passa un soir par là et il entendit chanter la sorcière :

« Dimanche-lundi !… Dimanche-lundi !… »

Et il s’arrêta et dit :

« Eh bien donc !… Mardi ! »

Et la sorcière chanta :

« Dimanche-lundi-mardi !… Dimanche-lundi-mardi !… »

Et elle trouva que sa chanson était devenue plus jolie et elle dit :

« Oui… ce garçon rend ma chanson plus jolie !… Comment dois-je le récompenser ?… Je vais lui enlever ce grand ulcère[34] qu’il porte sur le dos ! »

Et elle prit la bosse et la mit à côté d’elle dans son têtard creux.

Notre bossu était devenu un beau garçon et il s’en alla heureux et content.

Il rencontra un bossu de ses amis.

« Comment ! c’est vous ! » lui dit l’autre ; « je ne vous : reconnais plus !… Où est votre bosse ? »

Et le premier raconta ce qui lui était arrivé.

Le second bossu se rendit aussitôt du côté de la sorcière.

Et elle chantait toujours :

« Dimanche-lundi-mardi !… Dimanche-lundi-mardi !… »

C’était bien beau !

« Eh bien donc !… Mercredi ! » dit le bossu.

Et la sorcière chanta :

« Dimanche-lundi-mardi-mercredi !… Dimanche-lundi-mardi-mercredi ! »

C’était trop long et pas beau du tout !

« Non, ce garçon a rendu ma chanson moins jolie ! Comment dois-je le punir ? »

Et elle vit la bosse du premier à côté d’elle, la prit et la mit sur la poitrine du bossu.

Le malheureux, sacré-tonnerre ! en avait deux maintenant : une derrière et une devant[35] !

(Segelsem.)

Voici trois sagas :


sa bonne amie est une sorcière !
(Zijn lief — eene heks !)

Un jeune homme de Segelsem recherchait une jeune fille.

On l’avertit de ce que celle-ci et sa mère étaient des sorcières !

« Je le saurai bien ! » se dit-il.

Le soir suivant, il se rendit chez sa bonne amie et enfin fit semblant de dormir.

« Minuit approche ! » dit la mère.

La fille secoua son amant, mais ne parvint pas à l’éveiller : il ronflait !

« Il dort bien ! » dit-elle.

« Nous devons cependant partir pour l’Allemagne ; laissons-le dormir ; nous l’éveillerons au retour. »

Les deux femmes prirent, dans une armoire, une petite boîte et s’enduirent le corps d’un onguent magique.

« À travers la cheminée, au-dessus des arbres, au-dessus de tout[36] ! » dirent-elles.

Et elles s’envolèrent par la cheminée.

Le jeune homme avait tout vu ; il prit aussi la petite boîte, s’enduisit d’onguent et s’écria :

« À travers la cheminée, à travers les arbres, à travers tout[37] ! »

Le malheureux avait oublié les paroles exactes.

Aussi, le voilà traversant la cheminée, les bois, les haies, tout !

Il était joliment arrangé à son arrivée en Allemagne.

Il y trouva la mère et la fille.

Celle-ci lui dit qu’il ne pouvait rester en ce lieu, qu’il devait retourner chez lui, tout de suite.

« Pas comme je suis venu ! » répondit-il ; « j’ai trop souffert ! »

Elle lui donna un bouc.

« Mettez-vous là-dessus, » dit-elle, « et dites : au-dessus des arbres, au-dessus des maisons, au-dessus de tout !… Mais après plus un seul mot ! »

Il le fit et le dit.

Et le bouc galopa au-dessus des maisons et des églises, au-dessus des arbres et des prairies, au-dessus de tout !… Quelle course, quelle course !…

Enfin ils arrivèrent près d’une eau très, très large et le bouc sauta au-dessus.

« Hé ! voilà un saut ! » s’écria le jeune homme.

Mais au même instant, le bouc disparut.

Et le jeune homme se trouva en pays inconnu.

Et s’il n’est pas retourné chez lui, il y est encore[38] !

(Segelsem.).

le tisserand et la pièce de toile.
(De Wever en zijn Laken.)

Un tisserand de Segelsem se rendit un jour à Renaix, très très tôt : il portait au fabricant[39] une pièce de toile.

Arrivé au Bois-du-Riz[40], il entendit une musique charmante.

Et il vit un homme qui jouait d’un orgue de Barbarie, et beaucoup de belles femmes qui dansaient en rond.

« Oh ! que c’est beau ! » dit-il à l’homme ; « permettez-moi de jouer un air ! »

Et le joueur le lui permit. La musique resta charmante et les jolies femmes dansaient toujours en rond.

Et notre tisserand, de plus en plus émerveillé, s’écria, en tournant la manivelle :

« Que c’est beau !… Jésus-Marie ! que c’est beau ! »

Mais à peine avait-il dit : Jésus-Marie ! que la musique et l’homme et les femmes, tout disparut !

Et le tisserand se trouva dans un champ d’avoine, occupé à tourner la queue d’un énorme chat noir qui criait :

« Miauw, miauw, miauw[41] ! »

(Segelsem.)

la sorcière et son tamis[42].
(Meetje met den teemst)

Un fermier avait l’habitude de laisser ses chevaux à la prairie, pendant la nuit.

Et il constatait, chaque matin, que les bêtes avaient été montées ; car elles étaient couvertes de sueur.

Il fit le guet.

À minuit, il vit, traversant lentement l’air, une vieille sorcière dans un tamis. Elle descendit dans la prairie, mit son tamis dans l’herbe et monta tous les chevaux, l’un après l’autre.

Mais, entre-temps, le fermier s’était emparé du tamis.

Et, lorsque la sorcière voulut s’envoler, elle ne le put.

Alors elle pria et supplia, et dit qu’elle demeurait à mille lieues de l’endroit et qu’elle ne reviendrait plus jamais, si le fermier voulait lui rendre son tamis magique.

Il le rendit.

Elle s’y mit et s’envola lentement dans l’air.

Elle ne revint plus jamais et les chevaux ne furent plus importunés[43] !

(Segelsem.)

Nous passons aux

β) Devins (Waarzeggers).

Ce sont des prophètes qui prédisent l’avenir, ou qui font connaître des choses cachées ou volées.

C’est une race qui disparaît ; celle des sorcières est malheureusement plus tenace.

On trouve les devins à toutes les foires ; ce sont ordinairement des devineresses : diseuses de bonne aventure, cartomanciennes, chiromanciennes, qui s’intitulent somnambules.

Voici ce qu’écrit Gittée dans son Vraagboek :

« On a volé une chèvre à Erembodegem. Le propriétaire est allé deux fois, à Alost, chez une diseuse de bonne aventure. Elle s’est fait payer deux fois aussi. Elle lui a dit que la chèvre se trouvait dans une auberge à Ninove. L’homme s’est rendu à Ninove et y a passé toute une journée à demander des renseignements ; il n’a point trouvé sa chèvre.

« Alors, on lui a conseillé de consulter les Dormeurs (Slapers) à Bruxelles. Ce sont des devins qui, les yeux fermés, en apparence endormis, montrent les objets volés. Chaque consultation coûte cinq francs. Dans la chambre où l’on conduit le naïf, se trouvent des compères qui le sondent et le tâtent, de telle sorte que les Dormeurs connaissent le fond de l’affaire sans devoir interroger le dupé.

« D’autres ont conseillé au même homme d’aller au couvent d’Afflighem (près d’Alost) et dire une messe de retour (keermis.) C’est une messe qui a la vertu de faire rentrer chez le propriétaire les objets volés. Les pères de ce couvent possèdent le pouvoir, ainsi croit le peuple, de faire revenir le bien volé, si, bien entendu, celui-ci n’est pas encore en troisième main. Si le bien revient, c’est naturellement par l’influence de la keermis ; s’il ne revient pas, les saints Pères n’en peuvent mais : c’est que la chose volée est déjà en troisième main. »


LE MONDE DES ESPRITS.

(Geestenwereld.)

Nous groupons les esprits en quatre catégories :

Esprits de l’air ;

Esprits de l’eau ;

Esprits du feu ;

Esprits de la terre[44].


α) Esprits de l’air (Luchtgeesten).


1. Loups-garous :
Weerwolven[45], Weerewolven (Sud de la Fl. or. : Segelsem), Werkwulven et Beerwulven (Waregem), Werrewulven (De Bo).

Les Loups-garous sont des hommes qui ont vendu leur âme au diable et qui, par suite, sont forcés d’errer toutes les nuits. À Waregem (Fl. occ.), on prétend qu’ils ne rôdent que pendant l’Avent.


Leur forme. — Ils prennent ordinairement la forme d’un gros chien noir ; c’est pour ce motif que l’on dit d’un gros chien :


Hij is zoo groot als ’ne weerewolf (Segelsem).

Il est aussi grand qu’un loup-garou.


D’après d’autres, les loups-garous sont d’un brun noirâtre ou roussâtre.

Ils ont deux yeux rouges, étincelants, aussi grands que des lichtvatpannen (vases à huile des anciennes lampes.)

Un homme qui fait le loup-garou (die weerwolf speelt ou loopt), possède une peau spéciale, appelée peau de loup-garou (weerwolfsvel), que, la nuit, il met au lieu d’habits. Il reçoit cette peau du malin esprit et la cache soigneusement pendant le jour. Le loup-garou est sauvé, si quelqu’un trouve cette peau maudite et parvient à la brûler.


Son temps. — Les uns disent que le loup-garou doit rôder pendant sept ans ; d’autres parlent de vingt-huit ans ; quelques-uns de toute la vie.

Leurs actions. — Le loup-garou ne fait pas grand mal à l’homme. Il court et rôde par les bois et les champs. S’il rencontre une personne attardée, il entre en lutte avec elle, ou lui saute sur le dos. Aucun effort ne peut lui faire lâcher prise, car il est comme cloué sur les épaules du malheureux. Quelquefois le loup-garou sait augmenter indéfiniment le poids de son corps, de sorte que celui qui le porte, transpire à grosses gouttes. Souvent il arrache, au moyen de ses dents, tous les boutons du pantalon et de la veste de sa victime. Le porteur devient libre, s’il arrive à un carrefour[46]. Le loup-garou s’acharne surtout sur les ivrognes qui, la nuit, rentrent un peu émêchés — et en cela, il fait bien !

