Le rôle des Pins et du Mélèze dans la production du sol

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Le rôle des Pins et du Mélèze dans la production du sol
Revue des Deux Mondes3e période, tome 20 (p. 658-684).
LE ROLE
DES PINS ET DU MÉLÈZE
DANS LA PRODUCTION DU SOL

Les conifères à longues aiguilles, auxquels on a donné le nom de pins, se trouvent cantonnés chacun dans une station propre. Disparus des plaines fertiles, ils occupent les plus mauvais sols, et chaque espèce de pin semble avoir la mission de féconder une terre ingrate ; dune mobile, sable aride, grès inerte, calcaire compacte, schiste brûlé, granit nu, il n’est pour ainsi dire pas une roche, quelle qu’en soit la place entre le tropique et le cercle polaire, sur laquelle ne puissent s’établir des pins. Ils fixent et amendent les sables, désagrègent les grès, broient les calcaires, pulvérisent les schistes, décomposent les granits et transforment la terre minérale en terre végétale. — Tout d’abord ils recouvrent le sol d’un épais tapis d’aiguilles mortes qui maintient la fraîcheur et emmagasine les eaux pluviales. Les racines, traçantes et pénétrantes, s’emparent ensuite de la roche même. Les graines, munies d’une aile, s’envolent, se répandent à grandes distances et colonisent sur les sols nus. Avec le temps, la nappe ininterrompue de la pineraie couvre d’immenses surfaces ; elle exerce alors une action puissante sur le climat dont elle atténue les extrêmes. Sous le couvert léger des pins et sur le terrain qu’ils ont préparé, des arbres divers pourront s’établir désormais ; des chênes, des sapins et la plupart des essences forestières s’étendront ainsi de proche en proche, succédant aux pins, reprenant et complétant l’œuvre de fécondation du sol.

Le mélèze exerce aussi dans certaines régions froides une action primesautière qui a de l’analogie avec celle des pins ; mais il recherche les terrains frais qui ont par là même une puissance propre ; il les transforme en prés-bois, les amenant ainsi à un degré de fertilité plus grand que le sol des pineraies. Le mélèze a dans la production un rôle déjà plus élevé que celui des pins. Ces essences primordiales ont été plus répandues encore dans les âges antérieurs. Les houillères en ont conservé les traces; les tourbières anciennes présentent de nombreux débris des espèces actuelles dans les plaines de l’Europe centrale, où celles-ci sont remplacées maintenant par des bois feuillus. C’est dans le sud et le nord de ce continent que les arbres résineux à couvert léger sont restés largement représentés; c’est là également, ainsi que dans les montagnes, qu’ils semblent le plus utiles pour vivifier la terre; mais partout il se trouve encore des plaines stériles ou des terrains rocheux qu’ils sont aptes à mettre en état de production. Sans sortir de France, il suffit de rappeler les landes et les dunes de Gascogne, les montagnes des Maures et de l’Esterel, les plaines de la Sologne et de la Champagne, les sables des environs de Paris, les friches arides des collines de Bourgogne, les plateaux élevés de l’Auvergne, les versans abrupts des Pyrénées et des Alpes, pour faire pressentir le rôle important que les plus peuvent remplir dans l’économie générale des régions de la zone tempérée.


I.

Les pins se distinguent des sapins non-seulement par les aiguilles grandes et groupées, par les fruits qui mettent deux ou trois années à mûrir, mais par une foule de caractères; ce sont des arbres tout différens. Ils ne forment pas d’autres bourgeons que ceux de l’extrémité des rameaux[1]; ils n’ont ainsi que des pousses terminales et autour d’elles des rameaux verticillés sur les branches comme sur la tige. La forme de ces arbres peut donc conserver une grande régularité; c’est ce qui arrive quand l’axe principal s’allonge droit et prime tous les autres par sa vigueur. Souvent au contraire la tige est flexueuse et présente des formes irrégulières peu gracieuses. Alors c’est sur les vieux pins seulement que se manifeste le caractère de force et de grandeur qui en fait la véritable beauté.

Représenté par de nombreuses espèces dans l’hémisphère boréal du globe, le genre pin fait défaut dans l’hémisphère austral; les arbres mentionnés habituellement comme des pins dans ce dernier n’en sont nullement. Ainsi l’île des pins et la Nouvelle-Calédonie ont de grands arbres résineux, mais ce sont des araucarias en colonne et des dammaras aux feuilles élargies et charnues. L’aire générale d’habitation des pins est même limitée au sud par le tropique du cancer, sauf en un point, sur les hauts plateaux du Mexique, où en s’élevant elle prend quelque expansion au sud du tropique. Les pins européens sont à deux feuilles, c’est-à-dire qu’ils ont tous deux aiguilles dans chaque gaîne; il faut cependant excepter le cembro, qui en a cinq, comme le pin du lord Weymouth, indigène dans le bassin des grands lacs et du fleuve Saint-Laurent, comme le grand pin du Népaul, appelé à juste titre dans les Himalayas le roi des pins, et comme plusieurs autres espèces du Mexique et de la Californie. Les pins à trois feuilles, tous exotiques pour nous, sont nombreux en Amérique; parmi les plus importans se rangent le magnifique pin de Sabine, habitant des montagnes rocheuses ; le pin austral, qui couvre les landes à pin des États-Unis du Sud et qui fournit la térébenthine de Boston; le pin des Canaries, espèce précieuse et sur le point de disparaître; enfin le pin à longues feuilles qui forme de grandes forêts aux sources du Gange. Les pins à deux feuilles semblent le monopole de l’ancien monde, à part quelques exceptions comme celle du pin rouge du Canada, espèce voisine de notre pin de Corse.

Nous trouvons en France sous nos divers climats, depuis celui de l’olivier jusqu’à celui du rhododendron, tous les pins européens : le pin pinier, le pin d’Alep et le maritime, le laricio, le sylvestre, le pin de montagne et enfin le pin cembro ; ils se divisent assez naturellement en deux sections d’après la station qu’ils occupent, les pins du midi comprenant les quatre premières espèces, les pins du nord représentés par les trois dernières.

Le pin pinier ou pin d’Italie se rencontre disséminé dans la région méditerranéenne. Habitant des plaines basses et chaudes, il est rare en France; cependant il constitue dans la petite Camargue une forêt mélangée de pin d’Alep, la pinède de Silveréal, ancien massif intercalé parmi les étangs et aujourd’hui plus qu’à demi ruiné. Les piniers, qui dominent en nombre, n’ont là qu’un fût de 4 mètres.

Dans la grande pineraie de Ravenne, qui s’étend au sud de cette ville sur les dunes de l’Adriatique, ce sont aussi des piniers qui fixent le sol; autrefois on y trouvait de beaux arbres. En Algérie, dans quelques forêts de la province d’Oran, on voit ce pin s’élancer parmi les autres essences et étaler sa large cime au-dessus d’elles. Le pinier peut en effet devenir un grand arbre de 30 mètres de hauteur; il porte alors, en haut d’un fût magnifique, une cime en corymbe dont le feuillage, tout extérieur, n’est pas sans quelque ressemblance avec un immense parasol. Ses longues aiguilles à reflet bleuâtre sont d’un vert riche, qui tranche avec la teinte rousse des branches et du fût. Dans les plaines d’Italie, il se détache vivement sur le ciel pur et fait au paysage un remarquable décor. Moins vigoureux en France, le pinier y est surtout planté comme arbre fruitier dans les jardins en Provence et en Languedoc. Les fruits, gros cônes arrondis, renferment des graines longues formées d’une enveloppe ligneuse très dure et d’une amande comestible. Cette amande a un goût qui rappelle celui de la noisette ; les confiseurs en font usage et les enfans s’en régalent. Fait assez rare, il faut au pinier trois années pour mûrir ses fruits, tandis que nos autres pins n’en demandent que deux. Un certain nombre de pins d’Amérique, les pins de Sabine, de Frémont et autres, donnent des graines comestibles, quelques-uns même des graines très grosses, qui sont une véritable ressource pour les Indiens. En Europe, cette propriété n’appartient qu’au pinier sous les rayons du soleil d’Italie, et au cembro sur les hauteurs des Alpes. Toutes ces graines ont une saveur légèrement résineuse.

Le pin d’Alep est répandu sur les rivages de la Méditerranée, et il s’en éloigne peu; mais il s’en faut qu’il forme une ceinture autour de cette mer, il est spécial à des terrains de nature déterminée : les sols calcaires lui conviennent seuls. Dès lors il ne constitue de forêts qu’en certaines parties du littoral, parfois très distantes. On le dit originaire de Syrie, et il est connu aussi sous le nom de pin de Jérusalem; en Provence, on l’appelle pin blanc : il se distingue en effet des autres pins du pays par une écorce argentée dans la jeunesse et par la teinte claire des feuilles. C’est l’arbre des terres arides et des rochers brûlés par le soleil; en mélange avec le chêne vert, aux feuilles coriaces et persistantes, il donne, pour ainsi dire, la vie au désert. Au lieu de former d’épais massifs, il se présente ordinairement à l’état d’arbres espacés qui ombragent à peine le sol ; à leur abri se développent divers arbustes spéciaux à la région, kermès, arbousiers, myrtes, azalées; mais l’herbe fraîche et tendre des pays du nord est absente, comme l’eau.

