Le tour du Saguenay, historique, légendaire et descriptif/02

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AVANT-PROPOS


L’auteur du Tour du Saguenay n’a eu aucune prétention littéraire en écrivant cet ouvrage ; il dit simplement et humblement ce qu’il a observé et étudié au cours de maints voyages au « far famed Saguenay » et pendant un long séjour au « royaume de Saguenay », son pays natal. C’est un peu de l’histoire, et l’histoire ne veut ni les phrases ronflantes ni les figures savoureuses : ce sont des légendes et les légendes se racontent simplement : c’est aussi un peu de la description et la description littéraire se burine comme le peintre fait d’une « pochade », à petits coups de plume, sous les impressions du moment.

L’auteur a voulu tout bonnement se rendre utile à ceux qui, de plus en plus nombreux chaque année, se plaisent, à jouir de quelques jours de liberté et à se payer un régal d’air pur en faisant le tour du Saguenay.

Ce tour du Saguenay est devenu très populaire. Naguère ne l’entreprenaient que les heureux fortunés des grandes villes des États-Unis qui venaient dans le district de Québec, durant la belle saison, comme nous allons, nous, en été, aux Rocheuses, en hiver, à Old Orchard ou à Atlantic City. Mais aujourd’hui les gens de Montréal et ceux de Québec, même de l’Ontario et aussi de l’Ouest, sentent qu’il est de mode de faire le tour du Saguenay : ils l’entreprennent et ne s’en trouvent pas trop mal, puisqu’il y en a qui recommencent chaque année.

Mais, en réalité, qu’ont-ils appris et que savent-ils de plus qu’ils ne savaient, au retour d’un Tour du Saguenay ?

Ils ont bien aperçu, notamment de Québec à Chicoutimi — et retour — les courbes gracieuses de montagnes lointaines, les aspects farouches de caps qui semblent tout proches mais qui sont très loin, des fantômes de villages à demi-cachés au creux de vallées profondes ou perdues au sommet de collines abruptes ou mollement arrondies, avec un clocher qui pointe à l’horizon ; des anses coquettes au fond desquelles il leur semblerait bon vivre quelques jours : des îles à demi perdues dans le brouillard du fleuve. Mais c’est tout.

Ils ne savent pas que telle montagne est l’objet d’une légende merveilleuse ; que telle anse fut la scène d’un exploit héroïque des premiers habitants de ce pays ; ils ignorent que telle pointe peut être regardée comme le premier coin de terre d’Amérique où fut signé un traité de paix, que tel petit village a été le théâtre de la première exécution capitale en Amérique, et qu’un autre vieux village, aperçu à travers le brouillard, a vu se dérouler dans ses recoins farouches des scènes guerrières atroces que peuvent rappeler celles qui ont si douloureusement illustré la grande guerre de 1914-1918.

C’est tout cela que l’auteur du Tour du Saguenay, historique, légendaire et descriptif a voulu faire connaître, bien imparfaitement, il est vrai, mais avec sincérité, n’ayant pour objet que de faire connaître, étudier et aimer l’un des coins, non seulement de notre province, mais de tout le Canada, les plus pittoresques, les plus riches en souvenirs historiques, les plus merveilleux en légendes gracieuses ou terribles.

Le Tour du Saguenay paraîtra bien incomplet si l’on est convaincu, comme on devrait l’être, que pour le décrire selon qu’il conviendrait, il faudrait plusieurs volumes.

Rappelons-nous qu’il n’y a pas un pouce de la terre que nous foulons, dans le district de Québec surtout, qui ne puisse fournir matière au moins à un volume d’histoire ; rappelons-nous également que malgré tout ce que l’on a publié jusqu’à présent sur l’histoire du Canada — c’est-à-dire, l’histoire du « pays de Québec » — comme a dénommé si naturellement et si justement un écrivain étranger, Louis Hémon, notre district, — l’on compte encore, seulement aux archives canadiennes fédérales, neuf millions de feuillets manuscrits inédits sur notre histoire, et l’on constatera qu’en écrivant le Tour du Saguenay, au triple point de vue qu’il a indiqué, l’auteur n’a fait que miroiter, un instant, un diamant seulement de cet « écrin de perles ignorées » qu’est notre histoire.

D. P.
Québec, mai, 1920.


Vieille maison de Beaupré, où Wolfe a tracé les plans de l’attaque de Québec.
D’après une « pochade » de M. Geo. Duquet, de Québec.