Moyens préservatifs. — Le loup-garou ne sait rien vous faire, si vous avez le temps de faire le signe de la croix. S’il se trouve sur votre dos, vous vous en débarrassez de la même manière. Nous avons entendu raconter qu’un loup-garou fréquentait l’endroit, appelé Buikberg (hameau de la commune de Hoorebeke-Saint-Cornil) ; un des valets de la ferme qui se trouve là, le poursuivit une nuit avec un trident[47] ; une fois même il tira dessus avec un clou pascal[48] en guise de balle. Rien n’y fit. Ce valet en parla au curé. Celui-ci lui dit qu’il avait trop jasé sur le compte de ce loup-garou :


Gezwegen — gekregen ! Tu — reçu ou attrapé !


Ce qui veut dire, ajouta-t-il : Si vous vous étiez tu, vous l’auriez attrapé !

Un loup-garou fut tué à Schoorisse, à l’endroit « Het Foreest » au moyen d’une balle bénite !

Sagas. — Voici une saga de loup-garou :

Un fermier avait un domestique qui, la nuit, faisait le loup-garou. Personne ne pouvait démontrer le fait, mais tout le monde avait des soupçons. On épia l’ouvrier. Celui-ci dormait sur le foin, au-dessus de l’étable. Le fermier monta, un soir, au fenil pour chercher du fourrage et il ne trouva plus son domestique. Où était-il ? On monta la garde et, avant le chant du coq, le loup-garou revint à la ferme. Prudemment il monta vers le tas de foin et y cacha la peau damnée. Le jour suivant, le fermier, qui savait tout maintenant, lui ordonna d’allumer le four et puis l’envoya travailler au champ. Le maître chercha et trouva la peau, cachée dans le foin, et il la jeta dans le feu. Ceci était à peine fait que le valet accourut ; il hurla comme un possédé et se tordit comme un serpent. Il vola vers le four trop tard ! La peau brûlait déjà ! Alors il devint furieux : il mordit les arbres et il ne cessa de hurler que lorsque la peau fût réduite en cendres. « Je suis sauvé ! » cria-t-il alors avec joie ; et il ajouta : « Quand vous prîtes ma peau, vous me transperciez le corps de coups de couteau ; j’accourus pour vous l’arracher ; heureusement j’arrivai trop tard ! »

(Sud de la Fl. orientale)[49].

2. Alfes, Elfes (Alven, Elven)[50].
— Les alfes et les loups-garous ont beaucoup de caractères communs. Les premiers, comme les derniers, errent la nuit et importunent les voyageurs attardés et les ivrognes noctambules. Ils[51] trouvent un grand plaisir à les égarer. Une personne qui s’est égarée la nuit, dit qu’elle a été menée par l’alfe (van den alf geleed.) Une personne qui est menée, marche pendant toute la nuit, sans discontinuer, et ne reconnaît son chemin qu’au point du jour ; elle se trouve alors à une grande distance de son village. Il arrive parfois qu’on est mené en plein jour, mais c’est la grande exception.

Quelques-uns prétendent que les alfes tourmentent ceux qui dorment, comme fait la Mare (le cauchemar.)

Les bonnes femmes de nos contes[52] sont des Elfes bienfaisantes, les Lichtelfen des Scandinaves.

Quant aux Alvermannekens de Lubbeek-lez-Louvain, ce sont des nains ou Kabouters[53].


3. Maar, Mare, Nachtmare, Nachtmerrie (jument nocturne)[54].
— C’est le cauchemar.

Le peuple croit que c’est une femme, une espèce de sorcière qui, la nuit, se glisse dans les chambres à coucher, se met sur la poitrine du dormeur, le presse fortement, l’empêche de respirer, le fait transpirer extraordinairement et le torture au moyen de songes épouvantables.

Men wordt van de mare berêen (bereden), on est monté par la mare ou la jument nocturne (nachtmare). Et cette croyance populaire nous fait penser aux succubes, incubes et éphialtès des anciens.

On chasse la mare avec un couteau que l’on place ouvert sur la poitrine, la pointe dirigée vers le haut. La mare « qui monte » le dormeur, est ainsi dangereusement blessée et ne revient plus jamais.

Aux environs de Denderleeuw, dit De Cock[55], la mare ne peut atteindre le dormeur que si elle a pu mettre les sabots que celui-ci a laissés près du lit.

Si on les place de travers, c’est-à-dire l’ouverture dirigée vers le lit, la sorcière aura grand mal à les mettre. Le meilleur préservatif consiste à les poser l’un sur l’autre, croisés.

À Liedekerke, la mare perd tout pouvoir, si les sabots sont croisés ; mais elle peut regagner sa force, en refaisant le chemin qu’elle a déjà parcouru cette nuit. On y dit encore : « Une personne qui a été montée par la mare peut s’en débarrasser pour toujours. Il faut pour cela qu’après le départ de la sorcière, elle urine dans une fiole et ferme celle-ci hermétiquement. Aussi longtemps que la bouteille est close, la mare ne peut pas uriner, et elle est forcée de revenir afin d’implorer sa délivrance. »

Dans la Flandre occidentale (De Bo, in voce Mare), on cache dans le lit une branche d’aune qui a été montée par la mare, c’est-à-dire sur laquelle a rampé ce mauvais esprit nocturne. On reconnaît ces branches à un platissement dû à une forte pression ; souvent aussi, ces rameaux recherchés ne continuent pas à croître et perdent leur couleur ; à Lebbeke, on les appelle marentakken[56].

Wolf donne une formule conjuratrice :


O Maer, gij leelijk dier, — Kom toch dezen nacht niet weer ; — Alle walers zuit gij waeyen, — Alle boomen zult gij blaeyen ; — Alle spieren gerst zult gij tellen, — Kom mij toch dezen nacht niet kwellen.

O cauchemar, vilaine bête, — ne revenez pas cette nuit ; — vous secouerez toutes les eaux, — vous agiterez tous les arbres, — vous compterez tous les brins d’orge, — ne venez pas me torturer cette nuit[57].


On connaît des saints qui ont le pouvoir de chasser les songes terribles et le cauchemar : saint Jean-Baptiste, à Molenbeek-Saint-Jean ; saint Gilles, à Tongres ; saint Nicolas de Tolentin[58].

Nous avons déjà parlé des sorcières qui montent les chevaux la nuit ; on les nomme parfois peerdemare[59].

Voici une saga se rapportant à la nachtmare :


« Deux jeunes gens des environs de Vilvorde aimaient la même jeune fille. L’un des deux, le préféré, avait un mal, secret chaque nuit il était torturé par la mare.

» Un jour, il en parla à son rival, qui lui dit en riant :

» Oh ! je connais un remède infaillible ; et si vous voulez l’employer, la mare ne reviendra plus. Il faut tenir un couteau bien aiguisé au-dessus de la poitrine, en ayant soin de diriger la pointe vers le bas ; c’est tout. »

» Le pauvre garçon fut très heureux de pouvoir se débarrasser de son mal à si bon compte ; mais — et ce fut son bonheur ! — la nuit suivante, il tint le couteau, l’extrémité dirigée vers le haut. Ainsi, la pointe blessa la mare qui ne revint plus jamais. S’il avait suivi à la lettre le conseil de son rival, le couteau lui serait entré dans la poitrine et l’aurait infailliblement tué[60]. »


4. Osschaart.
Osschaart[61] est un esprit nocturne du pays de Waas ; il ressemble beaucoup au loup-garou. On l’appelle aussi Osschaart met zijn bellen (Osschaart avec ses sonnettes, ses grelots) et il pourrait donc être identifié avec le Belleman (v. Volksleven, IV, 189) de certaines localités.

Sa forme. — Elle est variable ; car il change de forme à volonté. C’est, comme le Kludde brabançon, une espèce de Protée flamand. Cela le distingue du loup-garou. Ainsi, Osschaart est loup avec des poils longs et raides, chien noir, veau difforme, ours hideux, cheval ou âne, parfois homme démesurément grand.


Ses actions. — À vrai dire, Osschaart n’est pas un esprit méchant ; c’est plutôt un lutin qui aime à tracasser les personnes attardées et se fait porter par elles. Les ivrognes surtout ont à souffrir : il leur met les griffes dans la nuque, pèse fortement sur leurs épaules, leur brûle, de son haleine ardente, la peau des joues, les importune de son odeur repoussante et nauséabonde. Si le malheureux qui le porte, tombe de fatigue, il est obligé de se relever avec son fardeau et de marcher, de marcher jusqu’à ce qu’il arrive à un carrefour, ou qu’il aperçoive un crucifix ou une image de la Vierge.


Son temps. — Comme le loup-garou, Osschaart doit finir son temps (zijnen tijd uitdoen), c’est-à-dire errer la nuit pendant sept ans (d’autres disent vingt ans ou toute sa vie). Il met une peau lors de ses expéditions nocturnes ; si quelqu’un trouve cette peau et parvient à la brûler, Osschaart est sauvé. Pendant cette opération, il hurle de douleur. Lui-même n’est pas en état de brûler sa peau, ni de montrer où elle est cachée.


Moyens préservatifs. — Le signe de la croix, un carrefour, un crucifix, une image de la Vierge ou d’un saint, le chassent. À Hamme, on le voyait souvent, non loin de l’église van de twee Bruggen. Quand un téméraire criait :

Grijpke, grijpke grauw, — Wilt gij mij grijpen, — Grijp mij nou !

Grippe, grippe-gris, — Voulez-vous me saisir, — Saississez-moi maintenant !

Osschaart venait à cet appel et enfonçait ses griffes dans le dos de l’audacieux. Un curé vertueux du village parvint à le bannir pour une période de nonante-neuf ans, sur le bord de la mer, où il erre encore. — À Moerzeke, les villageois ont construit, au coin des rues, beaucoup de petites chapelles et ont chassé Osschaart par ce moyen. On raconte encore, dans beaucoup de localités, qu’Osschaart n’ose plus se montrer depuis que le curé lit, après chaque messe, l’Évangile de saint Jean, une prière apocalyptique de la plus grande vertu.

