Le parfait mareschal/26

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Gervais Clouzier, 1680 (1 / 2, pp. 72-75).
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JUsques à present on a peu pratiqué de bons remedes pour les maux de teste, qu’on nomme, je ne sçay pourquoy, mal d’Espagne ; on le connoist en ce que le Cheval chancelle en cheminant, par le transport des vapeurs, ou l’effumation qui monte au cerveau & qui étourdit le Cheval, en sorte qu’il ne peut marcher droit en avant, il est fort degoüté, la bouche huilante, un grand battement de cœur & de flanc, & quand on considere le Cheval avec soin, facilement on connoist qu’il souffre beaucoup, & que sans un prompt soulagement il est mal-aisé qu’il en échappe.

Prenez un de ces verres à biere fort jaunes & forts grands, pulverisez-le, & le passez par le tamis fin, ou plus à propos prenés quatre onces axungiæ vitri qui est du sel de verre, qu’on trouve chez les Espiciers, il est blanc, pilez les fort menu, il fera tout un autre effet que le verre pilé, pilez ensuitte une poignée de sel, mettez le tout avec trois chopines d’eau cordiale dans un pot, faites chauffer le tout jusqu’à ce que le sel soit fondu, c’est à dire, ce qui se poura fondre, le sel commun ouvrira le sel de verre, & fera penetrer l’eau cordiale pour le faire dissoudre, Salia non agunt nisi dissoluta, coulez & faites infuser dans cette eau toute boüillante, deux onces de bon thé du plus recent, l’espace de six ou huit heures, que l’eau soit toûjours tiede en infusant, coulez & jettez le thé comme inutile, & gardez l’eau chargée des sels, & de la teinture du thé : donnés-luy à boire tout ce breuvage avec la corne, couvrez le Cheval, & le mettez dans l’écurie bridé trois heures.

S’il ne guerit point pour la premiere fois qu’il prendra ce breuvage, reïterez au bout de vingt-quatre heures, il faut donner tous les jours un lavement fait avec deux pintes de bierre emetique ou de bierre simple, dans laquelle vous mettrez une once sel policreste, une once coloquinte coupée menu, & deux gros d’anis pilé, faites infuser le tout sur les cendres chaudes six heures. Page:Solleysel - Parfait mareschal - 5è éd., 1680 - tome 1.djvu/87 Page:Solleysel - Parfait mareschal - 5è éd., 1680 - tome 1.djvu/88 Chap.
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ce mesme Chapitre: ou bien si vous voulez, il faut le faire jeuner pendant six heures, & ensuitte luy donner une prise de poudre du Lieutenant, décrite au Chapitre ⅬⅩⅣ. de la seconde Partie, ou deux plottes Theriacales en poudre, & tâcher de faire recouvrer l’appetit au Cheval, par les moyens que nous en avons donné au Chapitre Ⅵ sans doute il guerira pour cette prise, si elle est donnée d’abord qu’on connoist que le Cheval se dégoûte.

J’ay déja dit en partant, qu’on peut donner de la poudre du Lieutenant ou des plottes par précaution, pour empescher les Chevaux de prendre ces maux de teste ; cela est si certain que des personnes de qualité à Paris & ailleurs, peuvent estre témoins comme leurs Chevaux ont esté preservez par la, & que depuis qu’ils ont pris de cette poudre ou des plottes, & qu’on a parfumé les écuries, jamais il n’y a eu de mal de teste là dedans, & auparavant ils les perdoient tous par ce mal dangereux. Il n’y a autre chose à observer que de leur donner une prise de poudre du Lieutenant, ou deux plottes theriacales en poudre, & trois jours apres encore une prise ; assurément c’est le meilleur preservatif qu’on puisse trouver pour ces maux, contre lesfquels ayant peu de remedes curatifs qu’on puisse dire tres-asseurez, c’est quelque chose d’en avoir un asseuré conservatif.