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Le secret de Miss Sticker/III

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Chapitre III


L’époux ! ce titre se gravait dans l’esprit de Reine ! L’époux, oh ! oui, il y avait bien quelque chose de ça dans l’impression que lui produisait miss Sticker ! De l’effroi d’abord, puis du trouble et enfin du doute et de l’espoir. Se mettant au lit, elle se remémorait les détails de leur dernière entrevue. La terrible directrice fut bonne et tendre ! Elle s’émouvait à ses caresses, elle trahissait le charme qu’elle éprouvait à ses petites séductions, et elle ne l’épouvantait plus. Certes, elle ressentit de l’inquiétude le lendemain lorsque Alexandra échappa à la correction qu’elle avait sollicitée pour elle, mais miss Sticker lui adressa un regard voilé qui la rassura en lui apprenant qu’elle la tenait hors de cause. Depuis plus rien, que cette page, page très claire et très nette. Si cependant l’envoi ne provenait pas d’elle, Reine avait déjà trop de la femme pour ne pas deviner que seule la directrice de la maison pouvait employer ce moyen détourné pour annoncer sa future visite. Donc, le lendemain soir, elle recevrait miss Sticker. Une fièvre agitait ses nerfs. Elle se demandait si elle continuerait à se servir de son corps de la même manière, de la manière des chiens, comme elle avait vu faire un chien et une chienne. C’était alors vraiment bien un époux qui se présentait ! Un époux se contentait‑il de ces simples attouchements ? Que non pas. Miss Sticker s’excitait contre ses chairs, et n’osait pas recourir à son offre de la faire jouir. Dans tous les cas, elle, la petite Reine vicieuse, elle jouissait à son contact, et c’était vraiment ce qui l’étonnait le plus. Quoi, miss Grégor, qu’elle aimait et qu’elle désirait, avait beau la lécher, la sucer, elle ne jouissait que rarement. Et miss Sticker, en l’enveloppant de son corps, en se frottant le ventre contre son derrière, en la branlant avec douceur, la faisait jouir trois fois de suite. Le temps paraissait bien long pour arriver à ce soir du lendemain. Si elle risquait une visite à miss Grégor ! Non, non, elle dormirait mal, elle se fatiguerait, et miss Sticker s’apercevrait qu’elle ne répondrait qu’avec peine à son enveloppement ! Oh ! elle y répondrait quand même. Puis, si elle avait trop envie dans la journée, elle appellerait encore Ellen, et elle s’en payerait une bonne sucée. Elle sourit, une idée lui naissait pour donner ses rendez-vous et enlever à Alexandra ses amoureuses. Il y avait une salle où l’on pouvait facilement se cacher, et éviter toute surprise, la salle des conférences ; c’est là qu’elle attirerait celles qui consentiraient à recevoir ses minettes et ses feuilles de roses. Cet espoir la berçant, elle ferma les yeux et rêva bientôt de mille félicités.

À la récréation du déjeuner, celle où l’on pouvait le plus aisément se soustraire à la surveillance, elle commença par observer Alexandra. La fillette, avec un air candide et innocent, marchait, telle une Marguerite de Faust, les yeux sur un livre, paraissant étudier une leçon. Mais, à travers les cils qui se baissaient, sous l’ombre des cheveux rangés à la vierge, les regards se dirigeaient vers telle ou telle grande, et, lorsqu’elle vint s’asseoir sur un banc, près d’une charmille, deux jeunes filles y accoururent bientôt. Elle lisait toujours, tandis qu’elles examinaient des fleurs qui poussaient à côté du banc, mais Reine distinguait parfaitement les lèvres qui s’agitaient, et qui révélaient la conversation. Pas un muscle du visage d’Alexandra ne remuait. Était‑il possible qu’elle, Reine, eût dégourdi cette perversité autrement forte que la sienne, par sa savante dissimulation ! Elle n’y tint plus, il fallait qu’elle l’emportât sur cette dévergondée qui osait se poser en rivale de ses plaisirs ! Comment lui ravir cette clientèle de grandes qu’elle supputait des plus importantes ! Des yeux, elle cherchait Ellen ; elle l’aperçut un peu plus loin, causant avec une jeune fille qu’on surnommait « la beauté de la maison », tant tout était parfait chez elle, une élève qui dépassait dix‑huit ans, et qui aurait déjà dû quitter l’institution depuis les vacances, mais qui y séjournait quelques mois de plus, sans qu’on s’expliquât bien pourquoi, ses classes étant finies, et n’en suivant pas de nouvelles, s’occupant simplement d’arts d’agrément. Cette jeune fille, miss Mauricette de Spenekren, une blonde pâle exquise, écoutait avec beaucoup d’attention les propos d’Ellen. Reine ne recula pas ; elle alla droit au couple, fit un signe des yeux à Ellen, qui répondit oui de la tête, et elle lui dit en passant rapidement à son côté :

— À la salle de conférences.

