Le grand ballon captif à vapeur de M. Henri Giffard/1878-04-13

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LE GRAND BALLON CAPTIF À VAPEUR DE M. HENRI GIFFARD
(Suite. — Voy. p. 295.)

Les ballons ordinaires ont été pendant longtemps confectionnés avec une étoffe de soie recouverte d’un vernis formé d’huile de lin réduite par l’ébullition. Depuis que l’on ne se sert plus guère que du gaz de l’éclairage pour gonfler les aérostats, on a remplacé la soie par une simple percaline. — Ces étoffes, très-légères, très-peu résistantes, sont loin d’être absolument imperméables ; elles laissent s’échapper, quelquefois assez rapidement, le gaz hydrogène pur qu’on y enferme.

M. Henri Giffard, pour confectionner un ballon gigantesque, destiné à rester gonflé de gaz hydrogène pendant plusieurs mois, devait employer un tissu très-solide et tout à fait imperméable. Après bien des recherches et bien des essais, il a su résoudre le problème d’une façon complète, et l’étoffe qu’il a imaginée constitue certainement l’un des progrès les plus importants dont il a doté l’Aéronautique. Notre figure 1 représente l’étoffe du grand ballon captif, décomposée en ses éléments constitutifs ; elle est formée de tissus adhérents, superposés dans l’ordre suivant en allant de l’intérieur du ballon à l’extérieur : 1o  une mousseline c, 2o  une couche de caoutchouc b, 3o  un tissu de toile de lin a (très-solide, offrant une égale résistance dans les deux sens du fil et de la trame, de fabrication spéciale), 4o  une deuxième couche de caoutchouc naturel b’, 5o  une seconde toile de lin a’ semblable à la précédente, 6o  une couche de caoutchouc vulcanisé b“, 7o  une mousseline extérieure c. — Cette mousseline est recouverte d’un vernis, formé d’huile de lin cuite, et contenant une certaine quantité de caoutchouc dissous dans l’essence de térébenthine. Le tout enfin est revêtu d’une couche de peinture au blanc de zinc. L’aérostat sera tout à fait blanc, afin que sa surface ait un faible pouvoir absorbant des rayons solaires et que le gaz qu’il contient s’échauffe le moins possible sous l’influence de l’insolation.

L’étoffe que nous venons de décrire a été confectionnée par M. Rattier, fabricant de caoutchouc ; les tissus sont enduits de caoutchouc en passant dans des cylindres, et se superposent successivement les uns au-dessus des autres.

fig. 1. — Constitution de l’étoffe du ballon captif de M. Henri Giffard.
c’, mousseline extérieure enduite de vernis. — b’, caoutchouc vulcanisé. — a’, a, toiles de lin. — b’, b, caoutchouc naturel. — c, mousseline intérieure. — AB, épaisseur de l’étoffe. Coupe.
Fig. 2. — Figure montrant en demi-grandeur d’exécution, les coutures du ballon captif et les bandes qui les recouvrent.
f, g, coutures. — a, b, bande intérieure. — c, d, bande extérieure, recouverte de vernis

Le tissu du ballon captif a une largeur de 1m,10 ; il en sera employé, sur cette largeur près de 4 000 mètres pour la confection du ballon. Le mètre carré de ce tissu, avec le vernis, pèse 1 kilogramme, et revient à un prix de 14 fr. L’aérostat aura une surface de 4 000 mètres carrés.

Le ballon est cousu à la machine ; notre figure 2 représente la double couture qui unit deux côtes. Les coutures sont recouvertes de deux bandes, l’une intérieure, formée d’une mousseline collée avec du caoutchouc liquide ; l’autre extérieure. Celle-ci comprend une couche de caoutchouc vulcanisé comprise entre deux mousselines. Elle est collée à l’aide de caoutchouc liquide, et recouverte extérieurement de vernis. Les positions respectives des deux bandes sont indiquées exactement dans la figure 2. Les bandes seules du ballon captif pèsent 500 kilogrammes ; leur fabrication exige 1 800 mètres carrés de tissus.

Nous donnerons prochainement quelques détails plus complets sur la construction de ce Léviathan aérien.

Gaston Tissandier.

— La suite prochainement. —