Les aiguilles du pin d’Alep, longues de 8 centimètres, fines et doucement inclinées, donnent à l’arbre un feuillage élégant. Si le fût se dressait élancé, si la cime était riche en feuillage, ce pin serait un très bel arbre; mais il n’a qu’une taille moyenne, une cime assez pauvre, une tige habituellement flexueuse et de faibles dimensions. Il peuple quelques milliers d’hectares dans le département des Bouches-du-Rhône, notamment entre Marseille et Toulon. C’est là que se trouvent, sur les rochers du bord de la mer, les forêts communales de Cassis et de La Ciotat, puis la forêt de Gémenos dont les deux versans encadrent l’entrée de la charmante vallée de Saint-Pons, et les grands massifs que traverse la route de Marseille à Toulon. La plus jolie de nos forêts de pin d’Alep est celle qui couvre la petite île de Sainte-Marguerite, auprès de Cannes, un coin de l’Afrique accolé à la France. Le pin d’Alep est un des arbres forestiers importans de la province d’Oran, ainsi que de l’Andalousie et de l’Italie méridionale, de la Grèce et surtout des basses montagnes de la Turquie d’Europe et de la Turquie d’Asie.

C’est le pin maritime ou pinastre qui constitue la forêt des Landes de Gascogne. Cette vaste pignada s’étend aujourd’hui sans interruption de Bordeaux à Bayonne; de là les noms de pin de Bordeaux et de pin des Landes donnés à l’arbre qui la forme, pour ainsi dire, à lui seul. Il est déjà moins frileux que le pin d’Alep, cantonné sous le climat de l’olivier. Le pin maritime est d’ailleurs un arbre de plaine et de montagne ; il ne couvre pas seulement les collines sablonneuses des dunes, il s’élève, en Corse par exemple, jusqu’à 1,000 mètres d’altitude.

A l’inverse du pin d’Alep, le maritime ne se trouve jamais spontané sur des sols calcaires[2]. Il exige pour se développer un terrain siliceux, sable, granit, gneiss ou autres formations dépourvues de chaux. Ainsi les montagnes des Maures, entre Draguignan, Fréjus et Toulon, forment une région siliceuse, couverte de pin maritime et de chêne-liège, tandis que les calcaires qui l’entourent sont occupés par du pin d’Alep et du chêne yeuse. On voit comment les végétaux fixés au sol ont chacun leur place déterminée par les lois naturelles.

Sur les terrains et à l’altitude convenables, le pin maritime se rencontre dans toute la zone littorale de l’Europe méridionale, depuis l’embouchure de la Loire jusqu’à celle du Danube. Il semble qu’il ne puisse vivre éloigné de la mer; les îles de la Méditerranée et l’Algérie en possèdent aussi des forêts; mais les bords de l’Atlantique, en Portugal comme en Gascogne, en sont plus richement dotés que toute autre région. La France a maintenant 700,000 hectares peuplés par cette essence, dont 600,000 environ dans le triangle compris entre la Gironde et l’Adour, le surplus au nord de la Gironde, en Provence, en Corse et en Algérie.

Ce n’est pas un bel arbre que le pin maritime. Ses longues aiguilles, mesurant jusqu’à 2 décimètres, grossières, rares, d’un vert jaune, ne lui donnent qu’un feuillage pauvre et terne; l’écorce est noirâtre et le fût peu élevé; les massifs, clairs et uniformes, ne dénotent pas au simple aspect l’activité de leur végétation et les richesses qu’ils recèlent. Les longues plaies du résinage et les petits pots suspendus à chaque arbre pour en recevoir la gemme viennent achever le tableau de la forêt monotone que traverse le chemin de fer des Landes. En terrains accidentés, il n’en est déjà plus de même. Les collines de dunes boisées au pied desquelles s’étend Arcachon, les lettes ou vallées qu’elles renferment, l’antique forêt de la Teste, parsemée de vieux chênes, ont déjà quelque attrait. Les escarpemens porphyriques de la Corse et les grands pins, vierges du résinage, qui s’élèvent à leur pied au milieu des chênes présentent parfois un spectacle vraiment beau. Mais c’est surtout un arbre utile que le pin maritime, et c’est là que se trouve son vrai mérite.

Le pin laricio ou pin de Corse habite exclusivement les montagnes. En Corse, laissant au pin maritime les parties basses et les versans inondés de lumière, il s’élève entre 1,000 et 1,600 mètres. On le voit encore : en Espagne, autour de la Maladetta par exemple, en Italie et notamment dans les montagnes de la Calabre, sur le mont Etna en Sicile, où il arrive jusqu’à 2,000 mètres, sur le mont Athos en Macédoine, sur l’Ida en Crète, et dans les montagnes de l’Asie-Mineure. Il s’avance dans l’intérieur de l’Europe par la Carinthie, la Styrie et les Alpes autrichiennes jusqu’aux montagnes de Moravie et de Galicie. Mais dans le bassin du Danube il est relégué sur les parties chaudes des basses montagnes et il se présente sous un aspect tout particulier; il y forme une race distincte.

Le laricio constitue peu de grandes forêts, mais il donne des arbres magnifiques. On trouve encore aujourd’hui dans la forêt de Casamenta, commune de Ghisoni, des laricios qui mesurent 30 à 40 mètres sous branches et 1 mètre de diamètre à la base, présentant en haut d’un fût cylindrique et nu une cime aplatie. Le laricio de Calabre est plus remarquable encore; la cime élancée ne porte plus que des branches faibles et courtes. La tige, parfaitement régulière, est à elle seule presque tout l’arbre; on dirait un mât dressé sur un navire. Le laricio d’Autriche, ou pin noir, a une autre forme. Ce n’est plus l’arbre élevé et tout en fût des terrains granitiques ; c’est un arbre trapu et tout en cime, qui vit dans les pierrailles calcaires ou dolomitiques. Cette espèce se distingue par sa rusticité : elle s’accommode des terrains les plus rocailleux de l’Europe centrale, comme fait le pin sylvestre des sables les plus pauvres; elle y conserve une certaine fraîcheur par son couvert épais et riche; elle croît avec rapidité et s’installe de premier jet en des lieux dépouillés de toute végétation forestière. On reconnaît le pin noir non-seulement à son écorce brune, à ses aiguilles fermes et d’un vert foncé, longues de plus d’un décimètre, mais surtout à ses gros bourgeons, à ses grosses pousses et à son aspect d’ensemble, où tout dénote la force et la vigueur. On peut le citer comme exemple de ce fait qu’on a cru remarquer sur les pins en général : c’est que parmi eux les espèces rustiques ont un gros bourgeon terminal porté à l’extrémité d’un rameau de fort diamètre. Des trois espèces de pins appartenant en Europe aux climats rudes, l’une, le pin sylvestre, est très répandue, tandis que les deux autres, le pin de montagne et le pin cembro, sont très rares. Le mélèze vient s’adjoindre à ces pins soit vers le pôle, soit sur les hautes montagnes.

Le plus important des pins d’Europe est certainement le pin sylvestre, spécialement connu sous le nom de pin du nord. On le désigne encore par beaucoup d’autres dénominations empruntées à ses diverses stations, comme l’Auvergne, Briançon, Haguenau, Riga, l’Ecosse et la Norvège. Ses aiguilles, longues de 5 à 6 centimètres seulement et rayées de gris cendré, lui donnent un feuillage terne, qui permet de le reconnaître à distance. Les cônes et l’écorce du pied de l’arbre ont de même une teinte grisâtre; mais la partie haute du fût et la naissance des branches se distinguent par une écorce d’un roux vif tout à fait caractéristique. L’aire d’habitation de ce pin est très remarquable par son étendue. Arbre de plaine et de montagne, il s’avance depuis l’extrême nord de l’Europe jusqu’aux régions méridionales, depuis la Mer-Glaciale jusqu’à la Méditerranée. Dans le bassin de la Baltique, le pin sylvestre ne forme pour ainsi dire qu’une immense forêt de 50 millions d’hectares. Le plateau attenant de la Russie centrale en a tout autant, et la forêt de pin sylvestre s’étend encore au-delà de l’Oural dans la Haute-Sibérie; c’est l’arbre des déserts du nord. Dans le bassin du Danube, on ne le rencontre plus qu’en montagne; sur les Alpes, il s’élève parfois très haut aux expositions méridionales en raison de l’abri puissant des grandes chaînes; dans les Pyrénées, il forme encore des forêts à 1,500 mètres, monte par pieds isolés jusqu’à 1,800 mètres et s’étend à l’ouest jusqu’aux pays basques. Il s’élève ainsi par degrés du nord au sud de l’Europe et semble compris en chaque région entre des altitudes extrêmes différant de 600 mètres environ. Dans son ensemble, l’aire d’habitation de ce pin présente comme une vaste ellipse ayant son centre en Russie, le grand axe passant par Berlin et Moscou, le petit axe s’étendant de la Laponie russe à la Mer-Noire. Cet arbre reste confiné d’ailleurs dans les terrains pauvres, et il affectionne spécialement les sables siliceux.

Dans un tel milieu, les conditions de la végétation sont difficiles, et il est peu d’essences forestières qui s’en accommodent. Aussi la forêt de pin sylvestre est-elle ordinairement simple et pauvre. Pure de toute autre essence, la pineraie du nord, le bör des plaines russes, étonne par son aspect particulier. En massif clair et diffus, elle est ouverte de toutes parts à la lumière; le sol, aride ou tourbeux, n’est couvert que d’aiguilles mortes ou bien envahi par des airelles, des bruyères et de longues herbes aux tiges grêles et dressées. Plus au sud, les pins sylvestres sont souvent mélangés de chênes et de bouleaux; l’écorce blanche de ces derniers tranche vivement sur les fûts rouges des pins et les troncs bruns des chênes. Dans ces forêts, les animaux sont rares et silencieux; le chevreuil, le pic et la gelinotte, qu’on rencontre de loin en loin, font encore ressortir la solitude profonde. En montagne, le pin sylvestre s’allie parfois au hêtre ou au sapin. Ceux-ci, par leur couvert épais, maintiennent dans le sol la fraîcheur et la vie; le pin s’élance au-dessus d’eux; grâce à son maigre feuillage, il les domine sans leur nuire et forme ainsi des arbres d’un fut magnifique.

