Le grand dictionnaire historique/éd. de 1759/Mitre

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MITRE, sorte d’ornement de tête, dont nos évêques se servent dans les cérémonies. Dans un ancien pontifical de l’église de Cambrai, où l’on entre dans le détail de tous les ornemens des évêques, il n’est point fait mention de la mitre. Il n’en est point parlé non plus dans les anciens pontificaux manuscrits, ni dans Amalaire, dans Raban, dans Alcuin, ni dans les autres anciens auteurs qui ont traité des rits ecclésiastiques. C’est peut-être ce qui a fait dire à Onuphre, dans son explication des termes obscurs à la fin de ses vies des papes, que l’usage des mitres dans l’église romaine ne remontoit pas au-delà de 600 ans. C’est aussi le sentiment du P. Hugues Ménard, dans ses notes sur le sacramentaire de S. Grégoire, où il répond aux opinions contraires. Mais le pere Martène, dans son traité des anciens rits de l’église dit, qu’il est constant que l’usage de la mitre a été suivi par les évêques de Jérusalem successeurs de S. Jacques, comme cela est marqué expressément dans une lettre de Théodose, patriarche de Jérusalem, à S. Ignace patriarche de Constantinople, qui fut produite dans le huitiéme concile général. « Il est certain aussi, ajoute-t-il, que l’usage des mitres a eu lieu dans l’église d’Occident long-temps avant l’an mille, comme il est aisé de le prouver par l’ancienne figure de S. Pierre qui est au-devant de la porte du monastere de Corbie, & qui a plus de mille ans, & par les anciens portraits des papes que les Bollandistes ont rapportés dans leur vaste recueil. » Théodulse, évêque d’Orléans, parle aussi de la mitre dans une de ses poésies, où il dit, parlant des ornemens d’un évêque :

Illius ergo caput resplendens Mitra tegebat.

Le P. Martène dit que pour accorder les différens sentimens sur cette matiere, il faut dire que l’usage des mitres a toujours été dans l’église ; mais qu’autrefois tous les évêques ne la portoient point, s’ils n’avoient un privilége particulier des papes pour la porter. Dans la cathédrale d’Acqs on voit en effet la couverture d’un tombeau, où un évêque est représenté avec sa crosse sans mitre. Le pere Mabillon dans sa préface sur le IV siécle Bénédictin, rapporte plusieurs autorités décisives pour prouver la même chose. On voit aussi par l’histoire des guerres, rapportée dans le sixiéme tome des Antiquæ lectiones de Canisius, de l’édition in-4º, par Jacques de Vitri, dans son histoire orientale, & par plusieurs autres, que les évêques d’Orient ne portoient point de mitre, excepté les patriarches. Jacques Goar, & le cardinal Bona, prouvent la même chose des Grecs d’aujourd’hui. En Occident, quoique l’usage de la mitre ne fût pas commun aux évêques mêmes, cependant on vint ensuite à l’accorder non seulement aux évêques & aux cardinaux, mais aussi aux abbés. Le pape Alexandre II l’accorda à l’abbé de S. Augustin de Cantorberi, & à d’autres ; Urbain II, à l’abbé du Mont-Cassin & à celui de Cluni. D’autres papes ont accordé les mêmes priviléges à d’autres abbés, quoique saint Bernard & Pierre de Blois se soient récriés contre cette facilité, & aient taxé pour cela les abbés d’ambition. Les chanoines de l’église cathédrale de Besançon portent le rochet comme les évêques, & la mitre lorsqu’ils officient. Le célébrant & les chantres portent aussi la mitre dans la cathédrale de Mâcon. La même chose est pratiquée par le prieur & le chantre de N. D. de Loches, & par plusieurs autres. Aujourd’hui il y a bien des abbés en Europe, soit réguliers, soit séculiers, qui ont droit de mitre & de crosse. La forme de cet ornement n’a pas toujours été, n’est pas encore partout la même, comme le P. Martène le montre dans son traité de antiquis ecclesiæ ritibus, & dans le premier volume de son voyage littéraire. Celles qui sont représentées sur un tombeau d’évêques à S. Remi de Reims ressemblent plutôt à une coëffe qu’à une mitre. La couronne du roi Dagobert sert de mitre aux abbés de Munster. * Voyez sur cela les auteurs cités dans cet article ; le cardinal Bona, de rebus liturgicis ; le Glossaire latin de M. du Cange, de la nouvelle édition, aux mots Mitra, Mitræ, &c.


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