Le grand dictionnaire historique/éd. de 1759/Abenchamot

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ABENCHAMOT, capitaine Arabe, & commandant d’un aduard ou bourg dans la Mauritanie, se distingua souvent par sa valeur au commencement du XVI siécle contre les Portugais. Dans une occasion où un de leurs chefs appellé Nugno Fernand d’Atoye, avoit pillé l’aduard d’Abenchamot, & emmenoit prisonniere une de ses femmes ; ce brave Maure rassembla quelques-uns des siens, poursuivit les Portugais de près ; & les harcelant à tout moment, jusqu’à porter sa lance dans leurs escadrons, consoloit sa femme en lui promettant de la tirer de leurs mains. Mais elle demandant permission aux soldats qui la gardoient, de parler à son mari : « Cavalier, qui t’estimes si brave, lui dit-elle, souviens-toi de ce que tu m’as promis tant de fois, lorsque tu me contois ton amour : délivre-moi, ou meurs en ma faveur, & je suivrai ton destin ; mais il y a grande différence entre promettre & tenir. » A ces mots Abenchamot branlant une lance qu’il portoit: « Yoto, lui dit-il, (c’est ainsi qu’on nommoit la belle Maure) je n’ai jamais rien promis que je n’aie exécuté, & je ne changerai jamais ; le jour est encore grand, la victoire est en la main de Dieu, & la force en ce bras. » La Maure désespérée de ces paroles, prend de la poussiere, la jette en l’air, & lui repond: « Tout ce que tu dis là n’est que du vent, il n’y a plus d’Yoto pour toi. » Alors Abenchamot déchaussant un de ses souliers le lui jetta pour gage, & retourna vers ses gens pour les encourager au combat. Animés par ses nouvelles remontrances, ils fondent sur l’arriere-garde des chrétiens, les obligent plus d’une fois à retourner face, & engagent une furieuse escarmouche. Nugno chef des Portugais, pressé par la chaleur qui étoit grande, avoir détaché son haussecol ; Abenchamot qui l’observoit, prend son temps, & lui lance à la gorge un javelot, dont il tomba mort. Les Portugais retirerent aussitôt le corps de leur général ; & pendant qu’ils disputoient entre eux à qui lui succéderoit, Abenchamot profitant de leur division, enfonce leur escadron, délivre sa chere Yoto, tue les plus braves des ennemis, & en emmene grand nombre d’autres prisonniers. Cette action de valeur fit grand bruit dans le pays, & fut suivie de plusieurs autres semblables pendant quelques années, jusqu’à ce que les Maures de Fez tuerent le vaillant Abenchamot d’un coup de javelot. Son corps fut porté à sa femme, qui se laissa mourir de faim & de regret, & qui fut mise avec lui dans un même tombeau. Ce brave homme mourut environ l’an 1524 de J.C. & de l’hégire 931. * Diego Torrez, hist. des scherifs, chap. 10, 21 & 31.


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