Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/LHospital

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(et ses correspondants)
Correspondance de Leibniz avec le marquis de l'Hospital[1]
Texte établi par C.I. Gerhardt (GM2p. 216-343).




I.
De L'Hospital an Leibniz.

Il y a longtemps, Monsieur, que je souhaitois de trouver l'occasion de vous écrire, et de vous marquer l'estime toute particuliere que je fais de vostre merite, J'ay lû avec admiration ce que vous avez fait mettre dans les Actes de Leipsic, et cet avec justice que vous prettendez étendre l'analyse au dela des bornes que Viete et Descartes avoient prescrites. En effect l'usage de vostre calcul differentiel est merveilleux pour determiner tout d'un coup les tangentes, les plus grandes et les moindres quantités, les points d'inflexion, les evolvés de Mr, Hugens, les caustiques de Mr. de Tschirnhaus etc. et cela me paroist achevé : mais il me semble qu'il reste bien des choses a découvrir pour l'inverse de ce calcul, je crois y avoir fait quelques progrés et je vous envoye la rectification de la Logarithmique en se servant de la courbe mesme et sans supposer d'ailleurs la quadrature d'aucun espace.

Probleme.

La logarithmique indefinie ABCD (fig.40) qui a pour soutangente la droite donnée a, ét son asymptote SL etant données de position, trouver geometriquement une ligne droite egale a une portion quelconque CD de cette courbe.

Solution.

Soit menée par un point quelconque L de l'asymptote SL la perpendiculaire LG, soit décrite la courbe algebraique LKH telle que (LF et LG — x, FK et GH = y) aax —- xyy = 2 aay, de sorte qu’on peut determiner par le cercle et la ligne droite la grandeur des ordonnées FK, GH en supposant que les coupées LF, LG soient données et ayant mené CFK,DGH paralleles a l’asymptote, soient prises sur LG les parties LM, LN egales a FK, GH et sur l’asymptote la partie LE egale a la soutangente, et soient tirées les droites EG, EF et les paralleles MA, NB, je dis que la portion GD’de la logarithmique = EG - EF + MA - NB.

On peut remarquer que la courbe LKII a pour asymptote la droite EO parallele a LG. Je vous envoirai si vous le souhaitez la démonstration, mais comme elle est fondée sur vos principes, je ne doute pas que vous ne la trouviez aisément. Je ne sçaurois encore trouver le moyen décrire la courbe qui a celte équation differentielle aaxdx-j-Sy’dy = 2aaxdy— aaydx mesme en supposant la quadrature des espaces etc. Cependant je m’y suis fort appliqué pareeque cette courbe a des propriétés considérables, je suis persuadé, Monsieur, que vous avez des réglés pour la solution de ces sortes de Problèmes et j’en ai formé mesme quelques unes, mais elles ne sont pas generales. Vous me feriez plaisir de me proposer quelques courbes a trouver par la propriété de leur sou langen tes qui soient soumises a vos réglés. J’ai lù. avec application ce que vous avez fait mettre dans les Actes do Leipsic du mois d’avril de cette année et je crois y entrevoir la methode que vous proposés, mais il nie faudroit quelques exemples pour m’eclaircir, en voici un que j’ai imaginé.

Soit la demie Ellipse ABD (fig. 41) qui a pour demiaxe les lignes CA, CB et soit entendue une infinité de Paraboles DEF, Def qui passent toutes par le mesme point D et dont tous les som< mets des axes se rencontrent dans la demie Ellipse. Il faut décrire la ligne qui les loucho toutes et determiner Je point F ou deux quelconques de ces Paraboles, qui ne sont éloignées entr’elles que d’une distance infiniment petite, se rencontrent. Je trouve dans le cas ou CB = AD que-la ligne qui louche toutes les Paraboles est aussi une Parabole qui a pour sommet le point A et pour foyer le point D et que la ligne DF qui rencontre la Parabole DEF au point touchant F passe par son foyer. Je vous serai fort obligé si vous me faitez part de la maniéré d’appliquer vostre calcul pour résoudre ces sortes de Problemes. Vous voiez, Monsieur, que j'en use bien librement de vous prier de m'instruire des la premiere fois que j'ai l’honneur du vous escrire. J'espere que vous me le pardonnerez et que vous me ferez la justice de me croire vostre tres humble et obeissant serviteur etc.

Mon adresse est rue St. Antoine cul de Sac de Guimené.
            A Paris ce 14. Decbr. 1692.

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II.
Leibniz an de L'Hospital.

C'est un heureux augure pour moy à l'entrée de cette année que d'avoir gagné une connoissance aussi importante que la vostre, Monsieur, pour la quelle vous avés eu la bonté de faire des avances ; et le R. P. de Malebranche ne pouvoit m'obliger plus sensiblement qu'en y donnant occasion. J'estois deja plein d'admiration pour ce qu'on me disoit de vous. Je voyois que Mr. Bernoulli et Mr. Prestet s'adressoient à vous sur des matieres assez profondes ; mais ce que M. Hugens m'a mandé de vos decouvertes, et ce qu'on m'a écrit de Florence de la solution que vous avés donnée du probleme de M. Viviani, m'a convaincu que vous avés des lumieres dont peu de gens sont capables. Ce même probleme n'a esté envové par ordre du Grand Prince de Toscane, et j'en ay aussi donné une solution, mais à la haste, le propre jour de la reception, a fin de depecher la reponse par la premiere poste ; cette solution est irnprimée dans les Actes de Leipzig. La festination a fait que dans l'addition qui se trouve à la fin de la solution s’est glissé une erreur que M. Bernoulli a remarquée, et que j'ay donné ordre de faire corriger, et de marquer que c'est sur l'avertissement de M. Bernoulli, J'ay remarqué que dans une de vos solutions il y a des fenestres isolées, ce qui m'ayant plû, j'en ay formé aussi, que j'ay envovées à Mons. le Baron de Bodenhausen qui est à Florence, et qui se plait quelques fois à ma maniere de calculer. Je les vous envoyerois, si vous n'aviés deja toutes ces choses virtuellement, ou plusiost eminemment, et si j'estois en estat d'y penser. Je suis tellement distrait, et partagé par d'autres choses qui me remplissent l'esprit, que lorsque je me remets sur l'Analyse, il me semble que je la dois apprendre tout de nouveau, et mes propres pensées me sont estrangeres. Les droits des Princes et les recherches sur l'Histoire de la maison de Brunsvic et des matieres semblables sont des occupations journalieres. Quantité de lettres aux quelles je dois repondre ; même la Theologie et la Philosophie sur les quelles j'ay des disputes avec des personnes de consideration, me derobent bien du temps. C'est ce qui fait que mon analyse est demeurée en arriere, quoyque je croye de voir des voyes pour l'avancer encor considerablement. Car vous sçavés, Monsieur, qu'on n'a pas encor les racines des équations du cinquieme degré ny des voyes pour d'autres plus hauts, qu'on n'est pas encor le maistre des problemes semblables à ceux de Diophante ; et quant à l'analyse des Transcendentes, ce n'est que depuis peu, comme vous sçavés, Monsieur, qu'on commence de s'en servir par un calcul reglé. La perfection de l'Analyse des Transcendentes en de la Geometrie ou il entre la consideration de quelque infini seroit sans doute la plus importante à cause de l'application qu'on en peut faire aux operations de la nature, qui fait entrer l'infini en tout ce qu'elle fait. Et je suis ravi de voir que vous en avés compris les consequences. Car si quelqu'un est capable d'y aller bien loin, ce sera vous, Monsieur, avec tant de penetration, et avec le goust que vous y prenés. J'ay quantité d'adresses dont je me sers lorsqu'il s'agit de resoudre quelque probleme differentiel, et de se delivrer des infiniment petites, soit en supposant des quadratures, ou autrement ; mais elles ne sont pus tousjours bonnes. J'ay projetté quelques Methodes generales, mais il faudroit se resoudre à faire une fois pour toutes certains calculs assez prolixes, et je ne suis pas en estat de les executer. Nous n'avons pas des gens dans ce pays cy qui ayent la moindre connoissance de ces choses, (Et je n’en parle pas seulement.) Et c'est en cela qu'on est heureux dans les grandes villes qu'on y trouve plusieurs personnes de toutes sortes d'estudes, qui se peuvent entraider. Une de mes methodes particulieres est, que toutes les fois, que dans l'équation tangentielle (ou differentielle du premier degré, c’est à dire ou il n'y a que des differences et point de differences de differences) on ne trouve point de droite constante employée pour remplir la loix des homogenes, je puis reduire l'equation tangentielle aux quadratures ; par exemple si les accroissemens ou elemens dx à dy estoient comme yy à yy + bxy + cxx, le probleme se peut resoudre aux quadratures. Car b et c n'y font point la fonction de droites ou d'homogenes avec x et y, mais de nombres ou raisons seulement. Et souvent les equations differentielles, qui n'ont pas cette condition s'y peuvent reduire par des transformations. Je considere cette methode comme le premier degré de ce que je souhaitterois, Et si je pouvois proceder de mème dans les autres equations differentielles, je n'aurois plus besoin de ces autres voyes plus prolixes, que j'avois projettées.

