Le grand dictionnaire historique/éd. de 1759/Abailard (Pierre)

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ABAILARD, (Pierre) fameux docteur, nommé aussi ABAYELART, ABEILLARD, ABULART, ABELLART, ALLEBART, ABELARD, ABAALARZ, & ABAULART, en latin Abaelardus, Abailardus, Bailardus Balardus, ausquels noms Thomasius joint encore Aballardus, Abelhardus, Adelhardus, Abbajalarius, Bajulardus, & Baliardus, lesquels il dit avoir trouvés en differens auteurs (Hist. Pap. & Stult. t. 1.) Abailard qui fut l’un des plus délicats & des plus subtiles esprits du XII siécle, naquit à Palais près de Nantes en Bretagne l’an 1079, comme il paroît par un ancien calendrier du Paraclet, écrit en françois, d’où Duchesne (pag. 1195 de ses notes sur la 1 lettre d’Abailard) a copié ce qui suit : maistre Pierre Abailard, fondateur de ce lieu, & instituteur de sainte religion, trépassa le 21 avril 1142, aagé de 63 ans. Son pere nommé Berenger, qui étoit d’une famille illustre, ainsi que Luce son epouse, n’avoit eu qu’une légere teinture des belles lettres dans sa jeunesse, cependant il les aimoit ; & il n’eut rien tant à cœur que d’y appliquer ses fils, avant de leur faire apprendre les exercices convenables à l’art militaire, auquel il les destinoit, Abailard, qui étoit l’aîné, & qui avoit une grande facilité pour les sciences, s’y livra autant que son pere pouvoit l’espérer : peut-être même plus qu’il n’eut souhaité ; car laissant à ses freres tous les avantages que son droit d’aînesse lui assuroit, il résolut de s’occuper uniquement de l’étude. La dialectique, qu’on croit communément qu’il avoit étudiée sous Roscelin, fut de toutes les sciences celle pour laquelle il se sentit plus d’attrait, & il embrassa avec chaleur l’opinion des nominaux. Il s’y livra tout entier. Les auteurs de l’Histoire littéraire de la France (Tome IX, p. 359.) prétendent que l’ardeur avec laquelle Abailard embrassa l’opinion des nominaux, est le seul motif qui a porté à dire qu’il avoit été disciple de Roscelin, lequel on a regardé aussi faussement comme le pere de cette secte ; & que s’il étoit vrai qu’Abailard eût jamais fréquenté l’école de Roscelin, il n’auroit pas manqué de le compter au nombre de ceux de qui il nous apprend lui-même qu’il prit des leçons.

Après avoir parcouru diverses provinces, s’arrêtant pour disputer partout où il rencontroit quelque école ; il vint à Paris, dans le dessein d’y prendre les leçons de Guillaume de Champeaux, archidiacre de l’église de cette ville, qui passoit pour le plus grand dialectitien de son temps. Comme il étoit prévenu en faveur de cet homme célébre, il chercha d’abord à s’en faire aimer par sa docilité, & y réussit ; mais dans la suite il combattit avec vivacité quelques-unes de ses opinions ; & l’avantage qu’il eut dans plusieurs disputes, lui attira l’aversion de son maître, & l’envie de ses condisciples. Abailard se sépara d’eux, pour aller ouvrir une école à Melun, où le roi Philippe I. tenoit alors sa cour ; & il s’y acquit en peu de temps une réputation qui fit beaucoup diminuer celle de Guillaume. Il s’établit ensuite à Corbeil, afin d’être plus à portée d’en venir souvent aux prises avec son antagoniste. Le dérangement de sa santé l’ayant obligé à passer quelques années en Bretagne, il revint à Paris plein d’une nouvelle ardeur pour la dispute. Et une fois ayant attaqué le sentiment de Guillaume sur les universaux, il le fit avec tant de subtilité, qu’il l’obligea à le réformer, ou plutôt à l’abandonner. Ce nouvel échec décrédita absolument Guillaume, ensorte que la plupart de ses disciples le quitterent pour suivre Abailard, dont la réputation s’accrut à un tel point, que le successeur de Guillaume dans l’école de Paris lui offrit sa chaire, & ne rougit pas de se mettre au nombre de ses disciples. Le sentiment de Guillaume se trouve détaillé dans la premiere lettre d’Abailard. (p. 5. edit. de 1616.) Bayle l’a copié dans son dictionnaire, & en a fait une remarque à l’article d’Abailard.

