Le parfait secrétaire des grands hommes/Lettre 59

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Texte établi par Georges GirardLa cité des livres (p. 89-90).
LE ROI JACQUES II


I


[À Newton.]


À St-Germain, ce 12 janvier 1689.


Monsieur Newton,

J’ay reçu vostre lettre l’autre hier. Je suis bien aise que vous conveniez de vos relations avec feu M. Pascal. Du reste vous ne pouviez le nier, car on a icy des lettres de vous à cet auteur qui prouverois le contraire. Madame Perrier, sœur de Pascal, les a encore. Du reste aussy on m’a asseuré que vous estiez bien au fait de ce qu’on disoit en France à ce sujet.

Quoy qu’il en soit, un jour que je me trouvois encore seul avec le Roy de France, il a fait revenir la conversation sur cette affaire ; ce qui me tesmoigne qu’il l’a à cœur. J’ay fait tout ce qui dépendoit de moy pour vous excuser de cette expression dont vous vous estiez servy vis-à-vis de Pascal. Je crois que vous feriez bien de la rétracter par quelque moyen. Cela pourroit peut-estre appaiser les esprits.

Car, croyez-moi, Monsieur Newton, les sçavans de France sont tellement convaincus que Pascal s’estoit occupé avant vous de ce dont vous parlez qu’ils ne vous en donneront jamais le mérite. Il est resté des preuves de cela entre les mains de plusieurs personnes à qui Pascal en avoit fait part. Il y a donc apparence que vous serez repris. Je sçay mesme une personne, que je pourray vous nommer si vous le désirez, qui prépare un travail à ce sujet.

Je ne vous en dis rien plus aujourd’huy. Veuillez m’écrire, s’il vous plaît, et sans nulle cérémonie. Car, comme déjà je vous l’ay dit, cette manière m’est plus agréable avec vous ; et croyez toujours à mon amitié.


Jacques R.