Cependant comme je ne sçay pas quand j'en viendray à bout, j'ay pensé à une invention subsidiaire pour l'usage qui est aussi generale qu'on en puisse souhaiter, pour donner des equations pour toutes lignes differentiellement exprimées, soit que les differences soyent du premier ou de quelque autre degré, car je ne considere les problemes de la converse des langentes que comme le premier degré seulement de cette analyse des sommes et des differences. Ce moyen subsidiaire consiste dans une series infinie qu'on peut continuer aisement aussi loin qu'il est necessaire pour la practique, et dont on peut connoistre la progression à l'infini pour l'exactitude de la theorie, Ainsi on peut dire que cela est achevé dans son genre. J'appliqueray cette methode à vostre Probleme, c'est à dire la descriplion de la Ligne dont l'Equation diffcrenlielle est aax dx + 2y^3dy = 2aax dy - aay dx (1) ou bien (supposant a = 1) 2^3 - 2x + ydx:dy + xdx:dy = 0 (2) (dx:dy me signifie dx divisé par dy ou la raison de dx à dy). Supposons x = y + ey^3 + fy^5 + gy^7 + hy^9 + iy^11 + ky^13 + ly^15 + my^17 etc (8) pour abreger, car j'ay trouvé qu'on peut icy omettre utilement les termes pairs. Cela posé dx:dy sera = 1 + 3ey^2 + 5fy^4 + 7gy^6 + etc. (4) et par le moyen des cquations (3) et (4), expliquant l'equation (2) nous aurons l'equation



Mais l'equation (5) doit estre identique, c'est-à-dire tout doit evanouir. Donc il faut expliquer les arbitraires e, f, g, etc. en sorte que les coefficiens de chacque terme deviennent egaux à rien, par exemple y evanouit, car -2 + 1 + 1 = 0, et y^3 evanouit en faisant + 2 - 2c + 3e + 4e = 0 et nous aurons e = -2:5. Et continuant de même et se servant des lettres deja trouvées pour trouver les suivantes, on aura


Et ainsi de suite à l'infini. Il n'est pas necessaire de calculer effectivement ces nombres, mais on le pourra falre aisement autant qu'il sera besoin. Et en ne marquant que les premiers il y aura x = y - 2/5y^3 - 4/75y^5 - 64/4875y^7 etc. Si j'avois gardé les termes pairs, faisant x = b + cy + ey^2 + fy^3 etc. j'aurois eu une autre equation pour les autres courbes, qui n'auroient pas moins salisfait au probleme, car en effect il y en a une infinité. Il semble que vous avés remarqué, Monsieur, que cette courbe a des usages considerables et peut estre qu'il y en a quelque application à la mecanique ou physique ; ces applications servent quelques fois à mieux decouvrir la nature de la chose. Cependant faute de temps je nay pas osé tenter toutes les facons, dont je me suis servi quelques fois pour venir à bout de telles lignes ; aussi n'ay je pas esté en loisir de me forger canons particuliers, servans en plusieurs rencontres tels que je voy qu'on pourroit faire. Il paroist, Monsieur, que vous en avés et mème que vous estes allé bien avant, et plus avant comme je croy que moy même. Dont je souhaitte de profiler si vous le jugés à propos. C’est a peu prés en cette matiere comme dans les problemes de l'Arithmetique de Diophante, ou l’on est aussi reduit à des adresses particulieres faute d'une bonne methode generale, Ce n'est pas que je ne voye qu'encor cette espece d'Arithmetique est susceptible de Methodes generales. Mais il y faut aussi bien des preparalifs, avant que de l’établir.

Ce sera pour la premiere suivante que je vous envoyeray, Monsieur, ma façon tres commode d'appliquer le calcul dilferentiel à l'invention de la ligne qui touche un rang de lignes données ou qui est formée par le concurs de ce rang. Car mainienant il m'y faudroit un peu penser, ou chercher dans mes brouillons. Vostre rectification de la courbe des logarithmes est extremement belle et servira d'exemple. J'oserois m'asseurer d'en trouver la demonstration au besoin, ainsi je ne veux pas vous en donner la peine. Je puis prevoir si les theoremes qu'on m'envoye en ce genre sont d'une telle nature que j'en puisse promettre la demonstration. Cependant je ne dis point que je sois capable d'inventer tout ce que je sois capable de demonstrer quand on me Ie communique tout inventé. Il y a bien de la difference entre ces deux choses, qui n'est pas assez considerée par ceux qui font grand bruit, quand on a trouvé la demonstration de l'invention d'autruy. Faites moy la grace, Monsieur, de me faire quelque part de vos pensées et reflexions dans l'Analyse dont j'attends des lumieres considerables. Et croyés que je suis avec attachement etc.

P. S. Je repondray bientost au R. P. de Malebranche. Je crois que nous convenons qu'il se conserve tousjours la même force, mais il estime la force par la quantité du mouvement. Pour moy je tiens que deux forces sont égales lorsque par leur consomtion le mème effect se peut produire, par exemple un mème poids elevé à une même hauteur ou le même ressort bandé au même degré etc, Or il est manifeste, comme j'ai fait voir que la conservation de la force estant supposée dans ce sens, la même quantité de mouvement ne sçauroit tousjours subsister.

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III.
De l'Hospital an Leibniz.
A Paris ce 24. Fevrier 1693.  

