Le grand dictionnaire historique/éd. de 1759/Tivoli

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TIVOLI, Tibur, sur le Tévérone, ville d’Italie proche de Rome, & plus ancienne que Rome même, fut bâtie sur la riviere d’Anio, par les Aborigènes, selon Denys d’Halicarnasse, ou par une troupe de Grecs, qui étoient venus du Péloponnèse, félon plusieurs autres auteurs. Virgile la représente comme florissante, dans le temps qu’Enée arriva en Italie. Elle résista longtemps aux armes des Romains, & ne tomba sous leur domination que vers l’an 400 de la fondation de Rome, & 349 ans avant j.C. Elle honoroit particulierement Hercule & le dieu Tiburnus ; & il y avoit près de Tibur une fontaine fameuse, consacrée à la déesse Albunée, où se rendoient des oracles. Les Romains bâtirent dans cette ville plusieurs maisons de plaisance. Les habitans de Tivoli furent passés au fil de l’épée par les soldats de Totila, l’an 545. Les guerres des Allemans désolerent cette ville. Frédéric Barberousse en fit rebâtir les murailles, & l’agrandit. Le pape Pie II y fit bâtir une forteresse, à l’entrée de laquelle il y a une inscription, faite par Jean-Antoine Campanus, que voici :

Grata bonis, invisa malis, inimica superbis
Sum tibi Tibur, enim sic Pius instituit.
Les voyageurs admirent ses peintures, ses antiquités, les fontaines, ses palais & ses jardins, qui la rendent le séjour le plus agréable de toute l’Italie. C’est un ouvrage du cardinal Hippolyte d’Est. Les cataractes ou chutes précipitées de la riviere de Tévérone, y ont creusé avec le temps les rochers, & ont formé les voutes qu’on dit avoir servi de logement à la sibylle Tiburtine. En effet, au déssus de la cascade, on voit les restes d’un petit temple, que quelques-uns assurent avoir été dédié a cette sibylle. D’autres veulent qu’il ait été dédié à Hercule, à cause d’une inscription qui s’est trouvée dans cette ville, & qui est consacrée à un Hercule Saxanus, c’est-à-dire, Hercule du rocher, dont le temple étoit sur le roc. A demi-lieue de Tivoli, on voit un petit lac qui n’a que quatre ou cinq cens pas de tour ; mais qui est extrêmement profond. L’eau en est fort souffrée ; & produit un ruisseau de même : ce qui fait qu’on lui donne le nom de Solsorata. On va prendre le bain dans ce ruisseau, pour la guérison de différentes maladies. Le lac est remarquable, à cause de plusieurs isles flottantes, que le vent pousse de côté & d’autres. Elles sont à fleur d’eau, & toutes couvertes de roseaux. Ceux qui ont passé par dessus, ont reconnu qu’elles avoient de la solidité & de l’épaisseur, parcequ’ils ne pouvoient atteindre le fond avec leur épée, ou des pieux qui étoient assez longs. On juge de la profondeur de ce lac, par le temps que demeure à s’élever un bouillon, que les pierres qu’on y jette poussent en haut. La plus grande de ces isles a environ vingt-cinq pas de long, & quinze de large, & les autres sont un peu moindres. Pline fait mention de plusieurs isles flottantes en divers lacs d’Italie ; entr’autres, d’une dans le lac Vadimonis, que quelques-uns croient être le lac de Viterbe, & d’autres celui de Bissanelle. Il ajoute que cette isle étoit chargée d’une épaisse forêt, & ne s’arrêtoit jamais un jour & une nuit dans le même lieu. Pline le Jeune a décrit ce lac Vadimonis. Ce qu’il en rapporte a beaucoup de ressemblance avec les isles du lac de Tivoli. Denys d’Halicarnasse fait la description d une isle, dans le lac de Cutiliium, appellé présentement Contigliano, dans la terre de Sabine, laquelle avoit cinquante pieds de diametre, & un pied de terre au-dessus de l’eau, & qui portoit quelques arbrisseaux. Le peuple appelle les isles du lac de Tivoli, Carquetes, parcequ’elles se peuvent conduire comme des barques. Si le lac étoit plus grand, elles pouroient s’agrandir, jusqu’à pouvoir porter des jardins & des forêts, comme celles dont parle Pline, & celles qui sont auprès de Saint-Orner, où il y a des habitans. La raison qu’on peut donner de ces isles flottantes, c’est que ce lac étant rempli de sources d’eau souffrée, les bouillons qu’on y remarque élevent quantité de limon raréfié par le souffre ; lequel surnageant, & s’attachant avec des joncs & des herbages, se grossit peu à peu par de semblables matieres qui s’y amassent : de sorte que ces îsles étant composées d’une terre poreuse &c mêlée de souffre, elles se soutiennent sur l’eau, & produisent des joncs, de même que les autres terres marécageuses. Le cardinal Jules Roma, évêque de Tivoli, y publia des ordonnances synodales, l’an 1636, fit rebâtir la cathédrale, & la bénit en 1641 ; & le cardinal Marcel de sainte Croix, son successeur en cet évêché, y fit ajouter en 1657, une magnifique sacristie sur le dessin du chevalier Bernin. * Virgil. œneid. l. 8. Horace, odar. l. 1, od. 18. Denys d’Halicarnasse, antiq. rom. l. 1. Solin, c. 2. Jean Spon, voyage d’Italie, 1675. Martio, hist. de Tivoli. Bayle, dictionnaire crit.


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