Lorsque Guillaume fut nommé évêque de Châlons, Abailard abandonna la dialectique, pour étudier la théologie ; ce qu’il n’avoit pas voulu faire jusqu’alors, de crainte qu’on ne lui reprochât d’avoir quitté en présence de l’ennemi. Dans cette vûe, il alla écouter Anselme de Laon, qu’on regardoit comme le plus habile théologien qu’il y eût alors. Mais ayant connu en quoi consistoit la prétendue science de ce vieillard, il se dégouta bientôt de prendre ses leçons ; & piqué par le défi que lui firent quelques-uns de ses condisciples, de mieux enseigner que ne faisoit Anselme, comme il s’en étoit hautement vanté, il ouvrit lui-même une école de théologie, où il commença à expliquer le prophéte Ezéchiel, avec un grand concours d’auditeurs. Mais contraint de céder aux vexations qu’exciterent contre lui l’envie d’Anselme, & l’animosité de quelques zélés disciples de ce docteur, Abailard se rendit à Paris, & y acquit tant de gloire, que ses ennemis furent réduits au silence. Abailard étoit alors chanoine de la cathédrale de Sens, selon Duchesne, qui, page 1150 de ses notes, rapporte l’extrait d’une chronique manuscrite des archevêques de Sens où cela se voit clairement. Dom Gervaise, t. 1, p. 24., & 66 de la vie d’Abailard, prétend qu’il fut chanoine de Paris. Son application à l’étude ne le défendit pas d’une passion qui fut en partie la source de ses malheurs, Il devint amoureux d’Héloïse, niéce de Fulbert, chanoine de Paris. Cette jeune fille avoit beaucoup de gout & de disposition pour les sciences, & son oncle, qui l’aimoit tendrement, entretenoit la passion qu’elle avoit de devenir savante. Abailard trouvant dans ces dispositions de l’oncle & de la niéce, un moyen de satisfaire la passion qu’il avoit pour Héloïse, proposa à Fulbert de le prendre en pension, sous prétexte qu’étant logé chez lui, il pouroit consacrer son temps à l’instruction de sa niéce. Ce bon homme qui ne se défioit ni de la vertu d’Héloïse, ni de la sagesse d’Abailard, qui jusque-là avoit vécu d’une maniere très-réglée, accepta volontiers cette proposition, & lui confia Héloïse, à laquelle Abailard fit l’amour d’autant plus facilement, que le prétexte de l’étude lui fournissoit l’occasion d’être souvent seul avec elle. Il trouva Héloïse plus disposée à entrer dans sa passion qu’il ne se l’étoit promis. Cependant il lui enseigna l’hébreu, le grec, & le latin ; & elle fit de grands progrès dans la. philosophie, les mathématiques, & la théologie qu’il lui enseigna. Le public s’apperçut bientôt que l’attachement mutuel du maître & de l’écoliere sortoit des bornes de la bienséance ; & Fulbert en ayant été averti enfin, chassa Abailard de sa maison, & lui défendit de voir Héloïse. Mais celle-ci ne tarda pas à informer son amant qu’elle se sentoit enceinte, & à le presser de l’enlever. Ils se retirerent en Bretagne, chez une sœur d’Abailard, où Héloïse accoucha d’un fils qu’on nomma Astrolabe. Ce fils survéquit à Abailard : il paroît qu’il embrassa l’état ecclésiastique. Héloïse le recommande à Pierre de Cluni, dans une lettre qui est la 24 de l’édition de 1616.