C’est toujours en pleine lumière que cet arbre se développe. Dans le nord, les nuits étant très courtes en été, il est éclairé presque sans discontinuité pendant la saison de la végétation. Dans les plaines du Volga, où il ne pleut guère, l’air sec et pur laisse arriver au sol une vive lumière. Sur nos montagnes, ce sont les versans exposés au sud et à l’ouest qu’habite ce pin, en face des hêtres, des sapins, des mélèzes, qui, suivant la région, couvrent les versans opposés. De toutes nos essences, c’est d’ailleurs celle qui résiste le mieux au vent, pourvu qu’il ne soit pas constant, et au froid, pourvu que l’air ne soit pas humide.

Par la forme, le pin sylvestre est une espèce extrêmement variable. Néanmoins il s’élève toujours en arbre et ne dégénère jamais en buisson, comme il arrive au hêtre, à l’épicéa, au bouleau et au pin de montagne. Même en Laponie, dans le bassin de la Tana, rivière la plus septentrionale de l’Europe, au-delà du 70e parallèle, il forme encore des arbres propres à la construction des maisons ; mais, à cela près, il prend les formes les plus différentes, depuis l’arbre court, flexueux, branchu, à cime écrasée, si fréquent dans les Alpes, jusqu’au pin de mâture, élancé, droit, soutenu, et terminé par une flèche aiguë ne portant que des rameaux grêles et courts. Ce dernier, toujours exceptionnel, même dans les forêts aptes à le produire, ne se voit plus guère en arbres mûrs, âgés de trois siècles, capables de donner des mâts de premier ordre. C’est un type qui tend à disparaître de l’Europe, où il formait un des beaux tableaux de la nature végétale[3] ; mais on peut voir encore quelques beaux jeunes pins de cette forme en haut de la vallée de la Vésubie, sur le territoire de Saint-Martin Lantosque, au-dessous du cirque de la Madonna di Finestre.

Les meilleures forêts de pin sylvestre que possédait la France sont restées en Alsace-Lorraine. Le plateau central n’en a plus que des lambeaux, comme on en voit dans les gorges de l’Allier, et cependant les monts d’Auvergne pourraient en être couverts. Les Alpes conservent encore quelques gros pins, qui deviennent de jour en jour plus rares dans les espinasses et les pinatelles de la Provence, du Dauphiné et de la Savoie. Dans les Pyrénées, le pin sylvestre n’est représenté le plus souvent qu’à l’état d’arbres disséminés. Cependant au fond du Capsir, dans la plaine des Angles élevée de 1,540 mètres, traversée par l’Aude, alors simple ruisseau, entourée de hauts versans qui l’abritent de toutes parts, la forêt de Mattemal constitue un massif de pin sylvestre à peu près pur. Établi là sur une plate-forme de diluvium faisant terrasse au bord de l’Aude, ce pin donne vers l’âge de deux cents ans des arbres de 0m, 65 de diamètre à la base et 17 mètres de hauteur en bois d’œuvre. Dans ce petit bassin, isolé des plaines de France par les gorges de l’Aude inaccessibles jusqu’à nos jours, les arbres n’ont qu’une faible valeur, mais une grande utilité; ce pays ne peut tirer le bois du dehors, et sans bois il serait inhabitable.

Le pin de montagne commence à se mélanger au pin sylvestre dans la forêt de Mattemal. Aux alentours, il couvre les versans granitiques du Capsir, du Roussillon et de la Cerdagne, tout autour de Mont-Louis. C’est à l’altitude de 2,000 mètres que règne le pin de montagne dans les Alpes comme dans les Pyrénées ; il descend à 400 ou 500 mètres plus bas et s’élève à 400 ou 500 mètres plus haut dans les conditions qui lui sont les plus favorables. Il n’est pas possible de confondre ce pin, dont l’écorce est uniformément grise, avec le pin sylvestre, qui se trahit toujours par quelques parties rouges sur le fût ou au moins à la naissance des branches, et à première vue on le distingue ainsi avec la plus grande facilité. Le pin de montagne est d’ailleurs un autre arbre : droit, en pyramide aiguë, riche en branches menues et courtes, portant un feuillage serré, il forme à Mont-Louis comme à Briançon des forêts épaisses; mais il végète lentement et ne prend que bien rarement de fortes dimensions. Dans les Alpes, on l’appelle suffin, en le subordonnant par son nom même au pin sylvestre qui est le grand pin de la région; un suffin de 0,40 à 0m,50 de gros diamètre est déjà un bel échantillon de l’espèce. On en trouve cependant de plus gros et même quelques-uns de dimensions doubles, particulièrement dans la forêt communale du Liau en Cerdagne.

En bas comme en haut de la station qui lui convient, ce pin se déforme et dégénère. Sur le sol ingrat des déjections torrentielles, où il s’installe souvent au fond des vallées, il buissonne ou se presse en un massif épais de tiges grêles et se soutenant mal; c’est aux arbres de cette forme qu’on a donné le nom de pins mugho. A la limite supérieure de la végétation forestière, et notamment sur le vers nt nord des Alpes suisses, il se couche et rampe au loin sur le sol qu’il couvre assez bien ainsi; de là les noms de zwergkiefer et de legföhre, pin rameux ou couché. Les botanistes l’ont aussi désigné sous le nom de pin à crochets, à cause de l’apophyse des écailles du fruit, qui est fréquemment recourbée vers la base du cône en une sorte de crochet. Ce cône se distingue encore par une teinte luisante, tandis que celui du pin sylvestre est d’un gris mat. Le feuillage du pin de montagne est aussi d’un vert plus sombre que le feuillage grisâtre du pin sylvestre, et cette différence permet de reconnaître à une distance assez grande et parfois même de plusieurs kilomètres la ligne horizontale qui sépare les deux espèces sur un même versant, dans une même pinée formée de sylvestre en bas et de suffin en haut, ce dernier au-dessus de 1,700 mètres par exemple.

D’une importance toute locale, le pin de montagne se retrouve en certains points des Karpathes, dans les monts Sudètes et au Caucase. Il semble très indifférent au sol et se présente sur les terrains les plus divers, mobiles ou rocheux, siliceux ou calcaires, secs ou tourbeux. On le rencontre même, accompagné de bouleaux rachitiques, sur les tourbières des hautes régions; il s’y présente parfois à l’état de curiosité botanique, ainsi dans le Jura, les Hautes-Vosges et les montagnes d’outre-Rhin, au loin des rares centres où il est abondamment répandu.

Le pin cembro, l’arole des Alpes suisses, est appelé aussi auvier en français, ayou en patois, arve en allemand, keder, mais à tort, en Russie, où on lui a donné par confusion le nom du cèdre, étranger à l’Europe. Il porte sûrement d’autres noms encore au-delà des monts Ourals. C’est un arbre sporadique, jeté par bouquets sur les grandes hauteurs et de loin en loin depuis les Alpes de Provence jusqu’au Kamtchatka. Il semble affectionner les recoins obscurs et froids, les lieux les plus reculés, soustraits par la nature à l’action de l’homme et des troupeaux.

En France, le pin cembro ne descend guère au-dessous de 2,000 mètres d’altitude; il se présente surtout dans la zone tranquille, également habitée par les marmottes, qui est comprise entre 2,000 et 2,200 mètres. Il y est le plus souvent disséminé par pieds épars dans le haut des forêts de mélèze et de pin de montagne. Grâce à l’abri protecteur de ces arbres, il a grandi avec le temps; ceux-ci peuvent avoir disparu plus tard, et l’arole, alors isolé à la limite de la végétation arborescente, protège à son tour, en arrière-garde, la forêt qui descend. Quelquefois encore il forme massif; ainsi dans la forêt des Ayes, dont le nom vient de l’ayou même, ce pin est l’essence principale sur 200 à 300 hectares de terrain. Cette petite forêt appartient à la commune de Villars-Saint-Pancrace, près de Briançon. Elle se cache au fond d’une haute vallée, derrière les grandes cimes, sur le promontoire englobé dans la bifurcation de la vallée principale. Clairières par la hache et le pâturage, les auviers ont été partiellement envahis par le mélèze ; les plus gros pins, mesurant 1 mètre de diamètre et comptant sept ou huit siècles, sont tout voisins des chalets de la Torre, où les bestiaux ne montent qu’au 15 juillet et seulement pour cinq semaines.

En Europe, c’est dans la haute vallée de l’Inn, dans l’Engadine et le Tyrol allemand, que le cembro est le plus abondant. On le retrouve à la naissance de quelques vallées des Carpathes, puis dans l’Oural, puis sur l’Altaï, enfin autour de la mer d’Okhotsk.

C’est un bel arbre, dont la hauteur arrive à une quinzaine de mètres. Les branches, très souples, ploient sans se rompre sous le poids de la neige la plus épaisse. Par ses aiguilles molles, quinées, et d’un vert brillant, il ressemble beaucoup au pin du lord Weymouth, répandu dans les jardins ; mais les feuilles sont plus abondantes et agglomérées sur le cembro, la cime arrondie par en haut n’est qu’une masse de feuillage, où aime à se cacher le tétras à queue fourchue. Ce bel oiseau, plus gros qu’un faisan, s’y dérobe aux regards ; même après l’avoir vu pénétrer dans la cime on ne peut l’y découvrir ; aussi ne la quitte-t-il qu’à son gré et ordinairement à l’insu du chasseur.