On ne peut pas estre plus sensible que je le suis, Monsieur, a toutes les honnestetez dont vôtre lettre est remplie, je me fais un vrai plaisir d’avoir quelque commerce avec une personne de vôtre erudition. Il y a longtemps que je sçais que vous étes universel, la theologie, l'histoire, les droits des princes, la recherche des mines etc. sont votre occupation ordinaire et a peine avez vous quelques momens pour les employer aux mathematiques et a la phisique ; cependant les grandes découvertes que vous y avez faites et que vous y faites encore tous les jours font assez connoistre de quoi vous étes capable en ce genre, et on ne sauroit trop se plaindre de ce que vous avez si peu de loisir a y penser. Le probleme de Mr. Viviany n’est pas des plus difficiles et vous louez beaucoup dans les autres ce qui vous a coûté a peine quelques momens. J'accepte volontiers l'offre que vous me faites de m'envoyer les fenestres isolées de vôtre invention. Mais ce que j'ai bien plus envie de savoir si vous le jugez a propos, est vôtre methode de reduire aux quadratures toutes les equations differentielles dans les quelles il n'y à point de droites constantes pour remplir la loix des homogenes, je serois ravi par exemple d'apprendre de vous l'art de reduire aux quadratures l’equation differentielle ydx + 2yx dx - xxdx = 2yydy et je vous avoue que je n'ai point de regle generale pour ce cas, j'en ai une qui reussit fort souvent, c'est par celle que j'ai resolu les questions que Mr. Hugens m'a proposées, je puis resoudre par son moyen a^3dv + axxdy = axydx + aaxdx + x^3dx, adx =dy√ (aa + yy), axxdy = byydx + cxxdx etc. a, b, c sont des nombres, et par consequent cette derniere courbe doit estre soumise à la regle generale que vous avez. Je vous ferai part de la mienne si vous le souhaitez. La maniere dont vous resolvez par une suitte infinie equation differentielle aaxdx + 2y^3dy = 2aaxdy - aaydx me plaist d'autant plus qu'elle est generale et qu’elle s'etend a tous les degrez, aussi cela me paroist achevé en ce genre. Je serois bien aise de voir quel chemin vous avez tenu pour exprimer par une suitte le sinus droit d'un arc donné ce que vous avez fait mettre dans les Actes de Leipsic de l’année derniere page 178. Pour les autres suites j'en ai aisement trouvé la raison. Au reste cette equation exprime dans un cas parliculier la courbe de descente que vous ayez proposée autrefois aux Cartesiens. Voici comment. On demande la courbe (fig. 42.) AD telle qu'un corps pesant en descendant par cette courbe s’eloigne egalement du point fixe A en temps egaux. Soit AB = x, BD = z, AD = √(xx+zz), donc les differentielles Bb = dx, Fd = dz, Dd = √(dx^2+dz^2) et Ed ou Aa =(xdx+zdz):√(xx+zz), or les portions infiniment petites de la courbe, Dd et Aa ou Ed que je suppose parcourues en des instans egaux doivent estre entr'elles, comme la vitesse acquise en D, a la vitesse acquise en A (c'est a dire en supposant que le corps avant d'estre parvenu au point A soit tombé de la hauteur LA que j'appelle a) comme √DB + AL est a √AL et faisant le calcul on trouve xdz - zdx √a = xdx + zdz √z et supposanl x = yy:a il vient la mesme equation que je vous ai envoyée.

Je crois avoir découvert la maniere d'appliquer le calcul differentiel a l'invention de la ligne qui touche en rang une infinilé d'autres lignes données, je vous expliquerai ma pensée par un exemple, car je trouve qu'en ces sortes de matieres il faut toujours autant que l'on peut fixer ses idées. Soit donnée une courbe quelconque (lig. 43) ABG et supposant qu'il y ait une infinite de Paraboles CBF qui passent toutes par le point C et dont les sommets des axes soient dans la courbe ABC, il faut determiner la ligne qui les touche toutes. Il est clair que le point d'attouchement de chaque Parabole CBF est dans l'intersection G de CBF et de celle qui est infiniment proche Cbf. Cela posé, soient menées les droites BD, GE paralleles a AC et soient nommées les connues CD, x, DB, y, et les inconnues CE, u, EG, z, et on aura par la proprieté de la Parabole DF^2.HG^2 :: DB.HB ce qui donne 2uxy - uuy = xxz qui est l'equation commune à toutes les paraboles telles que CBF. Je considere maintenant que les inconnues u et z demeurent les mesmes pendant que les connues x, y changent, c'est pourquoi l'équation differentielle sera 2uxdy + 2uydx - uudy = 2xxdx, d'ou l'on tire, en mettant pour z sa valeur, u = (2yxdx - 2xxdy):(2ydy - xdy). or la nature de la courbe ABC etant donnée le rapport de dx a dy le sera aussi et partant la valeur de u ou de CE sera exprimée en termes entierement connus delivrés de differentielles. Si au lieu de paraboles on propose d'autres courbes, le probleme se resout de la mesme maniere, et si on vouloit avoir une equation a la maniere de Descartes qui exprimast la nature de la ligne qui passe par tous les points G, il faudroit en se servant de l’equation commune a toutes les Paraboles CBF, de celle de la courbe ABC, et de la troisieme qui resulte de deux differentielles, en trouver une ou les x et y ne rencontrassent plus et qui exprimait le rapport de u a z Soit par exemple la courbe ABC une demie Ellipse dont le grand axe est double du petit AC que j'appelle a, on trouvera uu = 4aa - 4az d'ou Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/239 convenir le P. Prestet qu'il s'etoit trompé. J'avois eu dessein de faire mettre dans le journal mon sentiment la dessus parce qu'il semble de la maniere dont le P. Prestet s'adresse a moi que je sois du sien. Cependant je n’en fis rien a sa priere et cela en est demeuré la. Mais ce que j'ai toujours soutenu a été que bien loin que la regle de Mr. Tschirnhaus eut quelque avantage par dessus celle de Cardan, elle étoit au contraire sujette au mesme deffaut, et plus embarassée. Ce deffaut consiste a mon sens en ce que l'expression des racines des egalitez du 3e degré dans le cas ou elles sont toutes trois réelles et incommensurables, renferme des grandeurs imaginaires qu'on ne peut debarasser en aucune sorte de leur lignes. On ne trouve rien considerable dans la seconde edition du livre du P. Prestet fouchant les egalitez du 5e degré et ce qu'il y a de plus que dans la premiere consiste en ce qu'il a resolu par analyse toutes les questions de Diophante. Il suppose cependant quelque fois certains theoremes aussi bien que Diophante qu'il ne demontre pas, en voici un : Que tout nombre entier qui est composé de trois quarrez au moins en fraction est necessairement ou quarré ou composé de deux quarrez ou de trois quarrez en entiers. Ce theoreme depend de la nature des nombres et me paroit tres difficile a demontrer. Mr. de Fermat assure dans une lettre qui est imprimée a la fin du Commercium epistolicum Wallisii qu'il a trouvé les demonstrations de quelques theoremes du moins aussi difficiles que celui ci, mais j'ai de la peine a me le persuader. Pourquoi ne les auroit-il pas publiées lui qui faisoit souvent beaucoup de cas de peu de choses ?

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IV.
Leibniz an de L'Hospital.

