Le mystère des Mille-Îles/Partie II, Chapitre 10

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Éditions Édouard Garand (p. 27-28).

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Le lendemain matin, une surprise d’un autre genre attendait notre héros.

Quand il s’éveilla, au lieu de sauter en bas de son lit comme à l’ordinaire, il réfléchit longuement, les deux mains sous la tête et les yeux au plafond.

Un problème sérieux exigeait en effet toute son attention. Et il ne s’agissait plus d’éclaircir le mystère de la vie ou de la mort de Renée Vivian : c’était la question de sa propre existence qui se posait.

Un fait brutal : ses vivres étaient épuisées ! Le soir précédent, il en avait mangé le dernier vestige !

Que faire ? S’en aller ? Impossible, puisque l’aéroplane n’était pas encore réparé et, d’ailleurs, Hughes était bien résolu à ne pas laisser immédiatement la femme qui lui avait tant plu.

Problème troublant et qui deviendrait plus aigu avec le temps.

Enfin ! peut-être le dieu des aventuriers lui viendrait-il en aide !

Avec cet espoir fragile, il se leva et jeta sur ses épaules, en guise de robe de chambre, son paletot d’aviateur. Ainsi accoutré, le ventre vide, il se préparait à aller prendre un bain sur un point de la côte invisible du château.

Il ouvrit la porte de sa chambre et c’est alors qu’il eut la surprise qui le cloua sur place.

Là, dans le corridor, devant sa porte, un magnifique plateau d’argent ! Et, sur ce plateau, des fruits, du pain, des rôties dans un réceptacle dont le double fond contenait de l’eau chaude pour les maintenir à la température voulue, du café, du fromage, enfin, les éléments d’un repos fastueux aux yeux d’un homme qui, l’instant précédent, envisageait la perspective d’un jeûne des plus rigoureux.

Comment ce plateau avait-il été déposé en cet endroit ? Quand ? Par qui ?

Mystères ! Tout n’était que mystère dans cette île enchantée !

Mais que ces mystères étaient agréables ! Il fallait en profiter et attendre.

Hughes adopta cette doctrine philosophique qui convenait à son tempérament.

Il se mit donc en devoir de faire honneur au repas offert si opportunément et il mangea comme un misérable qui ne sait pas quand l’heure du prochain dîner sonnera.