Le grand ballon captif à vapeur de M. Henri Giffard/1878-10-26

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Le grand ballon captif à vapeur de M. Henri Giffard

LE GRAND BALLON CAPTIF À VAPEUR DE M. HENRY GIFFARD
(Suite. — Voy. p. 43, 71, 103, 124, 136, 183, [Le grand ballon captif à vapeur de M. Henri Giffard/1878-08-24

Nous avons signalé récemment à nos lecteurs les particularités atmosphériques qui se sont présentées aux voyageurs aériens dans la nacelle du grand ballon captif, au commencement d’octobre ; il nous faut revenir aujourd’hui sur un sujet toujours nouveau et parler de circonstances météorologiques plus remarquables encore que les précédentes. Elles se sont offertes vers le milieu de ce mois par les jours de brume dont Paris a été couvert depuis le 16 jusqu’au 19 inclusivement. Tout le nord de la France a été enseveli sous un manteau de brouillard qui ne s’élevait qu’à une faible hauteur dans l’atmosphère et qui cachait aux observateurs terrestres le ciel bleu et le soleil ardent des hautes régions. À Paris, le ballon captif en s’élevant à 500 mètres d’altitude a dominé ce massif de vapeur, et ceux qu’il enlevait avec lui dans les airs ont pu jouir de la grandeur d’un spectacle que les aéronautes en ballon libre ne contemplent généralement qu’a des altitudes assez considérables.

Fig. 1 — Le ballon captif au-dessus du brouillard. Coupe de l’atmosphère dans la matinée du 17 octobre, 10 h. 40.

La gravure ci-jointe (fig. 1) représente la coupe de l’atmosphère au-dessus de Paris, pendant les matinées du 16 et du 17 octobre. À terre, le brouillard compacte était assez épais pour masquer la vue d’un homme à 200 mètres ; en s’élevant dans la nacelle du Captif, on dominait ce banc inférieur de brume ; vu d’en haut, il ressemblait à un immense plateau de neige ; le soleil s’y reflétait avec intensité ; çà et là sa surface mamelonnée y dessinait des ombres gigantesques d’un effet saisissant. L’ombre du ballon lui-même se découpait sur la nappe blanche de cette brume. Le banc de brouillard n’avait pas une épaisseur de plus de 220 mètres, la couche d’air qui le dominait était très-chaude. Le thermomètre à terre marquait 13°,25 dans la cour des Tuileries ; il en accusait 15°,10 à 440 mètres d’altitude. Cette élévation de température était due assurément à la réflexion des rayons solaires sur la surface supérieure des nuées.

Le 16 octobre, le brouillard vu d’en haut était semi-transparent, on distinguait encore un peu la surface du sol, à travers son épaisseur ; le 17, au contraire, il était tout à fait opaque, et dans la nacelle du ballon captif, on n’apercevait plus rien que la mer de brumes.

Le brouillard ne se dissipa que fort peu dans la journée du 17, et vers deux heures de l’après-midi, il donna lieu à un phénomène assez curieux, le cône d’ombre du ballon captif s’y apercevait nettement à terre, et l’aérostat s’élevait en prenant en quelque sorte l’aspect d’une comète. La figure 2 représente cet effet d’ombre qui était très-appréciable pour l’observateur placé sur la place du Théâtre-Français ; sur d’autres points l’éclairage solaire ne se prêtait plus à ce curieux effet d’optique.

Fig. 2. — Ombre du ballon formée sur la brume. — Vue de terre. Jeudi 17 octobre, à 2 h. 25 soir.
Le cône d’ombre était d’une teinte peu foncée ; une bande de lumière très-vive apparaissait nettement sur ses bords, qui ne semblaient pas tout à fait rectilignes.
Gaston Tissandier.

La suite prochainement. —