Le parfait mareschal/155

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Gervais Clouzier, 1680 (1 / 2, pp. 459-461).
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LEs Chevaux qui ont esté Forbus, demeurent souvent avec des douleurs aux pieds qui les empéchent de marcher ferme, de poser le pied plat à terre lors qu’ils cheminent, ils n’appuyent que le talon pour soulager la pince, à cause que l’humeur qui causoit la forbure a quitté la jambe, & s’est glissée entre l’os du petit pied & le sabot, & a desséché le devant du CHAP.
clv.
pied, en sorte que la nourriture n’y venant pas en assez grande quantité, manque d’assez de chaleur naturelle, qui est comme étouffée par cette humeur acre, elle durcit, rend la partie douloureuse & foible, & par le temps les croissans paroissent & estropient le Cheval ; quand j’ay dit que les croissans paroissent, c’est à dire que le devant ou l’extrémité de l’os du petit pied descend & se desséche, en sorte qu’il ne reçoit plus de nourriture, de par le temps il faut qu’il tombe & se separe de ce qui reste de bon & de sain dans l’os du petit pied, ce qui n’est pas l’ouvrage d’un jour, la nature qui est sage fait enfin son devoir, pourveu qu’on ayt soin de le ferrer comme je diray, & de l’ayder & fortifier.

Lors qu’un Cheval a le pied douloureux, & que les indices des croissans y sont, c’est à dire le devant du pied desseché, qui sonne clair quand on frappe dessus, ce qui fait connoistre qu’il est vuide, & que le Cheval ne chemine que sur les talons, lors il faut defferrer le pied, le blanchir seulement en parant peu, puis le ferrer à pantoufle, comme j’expliqueray au Chapitre de la Ferrure des pieds encastelez, & y mettre le remede suivant, & en le ferrant, laisser toujours la solle tres-forte, car de là dépend la guerison & la chutte des croissans, & ce qui la facilitera sera l’usage de la bouillie qui suit.

Que si les pieds sont simplement douloureux sans apparence de croissans, il les faut parer, les ferrer fort à l’aise, & y appliquer la bouillie qui suit.

bouillie pour les pieds douloureux d’un reste de Forbure.

Prenez une pinte eau de vie, trois demy-septiers bon vinaigre, une livre huile de laurier, démêlez le tout avec suffisante quantité de farine de féves, faites-en de la bouillie que vous ferez cuire à petit feu en remuant sans cesse : Quand le tout sera bien lié & cuit comme de la bouillie assez épaisse, emplissez-en le pied toute bouillante, car elle ne sçauroit estre trop chaude, de la filasse par dessus, puis des éclisses pour tenir le tout, mettez encore de cette bouillie autour de la couronne sur de la filasse, mais il ne faut pas qu’elle soit si chaude, & il faut qu’on y puisse souffrir la main, enveloppez le tout, & réitérez l’application trois fois de vingt-quatre heures en vingt-quatre heures : si le mal n’est pas bien envieilly, asseurément le Cheval se rétablira.

Barrer les veines dans les pâturons apres cette application reüssira tres-bien s’il y a des croissans, parce qu’elle fera plûtost tarir cette humeur, qui est portée en partie dans le pied avec le sang, & pour d’autres raisons déjà dites. CHAP.
ⅽⅼⅴ.
Si le Cheval boitte si fort que les croissans soient formez, & le pied desséché en sorte que le Cheval ne puisse cheminer ny presque se soûtenir, il faut dessoler, brûler tout le bout de l’os du petit pied, le laisser tomber en suite, apres quoy la solle reviendra, & le Cheval pourra guerir, si on le ferre à pantoufle, & qu’on donne le temps au pied de se fortifier, mais ce ne sera jamais un pied ny bon, ny bien-fait, ny de service.