Une saga.


osschaart et le pêcheur.

Il y avait un pêcheur du nom de Blommaert, qui demeurait sur le Kauter, à Kieldrecht, et qui n’avait pas de femme. Il ne possédait qu’une barque, un filet et une petite chaumière. Lorsque le soir l’homme revenait avec les poissons pris, il les jetait dans une cuve d’eau, placée à côté du foyer, près de la fenêtre.

Chaque matin, en se levant, il constatait que des poissons manquaient ; en outre, quelqu’un avait remué les cendres du foyer, sans doute pour y rôtir les poissons sur les charbons incandescents. Le pêcheur se mit aux aguets, et reconnut bientôt que le voleur était Osschaart. Il tachait de ne plus y penser lorsque, le lendemain matin, il s’aperçut, à son grand chagrin, que certains poissons manquaient encore et avaient été rôtis sur les charbons ardents. Comment faire pour déshabituer Osschaart de commettre ces larcins nocturnes ? Une idée vint au pêcheur : il couvrit le feu de fiente de cheval et cacha les ordures au moyen d’un peu de cendres.

La nuit, Osschaart revint comme d’habitude et dit en entrant :

Blommeken[62], — Vischkens braaien ! Blommeken, — rôtir des poissons !

Mais, cette fois, le lutin gâta les beaux poissons complètement et il s’en alla, menaçant du poing le pêcheur qui était resté éveillé et ne se moqua pas mal du voleur.

Mais Osschaart trouva le moyen de se venger.

Le lendemain, le pêcheur entra dans sa barque avec son filet et le jeta. Lorsqu’il voulut le tirer, il le trouva d’un poids excessif. Quand, après beaucoup d’efforts, il parvint à hisser le filet au-dessus de l’eau, il constata que l’engin était rempli de fiente. Un peu plus loin, il vit Osschaart qui se rit de lui. Le pêcheur retourna à sa cabane, le cœur gros de chagrin[63].


5. Kludde.Kludde, Klurre, Kleure, Klodde, Klödde, Klödde met zijn keting est l’Osschaart brabançon[64]. Il erre la nuit et on le rencontre surtout dans les prairies, dans les bois, le long d’un ruisseau, etc., où, par conséquent, on n’aime pas de passer.

Kludde peut prendre la forme de plantes et d’animaux. Il se montre parfois sous celle d’un arbre, d’abord petit, puis très grand, tellement grand que le sommet disparaît dans les nuages. Parfois aussi il se revêt d’une peau de chien noir, rugueuse comme un séran (hekel), se met une ou plusieurs chaînes autour du cou et se jette sur les épaules de la personne qu’il rencontre. C’est souvent un cheval très maigre — l’épouvantail de tous les valets de ferme. Il arrive que ceux-ci croient sauter sur leur cheval et qu’en réalité ils se trouvent sur Kludde, qui s’enfuit avec son fardeau et le jette dans l’eau de la première rivière rencontrée. Pendant que sa victime tâche de se sauver, on voit Kludde se roulant dans l’herbe et riant aux éclats. Il prend aussi la forme d’un chat aux griffes puissantes, d’une brebis, d’une grenouille, d’une chauve-souris, d’un serpent.

On le reconnaît encore à son cri : « Kludde ! Kludde ! » d’où lui vient son nom, dit-on.[65] Il est précédé de deux flammes bleues qui courent devant lui et qui sont ses yeux. À Schelle, on prétend qu’il a une large tête avec des yeux proéminents.

Wolf raconte :


Deux jeunes gens retournèrent un soir chez eux en compagnie d’une jeune fille ; un des deux était l’amant, l’autre un camarade. Soudain l’amant dit :

« Camarade, arrête-toi : je vois quelque chose. »

« Que vois-tu donc ? »

« Kludde !… Regarde, un chien… il devient grand, grand !… Et maintenant très petit !… Un mouton… non, un chat… »

Et il continua de la sorte ; mais la jeune fille et le camarade ne voyaient rien. Celui-ci dit à la fin :

« Si tu le vois encore, montre-le moi : j’irai à lui ! »

« Eh bien, il court devant moi… là ! »

Le camarade alla dans la direction indiquée, mais ne découvrit rien.

Cela dura jusqu’à ce qu’ils arrivèrent à la maison de l’amant. Devant la porte se trouvait une dalle sous laquelle le père du jeune homme glissait d’habitude la clef pour ne pas devoir sortir du lit, quand le fils s’attardait au cabaret.

« Vous ne le voyez pas encore ? » dit l’amant. « Il est assis sur la dalle et veut m’empêcher de prendre la clef ! »

« Nous ne voyons rien, » répondirent les autres.

Là-dessus il prit la jeune fille sous le bras et dit :

« Viens, Mieke, tu as peur ; nous te conduirons chez tes parents. »

Et après avoir fait cela, ils retournèrent et l’amant vit Kludde, toujours sur la dalle. Alors le camarade prit courage et se dirigea vers la pierre. Kludde fit un saut de côté et l’ami put prendre la clef et ouvrir. L’amant entra et ferma vivement la porte. Son camarade continua son chemin tranquillement et ne vit pas l’esprit.


Le Lodder de Koekelberg et de Hal est sans doute le même lutin. On peut lire chez Wolf (nos 488-489), deux sagas que le manque d’espace ne nous permet pas de reproduire[66].


6. Bokkenrijders. (Boucs-volants).
— On sait que la monture des sorcières et des sorciers était ordinairement le

bouc. Dans la Campine, on parle des Bokkenrijders (Boucs-volants, chevaliers du Bouc : bok = bouc, rijder = celui on appelle ainsi des êtres malfaisants qui monte) volent et galopent dans l’air.

Volksleven écrit[67] :

« Lorsque les Bokkenrijders, il y a un siècle, passèrent, dans leur voyage aérien, à côté de l’ancienne abbaye de Postel, les Witheeren[68] (les Seigneurs blancs, les Prémontrés ou Norbertins) commencèrent à prier tous ensemble, afin que ces scélérats fussent détruits. Et il en fut ainsi : les boucs de ces Bokkenrijders ne purent continuer leur chemin et ils disparurent pour toujours avec leurs cavaliers infernaux. Depuis lors cette mauvaise engeance est détruite. »

Pas complètement, paraît-il ; car les Campinois de la province d’Anvers, du Limbourg et des environs d’Eindhoven en parlent encore.

Les Bokkenrijders formaient anciennement, une bande de voleurs et d’assassins. Vers 1773, on pendit à Valkenburg et dans les environs deux cents Bokkenrijders.

La saga suivante nous vient de Hechtel :


Le fils d’un brasseur de Hechtel se rendit un soir à la brasserie pour allumer le feu, lorsqu’il rencontra deux de ses voisins qui lui demandèrent de jouer aux cartes avec eux, dans certain village et certaine maison qu’ils indiquèrent. Ils étaient à cheval et lui dirent de se mettre derrière eux, ce qu’il fit. Les voilà chevauchant dans l’air ! Ils arrivèrent à un château, et chevaux et hommes y entrèrent par la cheminée. Au coin du feu se trouvait une personne et les voisins enjoignirent au brasseur de la tuer : Ce qu’il ne voulut point faire, car maintenant il était convaincu que ses voisins étaient des Bokkenrijders. Il fit semblant de devoir satisfaire un besoin naturel ; il parvint ainsi à quitter le château et il s’enfuit à toutes jambes. Ne sachant où il était, il monta sur un arbre et il découvrit, à quelque distance un voiturier qui conduisait une charrette. Il se rendit auprès de cet homme et lui demanda le chemin vers Hechtel ou une des villes environnantes qu’il nomma. Mais le voiturier n’avait jamais entendu parler de ce village ni de ces villes. Il conseilla au brasseur de l’accompagner jusqu’à une auberge non éloignée ; ils y allèrent, mais là aussi on ne savait rien de Hechtel ni des environs.

Par hasard sept curés devaient se réunir ce soir dans cette auberge ; les six premiers interrogés, ne savaient rien non plus ; mais le dernier arrivé, le septième, avait entendu parler de Hechtel ; il indiqua la route sur un morceau de papier et recueillit quelque argent auprès de ses confrères. Il le donna au brasseur qui, le lendemain, se mit en marche. Le 99e jour, le malheureux arriva à Hechtel. Pendant son absence, ses parents avaient fait démolir la brasserie, afin de s’assurer que leur fils n’y avait pas été tué et enterré.

C’était un samedi soir que le jeune homme revint à la maison paternelle. Le lendemain matin, il se posta derrière la porte de l’église et, quand il vit entrer ses deux voisins-bokkenrijders, il raconta son aventure à ses concitoyens qui s’emparèrent des scélérats et les brûlèrent vifs sur la place de Hechtel[69].


Les Francs-maçons (Framassons, Vrijmassons), remplacent les Bokkenrijders en Flandre et en Brabant : ils voltigent aussi dans l’air, ont vendu leur âme au diable, se nourissent du sang de petits enfants, etc.[70].


7. Chasseurs sauvages (Wilde jagers).
― Dans certaines localités on raconte des histoires terrifiantes du Chasseur sauvage (Wilden jager), ou du Chasseur éternel (Eeuwigen jager) ; on y parle encore de la « Wilde, Eeuwige, Helsche jacht », de la Tilkesjacht ou Turkusjacht, de la Knuppel ou Kluppeljacht.

Voici ce qu’on dit du Chasseur éternel à Wijnendaal :


Non loin du château de Wijnendaal demeurait un vieux paysan ; il avait un fils qui aimait à chasser et qui, au lieu de labourer les champs, passait son temps à courir les bois. Le père lui fit des remontrances, à ce sujet, mais ce fut en vain.

Lorsque le paysan se trouva sur son lit de mort, il fit appeler son fils afin de lui donner un dernier avis ; mais le chasseur ne parut point, il partit au bois avec ses chiens. Alors le père maudit son fils en disant :

« Tu chasseras éternellement, oui, éternellement ! »

Il tourna la tête et rendit l’esprit.