Ce n'est pas cette universalité de connoissances que vous m'attribués, Monsieur, par une pure grace de vostre liberalite, qui m’empeche de satisfaire à mon inclination pour les malhematiques ; mais une infinité de petites choses qui me detournent. Je crois d'avoir maintenant plus de 30 lettres qui attendent reponse où il faut tousjours dire quelque autre chose que des complimens. Et outre les devoirs de mes charges on doit du lemps à la cour et à ses amis ; de plus ils me viennent quelques fois des pensées que je suis bien aise de conserver ; il faut voir les livres nouveaux ; il est necessaire d'avoir quelque information des affaires courantes. Et excepté les sçavans, si ceux qui me connoissent sçavoient qu'avec cela je m'amusois encor à l'Algebre, ils le trouveroient estrange. Quand j'ay fait quelque chose, je l’oublie presque entierement au bout de quelques mois, et plustost que de le chercher dans un chaos de brouillons que je n'ay pas le loisir de digerer, et de marquer par rubriques, je suis obligé de faire le travail tout de nouveau. On est heureux dans une grande ville, ou l'on trouve des amis de toute façon, dont les assistances et concours à un même dessein soulagent merveilleusement. J'ay souvent souhaitté un jeune bomme profond dans l'analyse qui en m'assistant auroit trouvé encor de quoy se signaler luy mème, ce qui luy auroit depuis servi de recommandation ; mais on n'en trouve point de cette sorte dans ce pays cy, ny dans le voisinage. J'ay plusieurs Methodes qui ne demandent que du temps pour estre mises en estat de servir, par exemple pour aller aux racines du cinquième degré, et autres degrés superieurs ; pour pousser les problemes faits a la façon de Diophante qui jusqu'icy n'ont pas esté assez soumis à l'analyse ; pour avancer la science des nomdres d'une naniere toute nouvelle ; pour reduire les lignes Transcendantes aux ordinaires quand il est possible ; ce qui comprend encor les quadratures indefinies ou communes à chaque segment ; item pour parvenir même aux quadratures speciales ou pour en demonsirer l'impossibilité ; ce qui est bien plus difficile que les quadratures infinies, et encor bien au delà de nostre calcul des sommes et des differences. J'ay même le projet d'une Analyse Geometrique toute nouvelle, entierement differente de l'Algebre, qui sert pro situ exprimendo comme l’Algebre est pro magnitudine exprimenda ; et les calculs y sont des veritables representations de la figure et donnent directement les constructions ; au lieu que la traduction des problemes de Geometrie à l'Algebre, revocando situm ad magnitudinem, est souvenl quelque chose de forcé : tellement qu'il faut de la façon pour mettre le probleme en calcul, et encor plus de façon apres le calcul fini, pour en tirer une construction. Mais dans ce nouPage:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/242 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/243 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/244 donnera moyen de detorminer les valeurs des lettres b, c, f, g, et au bout du compte on trouvera y = -J p* j + j g 3* j 5 "ï 2 3 4 5 6 7 etc‘ commö i’ay expérimenté. Le même se trouvera encor plus facilement, allant aux differenlio-differentielles, et faisant y da*-f-ddy = 0 si da est supposée constante. On pouvoit faire au commencement y = b -f- ca-j- ea* -j- fa3 -j-ga4-f-has etc. mais le calcul même fait voir, que les coefticientes des termes dont l’exposant est pair, peuvent estre posées egales à rien.

Je souhaiterois de vous pouvoir contenter si aisément dans tous les autres points de vostre lettre, mais le mal est qu'il y en a qui demandent bien plus de temps et d'attachement, dont je ne suis pas presentement le maistre. Cependant j'auray soin d'y satisfaire aussi tost qu'il me sera possible. J'adjouteray sur vostre postscriplum qu'il est vray que la regle de Mons. Tschirnhaus est plus embarassée que celle de Cardan, mais si sa methode pouvoit aller aux degrés superieurs, j'en serois le plus content du monde. J'ay dit dans ma precedente ou dans celle que j'ay ecrit au Reverend Pere Malebranche, que je tiens les regles de Cardan pour generales à l'egard de toutes les equations cubiques, et que les grandeurs ne laissent pas d’estre reelles non obstant l'intervention des imaginaires, qui se detruisent virtuellement. Il est vray que ces expressions alors ne servent pas à la construction, mais elles satisfont à l'analyse en donnant purement la valeur de l'inconnue ; et ont tous les autres usages analytiques qu'on peut souhailer de sorte que je serois tres content, si j'en avois de semblables pour les degrés superieurs. Je souhaite pourtant d’en sçavoir vostre sentiment, Monsieur, et je vous supplie de considerer pour cet effect, ce que j'en ay déja ecrit.

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V.
De L'Hospital an Leibniz.

Toutes les veues que vous avez, Monsieur, pour le progres de la Geometrice et de l'analyse me paraissent admirables. Il Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/246 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/247 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/248 la logarithmique les droites EF, EB paralleles a GI, GA, et ayant pris EB egal a EF, je dis que le point B sera à la courbe requise. AIl estvfacile de rendre cette construction generale tel que puisse estre l'angle donné CAI. Je reserve a la premiere fois a vous envoyer la rectification generale de cette courbe qui est assurement plus difficile que celle de la logaritimique et comme je ne suis désia que trop long ce sera aussi pour la premiere occasion que je vous feray part de ma regle pour l'inverse des tangentes et que je vous prieray en mesme temps de vouloir bien m'envoyer la vostre qui je m'assure sera tres belle. Je suis, Monsieur, avec une estime tres particuliere vostre tres humble et tres obeissant serviteur.

À Paris ce 23. avril 1693,

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VI.
Leibniz an de L'Hospital.
Hanover 28. Avril 1693      

Si j'estois aussi capable d'achever des Methodes, que je suis disposé à en projetter, nous irions sans doute bien loin, Monsieur, et je pourrois remplir vostre attente. J'avois conferé autres fois avec feu M. Prestet touchant les imaginaires, il ne paroissoit pas disposé à les admettre dans les expressions. Cependant je m'en trouve bien. Je crois avec vous qu’on ne sçauroit donner aueune expression des racines des equations cubiques, propre à se passer des imaginaires ou impossibles. Car puisque toute racine cubique tirée d’une grandeur possible, comme n, a trois valeurs 3√n, et (1 + √-3) 1/2 3√n, et -(1 - √-3) 1/2 3√n, dont les deux dernieres sont impossibles, donc si la racine de l’equation ne contenoit que des racines cubiques des grandeurs possibles, elle n'exprimeroit jamais trois valeurs possibles. Ce qui est pourtant necessaire, puisque une valeur de l'inconnue de l'equation trouvée sans depression ou exlraction actuelle doit exprimer toutes les valeurs de la racine de l'equation. Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/250 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/251 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/252 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/253 a tout moment par l'abjection du novenaire, ou de l'ondenaire, et neantmoins les harmonies paroistront par tout substituant: 13 pour -11220. En calculant ainsi on trouvera des theoremes et on dressera les tables que j'ay souhaittées. On voit aussi par là une chose que j'ay indiquee deja dans les occasions, c'est que la perfection de l'Algebre depend de l'art des Combinaisons qui est proprement la Specieuse Generale.

Vous n'avés point vouiu toucher à nostre question de Mecanique. Je suis avec passion etc.

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VII.
De L'Hospital an Leibniz.

