Le grand dictionnaire historique/éd. de 1759/Aaron
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AARON, dont le nom signifie montagne ou montagne forte, premier grand pontife des Juifs, sortoit de la tribu de Levi, & étoit fils d’Amram & de Jocabed. Amram étoit fils de Caath, Jocabed étoit fille de l’oncle paternel d’Amram, l’un des freres de Caath ; & ce dernier étoit fils de Levi. Aaron naquit en Egypte trois ans avant Moïse, la 83 année avant la sortie des enfans d’Israël de l’Egypte, l’an 2430 du monde, 1574 avant Jésus-Christ, 3140 de la période julienne. Il épousa Elizabeth, fille d’Aminadab, sœur de Naasson, de la tribu de Juda. Dieu qui avoit choisi Moïse pour délivrer les Israélites de la servitude d’Egypte, élut Aaron son frere aîné qui s’exprimoit facilement, pour porter la parole à Pharaon, parceque Moïse étant bégue, avoit peine à s’énoncer. Aaron joignit Moïse par l’ordre de Dieu au pied de la montagne d’Horeb, & ils allerent ensemble en Egypte pour délivrer les Israélites. Aaron accompagna toujours Moïse, & porta la parole pour lui, tant au peuple qu’au roi. Ce fut la verge qu’il portoit qui opéra les premiers prodiges : elle fut changée en serpent, fit changer les eaux en sang, remplit toute l’Egypte de grenouilles, & couvrit ensuite tout le pays de moucherons. En un mot, Aaron eut part à tout ce que Moïse fit pour la délivrance du peuple d’Israël : l’écriture le nomme le prophéte de Moïse. Il continua cette fonction après le passage de la mer Rouge. Ce fut lui qui recueillit la manne dans un vase, qui fut mis depuis dans le tabernacle. Il soutint avec Hur les bras de Moïse pendant le combat que Josué donna aux Amalécites. Il monta aussi sur la montagne de Sinaï avec ses deux enfans, Nadab & Abiu, & soixante-dix anciens d’Israël ; mais ni lui, ni les autres ne s’avancerent que jusqu’à moitié de la montagne, d’où ils virent la gloire de Dieu. Moïse & Josué seuls monterent jusqu’au sommet de la montagne, & y demeurerent quarante jours. Pendant ce temps-là Aaron se laissant vaincre aux instances des Israélites, éleva le veau d’or qu’ils adorerent de son consentement. Moïse étant descendu de la montagne lui reprocha cette action, dont il s’excusa sur la violence que le peuple lui avoit faite. Tout ceci se pana le troisiéme mois après que les Israélites furent sortis d’Egypte. Le premier mois de l’année suivante, Aaron déclaré & consacré grand pontife par l’ordre de Dieu, reçut l’onction sacerdotale, & fut revêtu des habits pontificaux. Ses quatre fils furent faits prêtres en même temps, & ils exercerent depuis les fonctions du sacerdoce ; mais peu de temps après Nadab & Abiu, fils aînés d’Aaron, ayant apporté à l’autel du feu étranger dans leurs encensoirs, contre l’ordre exprès du Seigneur, ils périrent par le feu du ciel. Marie & Aaron ayant eu ensuite un démêlé avec Moïse leur frere, à l’occasion de sa femme Sephora, Madianitide, ou comme il est dit ailleurs Ethiopienne, selon l’expression des septante & de la vulgate, selon l’hébreu à la lettre Chuésta, c’est-à-dire, d’Arabie, Marie fut frapée de lépre, & cette punition ouvrit les yeux à Aaron, qui reconnoissant sa faute, demanda pardon à Moïse pour lui & pour sa sœur. Coré, Dathan & Abiron, de la tribu de Levi, envieux de l’honneur du sacerdoce, s’étant révoltés contre Moïse & Aaron, Dieu fit éclater sa colere contre ces rebelles, en faisant entr’ouvrir la terre, qui les engloutit avec toute leur famille. Ce châtiment fut suivi d’un autre contre deux cens cinquante hommes de ce parti, qui eurent la témérité d’offrir de l’encens à l’autel : il sortit un feu qui les dévora tous. Le lendemain le peuple ayant murmuré de la mort de tant de personnes considérables, & la sédition commençant à se former, Dieu envoya un feu qui consuma le peuple, & qui l’eût entierement exterminé, si Aaron, ayant pris un encensoir & offert de l’encens, ne se fût mis entre les morts & les vivans pour appaiser la colere de Dieu. Le nombre de ceux qui furent frapés de mort fut de quatorze mille sept cens hommes, sans compter ceux qui étoient péris dans la sédition de Coré. Le sacerdoce fut encore confirmé à Aaron par un nouveau miracle : car après que tous les princes des tribus, par ordre de Moïse, eurent mis dans le tabernacle chacun une baguette, pour