L’écorce du pin cembro, fraîche et verdâtre pendant la jeunesse de l’arbre et garnie de réservoirs pleins de térébenthine, devient à la longue sèche et d’un gris roux. Les racines nombreuses, étalées autour du pied des vieux cembros, s’étendent au loin en éventail, saillantes à demi et fixant le sol de la manière la plus sûre. Ce sont les terrains frais qui conviennent d’ailleurs à la forêt de cette essence. Les clairières en sont garnies d’airelles ou de rhododendrons servant de remise aux tétras, aux chamois, aux lièvres blancs et aux lagopèdes. L’écureuil et le casse-noix y abondent, picorant les cônes et cassant l’enveloppe solide des graines pour en grignoter l’amande. Les indigènes font aussi la récolte de ces fruits recherchés faute de mieux dans ces froides régions. La graine, à la coque plus dure qu’une noisette, ne germe que deux ans après sa chute et demeure exposée ainsi à toutes les causes de destruction ; le jeune plant reste pendant de longues années faible, grêle et exposé à être foulé par les bestiaux ; aussi la reproduction de ces forêts, une fois qu’elles ont été réduites à un petit nombre d’arbres, est-elle bien compromise. C’est de loin en loin, à l’abri d’une roche ou entre les racines d’un arbre au couvert léger, d’un mélèze par exemple, que se développent par hasard les derniers représentans de l’essence, nous ne la connaîtrions déjà plus en France sans sa grande longévite. En outre des raisons culturales, il y a donc dès aujourd’hui un certain intérêt d’art à conserver nos derniers pins cembros.

Le mélèze est aussi un arbre des régions hyperboréennes. Il forme à lui seul un genre isolé parmi les autres conifères, et il se rapproche même des bois feuillus par la ramification non verticillée et par la faculté qu’il a d’émettre une foule de rameaux épars. Ainsi dans les prairies du Tyrol les mélèzes élagués rez-tronc et en queue de rat, comme des peupliers pyramidaux, se recouvrent comme eux de branches nouvelles tout le long de la tige ; en certaines forêts même l’élagage réitéré par intervalles donne l’affouage proprement dit, le bois de feu, tandis que le corps des arbres n’est exploité que pour les constructions ; cet élagage rend le fût noueux, difforme et y produit la carie.

Comme l’épicéa, le mélèze forme de grandes forêts aux limites de la végétation forestière dans la Russie septentrionale et dans les grandes Alpes. Il ne se plaît qu’en climat sec et sous un ciel pur. Dans les Alpes, c’est surtout le versant italien qui lui appartient ; en Russie, c’est dans le nord-est qu’il est indigène, tandis que l’épicéa se trouve au nord-ouest dans des conditions différentes de climat et de sol. Le mélèze d’Europe a dans le monde quelques congénères dont le plus important est le mélèze d’Amérique, connu sous le nom d’épinette rouge ou de tamarac.

Dans les Alpes françaises, la station de cet arbre est comprise entre 1,200 et 2,400 mètres. C’est sur les versans frais, exposés au nord et à l’est, qu’il est le plus répandu. Sur quelques points encore, on peut voir un haut versant couvert de mélèzes depuis le fond de la vallée jusqu’à la ligne où cesse toute végétation arborescente : au printemps ils développent leur feuillage au moment même où la neige disparaît sur le sol à leur pied, la forêt reverdit graduellement de bas en haut, et il faut parfois un mois entier, de la mi-mai à la mi-juin, pour que tout le massif ait repris sa verdure ; mais alors qu’elle est fraîche et tendre ! Sous les mélèzes s’étend un tapis verdoyant semé de fleurs variées ; sur les arbres le feuillage, du même vert que l’herbe, est orné de fleurs rouges qui formeront les cônes ; dans ces massifs clair-plantés la lumière arrive de toutes parts, pure et gaie. La vie semble légère comme l’air des Alpes et rien n’est comparable au calme de ces hautes régions.

La végétation du mélèze est lente. Après un repos de huit mois elle se réveille pour quatre mois à peine ; l’été d’ailleurs est sec et la chaleur modérée. Les sujets qui gagnent un centimètre de tour par an sont des arbres d’élite : en général il leur faut environ deux siècles pour arriver à 1 mètre 1/2 de circonférence ; mais ils ne sont alors qu’à l’âge moyen. Plus tard l’écorce s’épaissit, la flèche meurt quelquefois ; l’arbre continue néanmoins à grossir. Les mélèzes d’un mètre de diamètre ne sont pas très rares ; c’est dans les parties bien abritées contre le vent, dans les cirques par exemple, qu’il faut les chercher. Il y a quelques années à peine, on trouvait à mi-hauteur, sur le promontoire qui sépare le Guil du torrent de Riou-Vert, un petit plateau caché tout couvert de grands mélèzes; il appartient au village de Saint-Véran, le plus élevé des Alpes. Dans ce recoin d’une étendue d’environ trois hectares, qui forment le Clos Pusset, les tiges avaient en moyenne près d’un mètre de diamètre : c’était un admirable tableau ; mais quelques arbres en ont disparu. C’est d’ailleurs dans le même canton d’Aiguilles, formé par la vallée du Queyras, que se trouve en France la masse la plus importante des forêts de mélèze, comprenant de 5,000 à 6,000 hectares. Cette belle vallée prend naissance au pied du mont Viso et s’ouvre vers l’ouest pour se refermer, sauf un étroit passage, avant de déboucher sur la Durance. Les prairies du fond de la vallée s’étendent à l’altitude de 1,400 mètres : le versant exposé au sud offre de vastes pâturages découverts; sur le versant opposé se trouvent les forêts. Elles appartiennent aux huit communes de la vallée, dont quelques-unes, comme Molines et Rlstolas, ont toutes les habitations construites en bois, pourvues de larges balcons, uniformes, noircies par le temps et d’un aspect sévère.

Le mélèze atteint rarement une hauteur de 30 à 40 mètres; ordinairement il s’arrête à moitié. Il a souvent la tige un peu courbe, fortement conique et portant des branches basses ; sa forme est néanmoins toujours régulière, la forêt en est le plus souvent pure de toute autre essence. Elle se reproduit avec facilité, bien que lentement, toutes les fois que le pâturage n’y met point obstacle ; elle envahit même au loin les champs incultes et les pâtures délaissées; mais, sous l’action constante des troupeaux qui séjournent chaque été dans les régions supérieures, elle descend généralement comme toutes les forêts des Alpes. Dans les Pyrénées, au contraire, les forêts de hêtre et sapin, broutées par en bas, semblent remonter vers les parties inaccessibles. Il est fréquent de trouver dans le haut des forêts de mélèze des arbres morts, parfois depuis plus d’un siècle, autour desquels il n’est plus de jeunesse et qui sont les derniers témoins du massif disparu. Dans la vallée de la Cervieyrette, qui se jette à la Durance au-dessous de Briançon, tout en haut de la Côte-des-Chèvres, forêt du hameau de Terre-rouge, on voyait il y a vingt ans un mélèze énorme et court, entièrement mort et même ayant perdu toute écorce. A 4 ou 5 mètres du sol se trouvait une grosse branche horizontale, et sur cette branche morte vivait un mélèze déjà fort, âgé d’environ quatre-vingts ans, droit et puisant sa nourriture dans le bois en décomposition. Peut-être y est-il encore?

II.

Le bois des pins est composé d’aubier, d’un blanc pâle, et de bois parfait, rose ou jaune, qui en forme le cœur. C’est là un premier fait qui rend très facile la distinction du bois des pins et des sapins, celui de ces derniers présentant une teinte uniforme et blanchâtre. L’aubier des pins est aussi mauvais que le cœur en est bon; chargé de matières azotées, fermentescibles, qui constituent la réserve alimentaire de l’arbre, il est d’ailleurs très pauvre en résine concrète. Celle-ci, accumulée dans le cœur du bois, lui donne une qualité particulière et un aspect caractéristique; sur la coupe longitudinale, les canaux résinifères forment des lignes allongées, jaunes ou brunâtres; sur la tranche, ils ressemblent à de la cire inégalement répartie.

Dans un même pin, la densité de l’aubier peut descendre à 0,4 et celle du bois parfait s’élever à 0,8. En raison d’ailleurs de la résine en excès dans ce dernier, la valeur comme combustible en est alors plus que double de celle de l’aubier. Comme bois d’œuvre, la différence est bien autre; il durera souvent plus d’un siècle, tandis que l’aubier peut être passé, vermoulu ou pourri au bout d’un an. C’est donc le bois parfait qui fait la valeur du pin; mais l’aubier reste toujours fort épais, prenant 6, 8, 10 centimètres sur le rayon. Il en résulte qu’un pin de faible diamètre n’est guère que de l’aubier, qu’une tige de grosseur moyenne n’a que moitié de son volume en bois parfait et qu’il faut de très gros arbres pour faire des pièces de charpente purgées d’aubier.