Depuis lors le malheureux maudit erre, sans trêve, dans les forêts. La nuit, on l’entend crier lamentablement :

« Jakko ! Jakko ! » et la contrée répercute la rumeur et les cris des chiens.

D’autres prétendent que le fils fut changé en oiseau de proie et que c’est sous cette forme qu’il vole de tous côtés ; il attaque les hommes, les animaux, et crie toujours :

« Jakko ! Jakko ! Jakko ! »

Il y a quelques années on a détruit les forêts de Wijnendaal et le chasseur éternel est allé plus loin[71].


Dans les environs de Louvain on raconte :


« Un vieux mendiant, qui traversait un soir les champs, entendit une belle musique dans les airs. Regardant en haut, il découvrit un grand nombre de formes humaines qui voltigeaient au-dessus de lui. Ne sachant que faire, il jeta, à tout hasard, son bâton dans l’air. Le bâton resta quelque temps en haut ; puis il retomba couvert de griffades et d’éraflures. Le mendiant entendit une voix qui cria :

« Si vous n’étiez pas un de mes bons camarades, vous recevriez autant de coups de griffe que votre bâton. »

C’était la Tilkesjacht qui traversait les airs[72]. »


À Anvers, la Wilde Jacht s’appelle encore Doodenheir (Armée des morts) ; celle-ci ne se montre dans l’air que dans la période de Saint-Bartholomé, à la Fête des Trois-Rois et pendant la nuit qui précède Pâques.

Il y a aussi des sorcières qui voltigent dans l’air et y font de la musique. Le Muziekberg, près de Renaix, est ainsi nommé parce que, le soir, on y entend souvent une musique aérienne[73].


8. Revenants (Spoken en andere weerkomende geest(en).
— Il existe un très grand nombre de sagas se rapportant aux revenants. Ceux-ci prennent la forme d’hommes, d’animaux, de flammes, etc.

Ils reviennent sur terre :

1° Pour remplir ou faire remplir une promesse (Volksleven, III, 91, De Twee Knechten ; Id. III, De Onvolbrachte Belofte ; Id. IV, 215, 216, 217 ; Volk en Taal, I, 47, 30 ; Volkskunde, I, 73).

2° Pour faire pénitence (Volkskunde, I, 16 ; Volksleven, I, 91-92 ; Volk en Taal, II, 251 ; Wolf, pp. 535, 505, 509).

3° Pour montrer un trésor caché (Volksleven, III, 40 ; id. V, 116).

4° Pour exprimer leur gratitude (Wolf, p. 396).

5° Par amour maternel (Wolf, p. 403).

6° Parce qu’ils sont morts sans les secours de la religion (Wolf, 506, 652).

7° Pour punir un impie (Volkskunde, I, 72).

Sans motif déterminé, pour lutiner, pour taquiner les humains (Volksleven, III, 97, 126 ; IV, 229 ; Volk en Taal, I, 21).

Les endroits hantés de préférence sont les cimetières, les carrefours, les églises, les maisons et les châteaux en ruines, les tours, les vieux moulins.

Ils apparaissent à minuit, « l’heure solennelle ! »

Le curé possède le pouvoir de chasser les revenants ; il peut les bannir pour une période de 99 ans, sur les bords de la mer.

Nous donnons ici quelques-unes de ces sagas.

La première, la Borne déplacée (De Paal verzet !) est connue partout :


Un paysan avait déplacé la borne qui séparait son champ de celui du voisin.

Il mourut.

Depuis sa mort, il errait chaque nuit dans les deux champs et criait sans cesse :

« Où dois-je la mettre ? Où dois-je la mettre ? »

Il s’agissait de la borne qu’il portait sur son épaule.

Cela dura des années.

Une nuit, un ivrogne qui passait par là, entendit la voix plaintive :

« Où dois-je la mettre ? Où dois-je la mettre ? »

Et il répondit :

« Sacré imbécile ! Mets-la où tu l’as prise ! »

Un cri de joie retentit.

Depuis lors, on n’a plus aperçu le revenant son âme était délivrée.

(Segelsem.)

la poule revenante.
(De spokende Hen.)

À la Motte (de Mot, un nom de hameau), chez P. V., il y avait, dans le temps, des revenants.

La grand’mère de cet homme était morte depuis quelques mois. Un jour, il vit une poule tout près d’un mur. On n’y fit pas attention ! Une poule près d’un mur, cela se voit tous les jours, n’est-ce pas ? Oui, mais pas un jour ne se passa sans que l’on ne vit cette poule, couchée là, contre le mur, se rapprochant chaque jour un peu plus près de la porte.

« C’est très drôle ! » dit la femme ; « cette vilaine bête semble vouloir entrer ! ».

Quelques jours encore ! Et voilà la poule entrant dans la maison. On la chassa… En vain !… Elle revint… et rentra !

« Cette bête est malade ! » C’est ce que l’on pensa et on la laissa faire… Oui, mais qui l’aurait cru ? Elle se mit même sur le lit !

« Croirais-tu bien, » dit la femme, « que cette poule me donne des idées noires ? Il y a quelque chose de mal, je t’assure ! »

« Je le pense aussi, » dit le mari ; « je vais lui demander ce qu’elle désire, la première fois qu’elle reviendra ! »

« Oui, si tu l’oses, demande-le lui ? »

Un soir, en allant au lit, ils y trouvèrent la poule.

« Dis donc, » cria le mari, « qu’est ce que tu viens faire ici ? Tu nous embêtes à la fin ! »

« Je viens vous prier de bien vouloir offrir à Notre Seigneur du petit Chœur brun (van ’t Bruinkoorken) les quatre livres de chandelles que j’ai promises. »

Alors la femme se souvint : La grand’mère, pendant sa maladie, avait réellement promis d’offrir quatre livres de chandelles. Le lendemain elle se rendit à la ville (d’Aarschot), offrit les chandelles et la poule ne revint plus.

(Haterbeek-lez-Aarschot[74].)
la laitière.
(Het Melkmeisje.)

Dans le parc de Bruxelles, il y a deux bas-fonds, véritables taillis. Dans l’un des deux, celui qui se trouve à droite du chemin qui part du palais royal, on voit une statue de pierre représentant une jeune fille dont la chair est rongée et les os à nu. Voici ce qu’on raconte par rapport à cette statue :

Il y a plusieurs centaines d’années vivait à Bruxelles une laitière, qui n’agissait pas raisonnablement, car elle trompait ses clients ; elle baptisait son lait (zij doopte hure melk : elle y ajoutait de l’eau) et employait, en outre, une mesure trop petite. Après sa mort, elle ne trouva pas le repos dans sa tombe ; chaque nuit elle devait errer en ville et crier :


« Half water, — Half melk ! — Te scherp gemeten, — De ziel vergeten ! »

« Moitié eau, moitié lait ! — Mesuré trop exactement, — oublié l’âme ! »


Cela fit beaucoup de bruit et on parla beaucoup de la laitière. Le clergé sut l’affaire et ordonna de déterrer le cadavre. On le fit, et on constata que le cou et la poitrine étaient complètement rongés par la vermine. Pour rappeler cette chose étrange, on fit faire la statue, qui fut placée d’abord en ville, mais qui, plus tard, fut jetée dans le bas-fond du Parc, où elle se trouve encore, oubliée et abandonnée[75].


amour maternel.
(Moederliefde.)

Une femme, à Hekelgem, mourut en couches.

La voisine dit au mari qu’il devait faire le lit de la morte pendant six semaines, parce que sa femme reviendrait chaque nuit pour allaiter le pauvre petit.

Mais le mari n’en voulut rien croire, disant que les morts étaient bien morts et ne revenaient pas.

La nuit suivante, l’enfant, qui se trouvait dans la chambre à côté de celle du père, cria, mais se tut bientôt. Au même instant, l’homme entendit la voix de sa femme qui berçait doucement le petit. Le mari eut peur ; il alla néanmoins jusqu’à la porte de la chambre et regarda par le trou de la serrure : il vit sa femme, avec l’enfant sur ses genoux et lui donnant le sein : les yeux bleus du petit être étaient tranquillement dirigés vers la mère. Le coq chanta ; la morte mit doucement son enfant dans le berceau et disparut par la porte.

Depuis lors le mari fit faire le lit chaque soir[76].


β. Esprits de l’eau (Watergeesten).


1. Nekkers.
— Le Nekker[77] s’appelle encore Nikker, Duiker (plongeur), Waterman (homme de l’eau), Waterduivel (démon aquatique), Manneken-Haak (homme au crochet), Manneken-met-den-haak, Waterwolf (loup de l’eau) ; chez Kiliaen : « Waeternecker» et «Waeter-elf». Le Nekker féminin se nomme Nix, Nikse, Grijze Meer[78] ; (Moer : grise Mère ou Jument grise ?) et le petit Nekkerjong (De Bo).

Les Nekkers habitent les ponts, les marais, les étangs, les ruisseaux, les rivières, l’Escaut. Ils quittent leur palais aquatique ordinairement pendant la nuit, parfois pendant le jour.

Ils appartiennent au sexe masculin ou féminin et prennent souvent la forme humaine. On en a connu qui avaient la forme d’un chapeau à trois pointes. On les trouve parfois dans une boîte, placée sur le bord d’un ruisseau ou d’un étang, d’où ils sortent, si elle est ouverte par un passant ; ou ils se montrent, chargés de chaînes, et ils entraînent avec eux, au fond de l’eau, les malheureux qu’ils rencontrent[79].

C’est ce que l’on croit dans la Flandre occidentale.

Dans les Campines anversoise et limbourgeoise, les mères font peur à leurs enfants qui aiment à jouer sur le bord de l’eau, en disant que l’homme au crochet les saisira : Manneken-haak est noir, est caché entre les joncs et il entraîne, au moyen de son crochet, les enfants au fond de l’eau. Après, il leur suce le sang et emprisonne leur âme dans une cruche dont l’ouverture est dirigée vers le bas. Si cette cruche est renversée, l’âme devient libre. Quelques-uns prétendent que les noyés doivent filer, jusqu’à leur délivrance, du lin emmêlé.

Le Nekker aime, par hasard, à lutiner.