C'est avec un plaisir sensible, Monsieur, que je recois de vos lettres, j'y trouve toujours de vûes nouvelles auxquelles personne n'avoit encore pensé. La maniere dont vous vous servez de nombres au lieu de lettres dans les equations pour en tirer en suite des regles ou theoremes est tres ingenieuse, et comme l'analyse n’est que l'art d'abbreger les raisonnements et de representer tout d'une vûe a l'esprit ce qu'il ne pouroit apperçoir autrement que par un long circuit, il est certain que les caracteristiques en font la principale partie. Je ne doute pas que celle dont vous vous servez pour exprimer la situation des lignes et des angles et que vous appellez Caraeteristica situs ne contienne quelque chose de tres beau et de tres utile. Vous m'en claircirez d'avantage quand vous le jugerez a propos, je crois avoir oui dire que vous aviez aussi imaginé une espece de caracteristique pour servir a composer des machines de mecanique, cela peut estre d'un grand usage dans cette science qui n'est pas encore arrivée a la perfection.

Il y a deux endroits dans vôtre lettre qui me paraissent recevoir quelque difficulté. Le 1r est conceu en ces termes : « Il me paroist difficile de donner une methode propre a trouver une infinité de segmens egaux a un segment donné d'une courbe algebraique (par segment j'entends une figure comprise d'une droite et d'un arc de courbe). Si cela se pouvoit dans l'ellipse et dans l'hyperbole je crois qu'on y viendroit a des quadratuPage:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/255 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/256 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/257 que si l'on prend d'une part la somme de toutes les vitesses du corps A pendant son elevation a la hauteur d'un pied, et de l’autre celle de toutes les vilesses du corps B pendant son elevation.a la hauteur de 4 pieds, et qu'on les multiplie par la masse de ces corps, on aura de part et d'autre des quantités de mouvement egales. De sorte qu'il sera vrai de dire en ce sens avec les Carlesiens que la mesme force qui se consomme pour elever le corps A à la hauteur d'un pied, se consomme aussi pour elever le corps B à la hauteur de 4 pieds. Enfin il me semble que pour eviter de plus longues disputes on pouroit decider la question par une experience facile. Il faudroit laisser tomber le corps A de 4 # d’un pied de haut sur le bras d'une balance ou levier dont l'autre bras seroit chargé d'un poids appuyé sur un plan horizontal, et qui doit estre tel que le corps A par sa chûte le puisse soulever. On laisseroit tomber ensuite le corps B de 1 # de 4 pieds de haut et on examineroit soigneusement s'il auroit la force de soulever le poids. Pour moi je suis persuadé qu'il ne le pouroit soulever qu'en tombant de 16 pieds. Ce qui feroit voir clairement que le corps A en lombant d'un pied et le corps B en tombant de 16, auroient aquis precisemneunt la mesime force, puisqu'ils produiroient alors le mesme efflet, Je suis tres verjtablement, Monsieur, vôtre tres bumble et res obeissant scrviteur etc.

A Paris ce 15e juin (1693).

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VIII.
Leibniz an de l'Hospital.

Je suis bien aise, Monsieur, que ma maniere de calculer par nombres au lieu de lettres ne vous a point deplu. Chez moy c'est une des meilleurs ouvertures en Analyse. Ce que j'ay pensé pour la caracteristique qui peindroit les machines sans emplover des figures, n'est qu'une suite de la caracteristique de la siluation. Je ne sçaurois deviner qui vous en peut avoir informé. Car je n'en ay gueres parlé, sçachant que la chose ne sçauroit paroistre vraisemblable. Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/259 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/260 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/261 courbes, elle seroit fort à estimer. J'entends des portions comprises de droites et d'une seule courbe.

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IX.
Leibniz an de L'Hospital.
(Im Auszuge).
6/16 Aoust      

Je croy que le R. P. Malebranche a raison de dire que nostre ame ne sçauroit avoir d'autre objet immediat externe que Dieu seul. Cependant je ne voudrois pas dire pour cela que nous voyons tout en Dieu. C'est comme si on disoit que les yeux voyent les objets dans les rayons du soleil. Mais comme ce n'est qu'une dispute sur la phrase, on peut permettre à chacun de s'expliquer comme il le trouve le plus à propos.

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X.
De l'Hospital an Leibniz.
A St. André ce cernier novembre 1694      

Je ne viens que de recevoir, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'ecrire du 16e aoust. La raison de ce retardement est que je suis depuis quelque temps en des terres en Dauphiné eloignées de tout commerce, dont j'ai herité par la mort de Mr. le comte d'Autremonts, oncle de ma femme. Il nous a laissé un bien considerable et fort embarassé ; ce qui m'a jetté dans beaucoup d’affaires qui ne sont gueres conformes à mon humeur, mais auxquelles il faut se donner tout entier pour en pouvoir sortir, et goûter ensuitte Ie repos. C'est ce qui m'a empesché d'entretenir le commerce que vous aviez bien voulu lier avec moi, qui ne pouvoit m'être que tres avantageux. Je n'ai receu aussi depuis fort longtemps qu’une seule lettre de Mr. Hugens qui ne me parle point de ce que vous me mandez. Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/263 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/264 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/265 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/266 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/267 ont pas empesché de vous appliquer à la metaphisique, de sorte qu'on peut dire que vous excellez dans toutes les sçiences, celle ci est bien differente des mathematiques, l'imagination n'y ayant point de part. Au reste je crois qu'on doit vous prier d'inserer dans vôtre livre ce que vous avez trouvé sur la Characteristica situs, ce sera une chose toute nouvelle et qui pourra être fort utile. Je suis avec beaucoup d'empressement, Monsieur, vôtre tres humble et tres obeissant serviteur etc.

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XI.
Leibniz an de l'Hospital.
27 Novembr.[1] 1694      

Un bon heritage vaut mieux que le plus joli probleme de Geometrie, parce qu'il tient lieu de methode generale, et sert à resoudre bien des problemes. Je vous plaindrois, Monsieur, si la Succession que vous venés de recueillir, vous detournoit pour tousjours de vos excellentes meditations, mais comme ce n'est qu'un empechement passager, je vous en fecilite.

Quoyque j'aye dessein de composer quelque chose sur nostre nouveau calcul et autres matieres connexes, sous le titre de la Science de l'infini, je n'y suis pas pourtant fort avancé, et j'ay de la matiere sans luy avoir encor donné aucune forme. Ainsi cela ne vous doit point empecher de publier ce que vous avés projetté ; et puisque le R. P. de Malebranche a tiré de vous un écrit, dont vous luy avés laissé la disposition, et qu'il a dessein de faire imprimer, je n'ay garde de le vous dissuader et bien loin de cela je me joindrois à ce pere, pour en obtenir la permission, si elle n'avoit pas esté déja donnée. Outre le profit que le public en retire, et qui revient aussi par consequent à moy, je trouve que l'honneur que vous me faites, en voulant bien qu'on croye que mes pensées ont donné occasion à quelques unes des vostres est d'autant plus estimable, qu'il vient d'une personne dont le temoignage peut donner du prix aux Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/269 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/270 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/271 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/272 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/273 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/274 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/275
XII.
Leibniz an de l'Hospital.