Le pin sylvestre, si abondant en Europe, est aussi variable par la qualité que par la forme et peut servir aux emplois les pins différens. Mesurant 1, 2, 3, 4 décimètres de diamètre, il ne donne que des perches, des poteaux, des traverses, des charpentes ou des sciages principalement formés d’aubier et bien inférieurs aux pièces en sapin; mais, dès que le bois parfait est devenu prédominant, le pin sylvestre fournit du bois d’œuvre dont on peut distraire l’aubier et dont la proportion s’accroît rapidement avec le diamètre de l’arbre; enfin, dans les conditions de sol et de climat qui lui conviennent, il élabore un bois exceptionnellement utile par la force, l’élasticité et la durée. Le pin du nord fait incontestablement les meilleures mâtures; il fournit des mâts de première grandeur qui, sous les plus grands efforts, cèdent en ployant, puis se redressent en fouettant au lieu de se rompre ou de se déformer, et qui peuvent durer de soixante à cent ans tandis que les mâts en sapin sont hors de service après un voyage sous les tropiques. Les grandes poutres en bois rouge sont excellentes pour la construction des ponts, l’établissement des jetées et pour les travaux hydrauliques. Débité à la scie, le cœur de pin fournit des madriers de choix pour le revêtement des navires et des planches admirables pour les parquets ; cependant ces sciages, plus légers que ceux de chêne, résistent moins bien à l’écrasement. Ce pin donne aussi des bois de fente qu’on peut obtenir en lames extrêmement minces, souples et résistantes, quand il est à grain fin; il se comporte alors parmi les bois comme l’acier parmi les fers.

Le pin sylvestre de très bonne qualité a des couches annuelles minces, régulières, dont la zone externe, de teinte foncée, est fortement incrustée de résine; il est en outre d’un beau rose et il a un reflet lustré. Dans toutes les espèces de pin riches en résine, telles que le laricio, le maritime et quelques exotiques, le bon bois se distingue par une couleur franche : de là les noms de bois rouge, de red pine, de yellow pine, qui servent souvent à les désigner en les caractérisant[4]. Au contraire, les bois de pin blanchâtres, légers, à peine résineux, sont de mauvaise qualité ou tout au moins dépourvus de force et de durée; il en est souvent ainsi des pins de la Suède septentrionale et de ceux du Canada.

Le pin d’Alep ne s’emploie guère en France qu’à l’état d’aubier; le cœur, s’il n’y fait pas défaut, se trouve ordinairement représenté par du bois gras, surchargé de résine brune, sans qualité. Certaines espèces, comme le pin de montagne, ont fort peu de résine concrète et fournissent simplement du bois de menuiserie. Quelques-unes même ont un bois homogène et léger, doux au couteau, mais sans nerf; ainsi le cembro, qui donne aux populations de l’Inn la matière première des madones et des jouets sculptés.

Les diverses espèces de pins ont donc du bois de nature extrêmement différente, et malheureusement les arbres de mauvaise qualité ou de dimensions assez faibles pour entraîner l’emploi de l’aubier forment la masse des bois de pin, même dans les espèces d’élite. On les utilise néanmoins à certains emplois, après les avoir injectés d’un corps antiseptique, tel que la créosote ou le sulfate de cuivre. Les chemins de fer du midi de la France et ceux du nord de l’Espagne ont ainsi des traverses en pin maritime : celles-ci s’écrasent et durent peu; l’aubier injecté est au bois rouge à peu près ce que le hêtre est au chêne.

Comme combustible, le bois des pins est préférable aux autres bois résineux ; néanmoins il reste inférieur au chêne, au hêtre, au charme et aux autres feuillus à bois lourd. Dans l’état où on le brille, généralement constitué par de l’aubier pour la plus grande part, le pin sylvestre vaut environ les trois quarts du hêtre.

Le prix des bois de pin varie nécessairement sans limites, comme la qualité. Peut-être trouverait-on sur le même marché, dans certains ports, du pin sylvestre en perches à 10 ou 15 francs le mètre cube et en mâts à 200 ou 300 francs. Nous ne connaissons aucun moyen de classer les pins sylvestres d’après le prix, et il est probable qu’il n’y en a pas. Le bois en est plus ou moins apprécié suivant qu’il est plus ou moins en usage dans une région et indépendamment de tout autre fait positif. Ainsi on en fait grand cas dans l’Allemagne du nord et on le prise peu en France. Dans l’intérieur de la Russie, où l’on a chêne et pin, le prix de ce dernier est environ les deux tiers de celui du chêne.

Les pins livrent encore un autre produit que le bois. Tous laissent exsuder de leurs plaies la térébenthine, dont on extrait l’essence et la résine ; tous abandonnent par la carbonisation du goudron et du brai. Dans la plupart des espèces, ce ne sont là que des produits secondaires ; cependant le pin maritime en Europe et le pin austral en Amérique ont le privilège de fournir des produits résineux de premier ordre par l’abondance et la qualité.

À partir de l’âge de trente ans, l’arbre d’or des landes de Gascogne donne chaque année sa récolte, qui découle pendant tout l’été d’une entaille faite au tronc. Cette quarre, large de 0m, 10, constamment rafraîchie et allongée jusqu’à prendre 2 pieds de hauteur en une année, peut s’élever à 10 pieds en cinq ans ; elle laisse écouler annuellement 2, 3, 4 litres de térébenthine. De nouvelles quarres succèdent à la première sur les diverses faces du tronc, et la récolte continue jusqu’à l’âge de soixante ans, ou plutôt jusqu’à la mort de l’arbre. On rencontre quelquefois de gros et vieux pins portant une foule de quarres ; il arrive même que les ourles, bourrelets intermédiaires, se soulèvent en découvrant d’anciennes quarres et forment alors au tronc un revêtement tailladé.

Le produit moyen de la pignada, entre la Gironde et l’Adour, est d’une barrique de gemme à l’hectare, 336 litres, d’une valeur ordinaire de 75 francs. Il en résulte un revenu moyen de 50 francs pour le propriétaire et un salaire de 25 francs pour le résinier. La forêt de pin maritime étant en rapport pendant la moitié de sa durée, la résine ajoute ainsi un rendement annuel moyen de 25 francs par hectare à la valeur du bois, non compris les salaires. C’est un vrai trésor pour ce pays, misérable et insalubre il y a cinquante ans, prospère depuis que la culture du pin maritime a été substituée au pâturage sur la lande rase.

Les menus produits des pineraies consistent principalement dans le pâturage et le soutrage. Le premier permet d’entretenir un peu de bétail, le second n’est autre chose que la récolte des arbustes croissant en sous-bois et des feuilles mortes gisant sur le sol; il procure des litières et de l’engrais. Ces produits ont une utilité variable, mais toujours secondaire, et dans une administration bien entendue il convient de les subordonner à la production ligneuse.

Le mélèze est le meilleur bois des hautes régions. Parmi les résineux, il se distingue par la force, comme le chêne parmi les feuillus; il résiste comme lui à la rupture, à la pression, aux chocs et aux actions mécaniques en général. Le mélèze des Alpes a une densité de 0,65, supérieure à la densité ordinaire des pins. Imprégné d’une résine abondante, il est en quelque sorte inaltérable ; il dure en effet des siècles, soit à l’abri dans les constructions, soit même au soleil et à la pluie. Quand on a démoli auprès de Briançon l’ancien fort des Salettes, qui était construit depuis cent dix ans, on en a trouvé les bois aussi bien conservés et aussi beaux que lors de la mise en œuvre. Certains chalets portent sur des poutrelles des millésimes qui les font remonter à huit ou neuf cents ans. On a retiré de la Mer du Nord, sur les côtes de la Russie septentrionale, un navire construit en mélèze, submergé depuis plus de mille ans et qui avait conservé du bois sain, résistant aux meilleurs outils. Enfin, en certains cantons élevés où la forêt n’existe plus depuis un temps immémorial, on trouve encore des souches, des troncs de mélèze en bon bois, voire même quelquefois un fut desséché, qui reste isolé, solide sur ses fortes racines et bravant la tourmente. Les mélèzes qui durent ainsi se sont développés lentement. Dans les cantons les plus reculés on en rencontre des sujets âgés de cinq siècles; mais ils disparaissent d’année en année. Cultivé à de basses altitudes, cet arbre croît vite, dépérit à un âge peu avancé et ne donne qu’un bois de qualité relativement faible; cependant, en raison de la rapidité de la croissance sous un climat tempéré, on peut avoir intérêt à le planter dans les sols frais des régions moyennes.

Le bois du mélèze des Alpes est d’une belle couleur rouge. Sous une écorce extrêmement épaisse il n’a qu’un aubier mince, réduit quelquefois à un seul centimètre d’épaisseur : c’est là une grande supériorité du mélèze sur le pin ; mais le bois n’en est pas flexible comme celui des pins, il conviendrait peu dès lors à la mâture, exposé qu’il serait à se rompre. C’est avant tout un excellent bois de charpente; il fait aussi de beaux et bons sciages. Il est des plus aptes à la construction des wagons de chemins de fer dont il peut former toutes les parties droites, tandis que le noyer des vallées, aussi malléable que le mélèze est rigide, forme les parties cintrées. Dans les usines et les travaux hydrauliques, le mélèze est un des meilleurs bois à employer. Il a souvent beaucoup de petits nœuds, sains et solides; c’est un inconvénient pour la fente. Cependant on en fait du merrain pris dans les fûts le mieux filés; les tonneaux donnent bien au vin un petit goût de résine pendant un ou deux ans, mais ensuite ils se comportent parfaitement et durent des centaines d’années. La plupart des futailles des Hautes-Alpes sont en mélèze; l’usage de ce merrain, naturellement rare, est restreint aux vignobles des vallées profondes dominés par les forêts.

