Le vol sans battement/Arrêt de pénétration

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Édition Aérienne (p. 415-417).

ARRÊT DE PÉNÉTRATION


L’absence de traînement dont j’ai parlé doit être considérée comme une fiction. Il doit y avoir assurément production d’un retard quelconque dans tout corps qui pénètre un milieu, c’est absolument certain, et cela, quelque forme qu’on lui donne. Le fond de la pensée est celui-ci : c’est que ce retard est infime, absolument négligeable et ne doit pas occuper nos réflexions.

Quand on suppute bien attentivement la fluidité de l’air, on comprend que cette manière d’envisager la résistance offerte par le milieu aérien est juste, surtout pour les fortes masses. Dans l’oiseau, l’aile ne traîne pas sensiblement ; il n’y a que le corps qui peut avoir de la difficulté à pénétrer le fluide, mais ce corps dans les volateurs est tellement bien construit que l’intelligence fait, de suite, comprendre combien doit être facile cette retenue.

Elle se fait voir cependant lorsque le courant devient très violent et peut alors être estimée. On pourra dire dans ce cas qu’elle est égale à telle vitesse de courant ou à telle rapidité par le calme.

L’arrêt de la marche de l’aéroplane-oiseau dans un courant aérien puissant, est variable avec l’espèce. La faculté de pénétration est, à gabaris égaux, en relation exacte avec l’importance du poids : ainsi un goëland pénètre plus facilement l’air qu’une mouette, tous deux étant sensiblement de même construction.

Ce qui fait que le gros oiseau a plus de facilité de pénétration que le petit, c’est que sa surface est moindre. (Voir les tableaux de l’Empire de l’Air où cette proportionnalité est indiquée dans chaque dernière colonne pour tous les genres de vol.) Comme toujours nous laissons de côté les rameurs et nous ne nous adressons qu’aux voiliers. Cependant nous répéterons que la faculté de pénétration dans les grands courants d’air est en relation avec l’étroitesse de l’aile, soit dans le vol ramé, soit dans le vol plané. Ainsi, le rameur pluvier et le planeur puffin admettent des vents qui forcent au repos le rameur perdrix et le planeur vautour.

Mes observations sur le vol des oiseaux m’engagent à classer ainsi ces quelques sujets :

RAMEURS Plénitude
de Facultés

mètres
Arrêt

mètres
VOILIERS Plénitude
de Facultés

mètres
Arrêt

mètres
Colombus Imbrim 35 50 Albatros divers 25 40
− miner 30 45 Puffins divers 20 35
Grdes Outardes 20 35 Percnoptère 10 25
Pluviers divers 15 25 Milan 10 25
Pigeons 10 20 Effraye 5 15
Moineau 5 15

Ces quelques chiffres sont des estimations qui n’acquièreront de l’importance que quand on aura pu vérifier combien ils approchent de la vérité. Je les ai revus et corrigés vingt fois pendant dix ans ; ils sont donc étudiés autant que j’ai pu le faire.

Si ces données sont justes, on voit donc que, chez le volateur bien construit, cette expression « Absence de traînement » peut être considérée, vue en gros, comme une vérité. Elle en approche d’autant plus que la masse devient plus forte ; ceci est un fait indiscutable prouvé par plus de cent mensurations, qui sont dans les tableaux que j’ai présentés dans ces deux études. Quand, au lieu de s’adresser à une masse du poids de 7.500 grammes on aura affaire à celle de 75.000 grammes, soit dix fois plus, il est probable que cette formule approchera dix fois plus de la vérité.

Il est facile de comprendre que la surface offerte par l’homme qui pèse dix n’est, dans certaines positions heureuses, que le double ou le triple de celle du pélican ou du vautour qui pèse un. Or, si chez ces oiseaux, la retenue est déjà presque indiscernable, ne sera-t-elle pas pour la masse humaine absolument négligeable ?