Je vous avés écrit il y a quelques semaines pour lever les scrupules que vostre honnesteté vous avoit naistre sur la publication de vos belles decouvertes et meditations Geometriques. Et j'avois adjouté quelque essay de mes methodes de l'inverse des Tangentes. Cet essay donnoit une solution generale de la formule dy:dx = v + wy de quelque maniere que les grandeurs v et w soyent données par x, et je voy qu'on le peut pousser plus avant. Cependant comme nous ne sommes peut estre pas encor tout a fait estat de donner tousjours des solulions si generales, il sera bon de donner la Methode de determiner, s'il est possible que la ligne demandée est ordinaire ou Algebraique ; et c'est à quoy cette methode nous mene tousjours par une voye asseurée. Mais comme je ne suis pas à present en estat de travailler et ne trouve personne dans ces pays qui m'y puisse aider, j'ay cru qu'on en trouveroit plus aisement à Paris et que vous pourriés et voudriés bien me procurer quelque assistance, puisqu'il y a apparemment chez vous des gens capables de calculer qui ne le refuseroient pas. Comme en effect je ne ferois aucune difficulté de payer leur peine, c'est ce que j'ay deja insinué dans ma precedente.

Il s'agit donc generalement de reduire les equations differentielles aux ordinaires, si cela est possible. Commençons par les plus simples, ou il s'agit des quadratures, c'est à dire ou l'une des differentielles se trouve sans sa grandeur absolue. Et au lieu de dy:dx mettons maintenant e:a, or l'affaire est vuidée lorsqu'il y a e + 11 = 0 supposé que le nombre 11 signifie une formule rationelle donnée par x. J'appelle rationelles, ou l'indeterminée x n'entre pas dans le vinculum. Allons maintenant au cas suivant ou il y a ce + 11e + 12 = 0 (1). Il s'agit de trouver yy + 21y + 22 = 0 (2) car il est aisé de demonstrer qu'il est impossible que la grandeur y puisse monter plus haut que celle d'e. Je me sers des nombres au lieu des lettres parce que la note dextre me fait observer la loy des homogenes et la sinistre pour discerner les quantités qui sont icy données ou cherchées. On peut pourtant se servir des lettres lorsque le nombre n'est pas fort grand, comme en effect il ne l'est pas Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/277 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/278 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/279 cas possibles ; puisqu'en mettant quelques nombres egaux à 0, d’autres cas y seront compris. Et la Table des Theoremes donnera la regle generale pour la resolution de ce degré ; autant qu'il est possible de faire par les ordinaires.

On pourra se servir de la même Methode des irrationelles lors qu'on ne passe pas e^3, ou e^4 et qu’y aussi par consequent ne passe pas y^3 ou y^4, parce qu'on peut tousjours tirer les racines des equations cubiques ou quarre-quarrées. Et cela nous peut suffire, car on a peu besoin des courbes quadratrices plus hautes. Mais si on vouloit aller plus loin, on pourrait revenir à la methode que j'ay exposée au commencement de cette lettre. Ce qui est bon aussi pour resoudre l'inverse des Tangentes dans les ordinaires. Il est vray qu'il y à d'autres voyes pour parvenir aux Solutions transcendentales, mais je n'en suis pas encor assez le maistre. Je ne crois pas, Monsieur, de vous avoir decouvert beaucoup de nouveautés, car vostre penetration va bien loin. En tout cas vous voyés ma bonne volonté, et je m'assure que si vous trouvés des personnes propres à m'assister dans le detail, vous serés bien aise de le faire pour l'avancement de la Science. Je suis avec zele etc.

    P. S.

Il auroit esté plus à propos dans l'equation (1) de faire e = g√ah : aa, parcequ'il peut arriver, que ce qui est compris sous le vinculum, soit un produit d'une formule extrahible, ainsi au lieu de l'equation (3) il y aura 2hadq + qadh = 2gh(dx), et pour former le canon, il faudroit aussi changer g donnée en k:n. Mais enfin tout revient à la même methode et le calcul monstrera le plus commode.

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XIII.
Leibniz an de l'Hospital.
A Hanover 8/18 Fevr. 1695      

Voicy, Monsieur, la troisième lettre sur le calcul des differences par formules generales. Et comme j'avois commencé un essay dans ma precedente, qui sera propre à donner generalePage:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/281 est visible qu' m seroit divisible par t^2 et par consequent contiendroit quelque chose d'extrahible, car √m seroit t√(????), ce qui est contre nostre hypothose faite avant l'equation (1). Donc dm et m sont premiers entre eux, comme il est enoncé par l'article (14). Donc ndm:m (15) estant entier par l'equation (4) il faut que la demandée n soit divisible par la donnée m (16) et il faudra prendre pour n une formule rationelle divisible par m. Soit donc n = mr (45), et au lieu de l'equaion (4) nous aurons dn + 1/2 rdm = x^? (18), ce qui es le canon general et apres cela il ne reste que de prendre pour r (puisque m est donnée) une formule generale rationelle, entiere, indeterminée, finie, comme 10 + 11x + 12xx etc = r (19) la quelle estant substituée dans l'equation (17) et (18) il faudra que tout se detruise dans (18) à peu pres comme dans ma methode des series infinies. Ce qui donnera la valeur des coefficientes constantes 10, 11, 12, etc. et montrera en même temps jusqu'à ou il faudra aller dans (18), et ce qui sera possible par les ordinaires, pour resoudre l'equation (1) par (2). Et on se servira de semblables considerations fondées sur la nature des rationelles et entieres, pour abreger les calculs encor en d'autres rencontres. Mais il s'entend icy que lors qu'il est parlé des rationelles et entieres, il suffit, que la lettre x dans les formules soit hors du vinculum et du denominateur, et il n'importe point si les coefficientes constantes sont sourdes ou rompues. Et en cela cette methode a de l'avantage sur celle de Diophante, dont elle emprunie le secours.

Si m estoit irrationelle et valoit par exemple f + √g en sorte que √m seroit une racine universelle, cette methode ne laisseroit pas de servir. Elle servira encor pour les racines cubiques ou autres plus hautes.

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XIV.
De l'Hospital an Leibniz.

J'ai receu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire du 27. decembre. Ce qui m'a empesché d'y faire Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/283 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/284 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/285 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/286 somme de deux quarrez en entier, il ne scauroit estre la somme de deux quarrez en fraction. Ce qui doit aussi s'entendre des nombres en fraction dont le denominateur est un quarré en regardant le numerateur comme un nombre entier etc. Il paroit par une lettre que Monsieur Leibniz a publiée, qu'il seroit bon de l'informer aussi de plusieurs autres Methodes qui ont paru en ces pais icy. Mais comme je ne sçais pas s'il trouveroit bon que je luy en envoye un Memoire, ci que je n'oserois risquer de vous fatiguer sur cela, je n'en diray pas davantage que je n'aye eu l'honneur de vous voir.

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XV.
Leibniz an de l'Hospital.

Je vous suis d'autant plus obligé de vostre lettre, que vos occupations vous laissoient moins de loisir pour m'écrire. Je n'ay garde de vous demander cette assistance, que je croyois pouvoir trouver par vostre entremise dans quelque personne qui y auroit esté propre à Paris, quand même la chose auroit demandé quelque depense. Mais je voy bien qu'il y a peu d'apparence. Ainsi je remettray la partie à un temps ou je me trouveray plus capable de travailler moy même. Je diray autant des deux lettres que je vous ay envoyées ensuite toutes deux adressées ou R. P. de Malebranche. Cependant je seray bien aise d'en apprendre vostre sentiment.