Abailard, pour appaiser Fulbert, lui fit proposer d’épouser Héloïse, pourvû que leur mariage demeurât secret. L’oncle accepta les offres, & le mariage se célebra à Paris en sa présence ; mais pour mettre à couvert l’honneur de sa niéce, il crut ne devoir point tenir la condition du mystere. Héloïse, qui, par une délicatesse singuliere, n’avoit consenti à cette union qu’après une longue résistance, & à qui la prétendue gloire d’Abailard étoit plus précieuse que sa propre reputation, nia le fait avec serment ; & Fulbert, fâché de son obstination, la traita si mal, qu’Abailard la retira de chez lui, pour la mettre au monastere d’Argenteuil, où elle avoit été élevée, & où il lui fit prendre l’habit de religieuse à l’exception du voile. Fulbert s’imaginant qu’Abailard vouloit faire Héloïse religieuse pour s’en débarasser, en fut si irrité, qu’il aposta des gens qui entrerent dans sa chambre pendant la nuit, & le priverent des parties par lesquelles il l’avoit deshonoré. Abailard sentant toute la honte qui suivoit ce mauvais traitement, alla se cacher dans l’abbaye de S. Denys en France, où il prit l’habit de religieux. Mais il ne s’y engagea qu’après que son épouse eut fait profession dans le monastere d’Argenteuil ; ce qu’elle ne fit que par pure complaisance pour lui. Cependant les disciples d’Abailard le pressoient de reprendre ses leçons publiques. Son abbé & ses confreres y consentirent ; mais comme ils craignoient que l’affluence de ses disciples ne troublât la tranquillité & le bon ordre établi dans leur maison, ils lui conseillerent de se retirer à S. Ayoul de Provins, dont le prieur étoit son ami particulier : Abailard transplanté dans cette solitude vers 1120, y ouvrit une école, & y enseigna de nouveau la dialectique & la théologie. L’affluence des étudians qui y accoururent fut très-grande, & quelques auteurs en font monter le nombre jusqu’à trois mille. (Hist. litter. de la Fr. tome IX, p. 84, 85, 93.)

Cette nombreuse école fut bientôt dissipée. Les succès d’Abailard réveillerent la jalousie des autres maîtres, & particulierement celle de Lothulphe & d’Alberic, ses anciens rivaux, qui enseignoient à Rheims, & s’étoient autrefois montré ses ennemis à Laon. Soit zèle, soit vengeance, ils se déclarerent contre un livre qu’il avoit composé sur la Trinité. Ils prétendirent y trouver des erreurs, & solliciterent l’archevêque Raoul le verd d’indiquer un concile à Soissons, de concert avec le légat Conon, évêque de Palestrine, pour examiner le traité. Le concile se tint en effet ; mais on ne sait précisément en quelle année, les auteurs ne s’accordant point sur cela. Abailard y comparut, & fut condamné à bruler lui-même son ouvrage, & à être renfermé pour toujours dans le monastere de S. Médard. Il ne fut pas long-temps dans cette espece de prison ; le légat lui permit quelques jours après de retourner à S. Denys. Mais il fut bientôt obligé d’en sortir une seconde fois ; car ayant entrepris de prouver que le patron de cette abbaye n’étoit pas S. Denys l’Aréopagite, l’abbé & les moines le menacerent de porter leurs plaintes au roi, & de le mettre entre ses mains pour être puni comme criminel de leze-majesté. Ces menaces l’effrayerent ; & ayant trouvé moyen de s’échaper pendant la nuit, il retourna à Provins au monastere de S. Ayoul. Il y reprit ses leçons, & les continua en ce lieu jusqu’à ce que l’abbé Suger, successeur d’Adam en 1122, lui permit de vivre monastiquement partout où il voudroit, lui enjoignant néanmoins de ne passer sous l’obéissance d’aucun autre supérieur. Alors Abailard quitta S. Ayoul, & s’étant choisi une solitude près de Nogent sur Seine, au diocèse de Troyes, il y bâtit un oratoire en l’honneur de la sainte Trinité sous le titre du Paraclet. Ses disciples découvrirent bientôt le lieu de sa retraite. Ils vinrent l’y trouver, & l’engagerent à continuer ses leçons. Mais la liberté qu’il se donnoit de traiter en philosophe plutôt qu’en théologien les mysteres de la religion, lui attira encore de nouvelles affaires. Il se vit attaqué de nouveau par Lotulphe & Alberic. S. Bernard. & S. Norbert devinrent