Le matin (Mendès)
LE MATIN
a tenture s’est décrochée
Et l’on voit au fond du boudoir
Une femme, tête penchée
Sur un coussin de satin noir.
Elle agite un lambeau fantasque,
Écharpe folle de houri ;
À ses pieds un tambour de basque
S’endort près d’un bouquet flétri.
Sa gorge ferme, demi-nue,
Jaillit de ses voiles tombés,
La robe à peine retenue
Par la hanche aux contours bombés.
Son dos luxurieux se cambre ;
Sous le bras qui souvent son front
On voit, avec des reflets d’ambre,
Un sein bruni saillir en rond.
Sa main fine, à demi serrée,
Relevant un coin du peignoir,
Découvre sa jambe nacrée,
Ronde et blanche sur un fond noir ;
Tandis qu’une tête plus sombre,
Lèvre épaisse aux plis tortueux,
Planant sur elle, éclaire l’ombre
De sourires voluptueux !
Mais déjà, blanchissant l’alcôve
Des feux de son premier rayon,
Le soleil montrait son œil fauve
À la vitre de l’horizon,
Et les pins, branches remuées,
Là-bas, sur les deux entr’ouverts,
Balayaient au loin les nuées
Du bout de leurs panaches verts !