En donnant la methode des Differences dans vostre écrit, vous donnerés, Monsieur, la Methode des sommes virtuellement, et en effect je ne distingue pas ces deux calculs. Ainsi vostre écrit sera plus qu'une introduction et j'espere d'en faire profit moy même ; le mien ne sera pas en estat de paroistre si tost, si ma santé ne devient meilleure. Il ne sera point necessaire aussi, que vous vous borniés aux seules differences puisque, leur calcul est le même avec celuy des sommes, l’un estant seulement reciproque de l’autre. Par exemple j'ay trouvé comme x-1 est = 1:x que de même d-1x = ∫x. Par exemple, ayant trouvé Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/288 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/289 qu'il retournoit à Lion et, suivroit je crois la profession de marchand ; par malheur j'ay oublié son nom. Je ne sçay s’il aura quitté ces etudes entierement. M. Renaud a t-il repliqué à l'écrit de M. Hugens, mis dans l'Histoire des ouvrages des Sçavans. N'y a t-il rien de M. Sauveur ? M. Hugens me mande qu'il publiera un traité philosophique. J'en suis ravi. Peut estre que j'en donneray aussi un jour quelque chose, et particulierement l'explication de l'unité de l'action mutuelle et communication des substances aussi bien que de l'union de l'ame et du corps ; et cela en peu de mots dans un journal.

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XVI.
De l'Hospital an Leibniz.
A Paris le 25e avril.      

J'ay receu trois de vos lettres, Monsieur, auxquelles je dois reponse, il y en a deux qui m'ont été renduës par le R. P. Malebranche. Je vous demande mille pardons de n'y avoir pas fait reponse plustost, mais deux proces que j'ai presentement ne me laissent point le loisir de m'appliquer aux sçiences, surtout à celles qui demandent beaucoup d'application et un esprit libre. Je vous dirai seulement en gros que vos methodes pour l'inverse des tangentes et les quadratures me paroissent tres generales et fort belles, mais je crains, que le calcul ne soit long et difficile, et qu'il ne demande même souvent la vûe de celui qui les a inventées pour eviter plusieurs difficultez qui peuvent naître dans la comparaison des termes. Je souhaierois extremement de trouver ici quelqu'un qui fust capable de vous aider et j'y donnerois avec plaisir mes soins, mais cela est plus difficile que vous ne pensez et nous sommes ici fort denuez de ces sortes de gens. Si vous pouviez avoir quelqu'un aupres de vous, cela seroit beaucoup mieux et en verité il me semble qu'un homme comme vous qui a fait tant de belles decouvertes et qui est rempli de vûes si importantes pour l'art d'inventer meriteroit bien d'être soulagé.

Vôtre maniere pour trouver les rayons des cercles baisans est tres courte et tres ingenieuse. Il me semble qu'elle ne sert Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/291 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/292 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/293 Mr. Bernoulli le medecin m'a mandé qu'il avoit proposé le probleme qui suit : trouver la courbe (fig. 54) AB qui soit telle que le poids B en descendant le long de cette courbe la presse par tout avec la même force centrifuge ; ou ce qui revient au même, trouver la courbe DC telle que le poids B que l’on conçoit la developper en tombant par sa pesanteur tire par tout le fil BC avec la même force. Je trouve que la ligne AB a pour equation differentielle yydy - aady / √(2yy - aa) = a dx (AE = x, EB = y), d'ou il est facile de voir que cette courbe depend de la quadrature de l’hyperbote ou de la rectification de la parabole. Je suis, Monsieur, avec beaucoup d'estime etc.

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XVII.
Leibniz an de l'Hospital.
13/23 Mai. 1695.      

Je vous remercie des pieces de Mons. Renaud contre M. Hugens. Les prejugés ou presomtions sont pour M. Hugens, et j'aimerois tousjours mieux de parier pour luy que pour un autre. Cependant il faudroit estudier la matiere à fonds, et lire la theorie même de la Manoeuvre, pour juger avec connoissance de cause. J'ay cette theorie, mais je ne l'ay pas encor lûe avec assez d'attention, et je le differe jusqu'à ce que je me mette à achever mes dynamiques, pour ne faire la même chose deux fois.

Si je pouvois trouver un jeune homme d'une esperance extraordinaire et d'une curiosité un peu etendue, ce seroit mon fait, et je pourrois peut estre luy procurer même quelque avantage, mais il est rare d’en trouver et en Allemagne autant et peut estre plus qu'ailleurs. Si la hazard vous en presentes ou vos amis, vous aurés la bonté de vous souvenir de moy.

Je serai bien aise de voir la Methode dont vous vous estes servi, Monsieur, pour les rayons des cercles baisans. Celle que j'ay employée est une suite de cette espece du calcul differenliel ou les coordonnées sont considerées comme indifferentiables. Et vous jugés bien qu'il n’est pas difficile de l'appliquer, soit qu'on considere les ordonnées comme paralleles ou comme conPage:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/295 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/296 me manque. J'espere que vostre ouvrage dont vous m'avés parlé sera maintenant sous la presse. Mons. de Tschirnhaus vient de publier une seconde edition de son Medicina Mentis, où il a omis les paroles, que M. de la Hire en cite. Il donne aussi pag. 400 et 404 une maniere de determiner les tangentes par les foyers, que j'en ay fait copier, pour vous l'envoyer. La vostre que vous m'envoyates un jour, estoit non seulement plus courte et plus reglée, mais encor plus generale ; puisqu'elle n'estoit pas seulement pour les puissances, mais encor pour les combinaisons des lignes ou de leur puissances entre elles. Ainsi vous me feriez une faveur, Monsieur, en me communiquant la demonstration ou l'origine. Et pag. 107 il pretend donner une table de toutes les courbes Algebriques. Mais je ne sçaurois comprendre comment elle puisse estre suffisante, par exemple pour le troisieme degré il donne les courbes suivantes y3 = x, y3 = xx, y3 = x+xx, y3 = x+x3, y3 = xx+x3, y3 = x+xx+x3, et ainsi dans les autres degrés. Mais je ne crois pas qu'on puisse tousjours oster tous les termes ou y se trouve hors le supreme. Quant à ce que M. Fatio Duillier a corrigé dans la premiere mamere de M. Tschirnhaus de donner les Tangentes par les foyers, il dit, qu'il y a eu une erreur dans la figure de sa premiere edition.

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XVIII.
De l'Hospital an Leibniz.

Je crois, Monsieur, que vous aurez receu ma derniere lettre dans laquelle je repondois aux dernieres que vous m'avez fait l’honneur de m'écrire. Je vous y envoyois les ecrits de Mrs. Hugens et Renaud touchant leur dispute. Je vous envoye à present la derniere reponse de Mr. Hugens qui m'a eté rendue depuis peu par un homme de ses amis afin qu’étant instruit a fonds de toutes leurs raisons vous puissiez decider cette dispute ; qui me paroist d'importance pour la marine et phisique.

J'ai vû depuis peu les Actes de Leipsic du mois d'octobre, ce qui m'a donné occasion de composer un petit ecrit que je prends la liberté de vous envoyer, et de vous prier en même Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/298 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/299
XIX.
Leibniz an de l'Hospital.
Hanover ce 14/24 Juin 1695.      

