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Le mystère des Mille-Îles/Partie III, Chapitre 1

La bibliothèque libre.
Éditions Édouard Garand (p. 31).

TROISIÈME PARTIE

— I —


Hughes était de plus en plus intrigué et il se sentait tout frémissant d’une curiosité impatiente qui était sûre d’être satisfaite.

Enfin, tous les mystères entrevus depuis trois jours allaient donc être éclaircis !

Mais sa soif de savoir ne venait pas d’une badauderie en quête de potins ou d’aventures scabreuses. Il était plutôt dans l’état d’esprit de tout amoureux qui désire connaître tout le passé de son aimée, afin de prolonger dans le temps la possession de celle-ci. Ce désir n’est sans doute que la manifestation de cet instinct, élément essentiel de l’amour, qui nous porte à rechercher, sinon l’éternité, du moins la prolongation la plus complète que possible de notre existence. Cet instinct, en somme, constitue, avec le besoin de s’appuyer sur un autre être, tout l’amour. Qu’est-ce, en effet, que l’amour ? On en a donné bien des définitions depuis qu’il y a des hommes et qui aiment. Si l’on y regardait de près, sans se laisser aveugler par des mensonges sentimentaux, l’on y reconnaîtrait tout simplement la terreur que nous éprouvons tous à l’idée de notre anéantissement dans la mort. Cet effroi nous fait rechercher l’être qui, en exaltant toutes nos forces d’aimer, nous donnera l’illusion d’une plus grande puissance et avec qui nous pourrons nous perpétuer dans des êtres issus de notre sang. L’amour, c’est, en définitive, l’instinct de conservation.

Mais, je m’écarte de mon sujet.

Je vous disais donc que l’aviateur attendait avec impatience le récit promis.

Il se réjouissait d’apprendre les détails de la vie de celle qu’il aimait ; mais, par ailleurs, il sentait bien que, des paroles que Renée allait prononcer, sortirait pour lui un nouveau destin.

La physionomie de la jeune femme l’indiquait bien.

Jusqu’à cet instant, elle avait été rieuse et enjouée avec son ami. Même en lui avouant son amour, elle avait gardé un je ne sais quoi d’ironie au coin des lèvres.

C’était sans doute une attitude. La véritable nature de Renée se révélait maintenant.

Son regard s’était fait distant et s’assombrissait du reflet d’un rêve ardent. On y entrevoyait des profondeurs de songeries longuement entretenues, toute une existence intérieure d’une ardeur qui donnait le frisson.

À cet instant, Renée Vivian était bien l’être d’exception de la légende, l’âme de feu que nous a fait connaître M. Legault.