Le sorcier de l’île d’Anticosti/L’angélus à la campagne

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L’ANGÉLUS À LA CAMPAGNE


Pour sentir la poésie de l’Angélus, il faut entendre sonner cette prière au milieu de la solitude et du silence des champs.

Dans les villes, la voix de la cloche est couverte par le bruit des chars et des voitures, les cris de la rue et cette rumeur confuse qui s’élève toujours du sein des grandes agglomérations d’hommes. On a besoin de prêter l’oreille et d’être attentif si l’on veut, le matin, à midi et le soir, distinguer le signal sacre.

Dans les campagnes rien ou presque rien n’empêche le son de la cloche d’être entendu. L’éloignement même de l’église, en rendant ce son plus voilé et plus doux, lui donne plus de mélancolique poésie.

Serait-il entendu dans nos cités populeuses, l’Angélus n’y serait, hélas ! guère écouté. Qui songe à Montréal ou à Québec à réciter cette prière ? Les prêtres, les religieux, quelques âmes pieuses. La foule, la multitude a bien d’autres soucis : elle est à ses affaires ou à ses plaisirs.

Et pourtant comme il serait beau le spectacle de plusieurs milliers de chrétiens s’arrêtant, se signant, s’agenouillant, priant tous ensemble, remerciant Dieu d’une commune voix d’avoir donné par Marie un Sauveur au monde !

Les campagnes, certaines campagnes du moins, ont plus de foi et moins de respect humain. Il n’est pas rare d’y voir le laboureur, le moissonneur interrompre leur travail et réciter au son de la cloche du village l’Angélus qu’ils apprirent sur les genoux de leur mère ou sur les bancs du catéchisme.

Rien n’est beau, rien n’est touchant comme cette humble manifestation religieuse. Les larmes me sont un jour venues aux yeux en voyant un cultivateur ôter d’une main sa casquette et arrêter de l’autre sa charrue au milieu d’un sillon, afin de réciter l’Angelus.

Je sais bien qu’il existe des campagnes où le sentiment religieux est aussi rare, plus rare même que dans les villes : c’est un fait regrettable. Puisse l’Angélus être récité aussi fidèlement qu’il est sonné dans les milliers de paroisses de notre catholique province.

J. G.