Sans se retourner, elle s’y dirigea. Aucune difficulté ne pouvait surgir pour l’en empêcher. Les sous‑maîtresses, réduites à la moitié pour la récréation, veillaient surtout sur les deux premières divisions, les plus jeunes et les plus nombreuses, laissant la troisième et la quatrième, en rapports presque constants, depuis que mistress Gertrie aidait sa sœur dans la direction.

La salle de conférences se trouvait située sur un côté peu habité, et s’étendait en longueur, avec des rangées de fauteuils et de chaises, pour se terminer à l’extrémité par un salon isolé et en rotonde, meublé de longs divans, où se reposaient les conférencières qui parfois venaient instruire en divertissant. De hautes tentures entouraient tous les murs de la salle, sauf du côté des fenêtres, et comme on entrait dans cette salle par deux portes situées vis‑à-vis de l’autre, de chaque côté de la chaire placée en face des fauteuils et des chaises, en se réfugiant dans le salon, se sauver en cas de surprise constituait un vrai jeu d’enfant, grâce aux tentures derrière lesquelles on pouvait se dissimuler. Reine avait donc bien trouvé le lieu par excellence pour y vivre ses débauches, et elle y pénétrait à peine qu’elle s’y voyait rejoindre par Ellen et Mauricette.

Elles coururent directement au salon, et là Ellen dit :

— J’ai parlé de toi à Mauricette ; elle veut aussi connaître tes caresses, tu ne les lui refuseras pas.

— Mauricette, oh ! oui, et j’en suis bien heureuse, je vais la faire jouir.

— Petite coquine, petite coquine, murmura Mauricette, tu aimes donc bien ça ?

— Si je l’aime ! Je risquerais tous les jours le fouet et les verges pour me rouler sous des jupes ! Viens, Ellen, que je commence sur toi, afin qu’elle juge.

— Non, commence par elle, moi, je sais ce que c’est, et elle ne le sait pas.

— Vous ne le savez pas, Mauricette ! Oh, je veux que vous en raffoliez ; il n’y a rien de pareil sur cette terre pour celle qui le fait et pour celle qui se laisse faire.

Reine se jeta aux genoux de la jeune fille, lui retroussa les jupes, découvrit un fin pantalon de dentelle, ouvert, mais qu’elle trouva quand même incommode, et qu’elle détacha.

Mauricette, d’un petit rire nerveux, l’encourageait ; elle obéit, comme avait obéi la veille Ellen, lorsque Reine lui donna ses atours à tenir relevés, et serra fortement les cuisses, dès qu’elle sentit la langue de la fillette lui frôler le conin.

— Ah, ah, ah, murmura‑t‑elle, non, je ne puis pas, ça me chatouille trop.

— Mauricette, tu es trop jolie pour me refuser de te sucer, ôte ta main de là.

La jeune fille, dans son émoi, avait porté une main sur ses parties secrètes, pour les dérober aux caresses de Reine. Elle la retira et dit :

— Essaie doucement pour voir.

La langue de Reine s’exerça avec lenteur sur le clitoris, redescendit sur les lèvres sexuelles, mais sitôt qu’elle touchait le conin, Mauricette resserrait les cuisses et suspendait les caresses.

— Dites, proposa Ellen, faisons une chose pour bien nous amuser. Je vais me coucher sur un divan, Mauricette se placera à cheval par‑dessus mon ventre, et toi, Reine, tu lui lécheras le derrière, en même temps que tu me suceras le petit bouton ; nous jouirons ainsi toutes les deux à la fois, et je sucerai aussi tes nénés, Mauricette, puisque tu m’as dit que ça te produisait de l’effet.

— Ton idée est très bonne, et si Reine y consent, je ne demande pas mieux.

Mauricette dégrafa son corsage en souriant et sortit une belle paire de seins, pour une jeune fille de dix‑huit ans, des nichons bien fermes et bien ronds.

— Oh ! s’exclama Reine, tu en as autant et peut-être plus qu’une maîtresse.

Mauricette lui donna une petite tape sur la joue, et répliqua :

— Tu en as vu ?