reconnoître la volonté de Dieu par la distinction qu’il en feroit : lorsqu’on les en tira, on trouva que celle d’Aaron, qui étoit de bois d’amandier, avoit poussé des feuilles & des amandes. Cette verge fut conservée dans l’arche en mémoire de la rebellion des enfans d’israël. Ceci arriva dans le désert de Cadès la troisième année de la sortie de l’Egypte. Depuis ce jour-là Aaron exerça paisiblement les fonctions sacerdotales pendant tout le temps que le peuple fut dans le désert. La quarantiéme année après la sortie d’Egypte, étant proche de la montagne de Hor, sur les confins de l’Idumée, le troisiéme jour du cinquiéme mois, dit l’Ecriture, Aaron monta, par ordre de Dieu, sur le haut de cette montagne ; Moïse le dépouilla, en présence de tout le peuple, de ses habits sacerdotaux, en revêtit Eleazar fils aîné d’Aaron, & l’établit son successeur. Cette cérémonie étant achevée, Aaron mourut âgé de cent vingt-trois ans, l’an 2552 du monde, 1452 avant l’ére chrétienne, & 3262 de la période julienne. Le peuple pleura trente jours la mort d’Aaron, qui fut privé, aussi-bien que Moïse, du bonheur d’entrer dans la terre de Chanaan, pour avoir douté comme lui de la fidélité & de l’effet des promesses de Dieu. Les Juifs font la fête d’Aaron le premier jour de leur cinquiéme mois qu’ils appellent Ab ; & les Chrétiens dans leur martyrologe au premier de juillet. * Exod. 4 & suiv. Nomb. 16. 17. 20. 27. 33. Lev. 9. Deuter. 10. Josephe, antiq. Jud. 2. 3. & 4. Philon, de monarch. lib. 2. Lactance, de vera sapient. lib. 4. Baillet, vies des saints de l’ancien testament.
AARON, fils de Mahadt, est appellé par les Arabes Haroun Al Raschid, & par nos historiens, Aaron, roi de Perse : il fut le cinquiéme calife de la maison des Abbassides, sur la fin du VIII siécle & au commencement du IX. La nuit même où il commença à régner, c’est-à-dire, le 14 octobre de l’an 786 de J. C. 170 de l’hégire, on vint lui annoncer qu’il lui étoit né un fils, qui fut appellé Maimon : peu après il passa dans l’Asie mineure avec une armée de trois cens mille hommes : il y fit des progrès surprenans, & réduisit l’empereur Nicephore à accepter un traité très-honteux, par lequel ce prince étoit obligé de faire tous les ans au calife trois cens mille écus de présent, outre trois mille écus de tribut pour lui, & trois mille autres pour son fils. On assure qu’Aaron fut en commerce de civilité avec l’empereur Charlemagne, dont il reçut des présens, & à qui il en envoya réciproquement de magnifiques, entr’autres un éléphant, & une horloge d’un travail surprenant. On ajoute qu’Aaron, non content d’accorder à cet empereur la permission qu’il lui avoit demandée d’offrir des présens dans les lieux saints à Jérusalem, lui envoya les clefs du saint sépulcre. Ce calife, dont le règne ne fut qu’une suite continuelle de prospérités & de conquêtes, mourut l’année de l’hégire 193, & du christianisme 809, après avoir vécu quarante-sept ans, & en avoir gouverné environ vingt-trois. Il s’étoit rendu maître de toute l’Asie depuis la Romanie jusqu’à l’Oxus : & les Maures d’Afrique, d’Espagne & des isles de la mer Méditerranée lui étoient fournis. On faisoit la priere ou Corbet en son nom, & l’on frapoit la monnoye à son coin dans cette vaste étendue de pays : ce fut environ sous son régne que les Arabes entrerent dans la Chine pour le commerce. * Eginhard. in Carol. Sigebert, chron. Elmacin. hist. Saracen. I. 2., c. 6. D’Herbelot bibl. orient. Renaudot, relat. des Indes, &c.
AARON BEN ASER, rabbin, est célèbre pour avoir travaillé à inventer les points & les accens des Hébreux. Jacob Ben Nephthali a eu part à cet ouvrage, qui a rendu leurs noms immortels ; ils vivoient dans le V siécle. * Genebrard, in chron. ad an. 476. Serrarius, lib. 1, c. 8. de rabb.
AARON ou AHRON, prêtre d’Alexandrie, médecin, vivoit dans le VII siécle, vers l’an 622, sous le regne de l’empereur Héraclius. Il écrivit en langue syrienne un ouvrage de médecine, divisé en trente traités, que Sergius augmenta de deux autres. En 683, Maserjawaih, Juif de naissance, & médecin de Bassora, compila les écrits d’Aaron, & les traduisit en arabe par ordre du calife Merwan. Aaron est le plus ancien auteur qui ait parlé de la petite vérole. * Pocok, hist. orient. Abulfarag. Freind, hist. de la médecine, & in epist.
