Le mystère des Mille-Îles/Partie II, Chapitre 4

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Éditions Édouard Garand (p. 23).

— IV —


Le premier soin de Hughes Dufresne, après avoir pansé la blessure de son bras, fut d’examiner son aéroplane.

Il reconnut que le moteur n’avait pas été trop endommagé. Par contre, les ailes et la structure étaient en piteux état. Cependant, les dégâts n’étaient pas irréparables. L’hydroplane, — car il s’agissait d’un hydroplane, — pourrait encore, sinon le ramener chez lui, du moins lui permettre de quitter l’île sans avoir à faire, comme un naufragé de roman d’aventures, des signaux aux navires passant au large.

Il faudrait évidemment remettre plusieurs choses au point. Mais, pour l’instant, l’essentiel était sauf et Hughes poussa enfin un long soupir de soulagement.

Son naturel avait repris le dessus. L’insouciance et la gaieté lui revenaient.

— Allons ! se dit-il, on en sera quitte pour camper dans un endroit imprévu. Ce n’en est que plus drôle et ça rappellera un peu le temps de la guerre.

Ensuite, il se mit en devoir d’examiner le terrain où le hasard l’avait amené. Ne s’agissait-il pas, la vie étant sauve, de tirer le meilleur parti de la situation ? Pour cela, il importait, avant tout, de savoir exactement où l’on se trouvait.

Tout d’abord, l’aviateur ne put apercevoir autour de lui qu’une succession de rochers couverts d’une maigre végétation, car il était tombé au fond d’une dépression de terrain, de sorte que son horizon se trouvait fort circonscrit.

Il escalada donc un des rochers, celui qui pouvait lui permettre de voir une plus grande étendue.

À ses yeux se présenta alors une côté dénudée qui tombait brusquement en falaise dans l’eau. Plus loin, les Mille-Îles se révélaient dans toute leur magnificence.

Après avoir admiré le spectacle qui s’offrait à sa vue, car il n’était pas insensible à ces choses, il se retourna lentement et, alors, un cri de surprise lui échappa.

Tout près de lui, à ses pieds, un jardin, à la végétation luxuriante contrastait violemment avec la nudité du reste de l’île. Il était évident que ce jardin, après avoir été tracé et formé par un excellent jardinier, avait été ensuite abandonné pendant de longues années, car les mauvaises herbes se mêlaient aux plantes d’agrément, le tout poussant au hasard, sans ordre, sans symétrie et envahissaient les allées. Cependant, des sentiers étaient nettement tracés dans ce fouillis, préservés, semblait-il, par la stérilité de leur sol, ou, qui sait ? par des pas humains. Tous ces sentiers intacts conduisaient, soit à des massifs de fleurs épargnés par les mauvaises herbes, soit à des bancs de pierre adossés à des arbres.

Il se dégageait de ce jardin une étrange impression d’abandon et de présence occulte, tout à la fois. Cela sentait le mystère sans qu’il fût possible de dire exactement pourquoi.

Mais cette surprise n’était rien auprès de celle qu’éprouva Hughes Dufresne en portant ses regards plus loin.

En effet, là-bas, au bout du jardin, s’élevait une immense bâtisse, colosse de pierres qui rappelait à s’y méprendre les châteaux du Rhin.

Vous l’avez deviné déjà, mon ami avait atterri précisément dans l’île mystérieuse qui vous passionne si fort depuis le midi.