aussi ses accusateurs. Outre nombre d’erreurs dont on le chargeoit, on lui fit un crime d’avoir donné à son oratoire le nom de Paraclet, qui étoit celui d’une seule des trois personnes de la Trinité. C’est dans ces circonstances que les moines de S. Gildas de Ruis le choisirent pour leur abbé. Il espéra que ce seroit pour lui un asyle ; mais leur mauvaise conduite, & la violence d’un seigneur qui leur enlevoit la meilleure partie de leur revenu, l’exposerent à mille chagrins & aux plus grands dangers, desorte qu’il se crut obligé d’abandonner cette maison. En ce même temps Suger abbé de S. Denys, persuadé que les religieuses d’Argenteuil ne vivoient pas avec toute la régularité convenable à leur état, les fit sortir de ce monastere, & établit à leur place des moines de S. Denys. Abailard offrit le Paraclet à Héloïse, qui se trouvant sans asyle, s’y retira avec les religieuses qui l’avoient suivie, & qui voulurent qu’elle continuât à les gouverner, ayant déja été leur prieure à Argenteuil. L’établissement de ce monastere fut d’abord confirmé par l’évêque de Troyes, & ensuite par le pape Innocent II. Héloise & sa nouvelle communauté s’attirerent l’estime de tout le pays, & les aumônes abondantes les tirerent de l’extrême pauvreté où elles étoient d’abord. Abailard qui les y avoit placées, se crut obligé de leur rendre de temps en temps quelques visites, autant pour entretenir leur ferveur, que pour leur procurer des aumônes par ses prédications. A en juger par ce qu’il en dit lui-même, il semble que la charité seule l’y conduisoit ; mais tout le monde n’en jugea pas aussi favorablement, & on attribua ces visites à un reste de tendresse pour Héloïse. D’un autre côté, Guillaume abbé de S. Thierry, excita de nouveau le zèle de S. Bernard contre Abailard. On voit par la lettre 336 de S. Bernard, édition de D. Mabillon, que le saint parla plusieurs fois à Abailard pour l’engager à une rétractation. Mais celui-ci demanda à se justifier dans une assemblée publique, comme le témoigne le même saint dans sa 189e lettre n. 4. S. Bernard invita donc les prélats de France à s’assembler à Sens, pour examiner les erreurs dont l’abbé de S. Gildas étoit accusé. Ils s’y rendirent en 1140, & tinrent un concile, où le roi Louis VII se trouva en personne. S. Bernard y assista aussi, & allégua des textes de S. Augustin & d’autres peres, pour faire voir la fausseté de la doctrine qu’il s agissoit de condamner. Lorsqu’on lut les propositions extraites par S. Bernard, & qui sont détaillées dans la 326e lettre de ce saint, n. 3, Abailard, sans vouloir répondre sur aucun chef, interjetta appel à Rome. Le concile ne laissa pas de le condamner ; mais cependant sans rien décerner contre sa personne. Les peres rendirent au pape Innocent II un compte exact des motifs qui les avoient fait agir. Le pape confirma le jugement du concile, par un rescrit rapporté dans la 197e épître de S. Bernard. Il ordonna de plus que les livres d’Abailard fussent brulés, & qu’on l’enfermât dans un monastere, avec défense d’enseigner, comme on le voit par un autre rescrit du même pape, qui se trouve dans les œuvres d’Abailard, p. 301, & au 27e tome des conciles du Louvre, p. 133. Innocent s’appaisa quelque temps après, à la sollicitation de Pierre le vénérable, qui avoit reçu fort humainement Abailard dans son abbaye de Cluni, & qui l’ayant trouvé très-soumis à la doctrine de l’Eglise, l’avoit réconcilié avec S. Bernard. (Ep. Pet. Cluniac. ad Innoc.) Abailard y donna jusqu’à sa mort de grands exemples de vertu, se montrant toujours fort laborieux, & parfaitement humble. Enfin ses grandes austérités l’ayant extrêmement affoibli, l’abbé l’envoya au prieuré de S. Marcel, lieu agréable sur la Saone, près de Châlons, où il mourut le 21 avril 1142, âgé de 63 ans. (Ep. Pet. Cluniac. ad Heloiss.) On accorda à Héloïse la demande qu’elle fit de lui donner la sépulture au Paraclet ; ce que lui-même avoit aussi souhaité. Pierre le vénérable lui fit, dit-on, deux épitaphes en vers latins, que l’on trouvera dans la collection des œuvres d’Abailard, par François d’Amboise, après la préface.