Les bois des Alpes sont généralement consommés sur place, et il ne s’en fait pour ainsi dire aucun commerce. Provenant en immense majorité de forêts communales, ils sont presque tous délivrés aux habitans à titre à pou près gratuit. Aussi le prix des bois d’œuvre est-il plutôt nominal ou accidentel que bien réel dans les Alpes françaises. En 1855, un mélèze déraciné dans la forêt de Saint-Chaffrey, vers la naissance du torrent de Sainte-Elisabeth, fut mis en vente par hasard, et par hasard encore il était désiré par deux personnes, l’entrepreneur des travaux militaires et le propriétaire de la seule usine du pays. C’était un gros arbre, mort en cime depuis longues années et dont la partie sèche avait été brisée par la chute. Ce fût, d’une longueur de 17 mètres, mesurant encore 2 mètres de tour à la cassure, offrait 7 mètres cubes de bois d’œuvre sain. Il fut adjugé à 250 francs, et l’on estimait que le débit et la descente du bois jusqu’à la route de la vallée coûterait pareille somme ; le prix s’éleva donc à 36 francs le mètre cube de bois rond dans la forêt et au double environ sur voitures. Ce n’est là qu’un fait accidentel ; mais ce qui est certain, quant à la valeur intrinsèque du mélèze, c’est qu’à l’emploi il vaut le chêne.

Ce bois est un combustible médiocre. Sous le rapport de la puissance calorifique, il est intermédiaire entre le pin et le hêtre; mais il brûle mal, d’une manière inégale, et il éclate au feu en lançant des parcelles enflammées; aussi lui préfère-t-on les bois feuillus des vallées, même le cerisier. Les ramilles de mélèze brûlées sur l’âtre des chalets font beaucoup de fumée et pétillent vivement en donnant une odeur agréable.

L’écorce jeune sert au tannage des peaux; elle n’est pas riche en tannin comme celle du chêne, mais elle donne une bonne odeur au cuir. La térébenthine de Venise provient du mélèze. On l’extrait en ouvrant à la base de l’arbre, avec une grosse tarière, un trou profond et incliné de bas en haut ; la résine, abondante surtout dans le cœur de l’arbre, s’écoule par cette ouverture. L’opération n’est rémunératrice que sur les arbres déjà gros ; mais elle les appauvrit, en abrège la vie et fait perdre au bois ses meilleures qualités. C’est un petit profit pour une grande perte.

Il n’en est pas de même des produits du pâturage dans les forêts de mélèze. Le massif est naturellement clair, le feuillage léger, le sol frais et enrichi par la dépouille annuelle des arbres, qui se décompose vite. Aussi l’aspect de ces forêts est-il ordinairement celui d’un pré naturel couvert d’arbres. En raison de la lumière vive de ces hautes régions, les herbes y sont parfumées; elles donnent aux animaux domestiques ou sauvages, aux vaches ou aux chamois, une nourriture exquise. Les uns et les autres peuvent y vivre l’été sans trop nuire à la forêt, si le nombre n’en est pas exagéré. Malheureusement les brebis et les pâtres repoussent les chamois vers les cimes et les vaches laitières vers les vallées; ils règnent en maîtres sur les Alpes, dont ils détruisent les forêts et dégradent les montagnes. Cependant un hectare de bon pâturage peut nourrir une vache aussi bien que cinq brebis, et il donne dans le premier cas 50 à 60 francs de revenu, dans le second 15 à 20 seulement. La substitution des vaches aux brebis sur les pâturages alpins offre donc les plus grands avantages; mais les montagnards sont pauvres et habitués au petit bétail; ils manquent souvent et du capital nécessaire pour se procurer des vaches et du savoir-faire qui permet de tirer bon parti du laitage. Ils sont cependant intelligens, laborieux, économes et bons; mais la pauvreté engendre la misère, et celle-ci ruine les Alpes.

Le moment paraît arrivé où il est possible de sortir de cette affreuse situation. Grâce à l’initiative de quelques hommes de cœur des associations pastorales commencent à s’établir dans les Pyrénées et dans les Alpes, à l’instar des fruitières qui enrichissent le Jura par la fabrication des fromages de Gruyère[5]. Ces produits, obtenus du lait de vache et autrement précieux que les fromages de lait de brebis, se conservent, s’exportent et font l’objet d’un grand commerce; ainsi l’arrondissement de Pontarlier en obtient annuellement à lui seul plus de 5 millions de francs. Il était difficile aux habitans des Alpes de pratiquer cette industrie au fond de leurs vallées perdues, à des centaines de kilomètres du Rhône et des grandes voies de transport. Aujourd’hui enfin les chemins de fer ont pénétré dans l’intérieur des montagnes; Digne et Cap sont reliés à la France. Par cela seul la situation économique du pays devient tout autre, et la haute vallée de la Durance peut expédier ses produits à Paris. Dès lors il est permis d’y espérer la création de fruitières nombreuses, dont l’établissement sauverait le pays.


III.

En raison de la situation, les forêts de mélèze et les forêts de pins autres que les pignadas des landes de Gascogne sont peu apparentes et peu connues. Cependant elles occupent une étendue notable de territoire; en forêts spontanées de ces essences, la France possède environ 50,000 hectares de mélèzes dans les hautes vallées des Alpes, et principalement dans les arrondissemens de Briançon, d’Embrun et de Barcelonnette; 20,000 hectares de pins de montagne concentrés presque entièrement autour de Mont-Louis et de Briançon ; 100,000 hectares de pins sylvestres disséminés par petites masses dans la zone moyenne des Alpes, par lambeaux dans la partie méridionale du plateau central et par bouquets dans les Pyrénées; 30,000 hectares de pins laricio en Corse; 100,000 hectares de pins maritimes dans le Marensin, l’ancienne forêt d’Aquitaine, et tout autant dans les Maures, l’Esterel et la Corse; 100,000 hectares de pins d’Alep sur les calcaires de la région méditerranéenne, à l’est du Rhône; enfin quelques cembros et piniers épars, échantillons de ces deux belles espèces. C’est un total de 500,000 hectares auxquels viennent s’ajouter 600,000 hectares de pineraies créées de main d’homme, tant en pin maritime entre le Mans et Bayonne qu’en pin sylvestre dans la France centrale et septentrionale.

Ainsi nos pineraies couvrent une surface qui dépasse 1 million d’hectares et dont un dixième appartient à l’état, trois dixièmes aux communes et six aux particuliers; mais la plupart d’entre elles sont jeunes ou appauvries par des dévastations de toute espèce, et on ne peut en tirer actuellement que des bois d’œuvre de dernier ordre par les dimensions et la qualité. La conservation et l’exploitation de ces forêts réclament donc des soins dont les plus importans se rapportent à la défense, au traitement et au pâturage.

La défense la plus nécessaire aux forêts est celle qui résulte d’une clôture, fossé ou mur, difficile à franchir, première garantie de la conservation des bois partout où l’homme et les bestiaux accèdent; mais dans les Alpes les limites mêmes sont indécises et le plus souvent on ne sait pas où finit le pâturage, où commence la forêt; celle-ci, comme une armée dont les ailes ont été dispersées, est compromise de toutes parts. Dans les montagnes à pente rapide, si l’établissement d’un mur ou d’un fossé n’est pas toujours praticable, il est possible de le remplacer par une clôture suédoise faite avec des perches inclinées et supportées au gros bout par des piquets disposés en croix de Saint-André. En tout cas, il est indispensable de fixer les limites d’une manière certaine, au moins par un cordon de pierres ou une banquette de gazons. Une forêt bien close et mise en ban pendant trente années seulement se retrouve ensuite bien peuplée, souvent même riche; le sol en est meuble, les massifs pleins, la végétation développée; chaque goutte de pluie et chaque rayon de soleil ont travaillé à l’améliorer et à l’enrichir. C’est ainsi que se rétablissent les forêts dans les contrées dépeuplées par la guerre, comme il arriva il y a trois siècles dans les confins militaires de l’Autriche, après les guerres des Turcs. Au contraire, un bois mal gardé et constamment fréquenté s’appauvrit avec les années; le terrain en est battu, les jeunes plants font défaut, les arbres subissent des altérations de tout genre, et bientôt, les forces naturelles réparatrices s’affaiblissant, la dégradation devient progressive. La pire destinée des forêts, c’est de passer à l’état de places publiques ou pour l’homme ou pour les animaux qu’il entretient, et le mal est rapide surtout dans les bois résineux, car ils ne se reproduisent point par rejets de souches.

Le traitement des forêts de pins ou de mélèze est tout autre que celui des sapinières. Il doit consister principalement dans des éclaircies, nécessaires au développement des arbres, donnant par elles-mêmes des produits considérables, procurant d’autre part divers résultats précieux. Ces essences se trouvent mal de l’état de massif serré ; à hauteur égale, des pins aux cimes pressées dépérissent dès le jeune âge, dès qu’ils ont une force acquise assez grande pour qu’entre eux la lutte se prolonge. Les pins sont des arbres de lumière, et à ce point de vue on peut même les ranger dans l’ordre indiqué par la légèreté relative du couvert qu’ils donnent au sol, en commençant par le pin d’Alep, le plus avide des rayons du soleil, puis par le maritime à la cime échevelée, en finissant par le pin de montagne et le cembro. On ne voit pas les sujets de ces essences former, comme les sapins, des massifs étages; les pins dominés dépérissent ou s’étiolent complètement.

L’étude du pin sylvestre, qui a des exigences moyennes, permet de se rendre compte des faits. Dans les massifs créés par la nature, formés de tiges d’âges différens et jetées au hasard sur le terrain, les pins sylvestres d’avenir apparaissent dès les premières années; ils dépassent les voisins, se garnissent de branches et prennent un gros pied. Ce n’est que quand ces belles tiges, élargissant leurs cimes, forment massif entre elles, que l’éclaircie devient vraiment utile; mais alors ce sont déjà de vraies perches, d’une trentaine d’années. Les sujets dominés ont joué leur rôle, qui était d’accélérer l’élagage naturel et de couvrir le sol : on peut disposer du bois qu’ils ont produit; il faut en outre desserrer les cimes qui se gênent à l’étage supérieur, et c’est là l’essentiel. De trente à quarante ans l’éclaircie sera répétée trois fois, par exemple tous les cinq ans; de la sorte on pourra chaque fois desserrer fortement, mais partiellement, les sujets d’élite en maintenant toujours l’état de massif nécessaire. Dans les forêts de plaine il n’est pas rare que ces premières éclaircies donnent en somme 50 à 60 mètres cubes de bois par hectare, produits divers dont la valeur peut s’élever en France jusqu’à un millier de francs. Dans les pineraies créées de main d’homme, par semis surtout, l’état serré et l’uniformité du jeune massif exigent des éclaircies plus hâtives, plus difficiles, des dépressages réitérés, indispensables, mais souvent dangereux pour les tiges effilées du gaulis.