— Ça se peut.

Ellen, qui avait quitté son pantalon, s’était étendue sur un divan, les jupes ramenées vers le cou ; elle offrait la vue de ses cuisses grasses et pleines, de son conin frais et rosé, très ombragé par son minet, de son ventre et de son nombril ; Mauricette se plaça à cheval sur son ventre, de façon à ce que ses fesses surmontassent bien l’entrecuisse, et à ce que ses seins fussent à portée de sa bouche.

Reine faillit frapper des mains à ce spectacle, qu’elle estima le plus enchanteur de ce globe.

Les fesses de Mauricette, blanches et fortes, sur une fente rosée et bien plantée, laissaient entrevoir le mariage de ses poils avec ceux d’Ellen ; elles se tortillaient, comme pour engager la partie voluptueuse ; Reine se précipita d’abord sur le cul, qu’elle lécha avec une ardeur sans pareille, puis passa au conin d’Ellen, intercalant la langue entre ses chairs et celles de Mauricette ; elle y alla avec une telle vigueur que bientôt elle suivit avec délices les frémissements qui se communiquaient aux deux corps, et que, joignant le travail de ses doigts, elle ne tarda pas à provoquer la divine décharge.

Cette fois, Ellen et Mauricette se tenaient à bras-le‑corps, et se frottaient avec furie leurs sexualités ; Reine, qui léchait où elle pouvait, éprouvait des velléités de leur sauter dessus, et de les fesser tout en les caressant.

— Ne sois pas jalouse, murmura Ellen, tes suçons donnent un tel vertige, qu’on perd l’esprit et qu’on aspirerait à se fondre les unes dans les autres. Jouir, jouir, oh ! jamais je n’eusse supposé une si grande félicité. Je ne pourrai plus m’en passer.

— Que tu parles bien, dit Reine, il faudra quelquefois venir deux ensemble, mais n’en parle pas à Alexandra.

— À cette sale bête ! s’écria Ellen qui se relevait ainsi que Mauricette, pour réparer tant bien que mal leur désordre. N’aie pas peur, elle n’est pas à ta hauteur, ma petite Reine, et si Gio continue à y tenir, avec une ou deux autres, on ne jurera en masse que par toi.

— Eh, eh, dit Mauricette, elle aura son clan de… bonnes amies.

— Elle, et comment est‑ce possible ! répliqua Reine. Moi, je vaux tout le monde, et je ne me fatigue pas.

— Tu ne resteras pas toujours aussi bien disposée sur ce genre de cochonneries, Reine.

— Toujours, Mauricette, et si vous voulez recommencer…

— Non, non, il ne faut pas s’épuiser à ce jeu, et de plus, on peut remarquer notre absence.

— Il y a mille raisons pour l’expliquer.

Revenant à Gio, Reine demanda :

— Alors, Gio ne viendra pas ?

— Elle ne peut lâcher Alexandra, à qui elle en fait voir de toutes les couleurs. Elle l’a obligée à boire une cuillerée de son urine.

— Je lui en boirais deux pour la lui enlever.

— Vilaine sale, ne fais pas ça, crois‑moi, fais jouir, mais sans recourir à l’ordure. Je suis certaine que Gio renouvellera une autre vilaine chose avec Alexandra. Un jour, où elle s’était purgée, elle lui a lancé un pet sur la figure, et Alexandra l’a priée de recommencer.

— Ah ! par exemple, ça non ! Je l’aurais tuée !

— Tu vois bien qu’il y en a que tu pourras lui laisser. Puis, tu sais, toutes ne marchent pas.

— Avec moi, toutes marcheront.

— En voilà une d’amoureuse, Mauricette !

— Cette petite Reine s’emballe ! Dis, avant de nous séparer, essaye encore de me sucer par devant.

De nouveau sur les genoux, et cette fois sans lui retirer son pantalon déjà remis, Reine poussa la langue entre les cuisses de Mauricette, qui supporta mieux le contact. Soudain elle arrêta un doigt inquisiteur de la fillette qui s’égarait, mais pas assez à temps pour que celle-ci ne constatât pas que le petit bijou avait été forcé, et que la virginité n’existait plus.

— Oh, oh, Mauricette ! dit‑elle.

— Lève‑toi de là, répondit Mauricette avec humeur.

— Pourquoi ? C’est un secret entre nous deux.

— Alors, tiens, mange‑moi.