Ceci est arrivé à Niel, sur le Rupel :


Un aide-batelier avait reçu la permission d’aller visiter les siens qui demeuraient de l’autre côté de l’eau. En partant, il dit à son maître :

« Baas, cette nuit, à mon retour, je vous appellerai ; venez alors me chercher. »

La nuit, le batelier fut réveillé par des cris qui venaient de la rive. Il sortit de son lit, sauta dans la barquette et rama vivement vers le bord. Tout en ramant, il pensait à ses affaires et arrivé à la rive, il prit celui qui avait crié, sans demander :

« Jan, est-ce toi ? »

Mais non, il rêvait, il rêvait toujours. Lorsque soudain un ondin se dressait dans la barquette.

« Dieu du ciel ! cria le batelier, c’est un démon de l’eau, c’est un démon de l’eau ! »

Pardouf ! l’ondin sauta hors de la barquette. Le batelier se crut sauvé. Pas du tout ! L’ondin se tint sous la barquette et l’arrêta. Le pauvre batelier fit des efforts surhumains pour se rapprocher de son bateau ; en vain ! il resta toujours à la même place ! L’homme se mit à prier, l’ondin le laissa tranquille et disparut. Au même moment, l’esprit se trouva à la place où le batelier l’avait pris, et il cria en riant :

« Je t’ai bien attrapé, hein ! Je t’ai bien attrapé ! Ha ha ha ha ! »

Une demi-heure après, le batelier entendit crier son aide ; mais il se garda bien d’aller le chercher ; il le laissa crier.

(Schelle)[80] ».

2. Lange Wapper[81].
— C’est l’ondin anversois.

Il taquine les personnes attardées et leur joue des tours désagréables. Il y a des années, il se tenait habituellement non loin de la Wappersrui, qui maintenant est voûtée, et surtout au Wappersbrug.

Il a de longues jambes, au moyen desquelles il marche sur l’eau, et, comme Osschaart, il peut se rapetisser et se grandir. Il aime à jouer avec les enfants et, dans ce but, il prend la forme d’un petit camarade absent ; mais son jeu se termine toujours par une gaminerie. — C’est parfois un enfant qui vient de naître et qui semble abandonné dans la rue ; ou un chien, un chat, un monsieur bien mis, un prêtre, etc. Lange Wapper est donc un Protée aquatique.

Voici une des nombreuses espiègleries — celle-ci, macabre ! — énumérées par Mertens, chez Wolf (nos 387, 490) :


les quatre amants !
(De vier Lieven !)

Une femme riche menait une vie déréglée ; elle avait quatre amants, qui tous venaient la voir, chaque nuit, à une heure différente.

Lange Wapper prit, un soir, la forme de la femme absente.

À dix heures vint le premier amant.

« Que voulez-vous ? » demanda Lange Wapper.

« Je veux vous épouser ! »

« Bien ! à une condition cependant : il faut aller au cimetière de Notre-Dame et vous mettre sur la traverse de la croix du calvaire, jusqu’à minuit. »

Il le fit !

À dix heures et demie vint le second.

« Que voulez-vous ? » demanda Lange Wapper.

« Je veux vous épouser. »

« Bien ! à une condition cependant : il faut aller au cimetière, de Notre-Dame, y prendre un cercueil, le porter devant la croix du calvaire et vous y coucher jusqu’à minuit. »

Il le fit !

À onze heures vint le troisième.

« Que voulez-vous ? » demanda Lange Wapper.

« Je veux vous épouser. »

« Bien ! à une condition cependant : il faut aller au cimetière de Notre-Dame, frapper trois fois sur le cercueil que vous y trouverez, et attendre jusqu’à minuit. »

Il le fit !

À onze heures et demie vint le quatrième.

« Que voulez-vous ? » demanda Lange Wapper.

« Je veux vous épouser. »

« Bien ! à une condition cependant : il faut prendre la chaîne de fer dans la cuisine, aller, en la traînant derrière vous, au cimetière de Notre-Dame, et courir trois fois autour de la croix du calvaire. »

Il le fit !

Mais le premier tomba mort, lorsque le second se coucha dans le cercueil. Le second mourut de frayeur, lorsque le troisième frappa trois fois sur la bière. Le troisième tomba mort aussi, lorsque le quatrième, traînant la chaîne, courut trois fois autour de la croix. Le quatrième ne sut que penser, lorsqu’il trouva ses trois camarades sans vie. Il se rendit cependant chez la femme pour la prier de tenir sa promesse. Mais elle ignorait tout ; et lorsque, le lendemain, on lui annonça la mort de trois de ses amants, elle devint folle et se suicida.


3. Meerminne.
— C’est une espèce de sirène, un démon femelle de la mer. On l’appelle plus souvent Zeemeerminne[82], Zeemerminne, parfois Marminne (De Bo).

Le peuple se représente cet être sous la forme d’une femme à queue de poisson.

Joos[83] raconte :

Lorsque les pêcheurs naviguent vers l’Océan glacial pour y pêcher la baleine, le capitaine emporte des friandises pour la Zeemeerminne.

Car la Zeemeerminne est l’ennemie de la baleine. Lorsqu’elle voit arriver un navire, elle nage vers lui et s’en rapproche tant que les pêcheurs voient flotter au-dessus de l’eau ses cheveux glauques. Alors ils lui jettent des friandises et elle, reconnaissante, scrute la mer. À peine a-t-elle vu une baleine, qu’elle crie :


Schippers ! — Werpt uw tonnekens uit, — De walvisch komt !

Pêcheurs ! — Jetez vos tonneaux, — La baleine vient !


Il arriva un jour que le capitaine prit aussi la Zeemeerminne.

Il l’emmena avec lui en Hollande où elle apprit à filer.

Mais la vie terrestre ne lui plut pas et elle n’aurait pas vécu longtemps, si le capitaine ne lui avait promis de la reprendre avec lui à son premier voyage.

Il remplit sa promesse ; et elle, plus reconnaissante encore, chanta bien haut sa vieille chanson :

Visschers ! — Werpt uw tonnekens uil, — De walvisch komt ! — Visschers ! — Werpt uw tonnekens uit, — De walvisch komt !

Pêcheurs ! — Jetez vos tonneaux, — La baleine vient ! — Pêcheurs ! — Jetez vos tonneaux, — La baleine vient ![84]


γ) Esprits du feu (Vuurgeesten).


1. Feux-follets (Dwaallichten).
— Appelés Stalkee(r)sen en Flandre orientale (Segelsem), Doodkeersen en Flandre occidentale, Stallichten[85] en Brabant, Dwaaslichten en Limbourg, Hageland, Haspengouw.

Dans la Flandre occidentale, on croit que les feux-follets sont de petits squelettes d’hommes avec une petite chandelle à la place du cœur (De Bo).

Presque partout on admet que ce sont les âmes errantes d’enfants morts sans baptême.


Un homme revenait tard de son champ ; il se rendait de Molenbeek à Ganshoren. Soudain, il vit trois feux-follets qui se dirigèrent vers lui ; et comme l’homme avait l’habitude de les baptiser, il dit, voulant les délivrer tous les trois en même-temps :

« Je vous baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ! »

Oui ! mais il se vit entouré, au même moment, de plus de mille feux follets, qui, tous, voulaient être baptisés. Il baptisa, il baptisa… et cela ne cessa qu’au matin lorsque le coq chanta.

C’est pourquoi l’on doit dire, quand on est poursuivi par un feu follet :

« Je ne baptise que vous seul ! »

L’homme de Ganshoren avait oublié de prendre cette précaution [86].


On ne peut montrer un feu follet du doigt. Si on ose le faire, on reçoit un violent soufflet (Segelsem). On ne peut lui faire signe de venir, sinon on est suivi lentement, très lentement par cet esprit et, pendant la nuit, on entend un grand coup sur la porte de la maison ; le lendemain, on y découvre une tache de sang qu’on ne parvient pas à enlever (Campine)[87].


2. Homme de feu.
Vuurman ; le peuple dit : Vierman, Schoovert, Sjoverik, Schoeffer (Limbourg).

Sur les rives de la Meuse se promène, chaque nuit, un homme de feu ; il brûle avec longue et vive flamme. Quand on siffle, il vient. L’imprudent qui a osé siffler, ne peut fermer assez vite la porte de sa maison ; l’homme de feu accourt, frappe et, le lendemain, on voit sur la porte une main carbonisée[88].

Wolf (n° 261) parle aussi du Vuurman des environs de Tirlemont.

Volkskunde (I, 16) donne une saga qui se rapporte au Vuurman de Baasrode.


3. Le berger en feu (de brandende Schaper).
— Dans la bruyère campinoise (environs de Turnhout, Westmalle, Oostmalle, Vlimmeren, etc.) on aperçoit, la nuit, le berger en feu (brandenden Scheper). Ce berger avait trouvé, un jour, une bourse[89] remplie d’argent et osé soutenir, sous serment, qu’il n’avait rien trouvé :

« Si je mens, je veux brûler éternellement, » avait-il ajouté.

À peine l’avait-il dit qu’il brûla comme un fagot dans le foyer[90].


4. La gerbe enflammée (de brandende Schoof)[91].
— À Kieldrecht périt un pécheur en état de péché mortel. Le soir, il apparaît, encore de nos jours, sous la forme d’une gerbe enflammée, qui sort de l’eau et qui disparaît du côté de Verrebroek.

Un pêcheur fut, un soir, poursuivi par la gerbe enflammée ; il courut aussi vite que possible vers sa maison où il s’affaissa de frayeur[92].


5. Le chariot infernal (Hellewagen).
— C’est un chariot ardent lequel, tous les soirs, à l’approche de minuit, traverse les airs et entraîne en enfer les passants attardés.

Hellewagen est aussi le nom populaire de la grande Ourse.

Wolf parle encore du Korenwagen.

À Belcele (Varenwijk) on a vu une Vurige Koels (carosse ardent) et à Saint-Nicolas (Padbeschoothof) un chariot ardent (vurige Wagen).

Nous-même avons entendu parler souvent de chars roulant avec fracas dans les airs.

Gittée fait mention d’un Vierweg (chemin ardent)[93].