AARON (Isaac) Grec de nation, fut fait prisonnier à Corinthe, lorsque cette ville fut sournise par Roger, roi de Sicile, vers l’an de Jésus-Christ 1148. Il fut mené en Italie où il apprit la langue vulgaire ; ce qui lui donna lieu d’exercer depuis la fonction d’interpréte pour l’empereur Manuel Comnéne. Il causa, par ses calomnies, la disgrace d’Alexis, l’un des principaux seigneurs de l’empire, qui avoit épousé une niéce de Manuel : mais sa perfidie ne resta pas long-temps impunie : peu de temps après il fut convaincu de s’adonner aux secrets de la magie ; & outre un livre attribué à Salomon, qui servoit, dit-on, à invoquer les malins esprits, on lui trouva dans une tortue le portrait d’un homme qui avoit les fers aux pieds, & l’estomac percé d’un cloud. Ce crime, quelque grand qu’il parût, ne l’eût peut-être pas perdu dans l’esprit de l’empereur, qui avoit une inclination violente pour les devins : mais on s’aperçut en même temps qu’Aaron trahissoit les intérêts de ce prince, lorsqu’en sa présence il expliquoit ses volontés aux ambassadeurs des peuples d’occident : ce fut l’impératrice qui découvrit cette trahison, en punition de laquelle Aaron eut les yeux crevés, & tousses biens furent confisqués. Ce scélérat ne put même en cet état oublier l’inclination violente qu’il avoit au mal ; y car entr’autres mauvais conseils qu’il donna à Andronic Comnéne, qui avoit usurpé le gouvernement, il lui insinua qu’il ne dévoit pas lui suffire d’aveugler ses ennemis, qui, quoique sans yeux, pouvoient encore lui nuire par la langue. Une des fuites de ce conseil barbare fut qu’Aaron dans la fuite eut lui-même la langue coupée, par ordre d’Isaac l’Ange qui détrôna Andronic, & se mit en sa place l’an de J.C. 1203. * Nicétas, hist. de Manuel Comnene, l. 1, n. 1, l. 4, n. 6 & 7.
AARON, fils de Joseph, dit Aaron Caraïte, & Aaron I, célébre Juif Caraïte, & médecin, feurissoit vers l’an 1299. Il a laissé plusieurs ouvrages sur l’ancien Testament : entr’autres un commentaire en héhreu sur le pentateuque, écrit en 5054, c’est-à-dire 1294 de l’ere chrétienne, que l’on trouve manuscrit in-folio à Paris dans la bibliothéque du roi, & dans celle de l’Oratoire, & qui est aussi indiqué dans le catalogue de la bibliothéque de Leyde. Il a été traduit en latin par Jean Danzius, & imprimé in-folio à Iéne en 1710. Richard Simon, qui fait grand cas de ce commentaire, le cite souvent, & rapporte avec éloge plusieurs de ses principes dans son histoire critique du vieux testament, liv. 1, c. 29. Aaron a fait aussi en arabe un commentaire sur la genèse, que l’on trouve dans la bibliothéque Bodleïenne ; un autre, sur Josué, les Juges, Samuel, les Rois & Isaïe : cet ouvrage, traduit d’arabe en hébreu, est dans la bibliothéque de Leyde. On y voit encore un commentaire du même auteur, en hébreu, sur les pseaumes. Ce savant est nommé Aaron I, à cause d’un autre Caraïte nommé Aaron fils d’Elie, Juif de Nicomédie, qui vivoit soixante ans après Aaron fils de Joseph, & qui en conséquence porte le nom d’Aaron postérieur. Ce dernier a aussi composé un commentaire sur le Pentateuque, dans lequel il suit exactement la méthode des Caraïtes. C’est peut-être ce qui l’a fait confondre avec le précédent. Voyez le P. le Long, biblioth. sac. t. 2, p. 590. Le supplement au dict. de Bayle de M. Chaussepied.
AARON-HARISÇON, ou AARON, fils de Joseph, Juif Caraïte, est auteur d’un abrégé de grammaire hébraïque intitulé Chelil Jophi, c’est-à-dire le parfait en beauté. Cet abrégé, qui est devenu très-rare, a été imprimé in-12. à Constantinople, en 1581. Il est aussi manuscrit dans la bibliothéque de Leyde. (Voyez le P. le Long, biblioth. fac. t. 2, p. 1169.) Richard Simon dit que cet auteur explique beaucoup de choses en peu de mots. Outre cet éloge qui se trouve dans son catalogue des auteurs Juifs, à la suite de l’histoire critique du vieux testament, ce critique donne une idée plus détaillée de ce petit ouvrage dans l’histoire critique, l. 1, ch. 31, p. 178. Quelques-uns confondent cet Aaron avec le précédent : mais d’habiles gens, tels que R. Simon, les distinguent.