Elle se plaqua à cheval par‑dessus son visage pour mieux recevoir ses minettes, et la laissa lécher quelques secondes, puis murmura :

— Assez, assez, ayons raison ; petite, je veux te rendre un service. Je suis au courant de beaucoup de choses. Et bien, si tu n’aimes pas Alexandra, et si tu es bien avec miss Grégor, tâche qu’elles ne finissent pas par s’entendre.

— Que veux‑tu dire ?

— J’ai vu, il y a trois jours, Alexandra qui sortait de la chambre de miss Grégor.

— Alexandra sortait de la chambre de miss Grégor !

— Chut, et tires‑en ton profit ! Je sais, je sais, puis c’est de bonne guerre ! Tu veux enlever à Alexandra ses petites amies, quoi d’étonnant à ce qu’elle cherche elle aussi partout.

— Oh !

Reine était assommée sous cette nouvelle. Elle avait l’illusion de croire que jamais miss Grégot ne se livrerait à d’autres gougnottes. Elle l’entendait lui répéter qu’elle l’aimait, qu’elle l’adorait, qu’elle ne se passerait jamais de ses caresses ! Quoi, elle jouirait avec cette Alexandra de malheur ! Ah ! elle eut une fichue inspiration le jour où elle consentit à lui faire goûter le plaisir des cochonneries ! Qui aurait supposé qu’une froide Anglaise lutterait en luxure avec une Française ! Elle ne ramassait que des ennuis avec cette fille ! Le chevalet, la surveillance plus sévère des chambres, la perte de ses camarades, dont quelques unes ne s’occupaient plus de la polissonnerie de sa coiffure, ni de ses coquetteries. Oh ! elle le lui payerait !

Elle se réjouit pourtant en pensant à la visite nocturne de miss Sticker. Elle la dénoncerait enfin pour tout de bon, et il y aurait du grabuge. Le fouet et les verges fonctionneraient.

Pensive, elle s’était séparée d’avec Ellen et Mauricette, à son tour elle abandonnait la salle de conférences pour retourner à la récréation. Rien de fâcheux ne lui survint. Le malheur voulut qu’en entrant dans l’étude, et en regagnant sa rangée de pupitres, ses yeux se croisassent avec ceux d’Alexandra, et qu’elle crut y discerner une pointe d’ironie. Toute d’impulsion, elle ne calcula pas la portée de son acte, elle quitta sa place, et avant qu’elle ne se fût mise en garde, elle la gratifiait de deux gifles retentissantes. La voisine de gauche se leva pour empêcher l’agression, celle de droite, Eva, cria :

— Elle a bien fait, Alexandra la narguait. Miss Grégor, saisissant Reine par le bras, la ramena brutalement à sa place, en disant :

— Êtes‑vous folle, miss de Glady, voulez‑vous me perdre ?

— Je ne veux pas qu’on se moque de moi, ni vous, ni personne, vous entendez !

— Que signifie ?

— Je sais ce que je dis.

— Vraiment ! Eh bien, comme vous en êtes en état de rébellion, vous allez de suite venir au milieu de l’étude, que je vous applique la correction.

— Vous êtes la sous‑maîtresse, je dois, m’incliner, mais je prétends ne pas subir seule la punition. La bonté a des limites.

Le nom de la directrice jeta une douche d’eau froide sur l’exaltation de Reine. Elle se calma comme par enchantement, et dit doucement :

— Bien, miss Grégor, je me repens. Est‑ce la fouettée ou le martinet ?

— Ôtez votre pantalon, c’est le martinet que vous avez encouru.

En silence, Reine quitta son pantalon, releva ses jupes, que miss Grégor vint épingler à ses épaules, et de nouveau elle montra ses fesses, toujours fraîches et séduisantes.

Miss Grégor s’assit sur une chaise, la fit tenir droite devant elle, releva le martinet et le laissa retomber sur les blanches chairs, qui se plissèrent sous le coup. Soudain Reine se souvint de la visite nocturne de miss Sticker qu’elle attendait. Si elle allait être marquée, que penserait la directrice, elle qui surtout semblait porter ses caresses à son cul ! Elle se tourna vers miss Grégor, lui arrêta le bras qui s’apprêtait à frapper un second coup, et humblement murmura :

— Miss, je vous demande pardon. Cessez pour aujourd’hui la correction ; je ne suis pas bien. Demain, si vous voulez, vous me l’appliquerez double. Vous savez bien que je n’ai pas peur.

— Ne faites pas grâce, miss Grégor, intervint Alexandra, elle m’a giflée par traîtrise, et je sais pourquoi elle me déteste.