6. Dragons (Draken).
— Nous devons mentionner ici les dragons et autres monstres qui vomissent du feu. On les rencontre souvent dans les châteaux hantés. Ils y gardent une princesse ou un trésor caché. Il y en a qui aiment la chair humaine et ils exigent chaque mois (ou chaque année) une victime.

La légende de Notre-Dame du Cerisier (Kerselaar-bij-Oudenaarde) parle d’un crocodile tué par un sire de Pamele ; on a suspendu le monstre au plafond de la petite chapelle[94].


δ. esprits de la terre (aardgeesten).


1. Nains[95] (Dwergen).
— Appelés ordinairement Kabouters, Kaboutermannekens (Fl. Br.) ; dans le Limbourg : Aardmannetjes, Heuvelmannekes, Auvermannekens, Klabbers, Roodmutsjes, Jans met de roode muts ; autour de Louvain : Alvermannekes dont les femmes se nomment Hussen ; ailleurs Laplanders. Dans les dict. Kobolden[96].

Forme. — Les Kabouters sont de tout petits hommes, hauts de quelques pouces, de la grandeur d’un sabot, vêtus d’un pantalon rouge et d’un frac gris, portant toujours le capuchon rouge. Ils sont parfois entièrement blancs, meuniers minuscules ! Ils ont une barbe très longue, dans laquelle réside leur force ; si l’on parvient à la couper, ils sont complètement maîtrisés.


Demeure. — Ils habitent sous terre, ordinairement dans les collines et les talus, dans les vieux tunnels (à Lubbeek, on trouve l’Alverberg) ; ils utilisent les terriers de lapin et les tanières de renard ; les taupinières leur servent de portes d’entrée et de sortie. On les trouve aussi dans les ruines et les vieux châteaux.


Actions. — Il sont très malins et connaissent l’art de la magie. La nuit, ils sortent de leur demeure souterraine pour voler ; ils emportent tout. Inutile de s’opposer à leurs déprédations ; si on essaie de le faire, on court grand risque de recevoir une fameuse tripotée.

Ils n’ont cependant pas mauvais caractère ; souvent ils aident les malheureuses gens et font le gros travail (tamisent la farine, rebattent les meules[97], lavent le linge, battent le beurre, labourent les champs, etc.). Si l’on a quelque besogne urgente à faire, on n’a qu’à la porter à leur colline et, le lendemain, c’est fait. Il suffit de leur donner pour cela un petit pain au beurre[98] ou une tartine.

Parfois un Kabouter arrive avec un cadeau, une assiette de crêpes, par exemple ; si vous acceptez son présent de bonne grâce, vous devenez son meilleur ami ; si vous le refusez, il se déclare votre ennemi irréconciliable.

Ces petits lutins connaissent les vertus des plantes et font des cures merveilleuses.

Ils traient les vaches et suscitent des querelles entre domestiques. Ceux-ci alors se donnent des coups de trique et les nains regardent de loin en riant.

Ils empruntent des ustensiles de cuisine (des pots, des poêles, etc.), et les rapportent, le lendemain, bien écurés.

Ils aiment le jeu et la danse.

Ils bâtissent : la tour de sainte Gertrude, à Louvain, est leur ouvrage.

De nos jours ils se montrent rarement, bien qu’à la veillée on parle d’eux très souvent ; ils partagent le sort des autres esprits enfantés par l’imagination populaire : la science les chasse. Le peuple explique leur disparition, en disant que les Kabouters ne peuvent supporter les sonneries de cloches ni surtout les coups de l’angelus.


Husses. — Les Husses demeurent avec les Kabouters. Ce sont de petites femmes qui s’occupent des travaux du ménage. Elles sont plus méchantes que les nains. À l’âge de 80 ans, elles sont enterrées vivantes avec un petit pain de cinq sous. En les enterrant, leurs maris disent :

« Pars, vieille mère, tu retourneras rajeunie ! »


Voici une saga et un conte :


le nain nu.
(de naakte Dwerg.)

Dans un village des environs de Malines, un meunier n’avait pu finir son travail : il restait une certaine quantité de farine à tamiser. Il résolut d’achever le lendemain. Comme ce jour il se sentait très fatigué, il partit sans manger un petit pain au beurre qu’il avait apporté avec lui au moulin. Lorsqu’il rentra, le matin du jour suivant, il vit, non sans étonnement, que toute la farine était tamisée et que le petit pain était mangé. Le soir, il refit la même expérience : et le lendemain encore tout le travail était fait et le petit pain avait disparu. Cela excita sa curiosité et, le soir du troisième jour, il se cacha derrière quelques sacs de farine. Il attendit jusqu’à minuit ; alors s’ouvrit la porte du moulinet il vit entrer un nain tout nu qui mangea le petit pain et se mit au travail.

Le meunier était un homme compatissant ; il eut mal au cœur de voir le pauvre nain tout nu. Le soir suivant, il mit, à côté du petit pain, un habit complet ; et depuis lors il eut le plaisir d’admirer le petit homme dans sa petite robe et ses petits bas, chaque fois que celui-ci venait faire son travail nocturne au moulin[99].


les nains récompensent l'amour fraternel.

Il y avait une petite fille qui s’était égarée dans le bois, en cherchant des fruits. Et après avoir couru de ça et de là, elle se sentit fatiguée et s’endormit sous un arbre.

Elle avait à peine fermé les yeux que deux nains, un vieux et un jeune, vinrent et montèrent la garde près de la petite. Lorsque celle-ci s’éveilla, elle vit le vieux nain avec une longue barbe, qui descendait jusqu’à ses genoux. Il lui fit bonne mine et dit :

« Chère enfant, que tes boucles sont jolies ! Laisse-moi les couper, et je te donne une bague en or pour ton petit doigt ».

« Non, » répondit la petite fille ; « je ne donne pas mes boucles ; Notre-Seigneur les a fait croître et c’est pourquoi je ne les donne pas. »

« Je vais te promettre plus encore, » dit le nain ; « laisse-moi les couper et je te donne une jolie petite cuisine : toutes les assiettes, les poêles et les cruches sont en argent brillant ».

« Pas même pour cela ! » répondit l’enfant, « je ne donne pas les boucles que le Seigneur a fait croître ».

« Je veux te promettre plus encore !… Laisse-moi les couper, et je te donne un petit oiseau qui pond chaque jour un œuf d’or. Il te rendra aussi riche que tu le désires ».

« Pas même pour cela !… Je ne te donne pas mes boucles que le Seigneur a fait croître ».

« Tu es une petite fille bizarre !… Écoute encore : Je sais que ton frère est bien malade et souffre beaucoup. J’ai ici un petit sachet avec des herbes : si tu les mets dans l’eau et que tu en donnes à boire à ton frère, il sera guéri ».

« Oh ! je veux ces herbes ! »

« D’abord tes boucles, chère enfant ! »

« Eh bien, oui, je les donne ! »

« Je suis bien aise de voir que tu aimes tant ton petit frère. Voici les herbes et je te laisse tes boucles. Cours chez tes parents ! »

Alors le nain la prit par la main, traversa le bois et lui montra le chemin de la maison. Les herbes furent préparées selon le conseil du nain et, quelques jours après, le petit garçon put jouer avec sa petite sœur qui l’aimait tant !

(Lierre)[100].

2. Géants (Reuzen).
— Finissons ce long chapitre par une étude très sommaire des géants.

On a toujours cru à l’existence des géants.

Dans la plupart des villes flamandes (même dans certaines villes wallonnes, à Ath, par exemple), on conserve religieusement les Reuzen. On a pu les voir, réunis à Bruxelles, en 1890, dans un cortège unique dans son genre : Druon Antigoon et Pallas d’Anvers, le géant de Grammont, les quatre géants de Vilvorde, etc.

Dans beaucoup de contes, on parle de géants. Voici la fable de Polyphème et Ulysse, transformée :


le géant et le nain.

Un géant avait pris un nain dans le but de s’en régaler. Pendant les quelques jours de vie qui furent accordés au nain, celui-ci dut faire tous les travaux du ménage : « faire la cuisine[101], » écurer, laver et coudre.

Cela ennuyait beaucoup le petit prisonnier, qui chercha un moyen de se sauver des griffes du géant.

Le nain était « petit de corps, mais grand d’esprit[102] ; le géant était grand de corps et petit d’esprit ».

Certain soir, ils prenaient l’air frais à la porte de la maison.

« Père, » dit le nain, « voyez-vous les animaux étranges qui se promènent là-bas derrière les nuages ? »

Le géant regarda, mais ne vit rien.

« C’est étonnant, » dit-il, « qu’un si petit homme comme vous ait une vue si perçante, tandis que moi, le plus fort de tous les géants, je vois si mal. »

« Oui, mais il y a un remède à cela. »

« Lequel, mon fils ?… Je voudrais en user, car c’est une grande force que de voir très loin. »

« Il fait laisser verser du plomb fondu dans vos yeux ! »

« Essayons ! »

« Mais, » ajouta le nain malicieux, « cela fait grand mal et l’on est complètement aveugle pendant quelques jours. »

« Je résisterai bien à la douleur. Fondez tout de suite du plomb, mon fils, et versez-le dans mes yeux. »

Le nain riait sous cape et se mit à la besogne.

Ce fut fait au bout de dix minutes.

Le géant hurla de douleur la montagne trembla et les animaux sauvages se cachèrent dans leurs antres… Le géant était aveugle !

« Je suis le maître ici, » pensa le nain. « Nous allons faire bonne chère pendant quelques jours et, s’il y a du danger, nous nous sauverons. »

Il commença par tuer un chien et une brebis. Le chien rôti fut pour le géant, la brebis pour lui.

« Comment se fait-il que vous semblez savourer votre mets et que je mange à contre-cœur ? Ma viande est coriace comme du cuir et répand une mauvaise odeur. »

« Vous êtes encore un peu malade, » répondit le nain. « Vous vous rétablirez lentement, mon père. »

Le nain fit tant de farces que le géant devint méfiant et résolut de manger le petit espiègle.

Certain matin le géant se leva tôt, chercha en tâtonnant toutes les portes, les ferma bien et s’assit devant la sortie du bercail ; les brebis passèrent entre ses jambes l’une après l’autre.

Le nain s’aperçut à temps du danger.