A partir de l’âge de quarante ans, le perchis de pin, réduit peut-être à un millier de tiges d’un volume de 200 mètres cubes à l’hectare, entre dans une phase nouvelle. Jusqu’alors le bois produit n’était que de l’aubier; dorénavant il se forme chaque année du bois parfait. L’épaisseur de l’accroissement annuel des arbres et la production du massif diminuent ; le feuillage se raréfie, le sol se dessèche ou se laisse envahir par une végétation inférieure. Le traitement à pratiquer dès lors varie suivant les cas. Si les pineraies sont destinées à produire de gros arbres, comme elles doivent l’être en général dans nos montagnes, les éclaircies seront continuées hardiment et répétées fréquemment; elles pourront donner en somme autant de bois que les produits principaux du massif exploité à l’âge de cent vingt, cent cinquante ou cent quatre-vingts ans. Elles devront respecter la végétation arbustive ou arborescente, très diverse avec les régions, qui se produira sous les pins; celle-ci couvre le sol, y maintient la fraîcheur et attire les oiseaux qui font la guerre aux insectes, les plus grands ennemis des pins.

Au cas où la pineraie n’est que transitoire, ayant pour objet principal de reconquérir le sol à la forêt, de le rendre à des essences plus précieuses, chêne, hêtre ou sapin, les éclaircies favoriseront le retour de ces essences en sous-étage à l’abri protecteur des pins. Les graines apportées par le vent, par les oiseaux ou semées par l’homme, trouveront là un milieu favorable au premier développement. Puis, le semis de chêne ou de sapin une fois complet, les éclaircies isoleront entièrement les pins et enfin les enlèveront, suivant le besoin de la forêt reconstituée, rapidement sur des chênes, insensiblement sur des sapins. Tel est, en beaucoup de cas, le plus sûr moyen de rétablir les forêts détruites, à peu de frais, aussi rapidement que possible, en obtenant d’abondans produits. Il en est ainsi à Fontainebleau et à Ermenonville. Dans cette dernière forêt, où les exploitations en taillis et les lapins ont fait disparaître le chêne sur de grandes étendues, les pins sylvestres présentent à l’âge de cinquante ans, sur chaque hectare, huit cents tiges d’une valeur de 5,000 francs.

Quand le résultat cherché à l’aide des plantations de pins est simplement de mettre le sol en valeur, on peut être conduit, en vue du placement des capitaux, à exploiter à un âge peu avancé pour livrer ensuite le sol à la culture agricole ou même pour y produire à nouveau du pin. Au premier cas, il convient d’exploiter au plus tard vers l’âge de quarante ans, quand le terrain se trouve enrichi par d’abondans détritus. Au second, l’exploitation hâtive est rarement à conseiller, et le maintien des pins jusqu’à l’âge de fertilité assure généralement les revenus les plus avantageux et la reproduction naturelle des bois. L’un et l’autre cas se présentent en Sologne pour le pin sylvestre, en Champagne où, sur la craie, il paraît convenable de préférer le pin noir d’Autriche au pin sylvestre, et en beaucoup d’autres mauvais terrains.

L’état de massif permet seul d’obtenir toute la production possible du sol et de former les fûts par l’élagage naturel, qui a lieu peu à peu et sans dommage, tandis que tout enlèvement de branches vivantes est nuisible. Cependant le pin maritime donne lieu à une exception, motivée par le résinage. Entièrement uniformes et très denses, les jeunes pignadas provenant de semis artificiels doivent être éclaircies de très bonne heure, dès l’âge de six ou huit ans, fréquemment, tous les cinq ou six ans, et de plus en plus fort jusqu’à vingt ans, de manière à ne conserver à cet âge que six à sept cents tiges à l’hectare. Ensuite on commence à résiner sans aucun ménagement, avec plusieurs quarres, à mort, les pins destinés à disparaître quatre ans plus tard dans la prochaine éclaircie, deux cents tiges par exemple ; à vingt-cinq ans on répète cette opération, et à trente ans enfin, les arbres ayant la plupart 0m, 30 de diamètre, on ne laisse plus que 250 à 300 pieds par hectare, et on entreprend le résinage à vie. Le nombre des tiges se réduira encore et successivement à deux cents et même à cent cinquante vers l’âge de soixante à quatre-vingts ans, âge auquel on renouvelle la pignada. Ce n’est pas le nombre des tiges qui importe, c’est l’état isolé de chacune d’elles, tel que le soleil en éclaire la cime de toutes parts. Mais dès que les tiges sont isolées, les pins jouissent de tous les bienfaits de la lumière, et rien ne sert de les espacer de 10 mètres, comme on le fait souvent ; c’est diminuer le nombre des arbres sans accroître le rendement de chacun d’eux. En opérant les premières éclaircies, il est bon d’élaguer les branches basses des tiges conservées ; on prévient ainsi les nœuds qui se trouveraient sur le fût à résiner : l’entaille des quarres et l’écoulement de la résine se font plus facilement sur les couches de bois continues, qui plus tard ont recouvert la plaie d’élagage. Mais il est inutile et regrettable d’élaguer plus que la hauteur nécessaire aux quarres, qui est de 3 à 4 mètres. Le résinage même comporterait plus de modération qu’on n’en met d’ordinaire ; une quarre large de 0m, 08 seulement au lieu de 0m, 10 et un repos d’une année après quatre ans de résinage assureraient aux pins une vigueur, une richesse en résine et une longévité qu’on leur enlève en les épuisant. C’est là, quoi qu’il en soit, une sylviculture à vrai dire artificielle, et les forêts destinées surtout à produire du bois réclament de tout autres soins.

Dans les montagnes des Maures et de l’Esterel, si souvent dévastées par l’incendie qu’on les a désignées sous le nom de région du feu, le pin maritime est le précurseur du chêne-liège. Celui-ci formant l’essence précieuse à tous égards, le traitement du pin doit surtout avoir en vue le chêne. Éclaircir fortement les pins pour que les lièges se produisent en dessous d’eux, enlever en jardinant tous ceux qui dominent des chênes, débroussailler le sol de manière à prévenir les ravages du feu et substituer ainsi graduellement le liège au pin maritime, tels sont les soins principaux qu’exigent ces forêts, riches d’avenir. On voit combien d’une contrée à l’autre, dans notre France, le traitement des pins diffère par le but et les moyens.

La culture du mélèze est très simple. Les semis naturels de cette essence, irréguliers, souvent clair-semés, se trouvent sur certains points très serrés. Ce dernier état est dangereux; la neige, au lieu de couler à terre entre les tiges, peut alors s’accumuler sur le jeune massif et par son poids l’écraser tout d’une pièce. Il convient donc de desserrer de bonne heure les jeunes mélèzes et de les maintenir toujours en massif un peu clair. Dès l’âge de quarante ans, les perchis recouvrent une prairie productive, les jeunes arbres sont alors assez forts pour se défendre contre les bestiaux; le moment est venu de rendre à ceux-ci un terrain qui donnera tout à la fois de l’herbe et du bois. Le bois communal de Puy-Saint-Pierre, futaie de mélèze pur faisant partie des vertes forêts qui dominent la rive droite de la Guisanne jusqu’aux approches du col du Lautaret, nourrit pendant l’été les deux cents vaches du village, une par hectare. C’est pour la commune une ressource des plus précieuses et aussi indispensable que le bois. La forêt, qui conserve le sol, et le pâturage, qui permet d’en obtenir des produits immédiats, sont là en corrélation nécessaire; le traitement en est facile quand le mélèze est seul et qu’il forme un massif continu.

Il n’en est pas toujours ainsi. Au milieu des âpres rochers du Briançonnais, entre la Durance et le Pelvoux, s’élève un contre-fort séparant les deux vallées secondaires de Largentière et de Vallouise. C’est une des plus intéressantes régions des Alpes; mais, pour la découvrir, il faut monter au plateau d’Oréal, qui en occupe le milieu à l’altitude de 2,000 mètres. Ce plateau, d’une centaine d’hectares, isolé par les deux vallées latérales, forme le centre d’un cirque elliptique de 20 kilomètres de longueur, fermé par des crêtes à 3,000 mètres. En montant des Vigneaux à Oréal on traverse, au pied d’un escarpement gigantesque, des perchis de pins, mélèze et sapin, qui forment un excellent mélange. Au col de la Posierle on voit un perchis de mélèze qui a souffert de l’état serré et qui sépare le massif trop clair des Charbonnières du pré-bois d’Oréal. Ici des mélèzes rares, de toutes dimensions, presque enfouis l’hiver dans la neige, sont les débris de la forêt qui couvrait le plateau. De la tête d’Oréal on embrasse un merveilleux spectacle : vers le nord, des vignes et des pineraies dominées par les calcaires jaunâtres de la crête des Tenailles, découpée de la façon la plus bizarre ; à l’est, la vallée de la Durance fermée en aval par le fort de Mont-Dauphin, en amont, par ceux de Briançon ; au centre, par le grand Puy des Aiguillons, qui porte encore sur son sommet, à 2,500 mètres, le corps droit d’un mélèze mort ; au sud, le versant nord de la crête de Dormillouse, sombre, formé de grès schisteux en escalier abrupt, et montrant suspendus à mi-hauteur des sapins, des cembros, des mélèzes ; à l’ouest enfin, le massif granitique du Pelvoux, surmonté des Écrins à 4,100 mètres et étalant au soleil le glacier du Pré-de-Madame-Carl. Pour bien se rendre compte de la région et des ressources qu’elle possède, il est nécessaire de faire au large le tour extérieur du plateau d’Oréal ; on y trouve les plus belles fleurs des Alpes, comme le lis orangé, on y rencontre les oiseaux rares du pays, bartavelles et tétras à queue fourchue, souvent même quelques chamois, et l’on descend par le torrent du Fournel et les mines de plomb de Largentière. Trois mille hectares de forêts et toutes les essences de nos montagnes, sauf le hêtre, enrichissent encore le cirque d’Oréal. Là, comme dans presque toutes les forêts des hautes régions, la question à résoudre est d’exploiter le bois et l’herbe en conservant les forêts et le sol.