— Elle vous déteste ! De quel droit, miss Alexandra, intervenez‑vous dans cette question ? Vous mériteriez de recevoir la fouettée à sa place.

— Ce ne serait pas juste ! Vous afficheriez vos préférences.

— Miss Grégor, ajouta Reine, si ma demande vous suscite de l’ennui, je consens à ce que vous en référiez à miss Sticker.

— Malheureuse enfant ! Y pensez‑vous bien ?

Ignorez‑vous que ce serait pour vous le poteau, le lit de correction, l’exposition, avec le fouet et les verges ?

— Je les supporterais mieux qu’aujourd’hui le martinet.

— Je renvoie à demain la punition, miss Reine, à une condition : vous allez adresser des excuses à miss Alexandra sur votre brutalité ; elle y a droit. On ne bat pas ainsi une de ses compagnes.

— Des excuses !

— Fais‑les, murmura Lisbeth, qui était près d’elle.

— Il n’y a pas de honte, reprit miss Grégor, à désavouer un vilain acte.

— Vous avez raison, miss Grégor, et je prie Alexandra de m’excuser.

— Recevez‑vous les excuses, miss ?

— J’y suis bien obligée, mais j’exige qu’elle les fasse à genou.

— À genou devant vous ?

— Vous n’avez pas craint de me souffleter, sans aucun motif.

— Je ne m’abaisserai pas à ce point ; je vous adresse mes excuses, et c’est tout.

— Moi, je ne les accepte pas.

— Miss Alexandra, miss Alexandra, s’écria miss Grégor, vous êtes trop exigeante.

— Est‑ce moi qui ai eu les coups ?

Reine restait toujours au milieu de l’étude, les jupes épinglées aux épaules, les fesses et les cuisses nues ; les regards de ses compagnes ne se privaient pas de les contempler ! Elle ne s’embarrassait pas de cette tenue immodeste, et échangeait des sourires lutins avec Lisbeth, May, et aussi Eva. Sous la poussée d’une pensée subite, elle dit :

— J’ai fait tout ce que je pouvais, miss, je demande à ce que vous en référiez à miss Sticker, et à porter moi‑même votre rapport.

— Vous ne le demandez pas sérieusement, vous serez enfermée et châtiée dès ce soir.

— Je le préfère à m’humilier davantage devant cette fille.

— Cette fille ! Malhonnête ! On voit bien qu’en France vous ne mesurez jamais vos expressions !

— On les mesure autant qu’ici. Miss Grégor, veuillez me retirer vos épingles ; il est inutile que vous m’exhibiez plus longtemps en cet état. Je maintiens mon désir d’aller chez miss Sticker.

— Soit, puisque vous vous entêtez. Advienne que pourra, vous eussiez moins souffert de ma correction.

Elle détacha les jupes de Reine qui retombèrent, mais ne lui rendit pas son pantalon. En quelques lignes, elle relata l’incident, les cacheta sous enveloppe, et les remit à la fillette, en disant :

— C’est votre droit de porter ce pli. Vous êtes la première qui en usez, je souhaite que vous ne vous en repentiez pas.

Reine prit le papier, et quitta l’étude avec dignité, malgré les supplications de quelques‑unes de ses compagnes, l’engageant à se soumettre.

— Oh ! miss Alexandra, murmura miss Grégor, dès qu’elle fut partie, vous avez été cruelle pour Reine ! Elle a subi une des plus rudes corrections de la maison, elle risque de s’en attirer une plus terrible.

— Vous la consolerez.

— Vous dites ?

— Rien qui puisse vous contrarier, vous savez bien que je ne demande qu’à vous être agréable.

— Quelle triste histoire vient de se passer là ! J’en suis bien affligée. Voyons, pourquoi y avez-vous apporté tant de rigueur ?

— Venez vous asseoir près de moi, et je vous le confesserai.

Miss Grégor s’installa à côté d’Alexandra, qui lui murmura :

— Pourquoi sommes‑nous des rivales ? Reine est jalouse.

— Chut, chut, n’en parlons pas.

— Au contraire. N’est‑il pas bon que l’on connaisse votre indépendance, et que s’il vous plaît d’aimer autour de vous, une seule élève n’usurpe pas toute votre beauté ?

— Laissez ce sujet, Alexandra ; tant que Reine ne sera pas de retour, je demeurerai triste et inquiète.

Elle retourna à sa table‑bureau, et se plongea dans ses réflexions.