Il tua la plus grande brebis et s’enveloppa de la toison. Ainsi travesti il put se sauver.

Lorsque toutes les brebis furent passées, le géant appela :

« Eh bien, mon fils, où restez-vous ? »

« Petit père, » rit le nain, « je suis sorti depuis bien longtemps. »

Le géant grinça des dents ; mais le nain jeta la toison et s’enfuit au loin[103].


Dans une église, à Hamme, on conserve un os de géant (reuzenbeen). Jaak van de Velde (dans le Konst- en Letterblad, 1840, p. 60), écrit :

« Dans le temps, des géants demeuraient aux environs de Hamme ; un entre autres habitait la ville même, un deuxième avait sa demeure sur la rive opposée de la Durme, dans le pays de Waas. Un jour, une querelle surgit entre eux par rapport à leur taille ; afin d’aplanir le différend, ils se rendirent à Thielrode où, justement, on construisait une église tous les deux purent atteindre le toit et mirent, sur le mur en construction, chacun une brique.

D’autres parlent de trois géants (on ne connaît pas l’habitation du troisième) et disent qu’ils n’allèrent pas à Thielrode pour se mesurer, mais, qu’à Hamme même ils construisirent une église. Ils n’eurent pas besoin d’échafaudages pour atteindre le toit. L’un des trois n’employait jamais pont ni barque pour passer la Durme ; il passait toujours à gué.

Sous le portail de l’église, à gauche, est suspendu le fémur d’un des géants, et cet os a quatre pieds et un pouce de longueur (mesure du pays de Waas) et, à l’endroit le plus mince, il a une circonférence de treize pouces. Il y a longtemps qu’on pêcha cet os dans la Durme et on le conserve soigneusement ; oui, le peuple le vénère comme une relique de saint

La rue, habitée par le géant, s’appelle encore de nos jours rue du Géant (Reuzenstrate)[104].


Enfin, voici un Reuzelied, très vieux :


Al wie daar zegt, de reus die kom, — de reus die kom, — Zij liegen erom ! — Keere weerom, reusken, reusken, — Keere weerom, — Reuzegom !

Sa, moeder, snijd nen boterham, — nen boterham ! — De reus is gram ! — Keere weerom, reusken, reusken, — Keere weerom, — Reuzegom !

Sa, moeder, tap van ’t beste bier, — van ’t beste bier, — De reus is hier ! — Keere weerom, reusken, reusken, — Keere weerom, — Reuzegom !

Sa, moeder, stop nu maar het vat, — nu maar het vat, — De reus is zat ! — Keere weerom, reusken, reusken, — Keere weerom, — Reuzegom ![105].


Celui qui dit : le géant qui vient, — le géant qui vient, — en a menti ! — Retourne, petit géant, petit géant, — retourne, — Reuzegom !

Hola ! mère, coupe une tartine, — une tartine, — le géant est fâché ! — Retourne, petit géant, petit géant, — retourne, — Reuzegom !

Hola ! mère, verse de la meilleure bière, — de la meilleure bière, — le géant est ici ! — Retourne, petit géant, petit géant, — retourne, — Reuzegom !

Hola ! mère, bouche le tonneau, — le tonneau, — le géant est soûl — Retourne, petit géant, petit géant, — retourne, — Reuzegom