Je ne doute point, Monsieur, que vous n'ayiés receu celle que je me suis donné l'honneur de vous écrire ou j'avois joint un extrait de la nouvelle edition de la Medecine de l'Esprit de Mons. Tschirnhaus. Maintenant je n'ay point voulu manquer de vous donner avis de la reception de la vostre, et du soin que j'ay eu d'envoyer à Leipzig, ce que vous y avés inseré pour les Actes qu’on y publie. Vos constructions sont tres simples et l'adresse avec laquelle vous les avés obtenues est singuliere. Il n'est que trop vray qu'on s'enfonce aisement dans les grands calculs, quand on neglige de preparer les figures.

Vostre construction de la courbe propre à l'elevation d'un pont levis est dans les Actes du mois de fevrier de cette année. Mais la generale n'y est pas, car je me souviens que Mr. Jean Bernoulli m'ecrivit, que vos seconds ordres n'estoient arrivés, que lors qu'il avoit deja envoyé le probleme avec les solutions a Leipzig. Il vous en aura rendu compte sans doute, luy mème vous honnorant comme il temoigne de faire et avec raison.

Il semble aussi a moy que M. Renaud prend le terme de la Force un peu autrement qu'à l'ordinaire, et comme cela fait naistre des equivocations, je seray obligé de lire un jour son livre avec application pour dechifrer son sens, et pour trouver en quoy il aura manqué.

Je viens de recevoir deux livres qu'un mathematicien de Hollande, nommé Monsieur Bernard Nieuwentiit vient de faire impriner et m'a envoyé exprés. Il se plaint de vous, Monsieur, de Messieurs Bernoulli, et de moy, parceque nous employons nos raisonnemens fondés sur le Calcul de differences, sans avoir donné des demonsirations de nos principes. Il croit même que de nostre calcul s'ensuit, que lorsqu'on prend les differences des abscisses x egales, celles des ordonnées y et des courbes ou arcs c le devroient estre aussi. Il passe encor plus avant, et blâme quasi tous les Mathematiciens qui ont raisonné sur ces matieres ; parce qu'il n'ont point distingué infinite parvum a Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/301 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/302 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/303 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/304 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/305 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/306 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/307 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/308 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/309 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/310 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/311 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/312 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/313 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/314 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/315 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/316 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/317 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/318 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/319 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/320 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/321 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/322 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/323 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/324 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/325 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/326 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/327 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/328 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/329 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/330 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/331 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/332 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/333 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/334 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/335 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/336 livre en mettra quelques uns dans ce train là quoi qu’il y en ait encore d’assez opiniatres pour pretendre que l’on peut tout faire par les methodes anciennes.

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XXXV.
Leibniz an de L’Hospital.
Hanover ce 15/25 Mars 1697      

Vous aurés receu, Monsieur, celle que je me suis donné l’honneur de vous écrire dernierement pour marquer que j’ay vû vostre solution du probleme de M. Jean Bernoulli qu’il n’a communiquée. Il y trouvoit quelque difficulté, mais il se repondoit luy même, et je l’y ay fortifié.

Je luy envoyay aussi mon sentiment sur le calcul de M. Sauveur, ou je trouvay effectivement de la penetration et du genie. Mais comme il n’a pas encor assez approfondi nos methodes, je ne m’etonnois point qu’il avoit pris le change. Outre qu’il avoit cherché tout une autre ligne, je trouvay deux defauts contre nostre methode infinitesimale, l’un qu’il faisoit des differences du second, l’autre qu’en cherchant le Moindre il ne faisoit pas un denombrement parfait de tous les cas parmy lesquels il faut choisir. Les points dont il ne choisit qu’un, tombent tous dans une même ligne droite. Je ne laisse pas de fort estimer M. Sauveur. Il me semble d’avoir là dans un vieux Journal des Sçavans qu’il avoit fait quelque chose sur la bassette que je souhaiterois de voir un jour aussi bien que s’il a donné quelque autre chose au public. Quand j’estois à Paris je connoissois un jeune homme de Lion, dont le P. des Chales m’avait donné la connoissance qui me parut tres avancé dans la geometrie profonde, et tres capable d’aller loin. Mais il quitta Paris et temoigna de vouloir songer à autre chose. De quoy je fus faché. Car un dessein estoit de la faire connoistre et j’aurois peut eslre reussi à son avantage. La main de M. Sauveur (que M. Bernoulli m’envoya) me parut approchante de celle de ce jeune homme de Lion. Neantmoins je ne crois point que ce fait le même. Et cependant j’oserois vous supplier, Monsieur, de luy temoigner dans l’occasion que ce que j’ay vû Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/338 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/339 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/340 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/341 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/342 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/343 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/344 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/345 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/346 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/347 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/348 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/349 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/350 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/351 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/352 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/353 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/354 Page:Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/355 qu’il est, de continuer ainsi au delà de l’ordinaire que M. de Pontchartrain a fixé heureusement. Ainsi quand je saurais quelque personne qui m'accommoderait pour pousser des recherches utiles, je n’oserois point faire à son avantage des propositions qu’on pourroit faire raisonnablement dans un autre temps, et que vous, Monsieur, avec M. l’Abbé Bignon, auriés peutestre pousées alors. La Machine de M. Pascal est d'une invention très ingénieuse, mais l’effect en est très petit, quand même on y adjoule la rhabdologie comme Grillet a fait apres Mons. Morland. S’il n’y avoit que cela, je ne prendrois pas la peine d’y penser apres M. Pascal. Mais Mons. Perrier, neveu de ce grand homme, voyant mon échantillon à Paris, en reconnut et publia sincèrement la différence. Car en un mot, il n’y a presque aucun rapport : et toutes les additions et soustractions auxiliaires de la multiplication et division se font icy sans qu’on y pense.

Vous avés eu plustost que moy, l’Analyse de M. Bernoulli de Bâle, qui est bonne ; mais qui ne me paroist pas la meilleure qui se puisse, car on n’a point besoin d’aller descendre jusqu’aux troisièmes différences. Son frère voudrait se soumettre au jugement de l’Academie Royale de Sciences à Paris, pourveu qu’on dépose l’argent en question. La lettre de l'ainé contenoit des choses très capables de reveiller l’animosité du cadet ; mais j’ay fait tout ce que j’ay pû pour l'arrester, et je voudrois qu’il y eut moyen de finir cette querelle.

J’ay oublié de dire à l’egard de l’usage des diadiques [binaires], que les périodes tres simples dans les plus hautes puissances ou leur sommes, font esperer des grands abrégés de practique, ressemblans en quelque façon à ceux des Logarithmes. Ayés la bonté de temps en temps de m’informer de vos progrès, qui ne scauroient manquer d’estre importans, et croyés que je seray tousjours parfaitement etc.

P. S. On me demande si M. Cassini a encor corrigé ou adjouté quelque chose aux Tables des Satellites de Jupiter. Ce personnage dont vous parlés, Monsieur, paroist très capable de faire quelque chose de son chef et tres porté (comme il a témoigné et comme vous semblés remarquer), à ne faire que ce qu’il puisse dire n’estre venu que de son fonds.

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  1. Muss heissen: 27 Decembr. Siehe den Brief de l'Hospital's vom 2. März 1695.