Le septième congrès des professeurs et directeurs d’écoles normales d’Allemagne

La bibliothèque libre.
Le septième congrès des professeurs et directeurs d’écoles normales d’Allemagne
Revue pédagogique, premier semestre 1884 (p. 64-66).

Le septième congrès des professeurs et directeurs d’écoles normales d’Allemagne. — La dernière livraison de la revue du Dr Kehr, les Pœdagogische Blætter, contient un compte-rendu de ce congrès. qui s’est tenu cet automne dans la ville de Hanovre, et a réuni un total de 123 membres participants, professeurs, directeurs et inspecteurs, appartenant presque exclusivement à l’Allemagne du Nord. sous la présidence de M. Kehr. L’ordre du jour portait trois sujets d’inégale importance.

Le premier était ainsi conçu : « Les caractères distinctifs de l’enseignement des écoles normales ». Après la lecture du rapport par le professeur Huttmann, de Hanovre, une discussion générale s’est engagée sur les différents points qu’il avait traités. Voici les principales idées qui ressortent d’une discussion passablement confuse.

Les écoles normales ne sont pas des collèges ni des académies ; elles n’ont pas pour objet de pousser très avant l’étude des sciences : elles sont des écoles spéciales, destinées à former des maîtres pour les écoles primaires. Il faut donc veiller à ce qu’elles ne perdent Jamais ce caractère. L’enseignement n’y doit pas prendre une allure scientifique, mais rester populaire ; il doit tendre, non pas seulement à augmenter les connaissances des élèves, mais à les leur inculquer avec la clarté, la netteté et la méthode qui leur permettront par la suite d’enseigner à leur tour, de démonter, pour ainsi dire, et de reconstruire avec intelligence les choses apprises, en se rendant compte des points difficiles, importants, nécessaires ; les différentes études ne doivent pas être mises sur le même pied ; il faut en graduer l’intensité sur leur importance, s’appliquer aux parties les plus saisissables, les plus pratiques : à celles qui auront le principal rôle à jouer dans l’enseignement de l’école primaire. Bref, il ne faut jamais perdre de vue, même en dehors des exercices pratiques qui sont la préparation particulière à la fonction de l’instituteur, que l’élève de l’école normale apprend dans le but d’enseigner.

D’autre part, ce caractère d’école professionnelle ne doit pas faire perdre de vue la nécessité d’une culture générale, d’un développement de l’esprit et de l’homme tout entier ; le maître sera d’autant plus apte à la fonction qu’il aura plus de goût pour l’étude et les choses de l’esprit, plus d’élan, plus de culture générale ; car il ne faut pas oublier que l’école primaire a justement pour objet de préparer les enfants à la vie, et non la science. Il faut que l’élève des écoles normales ait reçu des idées élevées qui lui permettent de voir les choses de haut, de dominer son enseignement, d’en être vraiment maître, et qu’il ait le désir de continuer à s’instruire, surtout dans les parties qui sont essentielles a l’enseignement primaire, encore plus que dans celles qui en sont le luxe, telles que langues vivantes, musique, dessin, etc.

Les professeurs des écoles normales, pour préparer convenablement de tels instituteurs, doivent donc être autre chose et plus que des savants de profession, des savants exclusifs, des maîtres renfermés chacun dans le cercle de.son enseignement propre ; il faut des hommes qui, tout en ayant reçu la grande culture de l’esprit, aient une forte préparation pédagogique qui leur permette de donner un enseignement simple, clair, méthodique, ne perdant jamais de vue le terme final qui est l’école primaire ; des hommes qui connaissent le peuple, et les écoles du peuple, leurs difficultés et leurs besoins : ils auront avec leurs élèves des relations personnelles de courtoisie, de bonne grâce, de confiance qui puissent servir de type à ces futurs éducateurs dans leurs rapports avec les enfants : ils ajouteront à l’habileté, à la méthode, à la souplesse d’un enseignement pratique, un solide caractère, une personnalité morale mûre, qui fasse d’eux un exemple et une sorte d’idéal aux yeux de leurs élèves.

Enfin, les livres d’enseignement ne doivent pas être les mêmes dans les écoles normales que dans les établissements d’enseignement classique ; ils doivent eux aussi s’inspirer des nécessités spéciales auxquelles répondent de tels établissements.

Le second sujet traité par le Congrès paraît tenir à cœur à nos voisins d’outre-Rhin, car il revient assez fréquemment dans leurs réunions et sous leurs plumes. C’est l’usage des mots étrangers et en particulier d’origine française dans la langue allemande. Le rapporteur parle avec amertume de cette coutume qu’il trouve détestable, et, après avoir longuement et douloureusement exposé cette « maladie » des Allemands et cité de nombreux exemples véritablement amusants de la façon dont les mots de notre langue passent dans la leur et usurpent la place des enfants de la maison, il cherche le remède ; il fait appel à la sévérité et au patriotisme des écoles normales, il enjoint aux professeurs, comme un devoir de haute moralité, de s’astreindre à ne laisser s’introduire dans leur enseignement aucun mot suspect, et il les adjure solennellement de faire passer dans l’âme des instituteurs le sentiment de leur grave responsabilité en cette matière. Il termine son rapport par une ardente péroraison dont les derniers mots : Deutschland, Deutschland, über Alles ! (L’Allemagne, l’Allemagne au-dessus de tout) soulèvent Les bravos enthousiastes et unanimes de l’assistance.

La troisième question soumise aux délibérations du Congrès : « Le secours que l’école normale doit prêter au jeune instituteur pour son perfectionnement individuel lorsqu’il est mis en possession de ses fonctions, » a pu donner lieu à d’intéressants débats : mais le compte-rendu n’en a ps encore paru dans la revue à laquelle nous empruntons ce résumé.