  1. En Flandre occidentale, la période d’âge de 60-70 ans s’appelle Tooveressetientje, la dizaine des sorcières (De Bo).
  2. Anciennement, les sorcières présentaient, sur leur corps, des marques particulières (Stigma diabolicum = marque du diable ; on soumettait ces malheureuses à l’épreuve de l’eau (heksenproef, waterproef) ou à celle de la balance. Lire à ce sujet l’ouvrage intéressant de Cannaert, Oud strafrecht. Aussi : Volk en Taal, II, 163.
  3. Voy. De Cock, Volksgeneeskunde.
  4. On rencontre encore des gens crédules qui portent des amulettes en racine de Mandragore.
  5. Reste des pratiques des Rhabdomanciens dont parle Tacite (de Mor. Germ.)
  6. Wolf, p. 365
  7. De Bo.
  8. De Bo, in voce Pauw.
  9. C’est une création en apparence.
  10. Wolf, 486, 487.
  11. De Cock, Volksgeneeskunde, 339.
  12. Voy. plus haut chap. II, p. 93.
  13. Volksleven, II, 92-93 ; III, 98.
  14. Voy. Sloet, 143-144-145.
  15. Cannaert, p. 243, donne un nom de localité : Hanurit. Dans ce même document, on trouve comme lieu de réunion : un endroit près de Hal et de Lembeke.
  16. L’empreinte des pieds de la sorcière est souvent circulaire : heksenring.
  17. D’où le sens figuré de l’expression : iemand bij ’t vuur zetten = torturer, taquiner quelqu’un (Segelsem).
  18. Belezer, aflezer, bezweerder.
  19. Dans le pays d’Alost, on cherche conseil et guérison pour tout mal chez les Bénédictins d’Afflighem et de Termonde, ou chez les Augustins de Gand. De Cock, Volksgeneeskunde, 81.
  20. Dokteur den Hond, voilà son nom. On le connaissait à cinq lieues à la ronde. Ce bossu rebouteux avait l’œil fascinateur ; il était laid et difforme, et cependant toute jeune fille dont le regard rencontrait le sien, était forcée de l’aimer. Aussi personne n’osait le regarder : il avait le mauvais œil (kwaad oog) !
  21. Pour les formules employées, lire le chapitre qui se rapporte à la Médecine populaire.
  22. Voy. Médecine populaire.
  23. Wolf, 377.
  24. Wolf, 370.
  25. Ruta graveolens L.
  26. Buxus sempervirens L., Hypericum perforatum L., Polygonatum multiflorum L. La seconde de ces plantes s’appelle pour cette raison Jaagt-den-duivel, Jachtenduivel, en français Chasse-diable.
  27. De Cock, Volksgeneeskunde, 99.
  28. Id., 98. Dans le sud de la Flandre orientale (Sedelsem, etc.), on jette une pincée de sel dans le lait (vendu ou donné) qui sort de la maison.
  29. Idem, 25.
  30. Lire une analyse et un fragment de la Prière de Charles-Quint, chez De Cock, Volksgeneeskunde, 111, et la seconde (Huiszegen), complète, dans Volksleven, IV, 145-148.
  31. Littéralement : Ga in de wereld en zoek uw brood.
  32. Ge zijt maar een arme reiger, die op het ijs staat ! Position critique et peu lucrative pour cet oiseau pêcheur !
  33. Volksleven, II, 92. Lire aussi : Van den Amerikaanschen Tooveraar, Joos, II, 77 ; — Van den Koning van Zevenbergen, Volkskunde, I, 121, et De Cock, Wonderwereld ; — Van Schaapsvel, De Cock, Rond den Heerd, 35 ; — Van het Feperkoeken Huisken, Volksleven, III, 87.
  34. Dien grooten puist !
  35. Variantes : Volksleven, IV, 201. (La sorcière est remplacée ici par des dames blanches (witte wijven) ; — Ploennies, Légendes, etc., p. 77 : Les deux Bosses ; Volkskunde, 1894.
  36. Deur de schouwe, over boomen en over al !
  37. Deur de schouwe, deur de boomen en deur al !
  38. Variantes nombreuses : Volk en Taal, IV, 29 ; — Wolf, 469, 645 ; — Volkskunde, 1892, 12. — Autres sorcières-amantes : Volksleven, II, 8. L’énorme saut se retrouve dans : Van nen Duitschen schaper, Volk en Taal, III, 10. — Ce berger-sorcier revient dans : De schaper van Canegem, Wolf, 293.
  39. Il y avait, il y a encore à Renaix des fabricants de toile qui font tisser leurs pièces dans les communes environnantes.
  40. Bosch-te-Rijst. L’orthographe Bosch-ter-Heist nous paraît préférable, mais ce n’est pas la place de discuter cela ici.
  41. Cette saga est connue partout. Sorcières qui dansent, font de la musique, s’amusent au « sabbat » : Wolf, 464, 465, 466, 467 ; — Volkskunde, I, 73 ; — Volksleven, II, 134 ; Volk en Taal, II, 115, III, 41.
  42. C’est le tamis magique dont nous avons déjà parlé : Heksenteems ou -teemst, heksenzeef.
  43. Variantes : Volksleven, I, 90, et chez Welters, Limburgsche legenden. Lire aussi : De Bazin — eene Heks, Volksleven, II, 36 ; — De Tegenroeper, Volk en Taal, II, 36 ; — De aangezette Koorts, De Cock, Volksgeneeskunde, 230 ; — Een Regiment vastgezet, Volksleven, IV, 193 ; — Te paard naar Keulen, id., V, 4. — De Maalderin — eene heks, id., V, 115.
  44. Ce sont les Esprits élémentaires.
  45. Eigenlijk : Manwolf ; weer, wer = man, latijn vir. {{lang|nl|Van hier ook het fr. Garou.
  46. Le carrefour (kruisweg), chemin en forme de croix, joue un grand rôle en démonologie.
  47. Riek, fourche à trois dents avec laquelle on manie le fumier de ferme.
  48. Paaschnagel : un des clous du cierge pascal (Paaschkeers), cierge bénil du samedi saint.
  49. Volk en Taal, IV, 6. Variantes : Volkskunde, 1, 173 ; — Volk en Taal, III, 210 ; — Volksleven, II, 101 ; Wolf, 602. Autres sagas de loups-garous : Wolf, 600 : De verdwenen weerwolf : — Id., 337 : De weerwolvin (la femme loup-garou) ; — Id., 337-338 : De geschoten weerwolf ; — Volksleven, II, 101 : De verloofde van den weerwolf ; — Volk en Taal, II, 48 : on y parle d’un loup-garou bienfaisant. Voy. aussi Volksleven, IV, 150, 151, 152.
  50. « Elf, m. (watergeest). Mnl. elf, alf + mhd elbe, Ags. ael, (Eng. elf), On. alfr (Zw. elf, De. elv) + Ser rbhu = ziel van een afgestorvene, geest». Vercoullie Le peuple cependant ne considère pas l’Elf comme un esprit de l’eau (watergeest).
  51. Le mot Elf est du masculin en flamand. Le mot Elvinne, Alvinne a été employé.
  52. Voy. Joos, II, 103, 136, 180.
  53. Voy. plus loin ; aussi Wolf, 660.
  54. D’après l’étymologie populaire. « Is echter samengesteld met maar, Mnl. mare = nachtspook.» Vercoullie. Ce radical maar se rencontre dans le mot français cauchemar. Voy. Littré.
  55. Pp. 179-180.
  56. Ce nom cependant s’applique surtout au gui que notre peuple flamand ne connaît presque pas.
  57. P. 689.
  58. De Cock, 181-182.
  59. Voy. plus haut : La sorcière et son tamis.
  60. Wolf, 344. Voy. aussi chez le même auteur les nos 249, 250, 252, 253, 254, 255, 256, 515. — De Cock, p. 179. — Dans son Vraagboek, Gittée parle d’une Beslegene mare (une mare ferrée). Lire, à ce sujet, Volksleven, V, 114 ; — ’t Daghet, 1883, 41.
  61. Osschaart, peut-être Ossaart, Orsaart, de ors = ros = cheval. L’esprit prend souvent la forme d’un cheval, ainsi que le dieu Loki des Scandinaves. Voy. Wolf, note 487. Schuermans, app. donne Oeschaart et Osschaart.
  62. Diminutif de Blommaert.
  63. Wolf, n° 497. Lire aussi nos 214, Osschaart ; — 492, Ivrogne puni ; — 493, Osschaart ; — 494, Juron puni ; — 495, Osschaart ; — 496, Osschaartun âne ; — 498, Osschaart trompé ; — 499, le Chien noir ; — Volk en Taal, IV, 41-42.
  64. Il est connu aussi aux environs de Boom et dans certaines localités de la Campine. Le long de l’Escaut, il est considéré comme ondin ou démon aquatique.
  65. Comp. avec Kleuter, Lodder des dictionnaires.
  66. Wolf, n° 487 ; lire aussi : Wolf, n° 213 ; — Volkskunde, I, 74 ; — Volksleven, V, 82, 101, 121, 146. — Wolf, la note de la page 705.
  67. IV, 117. Lire aussi, même numéro : Bokkenrijders vliegen door de lucht, 116 ; — id., 117, Gedwongen luchtreis ; — et le roman d’Écrevisse.
  68. Ainsi nommés à cause de leur habit.
  69. Voy. Panken, Noordbrabantsche Sagen ; Volksleven, IV, 132 ; — Ambtelijke Brieven en andere Bescheiden over de Bokkenrijkers in het Staatsch Land van Overmaas, 1755-1785 ; — Écrevisse, de Bokkenrijders in het Land van Valkenburg : — Volksleven, III, 22, 47 ; — Wolf, n° 436.
  70. Voy. Gittée, Vraagb., 40 ; — Volksleven, V, 5.
  71. Serrure, Kunst- en Letterblad, 1841, p. 68 ; — Wolf n° 260.
  72. Volksleven, II, 9. Ici, les Tilkesjagers ne diffèrent pas des Bokkenrijders. Voy. aussi : Volksleven, II, 76 ; — ’t Dagnet, I, 1885, 167, 191 ; — Gittée, Vraagboek, 42 ; — De Bo, 1241.
  73. Le « Boeboe », « Baboe », le « Peere Baboe » est un esprit des bois (Segelsem) : la mère inspire à son enfant la peur de la forêt, en disant que le Boeboe s’y tient caché, y saisit les petits enfants et les mange. Voy. Gittée, Volkskunde, 1890, 214 — Nous devrions parler ici de Klakkaart met zijn ketens (Voy. Kunst- en Letterblad, 1840, 4), de Flabbaert (Wolf, n° 574), de Flerus de Leffinge (Voy. Wolf, n° 216), des Knippers de Wolfsdonk (Volksleven, II, 318), de l’Uitschuifster (Volksleven, IV, 171), des Heidens, Gipten, Giplenessen, Djipten, Djiptenessen ou Bohémiens et Bohémiennes (Volksleren, IV, 171, 172 ; Wolf, n° 408 ; Volkskunde, I, 212, II, 89), de la Bloedkaros ou Bloedkoets (Volksleven, IV, 157 ; Volk en Taal, IV, 57 ; Wolf, nos 234, 435 ; Joos, II, 101), mais la place nous fait défaut. À Turnhout, on parle de la Kammelkar qui roule, la nuit, sans conducteur et peut entrer par toute ouverture, quelque petite qu’elle soit.
  74. Volk en Taal, I, 30. Voici les principaux animaux revenants ou sorciers : le Chat (Wolf, nos 246, 390, 391, 392, 393, 394, 395, 396, 561 ; — Volksleven, II, 98, IV, 171, V, 115 ; — Volkskunde, I, 16 ; — Volk en Taal, III, 201), — le Chien (Voy. ici Loups-garous ; Wolf, nos 437, 499, 500 ; — Volk en Taal, III, 201), — le Cheval (Wolf, nos 389, 347 ; — Volk en Taal, III, 201 ; — Volkskunde, 1891, 16 ; — Volksleven, [illisible], 116), — l’Âne (Wolf, n° 496), — la Vache et le Veau (Wolf, n° 414 ; — Volkskunde, I, 73 ; — Volksleven, III, 125), — la Brebis (Wolf, n° 552 ; — Volksleven, III, 125), — le Bouc (Voyez Bokkenrijders), — le Lapin et le Lièvre (Wolf, nos 413, 233, 549, 387), — le Loup (dans plusieurs contes), — la Poule (Wolf, nos 551, 557), — l’Oiseau noir (Wolf, n° 422 ; — Volksleven, V, 92), — le Corbeau, la Pie, le Crapaud. Voy. Sloet, de Dieren.
  75. Wolf, n° 423. Cette laitière est du sculpteur Devos et fut d’abord placée sur une fontaine de la rue au Beurre, en 1687. La statue a eu beaucoup à souffrir en 1830.
  76. Wolf, n° 326. Comp. avec Tjanne, Volkskunde, 1892, 39, un des plus beaux chants populaires flamands connus.
  77. Vercoullie : « Nix, v. uit Nhd nixe (Mhd. id., Ohd. nicchessa), vrouwelijke vorm van Nhd nix (Mhd. nickes, Ohd. nihhus), dat een bijvorm is van nikker. »« Nikker, m. Mhd. necker + Ags. nicor (Eng. nick), On. nykr (Zw. näk, De. nök). »
  78. ’t Daghet, 1885, 41.
  79. Serrure, Konst- en Letterblad, III, 43.
  80. Voy. aussi Gittée, Vr., 43 ; — Volksleven, 97, 98, 109, III, 32, 91 ; — Wolf, nos 221, 511, 513, 514, 564, 573 ; — Volk en Taal, IV, 58 ; — Volkskunde, 1891, 15.
  81. Schuermans, donne aussi Lange Wappe.
  82. Vercoullie : « Meermin vr. verwant met Mhd mereminne, d. i. de min (het lief) van den meerman of zeeridder zijn vaartuig wordt in de sage zijn staart). Vergel.Hgd. Meerweib, Eng. Mermaid, »
  83. II, 99. On dit à peu près la même chose à Michelbeke.
  84. Voyez aussi Wolf, nos 507, 508, 509.
  85. Kiliaen : « Stallicht, stal-keerse, dwaes-licht. Ignis fatuus. Ignis erraticus : ignis prope terras in aëre proximè permanens et haerens. Brabantis stal-licht, Flandris stal-keersse dicitur, à stal. i. stabulum : quod praecipuè conspiciatur iuxta stabula, nemp. bouilia, ouilia, patibula quoque, cemitaria, culinas, aliaque id genus loca densis humoribus infecta. » Ceci n’est peut-être qu’une étymologie populaire.
  86. Wolf, n° 521.
  87. Volk en Taal, IV, 40 ; — Wolf, n° 262 ; — Volksleven, I, 14-45, II, 21.
  88. Wolf, n° 429. Voy. Gittée, Vraagb., 43, 50.
  89. Suivant d’autres, un coffret.
  90. Wolf, nos 438, 440 ; — Volksleven, I, 90-91 ; — Joos, I, 93, 101.
  91. Comp. avec Schoovert, plus haut.
  92. Wolf, n° 441.
  93. Wolf, nos 427, 442, 443 ; — Joos, I, 99 ; — Volk en Taal, III, 200 ; — Volksleven, V, 92, 93 ; — Gittée, Vraagboek.
  94. Wolf, n° 538 ; — Volk en Taal, III, 60 ; — le conte Jan de Rotter ({{lang|nl|Volkskunde, 1890, 114) ; — Volkskunde, I, 55.
  95. Voy. aussi Plönniers, p. 147 ; — ’t Daghet, I, 11.
  96. Vercoullie : « Kobold, m. uit Hgd. id. (Mnd Kobolt), zoovee als huisgod, van *kob = woonst, op dezelfde wijze als herold van heer.... Vgl. Ags. cofgodu = huisgod. Uit het Germ. komt Fr. goblin. » — « Kabouter, m. Mnl. Coubout, is, niettegenstaande den bijvorm Klabouter, hetz. als Kobold. »
  97. Scherpen de molensteenen.
  98. Een boterkoeksken !
  99. Wolf, n° 206.
  100. Volksleven, II, 53. Voy. aussi Wolf, nos 206, 207, 208, 209, 210, 471, 475, 476, 477, 478, 479 ; — Volk en Taal, III, 89, IV, 56 ; Volksleven, I, 66, 67, 82, II, 52, 53 ; ’t Daghet, I, 12 ; — Volkskunde, I, 89-90 ; — Gittée, Vraagb., 41 ; — Joos, I, 155.
  101. De keuken doen !
  102. Kleinvan lijf en groot van geest !
  103. Joos I, 178.
  104. Wolf, n° 202. Voy. aussi Wolf, nos 205, 491, 555, 556 ; — Volk en Taal, II, 204 (on y parle d’un géant Gravampaka) ; — Joos, II, 39.
  105. Snellaert, Oude en nieuwe Liedjes, 94.