Quoiqu’Abailard se fût fait moine, comme il l’avoue, plutôt par honte que par piété, ses lettres à Héloïse semblent attester qu’il ne tarda pas à prendre l’esprit de cet état ; car on n’y voit que des sentimens religieux, & dignes du caractere sacerdotal, dont il est certain qu’il fut honoré, quoiqu’on ne sache point le temps de son ordination. On trouve entre ses ouvrages deux professions de foi, la premiere, au commencement du recueil de ses œuvres, & adressée à Héloïse ; la seconde dans l’épitre 20 qu’il adresse à tous les fidéles. Ces deux professions de foi paroissent très-sinceres, & il semble qu’on pouroit en conclure qu’il n’avoit jamais pensé à la plupart des erreurs dont on l’a accusé. Mais comme il étoit extrémement présomptueux, ainsi qu’on le voit dans tout ce qui nous reste de ses écrits, il est très-possible que, sans s’en appercevoir, il se soit exposé à la censure, en avançant des propositions scandaleuses. D’ailleurs il subsiste dans ses écrits quelques endroits véritablement répréhensibles, selon la judicieuse censure qu’en ont fait les docteurs de Paris. Cette censure se trouve dans le recueil des ouvrages d’Abailard & d’Héloïse, qui a été imprimée à Paris en 1616, en un gros volume in-4º sur les manuscrits de François d’Amboise. La troisiéme, la cinquiéme, la septiéme, & la huitiéme des lettres contenues dans ce recueil sont adressées à Héloïse ; mais elles n’ont aucune affinité avec celles qu’on a données comme des traductions, & qui ont été faites dans le même esprit qui fait composer les romans. A la fin du recueil dont nous parlons sont des notes latines d’André Duchesne, sur la premiere lettre, dans laquelle Abailard fait une narration de ses malheurs, & de tout ce qui le regarde jusque vers le temps du concile de Sens. Le P. le Long, biblioth. sacra, t. 2, p. 591, fait mention de quelques ouvrages d’Abailard qui n’ont pas été publiés, savoir, une explication du pseautier, & des commentaires sur les épitres de S. Paul. D. Mattenne, thes. anecd, t. 5, p. 1361, a donné le traité d’Abailard sur les ouvrages de la création, hexameron in genesim, où cet auteur débite des idées singulieres sur l’ame du monde, sur celles des planetes & des autres astres. D. Gervaise, ancien abbé de la Trape, a donné dans la vie d’Abailard, une idée d’un autre livre du même, intitulé sic & non, le oui & le non, que Guillaume, abbé de S. Thierry, traite de monstrueux, dans une lettre à S. Bernard, qui est la 326e parmi celles du saint. Ce livre traite des contradictions apparentes de l’écriture sainte, & s’applique à les concilier. Le même Dom Gervaise fit imprimer à Paris en 1723, en deux volumes in-12, les véritables lettres d’Abailard & d’Héloïse, sur l’édition de 1616 avec des notes historiques & critiques. La vie d’Abailard a été écrite par divers auteurs. Bayle, à l’article d’Abelard, cite Jacques Thomasius, professeur à Leipsick, qui a composé une vie d’Abailard, insérée au premier tome du livre intitulé historia sapientiæ & stultitiæ, collecta a Christiano Thomasio, & imprimé à Hall, en 1693. Dom Gervaise a donné en 1710, en 2 volumes in-12, la vie d’Abailard & d’Héloïse, & on en a fait une nouvelle édition en 1728. M. de Beauchamps a mis en vers françois les trois lettres supposées d’Abailard & d’Héloïse. Il les publia la premiere fois en 1714, & pour la troisiéme fois en 1737. C’est aussi la premiere de ces mêmes lettres que l’on trouve en vers anglois, imprimée diverses fois sous le nom de Pope. Jean de Salisburi désigne Abailard par la qualification de péripatéticien Palatin, ce qui a trompé beaucoup de savans, qui en ont ignoré la véritable signification. Mais ceux qui sont au fait de la vie d’Abailard ne peuvent s’y méprendre. Il est qualifié péripatéticien à raison de la profession particuliere qu’il faisoit de la philosophie péripatéticienne ; & Palatin, parcequ’il étoit né à Palais ou Palet, dans le voisinage de Nantes. (Hist. littéraire de la France, tome IX, p. 66, 67.) * Lorsque je ne cite aucun auteur particulier dans tout cet article, c’est François d’Amboise que je copie, ou Duchesne, ou enfin je parle d’après Abailard lui-même dans sa premiere lettre.


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