Le jardinage ou l’exploitation des tiges prises une à une dans le massif ne convient pas à des arbres avides de lumière, comme les pins ou le mélèze. Cependant il serait impossible, sans courir à la ruine de la forêt, d’exploiter d’ensemble les bois d’une surface un peu grande sur des pentes très rapides ou vers la limite supérieure de la végétation. Le jardinage des pins et du mélèze doit se réduire alors : dans les forêts de protection, à l’enlèvement des seuls arbres dépérissans ; dans les autres, à des coupes fractionnées par petites trouées. En enlevant plusieurs arbres à la fois sur un même point, de manière à découvrir deux ou trois ares de terrain, on peut assurer la reproduction des pins de la même manière que le jardinage le fait pour les sapins.

Mais les exploitations disséminées provoquent le semis partout et ont par suite l’inconvénient majeur de rendre le pâturage impossible ou désastreux. C’est une nouvelle et puissante raison qui recommande dans ces forêts le mode des éclaircies partout où il est possible d’obtenir des massifs continus. Dans les hautes montagnes il convient de n’exploiter les bois sur un même point que très rarement, tous les cent cinquante ou deux cents ans par exemple. Dès lors la mode des éclaircies permet de concentrer les coupes principales pendant une longue période dans un canton, sur une partie de la forêt, le quart peut-être, en ouvrant au pâturage les trois autres quarts de l’étendue. Le canton mis en défends sera parcouru d’abord par des coupes qui enlèveront environ la moitié des arbres formant le massif: le terrain, s’il est réellement soustrait au pâturage, se garnira bientôt de semis; quand le recrû sera bien apparent, après une dizaine d’années par exemple, il y aura lieu d’enlever encore une moitié des vieux arbres conservés, une moitié seulement, de manière à réduire dans la mesure nécessaire les dégâts de l’exploitation. Les arbres restant ensuite, largement espacés, pourront être maintenus encore quelque temps sans dommage appréciable et souvent avec profit. Telles sont les conditions principales de l’exploitation des pins en montagne.

En plaine, c’est là aussi ce qu’il y a ordinairement de mieux à faire. On obtient ainsi la reproduction tout à la fois naturelle et gratuite ; le premier point est le plus important. Il y a parfois à prendre quelques soins particuliers. Le sol tassé, acide ou envahi par la bruyère, se présente-t-il en état peu favorable à la germination? L’extraction des souches et une légère culture superficielle et partielle suffiront à procurer le semis immédiat. Il y a mieux encore: la couverture du sol, aiguilles, feuilles mortes, végétaux sous-ligneux, recherchée par les populations riveraines, peut être enlevée au râteau avant la première coupe. Cette récolte a même une certaine valeur; ainsi dans les environs de Haguenau elle a été payée jusqu’à 100 francs par hectare; elle suffit d’ailleurs à modifier convenablement l’état du sol. Quand les pins se trouvent mélangés d’essences précieuses par elles-mêmes, chêne, liège, épicéa ou sapin, c’est aux exigences de celles-ci que les exploitations doivent s’adapter. La reproduction de l’arbre à tempérament robuste et à croissance rapide, pin ou autre, a lieu d’une manière suffisante entre les jeunes semis de chêne ou de sapin.

Les coupes blanches portant sur de grandes surfaces n’ont donné nulle part de très bons résultats, bien que la graine des pins soit ailée. A la suite de ces coupes, le semis se montre rarement complet, ou bien il se fait attendre de longues années, ou enfin il donne une forêt mal constituée, dépourvue des essences utiles en mélange, formée souvent d’arbres isolés ou épars. En Russie, les difficultés de la gestion avaient conduit à exploiter à blanc estoc les immenses pineraies des plaines centrales; on a été forcé d’y renoncer malgré des combinaisons bien entendues dans l’assiette des coupes longues et éloignées l’une de l’autre.

Il est facile de reconstituer les forêts de pin par voie artificielle, semis ou plantation; mais il est fort difficile de créer ainsi une bonne forêt, et présentant toutes les conditions de prospérité que réunit le semis naturel. En tout cas, le travail et la dépense sont alors bien supérieurs aux soins et aux frais que peut entraîner la régénération naturelle.

Quoi qu’il en soit du mode de traitement, une condition est nécessaire à la conservation comme à la reproduction de ces forêts précieuses à tant d’égards, par le bois, par la résine, par l’herbe et par les feuilles, par la fixation et l’amélioration du sol, par l’abri et la protection des cultures et des habitations ; c’est l’interdiction absolue du pâturage des moutons et des chèvres. Le parcours des vaches et des chevaux peut se concilier dans une large mesure avec l’existence des bois ; il n’en est pas de même de celui des bêtes ovines. Dans telle forêt ouverte aux moutons, on coupe un certain nombre d’arbres chaque année, et il ne se reproduit pas un jeune brin ; l’époque à laquelle le dernier arbre aura disparu est par là même déterminée. Ailleurs la ruine est complète : la commune de Contes (Alpes-Maritimes), qui en 1838 vendait encore un lot de 4,402 pins, ne possède plus aujourd’hui un seul hectare de terrain boisé. Ce n’est pas tout encore ; après le bois les moutons usent l’herbe, mettent la terre à nu et l’affouillent du pied ; les eaux l’entraînent alors, laissant enfin à découvert le squelette rocheux de la montagne. C’est ainsi qu’ont disparu les magnifiques forêts de la Phénicie et de la Palestine, de la Grèce et de l’Italie, de l’Espagne et même de la France méditerranéenne[6], contrées où la nature semblait avoir réuni toutes les richesses de la végétation pour en faire le berceau de la civilisation chrétienne. Le fer et le feu ne sont rien en comparaison du mouton ; après eux les bois se reproduisent, après lui la terre est morte. De Madrid à Jérusalem, l’histoire et la géographie répètent : Forêts livrées aux moutons, forêts détruites ; montagnes sans bois, montagnes sans vie. Souvent, il est vrai, la nature met le remède à côté du mal quand celui-ci n’est point irréparable. C’est ainsi que les pins et le mélèze semblent tout spécialement destinés, parmi les grands arbres de l’Europe, à la restauration de ses montagnes.


CH. BROILLIARD.

  1. Sur les sapins, ainsi que sur les chênes, le bourgeon développe immédiatement ses feuilles; sur les pins il n’en est de même que la première année, pour le bourgeon contenu dans la graine et qui émet des feuilles solitaires. Dès lors, les gros bourgeons des pins s’allongent au printemps en se recouvrant de petits mamelons blanchâtres, qui ne sont autres que des bourgeons de seconde génération ou de prompts bourgeons. Ceux-ci ne s’accroissent pas; ils développent seulement deux, trois ou cinq feuilles terminales engainées, entre lesquelles un point vital persiste, conservant la faculté de se ranimer et d’émettre de nouvelles feuilles en certains cas accidentels.
  2. MM. Fliche et Grandeau ont établi les faits qui excluent le pin maritime des sols calcaires. Il y absorbe un excès de chaux, qui a pour conséquence une énorme diminution du fer et surtout de la potasse dans les organes axiles; de là résulte un déficit considérable dans la production d’amidon et, par suite, de térébenthine.
  3. Le canton de Pustelnik, du domaine de Lopatyn, entre Zolkiew et Brody (Galicie), est, dit-on, la plus belle pineraie de l’Europe. Sur de grandes surfaces, il porte à l’hectare une centaine de pins sylvestres de 0m,80 à 0m,50 de diamètre et de 45 à 50 mètres de hauteur.
  4. Le pin austral ou des Florides forme, comme le pin sylvestre de Riga, un type parfait de bois de mâture. Il s’en trouve encore de beaux représentans datant de trois siècles dans la forêt du colonel Stewart, située à trente milles environ à l’est de Mobile et renfermant d’ailleurs des matériaux de construction de premier ordre.
  5. Le lait vaut 20 cent, le litre à la fruitière; dans les Alpes, il ne vaut pas moitié.
  6. La région désolée des Corbières comprend 200,000 hectares de terrain entre Carcassonne, Quillao, Narbonne et Perpignan. L’éducation des bêtes à laine en est la principale industrie, et les bois de toute espèce y sont voués à la destruction. Rien n’attriste la vue comme ces montagnes dénudées, ébouleuses, où s’épanouissent d’innombrables ravins. Elles n’ont plus que 17 habitans par kilomètre carré ; sous le climat fécond des Pyrénées-Orientales, en pleine France, c’est là un vrai désert.