Le sorcier de l’île d’Anticosti/À la recherche de l’or/Chapitre IV

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IV

LABEUR PÉNIBLE

L’extraction, cependant, est loin d’en être facile. Quand le mineur a choisi, acheté et payé le terrain, il creuse un puits.

La terre ne dégèle jamais durant le court et brillant été du pôle et, la mousse, les détritus de toutes sortes opposent un obstacle au soleil ; il faut allumer un grand feu, enlever au fur et à mesure la terre et le gravier, puis, les essayer, afin de savoir s’ils renferment de l’or.

L’hiver entier se passe dans ce pénible labeur, le trou s’élargissant insensiblement. Le mois de mai survient et la fonte des neiges permet aux ruisseaux de quitter leur prison de glace.

Le mineur alors lave le sable retiré du puits, y consacrant parfois quatorze heures par jour ; puis, lorsque la boue et les débris de schiste ont disparus, l’or reste au fond et il peut évaluer son bénéfice.

Certains claims ont donné des résultats extraordinaires, mais à côté de propriétaires subitement enrichis, nous en voyons d’autres, et un grand nombre, hélas ! qui sont aussi pauvres qu’en arrivant : les filons aurifères ne se trouvant pas dans le lot, ou ne s’y montrant qu’en de faibles proportions, tout est à recommencer.

Il faut s’armer de courage et de patience, creuser de nouveaux puits, et parfois, ne pas obtenir un résultat meilleur.

Heureux encore, quand la maladie, et surtout le scorbut, ne vient pas compliquer une situation déjà si pénible, et coucher à jamais sur cette terre glacée celui qui était parti avec l’espoir d’y trouver la richesse !

Quand la malchance continue à poursuivre le mineur, que les provisions sont épuisées et qu’il n’a plus d’argent pour en acheter d’autres, il lui reste encore la ressource de s’engager sur d’autres claims, dont les propriétaires ont été plus favorisés, et de louer ses services au prix de dix piastres par jour, quelquefois plus.

Il reprend alors pour le compte d’autrui le dur travail qui ne lui a pas réussi ; puis, un jour, hâve, épuisé, il montera sur l’un des bâtiments qui retournent vers la civilisation, et il trouvera comme compagnons de route un grand nombre de malheureux aussi pauvres et aussi malades que lui.

La terre natale les recevra ; mais, que donnera-t-elle à ces enfants prodigues ? Ils auraient pu, en restant sur son sol, en dépensant beaucoup moins d’énergie, acquérir cette aisance cherchée si loin, et qui s’est constamment dérobée devant eux.

Voilà l’enseignement qui découle naturellement d’un voyage aux mines d’or du Klondyke : les autres y laissent, avec leur santé, le petit avoir des vieux parents.

Sans doute, il est une ambition légitime et permise : celle d’améliorer sa situation ; tout homme de cœur la ressent, mais il peut atteindre ce but sans quitter le pays où la Providence l’a fait naître.

Il n’a qu’à employer son intelligence et ses forces à un travail dont Dieu bénira les efforts et les résultats.

J. de VILLIERS.