Le second livre des Sonnets pour Hélène/Amour seul artisan
Apparence
XXXIII
Amour seul artizan de mes propres mal-heurs,
Contre qui sans repos au combat je m’essaye,
M’a fait dedans le cœur une mauvaise playe.
Laquelle en lieu de sang ne verse que des pleurs.
Le meschant m’a fait pis, choisissant les meilleurs
De ses traits, ja trempez aux veines de mon faye :
La langue m’a navrée, à fin que je bégaye
En lieu de raconter à chacun mes douleurs.
Phebus, qui sur Parnasse aux Muses sers de guide,
Pren l’arc, revenge moy contre mon homicide :
J’ay la langue et le cœur percez t’ayant suivy.
Voy comme l’un et l’autre en bégayant me saigne.
Phebus, dés le berceau j’ai suivy ton enseigne,
Conserve les outils qui t’ont si bien seni.